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peuple - Page 4

  • Le temps des gens ordinaires ?...

    Les éditions Flammarion viennent de publier un essai de Christophe Guilluy intitulé Le temps des gens ordinaires. Géographe, Christophe Guilluy est l'auteur d'essais importants et très commentés, Fractures françaises (Flammarion, 2010), La France périphérique (Flammarion, 2014), Le crépuscule de la France d'en haut (Flammarion, 2016) et No society (Flammarion, 2018).

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    " A la une du New York Times habillés d'un gilet jaune, poursuivis par les journalistes britanniques à l'occasion du Brexit, fêtés comme des héros pendant la crise sanitaire, redevenus des sujets d'études pour les chercheurs, de nouvelles cibles du marketing électoral pour les partis, les gens ordinaires sont de retour. Les " classes populaires ", le " peuple ", les " petites gens " sont subitement passés de l'ombre à la lumière. Les " déplorables " sont devenus des " héros ". Cette renaissance déborde désormais des cadres du social et du politique pour atteindre le champ culturel. De Hollywood aux rayons des librairies, la culture populaire gagne du terrain. Ses valeurs traditionnelles, - l'attachement à un territoire et à la nation, la solidarité et la préservation d'un capital culturel - imprègnent tous les milieux populaires. Jack London usait d'une métaphore pour décrire la société de son temps : la cave et le rez-de-chaussée pour les plus modestes, le salon et les étages supérieurs pour les autres. Et si, aujourd'hui, plus personne ne voulait s'inviter au salon ? Sommes-nous entrés dans le temps des gens ordinaires ? "

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  • Saturation de l’idéal démocratique, émergence d’un idéal communautaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Maffesoli, cueilli sur Le Courrier des stratèges et consacré à l'émergence de nouvelles formes politiques liées  à l'idéal communautaire. Penseur de la post-modernité, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019) ou, dernièrement, La faillite des élites (Lexio, 2019).

     

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    Saturation de l’idéal démocratique, émergence d’un idéal communautaire

    Ce que l’on oublie, par trop souvent, dans la réflexion sur le politique, la gestion de la cité, c’est la distinction entre pouvoir et puissance. Pour le dire vite, le pouvoir est institué, c’est l’organisation du vivre ensemble, la puissance est instituante. Elle est ce qui donne corps et sens à la vie sociale, elle est ce qui fonde l’être ensemble.

    Selon les moments de l’histoire, le rapport entre le pouvoir et la puissance populaire qui le fonde et lui sert d’assise prend des formes différentes, liées à l’imaginaire de l’époque, à la manière dont les hommes se représentent leur destin commun.

    Qu’appelle-t-on la saturation des valeurs ?

    Ces conceptions différentes de la vie sociale se succèdent, non pas par ruptures brutales, mais par un processus progressif de lente saturation des valeurs d’une époque pendant qu’émergent de nouvelles valeurs.

    C’est ainsi qu’à partir du siècle des Lumières et de la Révolution française s’était mise en place une conception de la cohésion sociale fondée d’une part sur un principe individualiste, chaque individu est une entité autonome  (suivant sa propre loi, disposant de son « libre arbitre ») et d’autre part une forme de collaboration essentiellement juridique : le contrat social. Ma liberté individuelle s’arrête là où elle empêche l’expression de la liberté individuelle de l’autre.

    La démocratie étant la forme politique de cette conception du monde. C’est ce que cette grande dame de la pensée, Hannah Arendt appelle « l’idéal démocratique ». A un ensemble de « représentations » philosophique correspondait une « représentation » politique . Le pouvoir était délégué par les individus à des institutions élues ayant pour but d’organiser la gestion du territoire, la vie commune, la cité.

    Car l’organisation du pouvoir est étroitement lié à la conception du lien social, de ce qui lie les personnes entre elles, de ce qui fait cohésion sociale, je dirais même de ce qui fait socialité.

    Montée de l’hétéronomie post-moderne

    Dans la modernité, le lien entre individus autonomes se fait donc par le biais juridique du contrat social. Dans la postmodernité par contre, il n’y a pas d’autonomie individuelle, chaque personne se définit par rapport à diverses appartenances communautaires, ce que j’ai appelé, il y a plus de trente ans, le « tribalisme ». Il n’y a plus d’unité figée d’un individu, mais des identifications multiples selon les moments et les lieux à différentes communautés . En bref à l’autonomie (« autonomos » : je suis ma propre loi) succède l’hétéronomie (la loi c’est l’autre qui me la donne) . Tout un chacun étant dés lors tributaire de la communauté (ou des communautés) où il est inséré.

    Le fait que l’individu soit autonome ou au contraire dépendant de l’autre, l’autre de sa tribu ou des autres tribus va structurer des conceptions du pouvoir différentes. Dans un cas, la modernité, le pouvoir va être délégué par les individus à différentes instances élues, mandatées pour appliquer tel ou tel programme, pour exprimer telle ou telle conception de la société. Au contraire dans la postmodernité naissante, c’est à dire dans une société tribalisée, constituée de multiples communautés [1], cette forme de délégation du pouvoir ne fonctionne plus. Les masses fragmentées, éparpillées en diverses tribus ne se sentent plus représentées. Les individus ne s’identifient plus à un modèle unique, transcendant toute leur vie économique, sociale, spirituelle, mais sont eux-mêmes ceci et cela, celui-ci et celle-là, selon les occurrences quotidiennes.

