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oligarchie - Page 3

  • La stratégie de la peur est une violence faite par les élites...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Michel Maffesoli à Eric Verhaeghe pour Le Courrier des stratèges, dans lequel il évoque la culture élitaire de l'oligarchie qui pense vaincre la mort et qui déploie une stratégie de peur pour asseoir sa domination sur la société.

    Penseur de la post-modernité, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019) ou, dernièrement, La faillite des élites (Lexio, 2019).

     

                                              

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  • Élection de Macron, lutte contre Trump, Covid-19, « Grand Reset » : les manigances de la super-classe mondiale...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré aux manigances de la super-classe mondiale pour raffermir son contrôle sur l'Occident...  Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018) et tout dernièrement La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020).

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    Élection de Macron, lutte contre Trump, Covid-19, « Grand Reset » : même complot, même combat ?

    En 2020, l’empire – c’est-à-dire la super-classe mondiale – a contre-attaqué avec succès en Occident. Car s’il n’a pu finalement empêcher le Brexit, il est parvenu en 2020 à empêcher la réélection de Donald Trump aux États-Unis, qui était en lutte contre l’État profond.
    La contre-attaque réussie de la super-classe mondiale contre le leader de la première puissance du monde occidental a reposé sur trois leviers principaux : l’utilisation de la pandémie de la Covid-19, l’orchestration de la haine ethnique entre Blancs et Noirs, enfin l’organisation aux États-Unis d’une fraude électorale à grande échelle. À chaque fois, les médias mainstream ont été mobilisés pour sidérer l’opinion.
    Un précédent qui doit nous alerter sur ce qui risque de se passer pour la présidentielle française de 2022.

    Une épidémie opportune

    On ignore à ce jour l’origine exacte de l’épidémie de Covid-19.
    Mais si elle a paru dans un premier temps, aux optimistes, remettre en cause la croyance dans les vertus de « la mondialisation heureuse », l’oligarchie a rapidement pris la mesure des occasions qu’elle lui offrait.

     Aux États-Unis, les mesures coercitives prises au nom de la lutte contre la Covid – notamment le confinement de la population – ont eu pour effet immédiat de plomber le bilan économique positif de Donald Trump.
    Mais à plus long terme, ces mesures jouent en faveur de l’agenda économique des oligarques, détruisant l’économie de proximité au profit des majors de la grande distribution, de l’e-commerce et de Big Pharma. Renforçant également la tendance au développement de la numérisation et du télétravail, c’est-à-dire à l’individuation des rapports de moins en moins « sociaux » justement. C’est ce que l’on nomme le Grand Reset pour faire court.

    Mais ce Grand Reset a des effets politiques directs car il appauvrit et marginalise ceux qui « votent mal » (petits commerces, professions libérales, agriculteurs, salariés, éditeurs ou artistes dissidents, etc.) et il favorise au contraire les grandes entreprises mondialisées, celles qui soutiennent l’oligarchie en adoptant de plus en plus des positions politiques [1]. Et dont 2020 consacre en quelque sorte la domination de plus en plus arrogante.

    La dictature, une idée neuve en Occident

    La dictature sanitaire mise en place à la suite de la Covid a aussi permis de tester, sur une très grande échelle, la mise en condition de toute une population par le matraquage et la censure médiatiques et l’orchestration de la peur. Et elle a démontré que la propagande marchait très bien au xxie siècle !
    Elle a permis de tester la soumission de toute une population à une réduction drastique des libertés fondamentales : notamment la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion, la liberté de culte et la liberté de se réunir en famille.

    L’épidémie a aussi renforcé le pouvoir exécutif avec, comme en France, l’invention d’un nouveau motif d’état d’urgence : l’état d’urgence sanitaire. Et une intrusion croissante de l’État dans la vie des gens, puisqu’on prétend désormais réglementer jusqu’au nombre de convives dans les repas de famille et la façon dont les personnes âgées doivent manger ! Et bien sûr imposer de fait une obligation mondiale de vaccination.

    L’épidémie a donc renforcé l’évolution postdémocratique des États en Occident, en imposant la dictature des « sachants », aux dépens des peuples sidérés, muselés et confinés.

    Depuis 2020 la dictature est une idée neuve en Occident.

    L’orchestration de la haine raciale

    En 2020, la super-classe mondiale a ensuite orchestré sur une grande échelle la haine ethnique entre Blancs et Noirs : d’abord aux États-Unis (affaire Floyd) pour nuire à Donald Trump et notamment essayer de pousser l’électorat afro-américain dans le camp démocrate.
    De nombreuses manifestations violentes ont justement eu lieu dans des villes ou comtés démocrates et l’extrême gauche s’est fortement mobilisée dans le mouvement BLM.

    La thématique du privilège blanc – très en vogue dans les universités – a aussi été médiatisée car elle renouvelle l’accusation de racisme et vise in fine à museler les personnes blanches (qui aux États-Unis votaient plutôt républicain).

    Mais il faut relever que cette stratégie a aussi été déployée en Europe et, notamment en France, autour de la thématique des violences policières et de l’affaire Traoré [2].

    Ce n’est certainement pas le fait du hasard lorsqu’on voit Assa Traoré faire la une du magazine Time comme « gardienne de l’année », lorsqu’on sait que l’indigéniste Rokhaya Diallo est passée par les Young Leaders, ou lorsque les ONG Soros soutiennent les No Borders. Et que tous les médias mainstream s’ouvrent largement aux délires indigénistes… au nom de l’antiracisme.

     

    L’horizontalisation des conflits

    La promotion d’un antagonisme racial en Occident s’inscrit en effet dans une stratégie consciente de fracturation sociale.

    Elle vise à développer les oppositions et les clivages sociétaux « horizontaux » (actifs contre retraités, salariés du public contre ceux du privé, jeunes contre vieux, Noirs contre Blancs, musulmans contre chrétiens, laïcs contre croyants, hétérosexuels contre homosexuels, hommes contre femmes, policiers contre citoyens, etc.) pour bloquer toute émergence d’un véritable conflit « vertical », opposant les peuples à l’oligarchie qui les opprime.

    Cette stratégie correspond très bien, en outre, à l’explosion des sociétés européennes, rongées par l’individualisme fanatique et par le chaos migratoire, qui provoque la défiance partout.

