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nature - Page 2

  • La nature comme socle !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une superbe vidéo de l'Institut Iliade sur le thème de la nature qui vient annoncer le sujet du prochain colloque, dont la date a été déplacée au samedi 19 septembre 2020.

     

                                      

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  • Premières leçons de l’épidémie de Conoravirus 19

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Le Gallou publié sur le site de l'Institut Iliade et consacré à ce que vient nous rappeler l'épidémie de coronavirus. Ancien haut-fonctionnaire, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016) et Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018). 

     

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    Premières leçons de l’épidémie de Conoravirus 19

    Répétons-le : le coronavirus n’est ni bon, ni méchant, il est indifférent. Le virus s’est propagé en profitant des faiblesses offertes par la mondialisation : entassement dans les villes, multiplication des échanges et des communications, goût du lucre, éloignement des centres de production et de communication. En même temps, dans le silence des villes et des forêts imposé par le confinement, la nature sauvage reprend ses droits. Malgré les utopies progressistes, la compétition des espèces n’a jamais cessé.

    « L’histoire est le lieu de l’inattendu » : jamais la leçon de Dominique Venner ne s’est montrée aussi profonde. L’imprévu ici ce n’est pas le coup de feu tuant un archiduc mais une épidémie mondiale remettant en cause l’ensemble du système économique. Comme la Grande peste marqua la fin du Moyen Âge et les mauvaises récoltes de 1788 préparèrent la Révolution. Sans doute le libre-échangisme mondial se montrera résilient mais tout porte à penser que la thèse de la « mondialisation heureuse » aura du mal à se remettre de l’épidémie.

    D’autant que le retour des frontières – thème du VIe colloque de l’Institut Iliade — s’impose comme une réponse à la fois sanitaire, économique, sociétale, politique. Au moment même le refus idéologique des frontières entre peuples et nations débouche sur le rétablissement de frontières intérieures et le confinement à domicile.

    « Est souverain celui qui décide des circonstances exceptionnelles » : l’analyse de Carl Schmitt prend ici tout son sens. Ouvrir ou fermer des frontières, confiner ou non la population, faire appliquer partout ou non ces mesures, mobiliser des moyens privés et publics, réquisitionner ou non des produits, sont des décisions politiques. Et seulement politiques. S’abriter derrière des « experts » (souvent bien défaillants d’ailleurs) ou un pseudo conseil scientifique présente un côté dérisoire. Avec la Ve République en France le souverain c’est le président de la République. Qu’il soit bon ou mauvais c’est une autre affaire. Qu’il ait un jour ou l’autre des comptes à rendre, c’est entendu, mais aujourd’hui c’est à lui décider. Pourtant un autre système se profile : la théocratie judiciaire. Saisi par des collectifs de médecins, le Conseil d’État s’est jugé compétent pour statuer sur la nécessité de renforcer ou non le confinement des Français. Certes il s’est gardé de trancher trop nettement mais c’est une avancée de plus vers le gouvernement des juges.

    « Politique d’abord » : si le Conseil d’État s‘est retenu d’aller trop loin, c’est qu’il a pris conscience des difficultés d’envahir le champ de la décision politique : car en prendre une exige de s’assurer d’abord de son opportunité mais aussi de sa proportionnalité, de sa pertinence (coût/ avantages), de son acceptabilité et tout simplement de sa faisabilité. Dans la trilogie de la séparation des pouvoirs, le pouvoir judiciaire juge a posteriori, le pouvoir législatif organise a priori, l’exécutif agit dans le présent et pour le futur. C’est le rôle du politique.

    Le retour du réel  et du risque : le confinement a opéré brutalement un classement entre les tâches essentielles et celles qui le sont moins. Les tâches essentielles : les missions de service public (santé, sécurité, électricité, eau, transports, enlèvement des ordures ménagères) et l’approvisionnement (agriculture, agro-alimentaire, livraisons). Les activités qui le sont moins ? Remplir des tableaux Excel ou préparer un Power Point ! L’épidémie a mis aussi en avant les métiers les plus exposés : soignants mais aussi caissier(e)s. Les plus exposés mais pas toujours les plus considérés, et souvent les plus mal payés. Tel qu’il s’est exprimé jusqu’au 15 mars, le corps médical n’a pas vu venir la crise, mais il est aujourd’hui sur la ligne de front, exposé à la contagion, et son prestige remonte.