    Dès lors le modèle politique de la démocratie représentative ne permet plus le lien entre la puissance et le pouvoir, entre l’instituant et l’institué. L’institué, le pouvoir, les élites (ceux qui ont le pouvoir de dire et de faire) de quelque nom qu’on les appelle ne sont plus pertinents. Ils sont des figures mortes, des représentants  d’institutions abstraites . Ce qui implique ce que Vilfredo Pareto nommait, justement, la fameuse « circulation des élites » !

    Puissance populaire et idéal communautaire

    Mais cette puissance populaire, cette volonté commune de faire corps, d’éprouver ensemble un destin commun et d’y faire face n’est pas morte, elle. Elle va chercher d’autres formes d’expression, d’autres formes de rassemblement. L’accent étant mis, dés lors, sur le partage de communions émotionnelles, de vibration communes. Ce que l’on appelle, en terme plus soutenu : la syntonie .

    Alors que dans la forme démocratique l’émotion commune est en quelque sorte projetée dans un objectif lointain, (un pro-jet), un avenir à construire, une société parfaite pour demain, dans la forme émergente de l’idéal communautaire [2] la communion est immédiate et présente. Les émotions communes, l’éprouver ensemble, l’esthétique (« aisthesis » en grec, c’est éprouver ensemble des émotions, des passions …) se vivent ici et maintenant. Non plus l’attente d’une « éternité » dans une société parfaite à venir, mais le désir de vivre dans ce que j’ai appelé « l’instant éternel ».

    Et c’est bien ainsi que l’on retrouve un autre rapport entre le politique, l’organisation de la cité et la proximité, le fait d’être-ensemble en un lieu. En témoigne la fin des oppositions partisanes, au profit de clivages plus subtils, entre les tenants d’une gestion bureaucratique des compétences croupions des petites communes et  ceux qui souhaitaient incarner au jour le jour une gestion de proximité, non pas pour les habitants, mais avec eux. Non pas un catalogue de promesses, mais l’ouverture sur une série d’expériences communes, ici et maintenant.

    En quoi consiste l’idéal communautaire

    Car si dans l’idéal démocratique, c’est le temps qui détermine l’être- ensemble, on dépasse ensemble le passé et on construit ensemble un avenir, dans l’idéal communautaire, on est ensemble, ici et maintenant, en intégrant le passé (la Tradition) et en vivant, au jour le jour un avenir qui est destin commun. Ce n’est plus la flèche de l’Histoire en marche, mais la spirale où le présent gros du passé assure de l’avenir. Ce n’est plus le « progressisme » qui va prédominer mais bien la « progressivité ». Et l’être ensemble ne se construit pas par la projection dans l’avenir, mais par le fait d’être ensemble dans un lieu donné . Le lieu fait lien. Internet aidant, ce lieu territoire géographique, pourra être démultiplié en plusieurs lieux, plusieurs sites, réels ou virtuels.

    La proximité n’est plus ce que Michel Foucault nommait « l’assignation à résidence », ce n’est plus non plus l’assignation à identité. Elle se démultiplie en de multiples moments de vie commune et en « identifications » multiples. Et c’est ce ballet entre diverses tribus qu’il revient à de nouvelles formes politiques de réguler sinon d’organiser.

    A chaque changement d’époque l’on voit un profond désarroi naître de la dichotomie existant entre l’institution et le peuple. Quand le peuple ne se reconnaît plus dans ses institutions, il fait sécession (secessio plebis).

    Les élections municipales et la sécession du peuple

    C’est exactement ce que nous montrent les résultats des élections municipales. Ce qui est frappant ce n’est pas tant la vague verte, vague sur laquelle surfent quelques tribus bobos en mal de pouvoir, mais l’énorme désintérêt populaire pour ces élections locales. Ni les partis traditionnels, ni les pseudo-nouvelles formes de représentation, les ni droite ni gauche de LREM ni même l’écologie politique ne peuvent prétendre à représenter et à plus forte raison à rassembler les diverses composantes d’une République Une et Indivisible. Ce qui est en gestation étant une autre conception de la « Res publica » : une république en mosaïque.

    Quand le pouvoir et la puissance sont entièrement déconnectés, quand les institutions ne sont plus innervées par une énergie commune, par la puissance populaire, quand les élites sont totalement distantes de la base, il faut trouver de nouvelles formes de gestion de la cité.

    Il faut noter d’ailleurs à cet effet, que dans quelques rares communes de moins de 1000 habitants, dans lesquelles l’équipe sortante n’a pas été reconduite au premier tour, s’étaient manifestées des équipes soucieuses de faire renaître leur village par des projets collaboratifs et des formes de participation innovantes. Las, les manœuvres de politiciens aguerris, usant des diverses ficelles de la vie démocratique moribonde ont empêché de telles expériences.

    Mais, qu’il s’agisse des villes à forte abstention ou des villages où les caciques du pouvoir se sont cramponnés à leurs privilèges, les formes d’être ensemble se détermineront progressivement dans de multiples expériences communes : dans des soulèvements populaires, sur le modèle des premiers gilets jaunes ou de diverses manifestations n’ayant d’autre objet que de se rassembler. Mais également, au jour le jour et dans différents territoires de proximité, des manifestations de solidarité, d’entraide, des rassemblements festifs, des initiatives de rencontres.