    L’extrême gauche joue un rôle central dans cette stratégie car elle contribue par ses violences à « pourrir » tous les mouvements protestataires anti-système, comme on l’a vu en France avec la destruction du mouvement des Gilets jaunes. Et à justifier en retour de nouvelles législations liberticides.

    C’est pourquoi elle reste l’enfant chéri du système, dans tous les sens du terme.

    La post-démocratie en marche

     

    L’organisation aux États-Unis d’une fraude électorale à grande échelle, pour favoriser le candidat démocrate, avec la complicité des médias et des instituts de sondages, constitue enfin l’autre fait marquant de 2020.

    À noter aussi qu’en raison de son âge avancé le candidat démocrate risque de n’être qu’un président de transition, dont l’autorité sortira en outre affaiblie du scrutin contesté. Une proie facile pour l’oligarchie, donc.

    Ce qui s’est passé pour l’élection présidentielle américaine de 2020 montre surtout qu’en Occident les échéances électorales, biaisées par le poids écrasant des médias et des instituts de sondage mainstream, permettent de plus en plus difficilement de faire échec à l’oligarchie.

    Des manœuvres qui donnent à réfléchir

    Cette contre-attaque victorieuse de la super-classe mondiale en 2020 doit en tout cas donner à réfléchir pour la prochaine élection présidentielle française de 2022.

    Président impopulaire [3], Emmanuel Macron devrait, normalement, en effet, affronter l’élection de 2022 dans de mauvaises conditions.

    L’expérience montre que l’image donnée au début d’un quinquennat marque durablement l’opinion ; or l’image dégagée par le début de la présidence Macron est mauvaise : petites phrases méprisantes à l’encontre des Français, affaire Benalla, répression violente du mouvement des Gilets jaunes, réformes impopulaires.

    On ne peut même exclure qu’Emmanuel Macron ne parvienne pas au second tour de l’élection présidentielle, tant il a pu cristalliser sur sa personne la défiance de larges couches de la population, malgré un déversement médiatique de propagande en sa faveur.

    On peut penser que l’oligarchie cherchera alors à promouvoir un candidat de remplacement destiné à conduire la même politique, mais dans un style différent et plus consensuel : les candidats ne manquent pas dans la classe politicienne !

    Mais Emmanuel Macron peut aussi tout mettre tout en œuvre pour assurer sa réélection, coûte que coûte.

    Des événements imprévisibles, vraiment ?

    Emmanuel Macron a d’ailleurs déjà accédé à la présidence de la République française en 2017 non par un choix populaire (il n’a rassemblé que 18 % des électeurs inscrits et La République en marche encore moins, aux législatives) mais à la suite d’un complot judiciaire et médiatique qui a permis l’éliminer ses concurrents et de faire sa promotion publicitaire écrasante.

    On ne peut donc exclure qu’un tel scénario se reproduise en 2022 pour l’élection présidentielle française au profit du candidat de l’oligarchie.

    D’ailleurs Emmanuel Macron nous y invite lui-même lorsque, lors de son interview au média Brut, le 5 décembre 2020, il déclare de façon sibylline : « Peut-être que je ne pourrai pas être candidat. Peut-être que je devrai faire des choses dans la dernière année, dans les derniers mois, dures parce que les circonstances l’exigeront et qui rendront impossible le fait que je puisse être candidat. Je n’exclus rien. On a vécu des choses absolument imprévisibles. »

    Rien ne dit qu’un nouveau « risque sanitaire » n’apparaîtra pas opportunément en 2022, pour tenter de museler une nouvelle fois l’opposition à ce que représente Emmanuel Macron. Ou que le risque épidémique (ou l’absence de vaccin…) ne servira pas de prétexte pour écarter certains électeurs ou certains scrutateurs des bureaux de vote [4].

    D’ailleurs des initiatives sont d’ores et déjà prises pour promouvoir les procurations électroniques (pour les élections de 2021) et le vote par correspondance, tous sources de fraude, ce qui ne peut qu’inquiéter.

    2017, 2020, 2022 même complot, même combat ?

    Pour la super-classe mondiale, l’élection présidentielle française de 2022 est en effet tout aussi stratégique que les élections américaines de 2020.

    L’enjeu de la présidentielle de 2022, pour la super-classe mondiale, est tout simplement la poursuite de la déconstruction de la nation française.

    Car une France affaiblie, en passe de devenir l’homme malade de l’Europe, ne peut plus faire contrepoids à une Allemagne qui devient le pilier de l’atlantisme, du libre-échange et de l’immigration en Europe. Et donc la tête de pont de la super-classe mondiale en Europe.

    État-nation par excellence, la France est, pour cette raison, la cible de l’oligarchie mondialiste non seulement en Europe, mais en France même.

    À nous de nous mobiliser pour que 2022 ne soit pas un mauvais remake de 2017 et de 2020 !

    Michel Geoffroy (Polémia, 17 décembre 2020)

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  • La France doit changer sa classe dirigeante !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Guillaume Bigot à Figaro Vox et consacré à la faillite de la classe dirigeante. Docteur en sciences politiques, publiciste, Guillaume Bigot est l'auteur de plusieurs essais comme Sept scénarios de l'apocalypse (Flammarion, 2000), Le Zombie et le fanatique (Flammarion, 2002), Le Jour où la France tremblera (Ramsay, 2005) ou La trahison des chefs (Fayard, 2013) et La populophobie - Le gouvernement de l'élite, par l'élite et pour l'élite (Plon, 2020).

     

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    Guillaume Bigot: «La classe dirigeante rejette ses devoirs tout en cherchant à étendre ses privilèges»

    FIGAROVOX.- À vous lire, on se dit que derrière la crise sanitaire actuelle, on voit poindre une crise économique et sociale. Peut-on parler de faillite de la classe dirigeante française? Celle-ci vient-elle de loin?