    La faillite de l’État : aux mains d’experts déconnectés (pour mémoire le Directeur général de la santé est professeur de médecine et infectiologue) l’État a perdu la main. Il n’offre plus sa protection aux citoyens, ce qui est sa première fonction. D’où le retour à la subsidiarité : des soignants fabriquent eux-mêmes leurs masques avec du tissu. D’autres soignants décident de traiter des patients atteints du Covid 19 avec la méthode du professeur Raoult alors que celle-ci n’est pas homologuée, voire déconseillée. Des maires décrètent un couvre-feu.

    Le survivalisme n’est pas idiot : les Français découvrent qu’il faut se méfier de l’État et s’organiser de façon autonome. La crise a montré les défaillances du gouvernement : manque de gels hydro-alcooliques, manque de masques, annonces mal préparées, décisions tardives, perte de contrôle d’une partie du territoire. Dès l’annonce du confinement les vieux réflexes d’autoprotection ont repris droit de cité : constitution de stocks alimentaires et pharmaceutiques, exode depuis les villes. La crainte d’autres événements –pillages, émeutes — dans les banlieues ne peut conduire qu’à prendre d’autres précautions : la détention d’armes notamment.

    Les banlieues de l’immigration font sécession : alors que dans leur immense majorité les Français ont accepté les mesures très contraignantes de fermeture des écoles, arrêt des entreprises et confinement, la loi commune est particulièrement mal appliquée dans les quartiers à majorités afro musulmanes. Pour une raison simple : beaucoup d’habitants ne se sentent pas concernés par le destin commun des Français et n’ont pas le sentiment d’appartenir au même peuple.

    La micro cellule familiale a repris la place centrale dans la vie des Français et des Européens.

    L’État, les communes, les entreprises, découvrent qu’ils devront se passer à l’avenir de leurs fournisseurs chinois, ou à tout le moins limiter leur dépendance à l’égard de toute zone de production hors Union européenne.

    L’Union européenne est restée hors-jeu en ne fermant pas suffisamment tôt ses frontières extérieures par pure idéologie sans-frontièriste. Et en étant parfaitement inutile par la suite : ses 43 000 bureaucrates n’étant d’aucune utilité ni pour soigner, ni pour produire les biens de première nécessité.

    Jean-Yves Le Gallou (Institut Iliade, 25 mars 2020)

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  • Le travail n'est pas une marchandise...

    Les éditions du Collège de France viennent de publier un court essai d'Alain Supiot intitulé Le travail n'est pas une marchandise - Contenu et sens du trail au XXIe siècle. Juriste, professeur émérite au Collège de France, Alain Supiot est l'auteur de plusieurs essais dont Homo juridicus - Essai sur la fonction anthropologique du droit (Seuil, 2005) et La gouvernance par les nombres (Fayard, 2015).

     

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    " Les défis posés par la révolution numérique et les périls écologiques ne pourront être relevés sans remettre en cause l'assimilation du travail et de la nature à des marchandises, qui s'est imposée depuis l'avènement du capitalisme. Les statuts professionnels qui ont résisté à la dynamique du Marché total ne sont donc pas les fossiles d'une monde appelé à disparaître, mais bien plutôt les germes d'un nouvel Etat social, qui fasse place au sens et au contenu du travail - c'est-à-dire à l'accomplissement d'une œuvre. "

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  • Comment réenchanter le monde ?...

    Les éditions Rivages viennent de publier un essai de Serge Latouche intitulé Comment réenchanter le monde - La décroissance et le sacré. Principal penseur français de la décroissance, Serge Latouche est l'auteur de nombreux essais importants comme L'Occidentalisation du monde (La découverte, 1989)  La Mégamachine (La découverte, 1995), Le Pari de la décroissance (Fayard, 2006), Sortir de la société de consommation (Les liens qui libèrent, 2010) et Décoloniser l'imaginaire (Parangon, 2011). Il a également publié Remember Baudrillard (Fayard, 2019).