    N’est plus acceptée une politique imposée d’en haut, une politique ayant la vérité et menant le peuple vers un but défini par des élites en déshérence. Non pas une politique paranoïaque, mais une politique métanoïaque. Non pas au-dessus, mais avec. Non pas la loi du Père, mais la loi des frères.

    Ce sera cela la gestion de la maison commune, la sagesse commune, ce que j’ai appelé Ecosophie.

    D’un point de vue historique, on pourrait rappeler le modèle de l’empire romain. Pax romana c’était l’organisation sur un très grand territoire des fonctions de mobilité (routes et aqueducs), d’un culte commun dans une acceptation relativiste d’une diversité de croyances, de modes de vie etc.

    Nul ne peut prédire les formes que prendront les institutions qui naîtront de ces formes nouvelles et émergentes d’être ensemble. Sans doute y aura-t-il de nombreux soubresauts et d’affrontements entre pouvoirs moribonds. Ce que l’on peut dire par contre est que ces nouvelles formes politiques, ces formes d’une politique transfigurée, se lisent, au jour le jour, au plan local, dans la proxémie quotidienne.

    C’est cette esthétique quotidienne que doit peu à peu formaliser un politique en adéquation avec l’époque postmoderne. 

    Michel Maffesoli (Le Courrier des stratèges, 9 juillet 2020)

     

    Notes :

    [1] Nombre d’observateurs ont « découvert » récemment cette réalité d’une France (je dirais d’une société européenne, occidentale et asiatique) fractionnée, fragmentée, « archipellisée ». Des appartenances multiples, des croyances diversifiées en différents syncrétismes. Bref, ce que j’analysais, dés 1988, dans mon livre , Le temps des tribus, le déclin de l’individualisme dans les sociétés de masse. (1988, 4ème édition, La Table ronde, 2019). Analyse reprise, ad nauseam, par ces fameux « experts » médiatiques, tout simplement, des plagiaires. La sagesse populaire le sait bien : on a tort d’avoir raison trop tôt !

    [2] Cf. Michel Maffesoli et Hélène Strohl : La faillite des élites, éditions du Cerf, 2019

     
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  • Déconfinez-vous avec : ... Un jour de colère, d'Arturo Pérez-Reverte !

    Avec le déconfinement qui vient, approche le moment des bilans. Face à la catastrophe qui s'annonce, l'heure de la colère va peut-être sonner...

    Et la colère d'un peuple peut être terrible comme le raconte avec brio Arturo Pérez-Reverte dans Un jour de colère, disponible aux éditions du Seuil dans la collection Point. Journaliste et écrivain espagnol, Arturo Pérez-Reverte est l'auteur de nombreux romans, parmi lesquels on peut citer Le peintre des batailles, le cycle du Capitaine Alatriste ou celui de son nouveau personnage Folco.

     

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    " Le 2 mai 1808, le soulèvement populaire de Madrid contre les troupes napoléoniennes marque le début d'une guerre qui va durer six ans.

    Ce récit n'est ni une fiction ni un essai mais la relation minutieuse, heure par heure, des événements vécus par tous les protagonistes de cette journée historique. Soldats, artisans des quartiers de La Paloma, de Lavapiés, du Rastro, hommes, femmes et enfants armés d'escopettes, de ciseaux, de couteaux de cuisine, de haches, de houes, de burins, s'insurgent contre l'occupant et affrontent sauvagement la plus puissante armée du monde. Leurs noms sont ceux qu'a retenus l'Histoire, leur rôle et leurs actions tels qu'ils figurent dans les rapports militaires, les mémoires et les archives. Pour ce livre, dont le véritable personnage est le peuple de Madrid, Arturo Pérez-Reverte a mené un travail de recherche remarquable n'autorisant son imagination qu'à cimenter entre elles ces centaines d'histoires individuelles et véridiques afin de redonner vie aux héros anonymes et obscurs des gravures et dessins de l'époque, victimes d'une tragédie inscrite à jamais dans l'histoire de l'Espagne. "

     

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  • Maffesoli : « L’ère des soulèvements populaires arrive… »

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Maffesoli, cueilli sur Le Courrier des stratèges et consacré au changement d'ère que nous vivons. Penseur de la post-modernité, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019) ou, dernièrement, La faillite des élites (Lexio, 2019).

     

     

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    Maffesoli : « L’ère des soulèvements populaires arrive… »

    Le familier des promenades en montagne ne manque pas de remarquer que les beaux lacs ponctuant les hautes vallées alpines sont on ne peut plus calmes en leur surface. Mais leurs bas-fonds sont animés par de constants grouillements. De temps à autre ces derniers apparaissent à l’extérieur sous formes de bulles géantes troublant la quiétude du lac. Bulles aussi soudaines qu’éphémères. Disparaissant, en effet, pour renaître plus tard quand le grouillement intérieur se fait à nouveau trop pressant !

    Voilà une image qui permet de comprendre les soulèvements qui, actuellement, troublent la vie de nos sociétés. Il s’agit bien, en effet, de bulles explosives, appelées à se renouveler, en ce qu’elles expriment le grouillement, à la fois profond et violent, animant une société officieuse ne se sentant plus du tout « représentée » par la société officielle ayant le pouvoir institutionnel. D’où l’ambiance insurrectionnelle caractéristique de toute fin d’époque.