    Guillaume BIGOT.- La crise sanitaire a fait ressortir l’extraordinaire vulnérabilité de notre tissu social et économique, désormais déchiré, désindustrialisé et dépendant de la Chine et du tourisme. Les Français ont découvert que la France ne produisait plus grand chose et qu’elle s’était donc considérablement appauvrie. Pour prendre la mesure de la crise qui vient, aux effets de la récession et du chômage, il faut ajouter la perte d’autorité d’un pouvoir affaibli par le coronavirus. À l’occasion de cette crise, l’ «élite» administrative et politique du pays a étalé sa suffisance et son insuffisance. Sa capacité à improviser, à trancher, à assumer, à reconnaître ses torts, à respecter les citoyens a été testée ; Les résultats du test n’ont guère été probants. Cette «morgue du bachelier» affichée par la nomenklatura française, pour reprendre une expression de Mao, était tolérée par l’opinion publique car elle passait pour la contrepartie de sa compétence supposée.

    À cet égard, la crise du coronavirus a décillé la majeure partie de nos compatriotes

    La réduction pavlovienne des dépenses (dont la non reconstitution des stocks de masques, la fermeture des lits d’hôpitaux, les salaires miteux des infirmières, les tailles dans les effectifs des policiers, l’absence de places de prison): tous ces sacrifices réalisés au nom du respect des critères de convergence ou sur l’autel du remboursement de la dette ne se sont pas seulement révélés lourds de conséquences mais vains. Tous ces efforts étaient prétendument indispensables, on sait, à présent, qu’il n’en était rien.

    L’effet de dévoilement de la pandémie s’est révélé implacable pour nos gouvernants sur tous les sujets.

    Le confinement a, par exemple, perturbé les trafics, en faisant flamber les violences urbaines. Dès lors, la classe dirigeante ne peut plus dissimuler l’abandon des «quartiers» à la férule des dealeurs et des islamistes, cet abandon est désormais trop visible et trop coûteux. Ainsi, l’achat de la paix civile dans les quartiers au prix du déshonneur n’est pas un calcul intelligent. On finit par récolter et le déshonneur (l’abandon des habitants honnêtes de ce quartiers à leur triste sort) et l’ensauvagement.

    Contrairement au discours nous expliquant qu’il n’y avait pas d’alternative au «paradigme» des élites (démonétisant l’intérêt général au profit du bon plaisir individuel, la nation au profit de l’Europe, une fierté commune au bénéfice de fierté blessées et antagonistes, les services publics en faveur du marché), une grande partie de nos concitoyens a réalisé que ce modèle n’était pas soutenable.

    Louis XVI avait été surpris par la révolution, Emmanuel Macron a été submergé par la pandémie. Le dernier des capétiens avait été contraint d’accrocher une cocarde que sa garde piétinait. Le plus illustre des marcheurs fait mine de célébrer le retour de la souveraineté économique, des frontières, de l’argent magique (auquel il disait ne pas croire), des services publics ou de la relance. Mais c’est une conversion de surface. Au fond, son logiciel, qui est celui de la classe dirigeante, a totalement buggé.

    La crise actuelle qui risque donc d’être amplifiée peut-elle devenir, selon vous, une crise de régime?

    Une crise de régime entraîne généralement un changement de constitution, une modification de l’organisation des pouvoirs publics qui traduit un changement de légitimité. Le passage de la monarchie à la République, de la République à l’empire ou encore au changement de Républiques sont, à cet égard, des crises et des changements de régime. Or, à présent, la forme de l’État ne semble pas remise en cause. L’élection du président de la République au suffrage universel n’est pas questionnée par exemple. Certains veulent passer à la sixième République ou aspirent à une démocratie plus participative mais l’enjeu central de la crise qui couve est ailleurs. Il concerne moins la forme que le fond, moins le principe de représentativité que la sociologie des représentants et leurs idées. La plupart des Français ne sont pas hostiles au principe du principe représentatif mais ils considèrent que leurs représentants ne les représentent plus. Au début des années 80, 80 % du corps électoral votait pour des partis dits de gouvernement. En 2002, ces ex-partis de gouvernement ne pesaient plus que 40 % de l’électorat, 26 % en 2017 et même 14 % en 2019. Les formations populistes plus les abstentionnistes représentent désormais une large majorité. On peut être plus royaliste que le roi, on ne peut être plus démocrate que le peuple. Une majorité de citoyens reprochent aux élus d’avoir remis aux juges (c’est le thème de l’État de droit), aux autorités administratives indépendantes, aux comités d’experts, aux associations, aux marchés financiers (donc les actionnaires et les épargnants au fond) et, bien sûr, à la Commission de Bruxelles un pouvoir dont ils ne disposaient pas à leur guise

    Lorsqu’un président de la République déclare travailler à l’avènement d’une souveraineté européenne, son ambition heurte de front l’aspiration populaire autant qu’il transgresse la lettre comme l’esprit des institutions. Le président légal abime sa légitimité. Sur un enjeu aussi majeur que l’immigration, en ignorant la vox populi, les juges, les ministres ou les parlementaires réduisent en poudre la démocratie. Lorsque les mêmes ignorent le résultat d’un référendum, ils bafouent une République dont ils ne cessent pourtant de célébrer les valeurs. Nous assistons ainsi à une forme de dénaturation, de forfaiture pour parler comme les juristes ou de parjure pour parler comme les gens d’église de la part des autorités légales du pays. Les Français pourraient être tentés de faire la révolution pour préserver leur démocratie, au nom de la préservation de la Constitution. La crise vers laquelle nous nous dirigeons peut ébranler l’ordre public. Les classes dirigeantes françaises se révèlent en effet incapables de servir, même d’utiliser, de recycler, de comprendre ou tout simplement d’entendre la colère du peuple. Le populisme français n’a pas rallié à sa cause de véritables élites (Boris Johnson, Victor Orban ou Donald Trump sont issus de l’élite). Les deux populismes bas de gamme qui s’expriment dans le champ électoral non seulement ne peuvent s’allier mais ne portent aucun projet gouvernemental alternatif. La vapeur du mécontentement populaire ne pouvant déboucher sur un changement de paradigme, la cocotte menace d’exploser.

    Dans la première partie, vous faites l’État des lieux de la société française. Vous faites référence à l’abbé Sieyès et à son fameux pamphlet: «Qu’est-ce que le tiers état?». Quels sont les points communs entre l’Ancien régime et la situation actuelle? Les gilets jaunes sont-ils le nouveau tiers état?