     

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    " Voici un petit traité pour lutter contre la religion du profit et de l'argent, et un plaidoyer pour un nouveau modèle de société. L'idolâtrie de la croissance pose la question de la nature quasi religieuse de l'économie de marché. Religion laïque et matérialiste, celle-ci désenchante le monde, détruit le lien social et les écosystèmes nécessaires à la survie de l'humanité. Désacraliser la croissance consiste d'abord à dévoiler la manière dont s'est opérée sa sacralisation. Le projet d'une société alternative soutenable et conviviale, porté par la décroissance, vise à sortir du cauchemar du productivisme et du consumérisme, mais aussi à réenchanter le monde et à retrouver notre capacité d'émerveillement devant sa beauté. La décroissance contient donc une dimension éthique et même spirituelle essentielle sans pour autant devenir nécessairement une religion. "

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  • La place de l’homme dans la nature...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à la revue Rébellion en mai 2011, à l'occasion de la sortie de son essai Des animaux et des hommes (Alexipharmaque, 2010). Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist vient de publier Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

     

     

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    « Des animaux et des hommes »

    Dans Demain la décroissance, la question était posée du rapport de l’homme à la nature et de la valeur intrinsèque de celle-ci. Dans Des animaux et des hommes, la réflexion porte plus précisément sur le rapport de l’homme à l’animal, et a fortiori sur la question de l’homme en tant qu’animal. Quel a été le point de départ de cette réflexion ?

    Le sous-titre du livre est : « La place de l’homme dans la nature ». S’interroger sur l’animal revient en effet à s’interroger du même coup sur nous-mêmes. Comme l’écrivait Condillac dans son Traité des animaux (1755) : « Il serait peu curieux de savoir ce que sont les bêtes, si ce n’était pas un moyen de savoir ce que nous sommes ». Comme les animaux, nous appartenons au monde du vivant. Nous sommes donc apparentés aux bêtes, ce que l’expérience quotidienne nous confirme à chaque instant. Mais en même temps, nous avons quand même le sentiment d’une grande différence par rapport à eux (nous publions des livres sur les animaux, mais eux n’en publient pas sur nous !). L’idée qu’en étudiant les autres vivants, nous pourrons mieux cerner ce qui nous rapproche d’eux, mais aussi ce qui nous en distingue, en découle automatiquement. C’est ce qui permet de comprendre que le sujet de mon livre n’a rien d’anecdotique. Il a au contraire des prolongements qui, depuis des siècles, n’ont cessé de mobiliser la réflexion des philosophes et des théologiens, mais aussi des chercheurs, des politologues, des sociologues et des théoriciens de toutes sortes. Le rapport de l’homme à l’animal est une façon parmi d’autres de poser la question des rapports entre la nature et la culture, l’inné et l’acquis, mais également celle des rapports entre le corps et l’esprit, l’âme et le corps, entre physis et nomos, etc. Les réponses données à ces questionnements ont été extraordinairement variées. C’est ce que je rappelle dans la première partie de mon livre, où je m’efforce de retracer l’histoire de ce questionnement et de donner une description à la fois panoramique et typologique des réponses apportées.

    Pour ce qui me concerne, le point de départ de ma réflexion, outre l’intérêt suivi que je porte depuis plusieurs décennies à la philosophie des sciences et à l’évolution des sciences de la vie, a été la récente publication, par mon ami Yves Christen, d’un livre tout à fait passionnant intitulé L’animal est-il une personne ? (Flammarion, Paris 2009). S’appuyant sur des travaux scientifiques réalisés depuis une quinzaine d’années, Christen, qui connaît admirablement son sujet, croit pouvoir affirmer que toutes les frontières « étanches » que l’on avait dressées dans le passé entre le monde animal et le monde humain ont été balayées par la recherche les unes après les autres. Il en conclut que la différence entre les hommes et les animaux n’est donc qu’une différence de degré, et non de nature, ce qui l’amène à dire que les bêtes sont elles aussi des personnes. Il se trouve que, quoique rejoignant Christen sur bien des points, je ne partage pas cette conclusion. J’ai donc saisi cette occasion d’expliquer comment s’articule ma propre démarche, laquelle, je le précise tout de suite, se situe largement dans la perspective ouverte par l’école de l’« anthropologie philosophique », de Max Scheler à Arnold Gehlen, tout en étant par ailleurs fortement influencée par la pensée de Heidegger.