    De l’ère des révolutions à l’ère des soulèvements populaires

    Dans notre progressisme natif nous avons du mal à accepter que les époques se suivent et ne se ressemblent pas. Des esprits aigus ont pu noter, à juste titre, la « fin de l’ère des révolutions » (E. Hobsbawm). Si nous savons voir, avec lucidité, l’architecture des sociétés contemporaines, nous pouvons dire, avec assurance, que nous assistons à la naissance de l’ère des soulèvements populaires.

    La multiplication de ces soulèvements, il y a un an le mouvement des gilets jaunes en fut une illustration emblématique, ne manque pas de mettre en exergue, au-delà d’un soi-disant individualisme, le développement d’un « nous communautaire ». « Nous » soulignant, par ses révoltes ou son abstention,  l’implosion d’une « société programmée » par une suradministration technocratique. Société programmée par un pouvoir surplombant de plus en plus factice et contesté.

    La secessio plebis, ou le peuple retiré sur l’Aventin

    D’antique mémoire, on voit, resurgir, régulièrement, ce qui fut à Rome la secessio plebis. Le peuple ne se reconnaissant plus dans le Sénat se retira sur l’Aventin. Il fit sécession. J’ai déjà indiqué que c’était ainsi que l’on pouvait comprendre le mouvement des « gilets jaunes » en France. Mais, afin d’élargir le problème, reconnaissons que c’est en de nombreux pays que l’on peut constater le désaccord profond existant entre les politiques et le peuple.

    Et ce, parce que ce peuple ne supporte plus le mensonge propre au discours officiel. Mensonge se masquant derrière les éternelles rabâchages de la bienpensance. Mensonge se revêtant de l’habit du moraliste propre à ce que Hegel nomme, justement, les « belles âmes ». Mensonge de ces « experts », journalistes et politiques, toutes tendances confondues, dont le dénominateur commun est le psittacisme. Ce sont, en effet, des perroquets, répétant à longueur de temps et d’antenne les mêmes lieux communs d’une affligeante et prétentieuse banalité ! Diafoirus est bien vivant.

    On se souvient de la formule de Platon, dans la République : « c’est donc à ceux qui gouvernent la cité, si vraiment on veut l’accorder à certains, que revient la possibilité de mentir ». Mais le philosophe, bon connaisseur de la politique, établit une distinction entre le « mensonge d’ignorance », acceptable parce qu’humain, et le « mensonge en parole », que le menteur professe consciemment.

    Les mensonges de l’oligarchie font la révolte populaire

    C’est ce dernier qui caractérise l’oligarchie actuelle ! Il suffit, à cet égard, de rappeler que pour celle-ci le « people » tend à remplacer le vrai peuple. C’est cela qui est la cause et l’effet du conformisme logique faisant qu’il existe une « pensée admissible », celle des pouvoirs établis, totalement étrangère à la réalité de la vie courante. Ce qui engendre un aveuglement dont on n’a pas encore mesuré tous les effets.

    C’est cet aveuglement qui est la cause et l’effet d’un entre-soi médiatiquement politique aux effets on ne peut plus pervers. Aveuglement qui suscite un mépris virulent vis-à-vis des peuples en révolte. Peuples dont les réactions sont qualifiées d’une manière on ne peut plus erronée de « populistes ». L’entre-soi,  caractéristique essentielle de cette élite est la négation même de l’idée de représentation sur laquelle, ne l’oublions pas, s’est fondé l’idéal démocratique moderne. 

    Mais de tout cela on peut sourire. En reprenant, cum grano salis la sentence de Bossuet, on peut même en rire, car « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». Il est des mouvements inéluctables, la révolte des peuples est l’un d’eux. Faut-il le rappeler : rien n’arrête une idée dont le temps est venu !

    Pornographie de l’entre-soi élitaire

    N’est-ce pas l’automimétisme de l’entre-soi qui caractérise les diverses et (trop) nombreuses déclarations publiques que propose le pouvoir  politique ? Celles à propos de la crise sanitaire en cours sont, particulièrement, éclairantes ! Automimétisme que l’on retrouve, également, dans les ébats indécents, quasiment pornographiques dans lesquels ce pouvoir se donne en spectacle. Pour utiliser un terme de Platon, on est en pleine « théâtrocratie ». Spécificité des périodes de décadence. Moment où l’authentique démocratie, la puissance du peuple est totalement occultée.

    Automimétisme de l’entre-soi ou auto-représentation voilà ce qui est la négation ou la dénégation du processus de représentation. Voilà ce qui en appelle à une transfiguration du politique. On ne représente plus rien sinon, à courte vue, soi-même. Une Caste on ne peut plus isolée qui en ses diverses modulations, politique, journalistique, intellectuelle est surtout identique à elle-même et fidèle à son idéal « avant-gardiste » qui consiste, verticalité oblige, à penser et à agir pour un soi-disant bien du peuple.

    Cette orgueilleuse verticalité s’enracine dans un fantasme toujours et à nouveau actuel : « le peuple ignore ce qu’il veut, seul le Prince le sait » (Hegel). Le « Prince » peut revêtir bien des formes, de nos jours celle d’une intelligentsia qui, d’une manière prétentieuse, entend construire le bien commun en fonction d’une raison abstraite et quelque peu totalitaire, raison morbide on ne peut plus étrangère à la vie courante. C’est cela la « suradministration » technocratique.