    En 2020 comme en 1789, la crise de confiance s’enracine dans une crise des finances publiques. La dette de la France était de 60 % en 2002, la barre des 120 % sera bientôt franchie. L’autorité de l’État est affaiblie: il n’a plus les moyens de sa politique et ceux qui le financent lui demandent des comptes. Ils ont raison d’ailleurs car la pression fiscale est colossale alors que les services publics sont en déshérence. Aujourd’hui comme hier, la défaillance de l’État est donc liée à un enjeu de la légitimité autant qu’à une crise de confiance dans l’avenir. Pour financer les dépenses exorbitantes liées aux effets des confinements, le président Macron est d’ailleurs passé par l’emprunt (ce qui revient à tirer une traite sur le futur) et par les institutions européennes (non élues). Notons au passage que le peuple français a été engagé par son président à cautionner un emprunt très supérieur à la somme qu’il va recevoir. L’État ne peut plus lever de nouveaux impôts car le consentement fait aussi défaut. Dans la France actuelle, une sorte de néo-noblesse est exonérée de taxes voire soutenue par de l’argent public (suppression de l’ISF, chantage aux aides et aux subventions des grands groupes) tandis qu’un tiers état se voit imposer de nouveaux impôts (la taxation du diesel). La haute fonction publique et la magistrature, alliées aux principaux détenteurs du capital forment une néo-noblesse. La proportion de cette nouvelle aristocratie est peu ou prou la même que celle de la noblesse d’ancien régime en 1789 (0,35 % de la population). Cette néo-noblesse est composée d’une aristocratie d’argent (ceux qui payent l’IF, héritiers des aristocrates d’épée soit un peu moins de 150 000 personnes) et d’une aristocratie de robe (ceux ayant été anoblis en réussissant le concours des très grandes écoles soit environ 100 000 diplômés). Cette noblesse tend à devenir héréditaire comme son ancêtre d’ancien régime. Elle est pleine de bons sentiments et sûre de son bon droit: elle croit sincèrement œuvrer pour l’humanité́ qu’elle veut débarrasser de la pauvreté́, des guerres, du cancer comme le lui promet la Silicone Valley. Les droits de l’homme (surtout pas ceux du citoyen, concept ringard à l’heure de la bonne gouvernance) lui servent de boussole. Cette oligarchie défend les sans-papiers, abhorre les extrêmes, gauche et droite confondues. Une petite noblesse, désargentée existe. Elle vit avec le tiers état, comme les nobliaux de Vendée partageaient le destin de leur paysan. Ce sont les patrons de PME qui connaissent et souvent partagent les difficultés de la base

    La base, c’est un nouveau Tiers qui correspond au salariat. Si la catégorie socio-professionnelle et le niveau de vie tendent à le définir, sa géographie (la France périphérique et les banlieues), son ethos (la solidarité prime sur l’individualisme) et sa difficulté à̀ se projeter sur l’avenir aident à mieux cerner ce nouveau Tiers. Pour saisir le Tiers d’aujourd’hui, il faut associer deux critères: l’un est matériel (ce Tiers état a du mal à joindre les deux bouts) et l’autre est politique (abstention probable, Rassemblement national possible). Ce tiers état est fracturé par l’existence, en son sein, d’un tiers séparatiste qui ne se sent pas appartenir au peuple français et baigne dans un ressentiment mâtiné d’islamisme. Il n’y a pas de lignes de fractures ethniques, ni totalement religieuses entre ce Tiers séparatiste et l’autre mais des frontières géographiques et générationnelles: ce tiers séparatiste se compose d’une partie importante de la jeunesse musulmane qui vit dans les cités ghettos.

    On retrouve aussi un clergé au XXIe siècle?

    Comme dans l’ancienne France, l’ordre social est béni par un clergé. Il y a un haut clergé, ce sont les «pipoles», journalistes, animateurs, gens de télévision, intellectuels (sauf ceux qui sont en rupture de ban, conspués pour crime de solidarité avec le Tiers état), artistes qui disposent d’une forte visibilité sociale et médiatique. Il y a un bas clergé, composé des milieux culturels, de cadres supérieurs travaillant directement ou indirectement pour le marché mondial et pour la nouvelle économie. Ignorant le chômage de longue durée et la précarité, ce nouveau clergé ne voit que des avantages à la globalisation. Son rôle est d’ailleurs de chanter ses louanges et de prier pour «l’ouverture». Généralement diplômés de l’enseignement supérieur, ces prieurs habitent les grandes métropoles connectés aux et irrigués par les courants de la mondialisation. Le clergé est effaré par un populisme qu’il ne comprend pas. La noblesse et le clergé sont partisans de la construction européenne, favorables à l’ouverture des frontières, au culte extrémiste du droit de l’hommisme, à une attitude cool et tolérante en tout. Ils détestent les codes, les normes, l’ordre. Les curés du système euro-globaliste soutiennent de tout cœur les «progrès» sociétaux. Les membres du clergé sont suffisamment nombreux (25 % de la population) pour vivre dans l’entre-soi. Avoir ses restaurants, ses journaux, ses lieux de villégiatures, ses séries. Ce clergé, ce sont peu ou prou, les bobos des centres-villes qui mangent bio et votent centre-droit ou centre-gauche

    La fracture entre le peuple et les élites semble aujourd’hui exister dans la plupart des démocraties occidentales, mais c’est, selon vous, aussi une spécificité historique bien française. Pourquoi cela?