    Historiquement parlant, on peut répartir les réponses apportées à la question des rapports entre l’homme et la nature en trois grandes catégories : d’abord ceux pour qui l’homme est pleinement un être de nature qui, à cet égard, ne se distingue pas fondamentalement des animaux ; ensuite ceux pour qui il existe une nature humaine, mais différente sous certains aspects de celle des animaux, enfin ceux pour qui il n’y a tout simplement pas de nature humaine. Ces catégories ne sont pas homogènes. La plupart des généticiens et des biologistes se situent dans la première catégorie (c’est aussi le cas d’Yves Christen), mais leur interprétation de la culture n’est pas forcément la même, selon qu’ils interprètent la culture comme une simple superstructure, qu’ils estiment qu’elle relaie mécaniquement la nature ou qu’ils postulent toute une série d’interactions pour expliquer la « co-évolution » de la culture et de la nature. La deuxième catégorie rassemble des auteurs encore plus différents, depuis ceux pour qui l’homme est avant tout un « animal de culture » jusqu’à ceux selon qui « l’homme est titulaire de droits qui sont autant d’attributs de sa nature ». Il en va de même de la troisième catégorie, puisqu’on peut aussi bien y placer les philosophes marxistes que les philosophes kantiens.

    Kant et ses épigones affirment que l’homme est d’autant plus humain qu’il s’arrache à son animalité, s’affranchissant ainsi de tous les liens qui le relient à la nature. L’autonomie morale et la « dignité », dans cette perspective, s’acquièrent par un « anti-naturalisme » de tous les instants. Les tenants du réductionnisme biologique assurent, à l’inverse, que l’homme ne se comprend qu’à la lumière de sa constitution biologique naturelle, ce qui les conduit souvent à professer un « anti-culturalisme » tout aussi caricatural. Je préfère pour ma part m’en tenir à un propos de Konrad Lorenz que j’ai souvent cité. Lorsque j’étais allé lui rendre visite chez lui, en Autriche, le vieux Prix Nobel m’avait dit : « Si vous dites que l’homme est un animal, vous avez raison. Mais si vous dites qu’il n’est qu’un animal, vous avez tort ». Jusqu’à quel point l’homme est-il un animal comme les autres ? Qu’est qui lui appartient en propre, justifiant qu’on lui attribue, sinon un statut d’« exception », du moins des caractéristiques propres qui sont en rupture, non certes ontologiques, mais ontiques, avec le reste des vivants ? La notion d’émergence est-elle de nature à expliquer, sans recours à des « explications » métaphysiques dont la valeur épistémologique est nulle, l’apparition au cours de l’évolution de cette particularité humaine ? C’est là le sujet de la seconde partie de mon livre.

    Décréter l’égalité entre homme et animal, n’est-ce pas générer une équivalence qui risque de dégénérer en une hiérarchisation subjective ?