    Musique profonde de la sagesse populaire

    À l’opposé de la prétention au savoir absolu de ce rationalisme morbide, rationalisme purement instrumental, les soulèvements contemporains ne font qu’exprimer, en majeur, la sagesse populaire, véritable conservatoire des « us et coutumes ». Sagesse de la tradition. Sagesse de la vertu, en son sens fort : « virtu », servant de ciment, c’est cela l’authentique éthique (ethos) à tout être-ensemble fondamental

    Ceux qui ont le pouvoir de faire ou de dire vitupèrent à loisir les violences ponctuant les soulèvements populaires, soulignant bien la saturation vis à vis du politique, de la politique, des politiques. Mais la vraie « violence totalitaire » n’est-elle pas celle de cette bureaucratie céleste qui d’une manière abstraite édicte mesures économiques, consignes sociales et autres incantations de la même eau en une série de « discours appris » n’étant plus en prise avec le réel propre à la socialité quotidienne ?

    Ceux-là même qui voyaient, en parlant des « gilets jaunes », une « vermine paradant chaque samedi », ceux-là peuvent-ils comprendre la musique profonde à l’œuvre dans la sagesse populaire ? Certainement pas. Ce sont, tout simplement, des pleureuses pressentant, confusément, qu’un monde s’achève. Ce sont des notables étant dans l’incapacité de comprendre la fin du monde qui est le leur. Et pourtant cette Caste s’éteint inexorablement. Extinction qui est fréquente dans les histoires humaines.

    Face à la faillite des élites déphasées

    Écoutons, à cet égard, la judicieuse remarque de Chateaubriand. « L’aristocratie a trois âge successifs : l’âge des supériorités, l’âge des privilèges, l’âge des vanités ;  sortie du premier, elle dégénère dans le second et s’éteint dans le dernier ».

    On ne saurait mieux dire la « faillite des élites » contemporaines : n’étant plus en phase avec la réalité sociale de base, car elles privilégient leurs droits au mépris de leurs devoirs. Le « tous pourris » de la conversation du Café du Commerce ne faisant que vitupérer la cupidité de cette élite en déshérence, préoccupée, essentiellement, de postes aguichants, de salaires confortables, de places acquises sur les fameux « plateaux » télévisuels. Toutes choses en appelant à ce que Vilfredo Pareto nommait, justement, la « circulation des élites » ayant fait leur temps.

    Le bienfait des soulèvements, des insurrections, des révoltes, c’est de rappeler, avec force, qu’à certains moments l’ubris, l’orgueil des sachants ne fait plus recette. Par là se manifeste l’importance de ce qui n’est pas apparent. Manifestation de l’indicible et de l’invisible. Le « Roi clandestin » (Georg Simmel) de l’époque retrouve alors une force et une vigueur que l’on ne peut plus nier.

    L’effervescence sociétale, bruyamment (manifestations) ou en silence (abstention) est une manière de dire qu’il est insupportable de continuer à entendre ces « étourdis-instruits », ayant le monopole légitime de la parole officielle, pousser des cris d’orfraie au moindre mot, à la moindre attitude qui dépasse leur savoir appris.

    Manière de rappeler, pour reprendre une formule de Joseph de Maistre, « les hommes qui ont le droit de parler en France ne sont point la Nation ».

    La Nation, le lieu, le lien

    Car qu’est-ce que la Nation ? En son sens étymologique, Natio, c’est ce qui fait que l’on nait (nascere) ensemble. Que l’on partage une âme commune, que l’on existe en fonction et grâce à un principe spirituel. Toutes choses échappant aux Jacobins dogmatiques, qui en fonction d’une conception abstraite du peuple ne comprennent en rien ce qu’est un peuple réel, un peuple vivant, un peuple concret. C’est-à-dire un peuple sachant que le lieu est un lien.

    Le lieu fait lien. C’est ce localisme qui est le cœur battant, animant en profondeur, les vrais débats, ceux faisant l’objet de rassemblements, ponctuant les manifestations ou les regroupements ayant eu lieu, en leur temps, sur les « ronds-points ». Mais que l’on retrouve, également, en période de confinement, dans les « balcons ». Lieux symboliques, par exemple en France où l’on frappe des mains ensemble pour célébrer le courage des « soignants » exposés en ce moment d’épidémie, parfois trop du fait de l’imprévoyance des gestionnaires de l’hôpital. En Italie, balcons où l’on chante des chants patriotiques ou populaires pour conforter le sentiment d’être-ensemble. Au Brésil où l’on s’emploie à conspuer un Président méprisé.

    Au-delà de l’obsession spécifique de la politique moderne, le projet lointain fondé sur une philosophie de l’Histoire assurée d’elle-même, ces rassemblements et ces « célébrations » collectives mettent l’accent sur le lieu que l’on partage, sur les us et coutumes  qui nous sont communs.

    C’est cela le localisme, une spatialisation du temps en espace. Ou encore, en laissant filer la métaphore scientifique, une « einsteinisation » du temps. Être – ensemble pour être-ensemble sans finalité ni emploi. D’où l’importance des affects, des émotions partagées, des vibrations communes. En bref, l’émotionnel.