    Partout, sous l’effet de l’aporie libérale-libertaire (car on ne peut jamais diriger sans une vision du bien commun qui dépasse l’individu), la classe dirigeante rejette ses devoirs tout en cherchant à étendre ses privilèges. Dans la plupart des pays développés, noblesse n’oblige plus. Le divorce entre un peuple qui reste attaché à l’État-nation et des classes dirigeantes bénéficiaires de la globalisation est donc consommé partout. Mais nulle part comme en France, cette fracture n’est aussi douloureuse et ne soulève une question aussi existentielle. L’intensité avec laquelle les élites mondialisées sont rejetées en France est une réponse à cette défiance teintée de mépris que la classe dirigeante française a toujours éprouvé pour le peuple. Cette populophobie est presque une marque de fabrique des élites dans notre pays. Ce dédain et cette volonté de ne pas vouloir appartenir au même peuple qu’elle se vérifie sur le long cours de notre histoire. Pour comprendre l’origine de ce rejet atavique, il faut en revenir aux circonstances de la naissance de l’État-nation. Les historiens datent l’apparition du sentiment national de la geste de Jeanne d’Arc, cette fille du peuple qui rend au souverain sa légitimité. Depuis mille ans, c’est-à-dire depuis qu’il existe un pouvoir à Paris, celui-ci chercher à la fois à étendre son pré carré à l’intérieur et résiste à toutes les tentatives de soumission et d’absorption qui, pour l’essentiel, s’appuient sur des nostalgies de l’empire romain (de la papauté, au saint-empire romain germanique, en passant par les Reich et jusqu’à l’UE actuelle). La vieille politique française consiste à se poser en s’opposant à la fois à l’extérieur et à l’intérieur (c’est pourquoi la plupart des châteaux forts en France sont émondés). Paris n’a réussi à devenir «empereur en son royaume» qu’en s’appuyant sur le peuple, très souvent contre ses élites. En France, les classes dirigeantes, parce qu’elles se sentent presque toujours abaissées par le projet d’unification du pouvoir central, sont souvent tentées par ce le «parti de l’étranger». Les maastrichtiens, les islamo-gauchistes ont pris symboliquement la suite des Bourguignons, des liguards, des Huguenots, des frondeurs, des émigrés, des cent familles, du tout Paris de Vichy, Moscou, Washington ou Bruxelles. L’histoire de France est un éternel recommencement ou une éternelle refondation d’un pouvoir central qui s’appuie sur les masses pour neutraliser les «importants». Lorsqu’un souverain, un empereur ou un président fort rend la France puissante, il sert souvent l’intérêt de la «France d’en bas»

    Quels sont les différentes périodes historiques qui rappellent notre époque?

    De nombreuses époques révèlent l’impasse dans laquelle s’enferre une classe dirigeante qui se révèle incapable de renoncer et à ses dogmes et qui, en s’effondrant, menace d’emporter le pays avec elle. Elles révèlent aussi l’extraordinaire difficulté à sortir la pseudo élite de son aveuglement au désastre. Le général de Gaulle sera, au moins trois fois, confronté à ce genre de situation et d’isolement.

    En 1940, il est seul à préconiser l’offensive face à un état-major qui a une guerre de retard avec son dogme du feu qui tue et qui croit à son hyper modernité avec la ligne Maginot. La classe dirigeante de l’époque est tétanisée par un ensemble de dogmes (la France seule ne peut et ne doit rien tenter, le communisme est le véritable danger ; etc.). En 1945, de Gaulle se heurte à un second dogme dont la classe dirigeante ne veut pas non plus démordre. C’est l’idée suivant laquelle le renforcement du pouvoir exécutif serait antirépublicain par nature (c’est l’hystérésis de la monarchie). En 1958, le plus illustre des Français est presque seul à savoir que l’Algérie n’est pas la France et que le temps des colonies est fini. Sur chacun de ces sujets, il lui faudra remonter au vent pour déciller ses contemporains et d’abord les classes dirigeantes. Les idées reçues et les slogans ont changées mais pas l’attitude qui consiste à s’accrocher à des totems vermoulus et à des tabous dépassés. Apaisement, ligne Maginot, mieux vaut Hitler que Blum, esprit de jouissance, régime d’assemblée, Algérie française ont simplement été remplacés par «vivre ensemble», «euro», «la France est trop petite»,» personne ne peut enrayer les flux migratoires», «il est impossible d’aller contre la mondialisation», «les gens ne veulent plus bosser»,» les Français déconnent» ; etc.

    Notre époque ressemble à toutes celles qui ont vu une élite se cramponner et s’aveugler au désastre. Car s’il est une leçon à retenir de ces époques de crise, c’est que les élites préfèrent sombrer plutôt que de changer de paradigme. Pourquoi? Car elles auraient sinon l’impression de déchoir. On découvre que si l’élite se pique de penser différemment du vulgum pecus, des «vrais» gens, elle se révèle généralement incapable de penser contre sa caste. La «France d’en haut» combat ainsi avec une virulence particulière tout questionnement de ses dogmes. La classe dirigeante actuelle célèbre une sainte trinité marché-Europe-droits de l’homme qu’il est strictement interdit de contester sauf à passer pour un ignorant, un lépreux ou un complotiste.

    Vous citez Chateaubriand expliquant que l’élite entrée dans l’âge des vanités et vous proposez un renouvellement des élites. Mais par qui et comment?

    Après la République des Jules, celle des profs et des avocats, le général de Gaulle avait régénéré la sociologie de la classe dirigeante française, en assurant la promotion d’une élite nouvelle. C’est ainsi que des hauts fonctionnaires accédèrent aux leviers de commande et qu’une nouvelle couche de capitaines d’industrie, souvent proche de la haute fonction publique d’État, a pu servir. Servir sans s’asservir telle est justement la devise de l’ENA. Le service dont il était question était celui du bien commun, de la France et de l’idée que le tout est moralement mais aussi juridiquement supérieur à la somme des parties. Or, en se convertissant au bon plaisir individuel au-dessus de tout, à la supériorité du droit européen sur le droit français, au marché et au management, cette néo-noblesse a renoncé à ce qui fondait sa légitimité. De plus, ce qu’elle nous présente comme les seules solutions possibles depuis 30 ans nous conduit à la catastrophe. Dans une formule restée célèbre, l’économiste et sociologue italien, Pareto dit de l’histoire, qu’elle est un cimetière d’aristocratie. Tout changement de classe dirigeante opère trois changements simultanés: un changement de paradigme, un changement de génération et un changement de sociologie. Pour sortir la France de l’ornière, il faudrait quasiment faire le contraire de ce que fait la classe dirigeante depuis trente ans. Ne plus rembourser la dette, sortir de l’euro et dévaluer, reprendre manu militari le contrôle des cités, criminaliser l’islamisme, légaliser le cannabis, stopper le regroupement familial, reconduire les illégaux à la frontière, réhabiliter la loi de la majorité démocratique contre le soi-disant État de droit, réécrire les manuels scolaires ; etc. Toutes les issues se situent hors de ce que les classes dirigeantes peuvent concevoir. Il nous faut une révolution au sens étymologique, c’est-à-dire astronomique du terme pour renouer avec l’alliance originelle entre le peuple et les élites. Une révolution pas pour couper des têtes mais pour sortir de la tête de nos dirigeants. Pour porter des idées neuves, il faut des hommes nouveaux donc changer de générations et de sociologie.