    Le fait est qu’attribuer à tous les vivants la qualité de « personne », même si l’on s’abstient d’affirmer que toutes ces personnes sont égales, amène presque automatiquement à légitimer une hiérarchisation que l’on n’avait pas forcément l’intention de faire apparaître au départ. Même en insistant avec force sur tout ce que les animaux ont en commun avec nous (ils ont des désirs et des émotions, ils ressentent le plaisir et la douleur, ils ont une indéniable sensibilité, ils sont capables de formuler des projets, ils disposent d’un langage pour communiquer entre eux, ils ont une certaine conscience d’eux-mêmes, etc.), il est en effet difficile de leur attribuer des capacités véritablement égales aux nôtres pour ce qui est du langage symbolique, de l’appétence à l’historicité, de la conceptualisation, etc. Comment éviter, dans ces conditions, en les plaçant par rapport à nous dans un procès de continuité intégrale, de les affecter d’un moindre être ? Yves Christen, dans son livre, accorde une grande importance à la notion d’altérité, ce en quoi il a parfaitement raison. Mais le risque n’est-il pas grand de réduire cette altérité dès lors que l’on supprime toute frontière entre l’homme et les animaux ? Si tous les vivants sont des « personnes » au même titre que les humains, il y a toutes chances que les « personnes non humaines » soient regardées comme des personnes inférieures, des « hommes imparfaits » en quelque sorte, au lieu d’être considérées comme les animaux parfaitement « réussis » qu’elles sont en réalité. Il me semble que leur altérité sera mieux reconnue, et pourra être mieux respectée, si l’on admet que chaque espèce a son monde propre, son Umwelt, tandis que l’homme est le seul être « créateur de monde », dans la mesure précisément où il n’est pas définitivement rivé à un quelconque Umwelt du fait de son « ouverture au monde » et de la relative déprogrammation de l’objet de ses instincts.

    La rupture métaphysique entre l’homme et l’animal, comme entre l’homme et la nature, est-elle une conséquence de la vision chrétienne et de l’idéologie du progrès ? Quelle autre Weltanschauung (« vision du monde ») le paganisme propose-t-il ?

    La rupture à laquelle vous faites allusion surgit inévitablement lorsqu’on se situe dans une perspective dualiste. L’opposition entre l’être créé et l’être incréé, entre le monde et Dieu, qui est l’une des caractéristiques majeures du monothéisme biblique tend alors à se prolonger par toute une série de coupures ou d’oppositions qui la prolongent : entre le corps et l’âme, l’homme et le reste de la nature, etc. Ces oppositions ne sont pas perçues comme relevant d’une quelconque complémentarité des contraires (comme pour le yin et le yang des Chinois, ou la dialectique des contraires chez Héraclite), mais comme des oppositions radicales entre des concepts qui s’excluent mutuellement selon le modèle du « jeu à somme nulle » (tout ce qui est concédé à l’un est réputé perdu par l’autre).

    Dans l’Antiquité, chez les Grecs et les Romains notamment, c’est au contraire la non-dualité qui règne – ce qui ne veut évidemment pas dire l’indistinction. Aristote perçoit très bien la différence entre les animaux et les hommes, mais il ne dresse pas entre eux de frontière infranchissable, car il les situe les uns comme les autres dans un même rapport de co-appartenance à un cosmos jugé lui-même comme modèle d’harmonie. Il professe par ailleurs une théorie de la continuité des âmes, que rejettera avec force Thomas d’Aquin. L’âme, il est vrai, n’est alors pas conçue ou définie comme dans la théologie chrétienne. Pour les Anciens, l’âme est avant tout le principe de vie, le souffle vital. Il est donc tout naturel que tous les vivants aient une âme, ce qui les distingue des objets inanimés. Lorsque nous parlons aujourd’hui des « animaux », nous oublions d’ailleurs le plus souvent que leur nom provient du nom latin de l’âme, anima ! Etymologiquement parlant, et alors même que l’on prétend qu’ils n’en ont pas, les animaux sont des « êtres pourvus d’une âme »… C’est d’ailleurs ce qui permettait aux fidèles de l’orphisme, appartenant à l’école de Pythagore, d’affirmer la réalité de la métempsycose, c’est-à-dire d’une possible transmigration des âmes (d’hommes ou d’animaux). Cependant, déjà dans le stoïcisme, on insiste sur le rôle de la raison chez l’homme, en dévalorisant les animaux. Parallèlement, on voit se dessiner chez les stoïciens l’idée d’un rapport purement instrumental à la nature. Mais c’est évidemment avec le christianisme que la rupture est véritablement consommée. Non seulement les chrétiens condamnent le « culte de la nature » comme idolâtre, ce que faisait déjà le judaïsme avant eux, mais ils s’emploient à vider le cosmos de toute sacralité intrinsèque, entamant ainsi un processus de « désenchantement du monde » que la modernité conduira à son terme. Dans le même temps, ils introduisent entre l’homme et l’animal une césure radicale, de nature métaphysique, en affirmant que seuls les hommes ont une âme immortelle. C’est à partir de là que l’homme va progressivement s’excepter du discours sur les animaux, se faisant gloire de ne pas relever d’une « animalité » bientôt dégradée au rang de simple bestialité.