    L’orgie émotionnelle du génie populaire

    Pour reprendre une figure mythologique, « l’Ombre de Dionysos » s’étend à nouveau sur nos sociétés. Chez les Grecs, l’orgie (Orgè) désignait le partage des passions, proche de ce que l’on nomme de nos jours, sans trop savoir ce que l’on met derrière ce mot : l’émotionnel. Sans le développer longuement puisque j’en ai déjà parlé dans « Courrier des stratèges », l’émotionnel rappelle une irréfragable énergie, d’essence un peu mystique, exprimant que la solidarité humaine prime toutes choses et en particulier l’économie qui est l’alpha et l’oméga de la bienpensance moderne.

    L’émotionnel et la solidarité de base sont là pour rappeler que le génie des peuples est avant tout spirituel. C’est cela que paradoxalement soulignent les révoltes ou soulèvements en cours. Et ce un peu partout de par le monde. Les uns et les autres actualisent (c’est à dire rendent présent) ce qui est substantiel (ou éternel) . Ce qui est caché au plus profond des consciences. Qu’il s’agisse de la conscience collective (Durkheim) ou de l’inconscient collectif (Jung). Voilà bien ce que le progressisme natif des élites ne veut pas voir. C’est par peur du « Nous » collectif qu’elles brandissent le spectre du populisme.

    Ce « spirituel » s’exprime bien dans cette remarque de Gustave Le Bon, grand connaisseur de la « psychologie des foules », on ne peut plus d’actualité. « Passer de la barbarie à la civilisation en poursuivant un rêve,  puis décliner et mourir dès que ce rêve a perdu sa force, tel est le cycle de la vie d’un peuple ». Je considère que les soulèvements actuels traduisent le désir, confus, diffus, certainement inconscient, la recherche, ou la régénération de ce rêve fondamental et structurel.

    Métapolitique de l’idéal communautaire

    On est, dès lors, dans la métapolitique. Une métapolitique faisant fond comme je l’ai indiqué sur les affects partagés, sur les instincts premiers, sur une puissance étant au-delà ou en-deçà du pouvoir et qui parfois refait surface. Et ce d’une manière irrésistible. Comme une impulsion quelque peu erratique, ce qui n’est pas sans inquiéter ceux qui parmi les observateurs sociaux restent obnubilés par la philosophie des Lumières (18e siècle) ou par les théories de l’émancipation, d’obédience socialisante ou marxisante propres au 19e siècle et largement répandues d’une manière plus ou moins consciente chez tous les « instruits » des pouvoirs et des savoirs établis.

    En son temps, contre la « violence totalitaire » des bureaucraties politiques, j’avais montré, en inversant les expressions de Durkheim que la solidarité mécanique était la caractéristique de la modernité et que la solidarité organique était le propre des sociétés primitives. C’est celle-ci qui renaît de nos jours dans les multiples insurrections populaires.

    Solidarités organiques qui, au-delà de l’individualisme, privilégient le « Nous » de l’organisme collectif. Celui de la « tribu », celui de l’idéal communautaire en gestation. Organicité traditionnelle, ne pouvant qu’offusquer le rationalisme du progressisme simplet dont se targuent tous les politiques contemporains.

    Dans le deuil du monde rationaliste : les instincts ancestraux

    La fin d’UN monde, celui de la modernité, permet d’accéder à un autre monde. Mais pour cela il convient de faire un « travail de deuil » conduisant à l’acceptation de ce qui émerge. En bref, la Renaissance induite par et dans les soulèvements populaires, soulèvements diffus, cette véritable « renaissance »  ne peut se comprendre  que si on se souvient de l’antique formule alchimique : « ordo ab chaos ». À quoi on peut rajouter : ordo ab origine ». Pas en amont vers la Tradition.

    Oui, contre ce progressisme tout à la fois benêt et destructeur, on voit renaître les « instincts ancestraux » tendant à privilégier la progressivité de la tradition. La philosophie progressive, c’est l’enracinement dynamique. La tradition ce sont les racines d’hier,  toujours porteuses de vitalité. L’authentique intelligence « progressive », spécificité de la sagesse populaire, c’est cela même comprenant que l’avenir est un présent offert par le passé.

    C’est cette conjonction propre à la triade temporelle (passé, présent, avenir) que pour reprendre les termes de Platon ces « montreurs de marionnettes » que sont les politiques obnubilés par la « théatrocratie » sont incapables de comprendre. La vanité creuse de leur savoir technocratique fait que les mots qu’ils emploient, les faux débats et les vrais spectacles dont ils sont les acteurs attitrés sont devenus de simples mécanismes langagiers, voire des incantations qui dissèquent et règlementent, mais qui n’apparaissent au plus grand nombre que comme de futiles divertissements. Les révoltes des peuples tentent de sortir de la grisaille des mots vides de sens, de ces coquilles creuses et inintelligibles. En rappelant les formes élémentaires de la solidarité, le phénomène multiforme des soulèvements est une tentative de réaménager le monde spirituel qu’est tout être-ensemble. Et ce à partir d’une souveraineté populaire n’entendant plus être dépossédée de ses droits.