    Derrière le masque de jouvence qu’offre Emmanuel Macron, c’est le même Tout Paris que sous Jacques Chirac sous Nicolas Sarkozy ou François Hollande qui gouverne, les mêmes réseaux, les mêmes écoles, parfois les mêmes familles. Des patrons de PME, des chercheurs, des ingénieurs, des policiers, des militaires, des capacités ayant, si possible, une expérience internationale tant il est vrai que l’exil est la meilleure école du patriotisme ne pourraient-ils faire mieux qu’une poignée d’énarques inféodés aux multinationales? Le nouveau monde est ouvert, il est numérique mais il est aussi plus enraciné, conservateur, identitaire et vertical. C’est l’effet jogging cher à Régis Debray. Une nouvelle génération doit arriver aux affaires mais elle doit aussi appartenir à une nouvelle sociologie. Ces hommes et ces femmes nouveaux ne sont pas connus à l’heure qu’il est. Qui connaissait Robespierre ou Bonaparte en 1789? Qui connaissait Gambetta en 1860? Qui connaissait de Gaulle en 1939? Ce ne sont jamais avec ceux qui ont créés les problèmes que l’on peut espérer les résoudre disait Einstein. Si nous ne faisons pas émerger une nouvelle classe dirigeante, celle-ci risque de nous entraîner dans sa chute.

    Guillaume Bigot (Figaro Vox, 6 décembre 2020)

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  • Conseil d’Etat, l’antichambre du pouvoir ?...

    Le 21 août 2020, Thibault Bastide recevait sur TV libertés Yvan Stefanovitch à l'occasion de la publication de son enquête intitulée Petits arrangements entre amis (Albin Michel, 2020) et consacrée au Conseil d’État. Un livre qui revient sur les coulisses d"une institution méconnue du grand public.

     

                                              

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  • Le port du masque et la domestication des masses par l’oligarchie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Maffesoli, cueilli sur Le Courrier des Stratèges et consacré à la stratégie de mise sous contrôle de la société civile déployée par l'oigarchie. Penseur de la post-modernité, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019) ou, dernièrement, La faillite des élites (Lexio, 2019).

     

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    Maffesoli : le port du masque et la domestication des masses par l’oligarchie

    Un monde entièrement stérilisé, promouvoir une vie sans microbe, ce qui, bien entendu, induit la nécessité de se laver les mains le plus souvent possible, de développer les gestes barrière et la distanciation sociale, le tout selon l’injonction connue : « pour votre protection » voilà bien l’objectif de l’oligarchie au pouvoir !

    Répétées sur un ton macabre et ad nauseam, de telles recommandations et autres impératifs catégoriques de la même eau, soulignent bien ce qu’est, en vérité, la société de contrôle qui risque de s’imposer à tous et à tout un chacun. Qui risque, car à l’encontre de ce que croient les esprits chagrins, le pire n’est pas certain.

    Vers une société de contrôle

    Le danger cependant est bien réel. Les protagonistes de la domination médiatique s’emploient, de par le pouvoir qu’ils détiennent, à convaincre que les règles, préparant une telle aseptie de l’existence, généralisée, soient acceptées, voire intériorisées, ce qui rend bien difficile la rébellion contre le totalitarisme en train d’émerger.

    Ces tenants du pouvoir médiatique, perroquets de l’oligarchie politique, déversent, sans aucune vergogne un Niagara de vérités approximatives et divers lieux communs afin de justifier le port du masque, le confinement et autres préconisations vaines, qui semblables aux agents pathogènes d’une authentique pandémie tendent à contaminer, de proche en proche, une multiplicité de gogos trouvant dans la mascarade généralisée une manière de donner du sens à une vie en étant de plus en plus dépourvue.

    Songeons à cet égard à ce que Max Scheler (« Nature et formes de la sympathie ») nommait, fort simplement, les processus de la « contamination affective ». Plus proche de nous, Jean Baudrillard a longuement développé les puissants et inéluctables mécanismes de la « viralité ».

    Ces contaminations, cette viralité sont utilisées pour maintenir voire consolider la dictature de l’argent, réduisant l’homme « animal politique » à l’animal économique. C’est cela que le système s’emploie à générer. Et ce pour durer encore un moment. Pour survivre. Et cela le pousse à mettre en place une réglementation de plus en plus minutieuse, de plus en plus stricte. Au nom toujours de la protection des populations. Big Brother, le Grand Frère, veille sur la santé de tous !

    Domestication de masses

    Le déterminisme économique de l’oligarchie au pouvoir la conduisant, paradoxalement, à susciter une crise économique de grande ampleur. Mais le paradoxe n’est qu’apparent, car l’objectif d’une telle crise, est, en réalité, de susciter une domestication stricte des masses. On en donnera pour exemple le sort cruel et peu médiatisé réservé à tous les métiers de « l’anormalité » : prostitution, travail au noir, échange de services voire mendicité : ceux-là ne mourront peut-être pas du virus, mais de faim et de misère. Car aucune des mesures prises par un État soudain très généreux ne leur est destinée. Seuls les participants au « contrat social » bénéficient de la protection sociale, fondée sur les réflexes de peur et de repli.

    Cette stratégie de la peur est on ne peut plus perverse. Perverse, car en son sens étymologique, per via  (par voie détournée) : par la crainte du chômage, de l’appauvrissement, des traites en cours à payer, le système poursuit inexorablement son objectif essentiel : mettre au pas un peuple toujours prompt à se rebeller. Assujettissement urgent, car on voit, un peu partout de par le monde, la « révolte des masses » (Ortega y Gasset) revenir à l’ordre du jour.

    La voix de l’instinct populaire devient de plus en plus tonitruante quand l’on pressent, plus ou moins confusément, que le fondement de toute démocratie authentique, à savoir la puissance du peuple, puissance instituante, n’est plus prise en compte par le pouvoir institué, c’est-à-dire par le pouvoir d’une élite en perdition.