    Bien entendu, cette conception nouvelle ne va s’imposer que progressivement, et souvent par des moyens détournés. Dans les traditions populaires, les contes et les légendes, on voit souvent des animaux parler, manifestant ainsi leur amicale proximité par rapport aux humains. Pensons également à l’importance du bestiaire médiéval au fronton des églises romanes. Et n’oublions pas non plus les élans de fraternité mystique d’un François d’Assise envers les animaux, élans qui s’étendent même à la Lune et au Soleil. Mais au-delà des oscillations dogmatiques des autorités ecclésiastiques (cf. à ce sujet le livre d’Eric Baratay, L’Eglise et l’animal, Cerf, Paris 1996), la rupture était quand même bien là. Un autre tournant très important est pris avec Descartes, dont la théorie du sujet (cogito ergo sum) implique un moi radicalement séparé du monde. Dans la philosophie cartésienne, l’homme est cet être qui se découvre lui-même, immédiatement, comme esprit et comme âme, et non comme corps. Seul l’homme est esprit, car il est le seul être pensant (d’où l’opposition entre la res extensa et la res cogitans). Le cosmos n’est plus qu’un objet mort, muet, que la science analytique doit chercher à comprendre en décomposant tous ses éléments. Quant aux animaux, ils ne sont que des « machines », les cris que pousse un chien battu n’exprimant plus la douleur, mais recevant une explication purement mécanique. (C’est contre cette théorie des « animaux-machines » que s’insurgeait Montaigne, grand défenseur des animaux, à l’instar d’un Plutarque ou d’un La Fontaine). Par la suite, on retrouvera dans la philosophie kantienne cette idée ques les animaux ne sont que des moyens dont l’homme peut disposer à sa guise, en maître et souverain du monde qu’il prétend être. La philosophie des Lumières, auparavant, avec Helvétius par exemple, aura donné naissance à la théorie selon laquelle l’esprit humain est à la naissance une « table rase », en sorte que tout ce qui s’y inscrit est exclusivement le fait de l’éducation et du milieu. L’idéologie du progrès, elle, accentuera la coupure nature-culture en plaçant la nature du côté d’un passé « naturel » dont l’homme est appelé à s’émanciper pour s’assurer des « lendemains qui chantent ».

    De la dimension morale de la nature humaine, peut-on décréter qu’elle est intrinsèquement bonne ou intrinsèquement mauvaise ?

    Pour cela, il faut déjà avoir décidé que la nature humaine comporte une dimension morale, ce qui peut se soutenir de plusieurs façons, mais peut aussi être nié. Nombre de biologistes, pour qui la nature humaine ne se distingue pas essentiellement de celle des animaux, n’hésitent à placer l’origine de la morale dans des adaptations sélectives positives survenues au cours de l’évolution. C’est même là une thématique qui a fait l’objet de très nombreux travaux récents. Ces travaux ne manquent pas d’intérêt, mais trouvent leur limite dans le fait que la conception de la morale sur laquelle ils s’appuient est généralement d’inspiration utilitariste : la morale se ramène à des normes ou des règles de comportement dont l’observance se révèle utile à la survie du groupe. Dans une telle perspective, il est impossible d’expliquer en quoi l’éthique de l’honneur se distingue de la morale du péché, ou de comprendre la différence entre les éthiques téléologiques (Aristote) et les éthiques déontologiques (Kant). L’existence de ces différences est une preuve supplémentaire que la nature humaine ne saurait être rabattue sur celle des animaux.