    Le peuple, puissance maladroite mais instituante 

    Les révoltes des peuples rappellent que ne vaut que ce qui est raciné dans une tradition qui, sur la longue durée, sert de nappe phréatique à toute vie en société. Ces révoltes actualisent l’instinct ancestral de la puissance instituante, qui, de temps en temps, se rappelle au bon souvenir du pouvoir institué.

    Voilà ce qui en son sens fort constitue le génie du peuple, génie n’étant, ne l’oublions pas, que l’expression du gens, de la  gente, c’est-à-dire de ce qui assure l’éthos de toute vie collective. Cet être-ensemble que l’individualisme moderne avait cru dépassé et qui ressurgit de nos jours avec une force inégalée.

    Mais voilà, à l’encontre de l’a-priorisme des sachants, a-priorisme dogmatique étant le fourrier de tous les totalitarismes, ce génie s’exprime maladroitement, parfois même d’une manière incohérente en se laissant dominer par les passions violentes. L’effervescence fort souvent bégaie.

    Et comme le rappelle Ernest Renan : « Ce sont les bégaiements des gens du peuple qui sont devenus la deuxième bible du genre humain ». Remarque judicieuse, soulignant qu’à l’encontre du rationalisme morbide, à l’encontre de « l’esprit appris » des instruits, le bon sens prend toujours sa source dans l’intuition. Celle-ci est une vision de l’intérieur. L’intuition est une connaissance immédiate, n’ayant que faire des médias. C’est-à-dire n’ayant que faire de la médiation propre aux interprétations des divers observateurs ou commentateurs sociaux.

    C’est cette vision de l’intérieur qui permet de reconnaître ce qui est vrai, ce qui est bon dans ce qui est. Et qui du coup, n’accorde plus créance au moralisme reposant sur la rigide logique du « devoir-être ».

    C’est ainsi que le bon-sens intuitif saisit le réel à partir de l’expérience, à partir du corps social, qui dès lors, n’est plus une simple métaphore, mais une incontournable évidence. Et ce au-delà des lieux communs de la bienpensance, la sympathie ou l’empathie spirituelles redeviennent l’élément essentiel de toute vie en société.

    Incise sur la rudesse des soulèvements populaires

    Cette puissance sociétale ne va pas sans une certaine rudesse. Mais n’en est-il pas ainsi chaque fois qu’une mutation de fond se produit ? Et il est lassant d’entendre toutes les « belles âmes » tenant le haut du pavé médiatique, s’insurger en chœur, chœur des vierges effarouchées, contre la violence, injustifiable bien sûr, de ces soulèvements.

    Ont-ils oublié ce que ne manqua pas de souligner, à diverses reprises, Michel Bakounine : « la volupté de la destruction est en même temps une volupté créatrice ».

    Car, à l’encontre d’une réalité quelque peu rachitique, à l’opposé d’un « principe de réalité » essentiellement économiciste, dont le « pouvoir d’achat » est l’alpha et l’oméga, le point nodal des soulèvements populaires est, structurellement, une perpétuelle « quête du Graal », c’est-à-dire une recherche spirituelle.

    L’esprit du peuple a l’intelligence supérieure du cœur

    Voilà qui peut paraître quelque peu paradoxal. Faire référence à l’intelligence du cœur. Horresco referens ! Comment est-ce possible quand on ne conçoit l’intelligence que sous sa forme rationaliste. Ainsi que je l’avais nommé dans ma critique du « mythe du Progrès » dès 1979, la caste technocratique, sous ses modulations intellectuelles (on dit maintenant « experts »), politiques, journalistiques, cette Caste donc, est incapable de comprendre que le génie du peuple s’exprime mieux dans son souci spirituel que dans des préoccupations politiques.

    Tout simplement parce que cette caste, en son rationalisme morbide, tout en se disant démocratique, est rien moins que démophile. Les sempiternelles incantations à propos des valeurs républicaines et de leurs fondements démocratiques, cachent mal son « avant-gardisme » natif. Pour la Caste le peuple est sot, il faut l’éduquer et le conduire !

    Cette pseudo-intelligentsia, on ne peut plus déphasée, en son idéologie progressiste ne peut pas saisir l’atmosphère mentale de l’époque. Ce que le philosophe Ortega y Gasset, en son livre prémonitoire : La Révolte des masses, nommait « l’impératif atmosphérique » du moment. C’est parce qu’elle ne sait pas s’adapter au changement de climat spirituel en cours que la Caste subira le sort qui fut celui, en leur temps, des dinosaures : périr.

    La Modernité pourrissante est à l’agonie. Ses représentants caducs ne peuvent même pas envisager que toute mutation, car c’est bien de cela dont il s’agit, comporte une dose de mystère.

    Le droit divin du peuple reprend vigueur

    Dans cette mutation et, contre les divers « sachants » s’arrogeant le monopole de la parole publique, s’exprime ce que dans la tradition thomiste, Joseph de Maistre nommait le « droit divin du peuple ». Souveraineté de la puissance naturelle qui, régulièrement, se rappelle au bon souvenir des pouvoirs établis. Ceux-ci n’étant que délégués et devant rendre des comptes au peuple qui en est le légitime détenteur. Ainsi que le rappelle l’antique adage : Omnis autoritas a populo.