    Comment l’oligarchie contre la rébellion des masses

    C’est pour contrer une telle rébellion instinctuelle que l’oligarchie utilise les habituels outils de la politique : tactique et stratégie. Tactique à court terme : mascarade généralisée, mise à distance de l’autre, imposition des précautions de divers ordres, interdiction des rassemblements et manifestations de rue. Stratégie sur le long terme : isolement de chaque individu, uniformisation galopante, infantilisation de plus en plus importante. Et ce, afin de conforter un pouvoir on ne peut plus abstrait. C’est toujours ainsi que celui-ci a procédé : diviser pour mieux régner.

    Abstraction du pouvoir, car ainsi que le savent les plus lucides observateurs sociaux, c’est le primum relationis, la relation essentielle qui constitue le vrai réel de l’humaine nature. Ainsi que l’indique Hannah Arendt, « c’est la présence des autres, voyant ce que nous voyons, entendant ce que nous entendons, qui nous assure de la réalité du monde », qui conforte notre propre réalité.

    Comment peut-on vivre une telle « réalité » en avançant masqué, en maintenant une barrière entre l’autre et moi, en refusant les câlins propres à cet « Ordo amoris » qu’est toute vie sociale ? Mais cette tactique et cette stratégie du pouvoir oligarchique s’emploient dans un monde apparemment non totalitaire à préparer à une réelle domination totalitaire. Et c’est bien un tel totalitarisme qui est l’objectif ultime et intime d’un État de plus en plus obèse.

    Puis-je rappeler ici la lucide analyse de Guy Debord dans ses « Commentaires sur la société du spectacle ». Il montrait que les deux formes du spectaculaire : concentrée (nazisme, stalinisme) et diffuse (libéralisme) aboutissaient immanquablement à un « spectaculaire intégré ». Celui du pouvoir médiatique, celui de la technocratie et des divers experts leur servant la soupe. Le tout, bien sûr, s’appuyant sur une Science tout à fait désincarnée, science n’étant plus qu’une industrie soit-disant scientifique. Ce qui donne une nouvelle Caste, celle des scientistes qui sont avant tout ce que l’on peut appeler « des savants de commerce » ou représentants de commerce, légitimant l’oligarchie en lui fournissant en bons commerciaux les arguments, les éléments de langage et divers poncifs servant à endormir le bon peuple.

    Politiques, journalistes, experts, toujours entre-soi et constituant, pour reprendre une prémonitoire remarque de Guy de Maupassant, « une société délicate, une société d’élite, une société fine et maniérée qui, d’ordinaire, a des nausées devant le peuple qui peine et sent la fatigue » (La Vie errante). Nausée devant un peuple sentant mauvais et qu’il faut donc, de ce fait, tenir à distance. C’est bien cela l’essence du totalitarisme en train de s’élaborer. Non seulement maintenir la distance entre l’élite et le peuple, mais également imposer une distanciation entre les membres de ce dernier.

    Le totalitarisme doux du Big Brother étatiste

    Distanciation sociale, gestes barrière aidant, ayant pour seul objectif d’assurer la main mise sur un peuple toujours potentiellement dangereux. Il y a en effet, une étroite relation entre la violence totalitaire, celle de la technocratie et l’idéologie du service public, la bureaucratie. Celle-ci ne sert nullement le peuple, mais met le peuple à son service. Analysant le rapport tétanique existant entre technocratie et bureaucratie j’avais en son temps parlé d’un « totalitarisme doux » (La Violence totalitaire, 1979). J’aurais pu également dire « totalitarisme intégré ».

    Intégré par tous ces « imbéciles » hantant tels des zombies masqués les rues de nos villes. Imbéciles, stricto sensu, ceux qui marchent sans bâton (bacillus), ces bâtons que sont le discernement et le bon sens. Comment, étant masqué peut-on connaître ou reconnaître l’autre, c’est-à-dire, en son sens fort, naître avec (cum nascere) ou connaître (cum nocere) avec cet autre, ce qui est le b.a.-ba de tout être ensemble.

    La mascarade généralisée, la distanciation clamée à temps et à contretemps, voilà les armes principales du Big Brother étatiste, qui en aseptisant à outrance suscite un climat irrespirable, où à court terme, il ne sera plus possible de vivre. De vivre, tout simplement en syntonie avec la parentèle, les amis, les voisins, les proches et les lointains déterminant l’habitus, ces principes pratiques, qui selon St Thomas d’Aquin fondent toute vie sociale.

    Le totalitarisme si doux soit-il, au travers des injonctions dont il vient d’être question a la prétention (l’ambition ?) de dénier le mal, le dysfonctionnement ou même transhumanisme aidant l’idée de finitude et de mort.

    Mascarade et danse macabre

    Les principes pratiques de l’habitus, bien au contraire s’emploient à dénier la mort, mais à s’ajuster, à s’accommoder, tant bien que mal avec elle. Et pourquoi cela ? Tout simplement parce que cette accommodation, qui est une aptitude à s’adapter à ce qui est, est le fondement même de l’expérience ordinaire et du savoir incorporé qui en est issu. En bref la sagesse populaire, que les élites arrogantes nomment populisme, sait que la tâche de l’espèce humaine est d’apprendre à mourir. Tâche qui concerne tout à la fois l’être individuel et l’être collectif. Tâche qui fait la grandeur de l’humaine nature et qui, sur la longue durée, a été au fondement de toute création digne de ce nom.

    En écho à cette sagesse populaire, il convient de se souvenir que selon le philosophe, natalité et mortalité sont bien les conditions ultimes caractérisant l’existence humaine. Et c’est en déniant cette dernière que l’on atrophie singulièrement, « l’élan vital » qu’induit la première. Les grands moments culturels, ceux où la vie était célébrée intensément, se sont toujours élaborés « sub specie mortis ». C’est en sachant regarder en face cette mort inévitable qu’on est capable de vivre avec intensité la vie commune. Car, on ne le redira jamais assez, l’essence du Zoon politicon est la communicabilité.

    C’est bien ce caractère relationnel que s’emploient à nier, à dénier les divers gestes barrières que l’oligarchie tente d’imposer. Ces injonctions de la bienpensance sont de véritables machines de guerre contre le peuple. Très précisément parce qu’elles induisent des manières de penser et d’agir totalement aseptisées conduisant immanquablement au délitement du lien social miné par l’hystérie et les fantasmes cause et effet d’une supposée pandémie.