    Parmi les auteurs qui admettent une dimension morale de la nature humaine, les uns la jugent fondamentalement « mauvaise », car viciée par le péché originel par exemple (position de la théologie chrétienne), d’autres fondamentalement « bonne », ce qui pose alors le problème de savoir quelle est l’origine du mal (comment expliquer la négativité sociale si la société se compose d’individus naturellement bons ?). Dans la pensée chinoise, la première position est plutôt soutenue par Hsün Tzu, la seconde plutôt par Mencius ; en science politique, la première est celle de Hobbes, la seconde celle du comte de Shaftesbury, et dans une certaine mesure celle de Rousseau. Le choix que l’on fait dans cette alternative a une conséquence décisive sur la vie sociale : si la nature de l’homme est intrinsèquement bonne, la société doit chercher à éliminer ce qui empêche cette bonne nature de s’exprimer (mais le problème continue à se poser de savoir d’où proviennent les obstacles) ; si elle est intrinsèquement mauvaise, les pouvoirs publics ont le devoir de constamment rechercher à la brider (la société et les institutions deviennent l’antidote coercitif à la méchanceté ou à l’imperfection humaine). Les choses se compliquent encore du fait que chque auteur se fait souvent une idée différente du rapport de la nature à la culture. Hobbes et Rousseau, par exemple, reconnaissent tous deux le primat de la « nature », mais le premier se la représente comme essentiellement meurtrière, le second comme plutôt idyllique. Pour Rousseau, le contrat social doit s’accorder à la nature, tandis que pour Hobbes il a au contraire l’avantage de nous faire sortir d’un « état de nature » équivalant à la guerre de tous contre tous.

    Mon sentiment personnel est que ces querelles résultent avant tout de problèmes mal posés. L’homme n’est certainement pas naturellement bon, mais il n’est pas non plus naturellement mauvais. Il est capable du pire comme du meilleur, de comportements égoïstes et destructeurs comme de comportement altruistes axés sur la coopération et l’entraide. Il peut s’élever au-dessus de lui-même comme il peut déchoir en dessous de lui-même. C’est en cela précisément qu’il est imprévisible, voire dangereux. Etant « ouvert-au-monde », l’homme n’est pas tant un être « mauvais » qu’un être risqué.

    Que penser de Clément Rosset pour qui la culture est le propre de l’homme et la nature, une « profonde et indéracinable illusion » ? Que l’homme s’arrache de l’état de nature pour accéder à l’état de culture, n’est-ce pas là justement un instinct propre à l’homme ?

    J’apprécie beaucoup l’œuvre de Clément Rosset, mais il est clair que l’usage qu’il fait des mots « nature » et « culture » lui est très personnel. On peut en effet très bien penser que la culture est le propre de l’homme, sans pour autant voir dans la nature une « profonde et indéracinable illusion ». Arnold Gehlen résume ma position quand il écrit que « l’homme est par nature un être de culture ». La culture, en ce sens, ne représente nullement un « arrachement » à l’état de nature, ce qui nous ferait retomber dans une conception dualiste des choses. Elle représente bien plutôt un état de nature organisé différemment. Elle prolonge la nature en la portant à un autre niveau.

    Gehlen met en rapport l’émergence de la culture avec la relative déspécialisation de l’espèce humaine. C’est cette déspécialisation qui a permis à l’homme de s’adapter à tous les milieux en les transformant, alors que toutes les autres espèces animales sont par nature attachées à un milieu spécifique. « Si le cerveau de l’homme est paradoxal, écrit Gehlen, c’est que lui et les mains ont rendu superflues toutes les spécialisations des organes […] L’homme de l’ère glaciaire n’a pas développé de fourrure, mais s’est habillé avec les peaux de bête qu’il a acquises par des méthodes intelligentes, avec le cerveau et la main ». Les outils, les artefacts, sont chez l’homme autant d’organes artificiels. L’homme dans cette optique se définit comme un « être de manque » (Mängelwesen). La notion de culture reçoit alors un éclairage entièrement nouveau. La diversité des cultures est la conséquence directe de la multiplicité dex choix que l’homme est constamment obligé de faire pour s’adapter à son environnement, le modifier et le doter de sens. La culture n’est donc nullement le « contraire » de la nature, mais elle compte bien plutôt au nombre des conditions physiques d’existence de l’être humain. En cela, elle se distingue fondamentalement des traits de culture matérielle que l’on peut observer chez certains animaux. Loin d’être un luxe, loin d’être quelque chose qui s’ajouterait à la nature à la façon d’une superstructure, elle est la condition même de l’existence de l’homme en tant qu’homme. C’est pour cela qu’il existe plusieurs cultures au sein de l’espèce humaine, alors que celle-ci ne dispose qu’une seule nature (bio-anthropologique). Pour le dire autrement, il n’a pas chez l’homme d’appartenance immédiate à l’humanité, mais toujours une appartenance médiate – une appartenance par le biais d’une culture. Il résulte de cette façon de voir les choses que ramener l’homme à l’espèce biologique revient à le dépouiller de son humanité même, c’est-à-dire aussi de son historicité.