    C’est cette autorité qui reprend force et vigueur. Elle rappelle que, telle une vraie royauté, l’opinion est reine d’un monde. Le peuple reprend la parole contre ceux qui, avec l’arrogance, la suffisance et la jactance que l’on sait l’ont monopolisée. Les divers commentateurs parlent, avec componction, pour ne rien dire. Et de cela on commence à se rendre compte. Componction des discours technocratiques de la Caste au pouvoir. Elle a une conception purement oratoire de la politique. Elle tient ses discours pour des actes ! Pour elle le discours est action.

    Ce sont moins des réponses bien formatées qui sont attendues, que la capacité de savoir poser des questions. Ce que les soulèvements signifient c’est que n’est plus accepté un monde sans question et plein de réponses. Tout simplement parce que c’est à partir de l’insaisissable, ce qui est en devenir, ce qui est questionnant, que l’on peut saisir le saisissable. Celui de la vie Réelle.

    Ne l’oublions pas. C’est quand on ne sait pas dire, avec justesse, ce qui est, c’est quand le moralisme, ce qui « devrait être », prend le dessus, que le peuple fait sécession.

    L’enjeu n’est donc pas négligeable. Il faut trouver les mots, les moins faux possible, pour dire la « volupté créatrice » qui, plus ou moins maladroitement, est en gestation dans notre postmodernité naissante. Les lieux communs et diverses bien-pensances ne suffisent plus, il faut avoir l’audace et le courage  d’une pensée de haute mer. Là encore, entièreté de l’être, le courage n’est-il pas, tout à la fois, « le cœur et la rage » ?

    La technocratie désemparée face à l’ère du « Nous »

    La technocratie politiste est incapable de comprendre l’émergence d’une « ère du Nous ». « Nous » s’employant à créer un monde harmonieux, à partir du monde tel qu’il est, et non plus à partir de ce que des théories abstraites auraient aimé qu’il soit. Au-delà de ceux qui, avec une mentalité de maître d’école, continuent de faire la leçon, de ceux qui sont enfermés dans les étroites limites d’un savoir appris dans les grandes écoles, au-delà des lieux communs dogmatiques, la révolte gronde et elle continuera à gronder.

    C’est dans les plateformes libertaires qu’il faut chercher la reviviscence de la vie. C’est dans la hardiesse de vues qui est y est proposée que s’élabore en son sens fort une éthique nouvelle. « Ethos » étant tout simplement, le ciment confortant la vie de toute société.  Ce ciment consistant à conforter les cœurs et les esprits dans un être-ensemble où ce qui est primordial, c’est être-avec. Réalisation effective d’un centre de l’union, préoccupation essentielle d’une dynamique sociétale digne de ce nom.

    Voilà ce que l’on n’ose pas dire. Le climat est à l’effervescence. Les divers soulèvements, un peu partout de par le monde en sont l’ expression on ne peut plus éloquente. Il s’agit d’un « impératif atmosphérique » auquel personne ne peut échapper. L’air du temps est à la révolte des masses. Et rien ni personne n’en sera indemne. Tout au plus faut-il savoir l’accompagner, savoir la dire, le plus justement possible afin qu’elle ne s’aigrisse pas en une forme perverse, immaîtrisable et sanguinaire à souhait !

    Nous visons une crise civilisationnelle

    Une mutation de fond, une crise civilisationnelle est en train de s’opérer sur les réseaux sociaux, les forums de discussion, les sites et autres plateformes du Netactivisme. C’est là qu’il faut suivre l’émergence de la socialité en cours de gestation. C’est cette presse alternative qui rend mieux compte des échanges, partages, entraides ayant fait des ronds-points un véritable Aventin postmoderne.

    On est loin là de la componction du discours officiel celui de la Caste dont le locataire de l’Elysée est le parfait représentant. Componction à laquelle s’appliquerait bien cette remarque de Jean Jacques Rousseau : « Quel style ! Qu’il est guindé ! Que d’exclamations ! Que d’apprêts ! Quelle emphase pour ne dire que choses communes ! Quels grands mots pour des petits raisonnements ! Rarement du sens, de la justesse ; jamais ni finesse, ni force, ni profondeur. Une diction toujours dans les nues, et des pensées qui rampent toujours. »

    Tout est dit.

    Michel Maffesoli (Le Courrier des stratèges, 4 avril 2020)

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  • A la rencontre de Christian Combaz, le porte-parole de Campagnol...

    Pour son émission Orages de papier, sur TV Libertés, en partenariat avec La Nouvelle Libraire, François Bousquet reçoit l'écrivain Christian Combaz à l'occasion de la publication de La France de Campagnol (La Nouvelle Librairie, 2020), un recueil de ses savoureuses chroniques.

     

                                     

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  • Gilets Jaunes, la Révolution, le Peuple...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un débat sur Cnews entre Eric Zemmour et Michel Onfray sur les révoltes qui secouent le peuple français. Journaliste et polémiste, Eric Zemmour a publié récemment Le suicide français (Albin Michel, 2014) et Destin français (Albin Michel, 2018) ; quant à Michel Onfray, philosophe populaire, tenant d'un socialisme libertaire, il a publié de nombreux ouvrages, dont sa trilogie  Cosmos (Flammarion, 2015), Décadence (Flammarion, 2017) et Sagesse (Flammarion, 2019), et dernièrement Grandeur du petit peuple (Albin Michel, 2020).

     

                                     

     

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