    J’ai dit l’imbécillité de ceux qui avancent masqués. En se pliant à la mascarade généralisée, ceux qui trouvent leur place dans ce bal masqué ne font que rejouer la danse macabre d’antique mémoire. Dansez musette !

    Michel Maffesoli (Le Courrier des Stratèges, 7 juin 2020)

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  • Sidération et soumission, effets secondaires du Covid-19...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré à la passivité de la population face aux injonctions liberticides auxquelles elle a été soumise par le système... Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a récemment publié La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).

     

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    Sidération et soumission, effets secondaires du Covid-19

    Le plus insupportable de l’épisode épidémique que nous venons de vivre ne tient pas aux mensonges du gouvernement. Les mensonges ne nous surprennent plus puisque la macronie elle-même, née d’un coup d’État médiatique et judiciaire en 2017, repose tout entière sur la duperie et la violence qui va toujours avec.
    L’insupportable ne tient pas non plus au déversement médiatique continu de la propagande catastrophiste depuis bientôt trois mois. Nous savons depuis longtemps que les médias mainstream ne nous informent pas, mais nous manipulent.
    Non, le plus insupportable tient au comportement soumis de nos concitoyens qui, durant cette période, ont tout accepté et tout abandonné. Parce qu’ils étaient morts de trouille.
    Soyons sûrs que l’oligarchie, qui prépare activement le monde d’après, aura retenu la leçon.

    La sidération nationale

    En 1938, une émission radiophonique reprenant le thème du livre de H. G. Wells, La Guerre des Mondes [1], provoque un début de panique aux États-Unis car nombre d’auditeurs croient que les Martiens ont vraiment débarqué… parce que des journalistes l’affirment.

    La peur de la « pandémie » véhiculée par tout le système institutionnel a repris cette logique de panique mais à la puissance mille : celle du pouvoir de sidération des médias audiovisuels modernes.

    La peur panique provoque la plupart du temps la sidération : un affaiblissement du jugement rationnel, accompagné de stupeur. La peur peut aussi provoquer une réaction vitale positive – ce qu’on nomme l’énergie du désespoir – mais cela ne s’est pas produit chez nous. La peur n’a produit qu’une soumission abyssale à l’autorité.

    Pour la première fois depuis la fin des grands totalitarismes du xxe siècle, l’épidémie de coronavirus a en effet conduit le gouvernement à placer en résidence surveillée l’ensemble de la population, sans que celle-ci ne se rebelle. Fâcheux précédent !

    La trouille

    Aux États-Unis, dans de nombreux États, la population a manifesté contre le confinement au nom de ses droits constitutionnels et de sa survie économique. En Allemagne, on a manifesté aussi contre le confinement. En Belgique, les soignants ont exprimé leur mécontentement contre le gouvernement. En France, rien, sinon une colossale trouille collective.

    La sidération médiatique a réussi à tuer le sens commun, pour le plus grand profit du pouvoir.

    Les Français ont ainsi été privés de masques de protection lorsque l’épidémie se développait : ils n’ont pourtant pas protesté, puisque, au contraire, ils ont applaudi les « soignants » qui soignaient… ce qui est quand même leur vocation. On a ainsi réussi à transformer la gabegie gouvernementale en célébration des soignants !

    Et aujourd’hui que l’épidémie recule, on impose le port du masque ! Mais les Français se plient à cette nouvelle contrainte avec un égal entrain. On met même des masques aux enfants.

    Les bonnes âmes cathodiques expliquent qu’il s’agirait d’un comportement civique, destiné à protéger les autres. Belle hypocrisie car il s’agit avant tout de protéger ceux qui ont le trouillomètre à zéro.

    La France orwellienne

    La docilité de la population aux injonctions contradictoires des experts en blouse blanche et des ministres a quelque chose d’orwellien. Comme sa docilité face à l’accumulation des mesures liberticides a aussi quelque chose d’effrayant.

    Le gouvernement français a en effet imposé un nouvel état d’urgence (déjà prolongé !) et multiplié les mesures liberticides : interdiction des manifestations, obligation de justifier son déplacement ou son lieu de domicile, réduction des garanties de procédure judiciaire, nouvelle réduction du nombre de jurys populaires, application StopCovid, usage de drones de surveillance [2], loi de censure des réseaux sociaux, instauration d’une discrimination géographique entre Français. Pendant que l’Éducation nationale demande aux maîtres, dans une fiche pédagogique [3], de signaler les propos « manifestement inacceptables » tenus par les élèves vis-à-vis de la façon dont le gouvernement a géré l’épidémie.

    Pendant que l’écologisme punitif repart de plus belle sous prétexte d’encourager l’usage du vélocipède. Et que la Commission européenne engage le processus d’adhésion de l’Albanie et préconise de nouvelles régularisations d’immigrants clandestins.

    Soumission

    Que le pouvoir politique substitue de plus en plus ouvertement le contrôle social, la techno-surveillance et la répression à l’exercice de la démocratie ne semble pas concerner nos concitoyens. Pas plus qu’ils ne semblent préoccupés par l’assombrissement continu de l’horizon économique de notre pays, du fait d’un confinement qui n’en finit pas et qu’ils plébiscitent.

    Nos concitoyens vivent déjà sur une autre planète : la planète cathodique qui attend avec terreur, après le dérèglement climatique, la deuxième – et pourquoi pas la troisième – vague du coronavirus. Celle où il faudra toujours faire la queue devant les magasins – du moins ceux qui n’auront pas fermé – en respectant les gestes barrières et en se lavant rituellement les mains au gel hydroalcoolique, enfin disponible.

    En 2020, la France roule à vélo, accepte sagement la place qu’on lui assigne sur la plage et regarde Michel Cymes à la télévision.

    Emmanuel Macron a raison. La France ne manque pas de masques : les Français en portent désormais un en permanence devant leurs yeux.

    Michel Geoffroy (Polémia, 30 mai 2020)

    Notes :

    [1] Publié en 1898…
    [2] Dont le Conseil d’État vient de souligner l’absence de base légale.
    [3] Aujourd’hui rectifiée devant les protestations syndicales.

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