    S’il n’existe aucun paradigme universel permettant de hiérarchiser les cultures, le racisme n’est-il pas lui aussi une profonde et indéracinable illusion ?

    Quand on parle de racisme, il faut évidemment préciser si l’on fait allusion aux comportements ou aux doctrines, car ce sont des choses différentes. En tant que comportement ou attitude, le racisme est une forme d’autres parmi d’autres de cette altérophobie qui nous pousse à nous méfier, voire à nous opposer à ceux que nous percevons à tort ou à raison comme différents de nous (la différence est prise comme l’indice d’un possible danger). Cette attitude a des racines très anciennes, qui renvoient à l’évolution des espèces. En tant que doctrine, le racisme est une théorie moderne qui s’exprime essentiellement sous deux variantes différentes : la croyance qu’il est possible de hiérarchiser les races de façon globale, et la croyance que le facteur racial est le facteur explicatif central de l’histoire. Ces deux croyances peuvent être soutenues simultanément, mais aussi séparément, car elles ne vont pas nécessairement de pair. La hiérarchisation des cultures suppose qu’il existe un critère objectif surplombant, permettant de dire que telle ou telle race est « inférieure » ou « supérieure » à une autre. C’est en effet une illusion. Un tel critère n’existe tout simplement pas. L’examen des théories raciales ou racistes montre d’ailleurs que le critère retenu renvoie presque toujours à l’appartenance particulière de celui qui les énonce. Dire que les Noirs sont inférieurs aux Blancs revient alors à dire qu’ils sont moins Blancs que les Blancs, ce qui n’est pas vraiment une révélation.

    Ce rapport de co-appartenance que l’écosophie propose en opposition à l’arraisonnement du monde (Gestell), est-il possible de l’établir entre l’homme et l’animal ? L’homme n’a-t-il pas, en tant qu’« être ouvert au monde », une responsabilité envers l’animal ?

    Il en a une, bien entendu. Et cette responsabilité sera d’autant mieux perçue, en effet, que nous saurons substituer au rapport de maîtrise un rapport de co-appartenance. L’homme, depuis au moins Descartes, a voulu s’instituer en « maître souverain » de la nature, et donc également des animaux. Il a voulu faire du monde un objet dont il serait le sujet. Les résultats de cette mise à disposition sont bien connus : destruction des cadres de vie, épuisement des ressources naturelles, disparition de nombreuses espèces, fuite en avant dans l’illimité du « toujours plus », etc. Retrouver la disposition d’esprit des Anciens, qui était tout à fait étranger à cette conception utilitaire-instrumentale, permettrait de voir dans l’animal autre chose qu’un objet domestique ou une proie. L’animal a une valeur intrinsèque, qui ne se ramène pas à l’affection sentimentale qu’il suscite éventuellement en nous ou à l’intérêt qu’il présente pour nous. Nous ne sommes pas que des animaux, mais nous sommes aussi des animaux. Nous avons donc des devoirs envers les animaux, ce que nos contemporains oublient encore trop souvent.

    Je ne suis pas, en revanche, de ceux qui parlent des « droits des animaux », à la façon d’un auteur comme Peter Singer par exemple. D’abord parce que je crois que, d’une façon plus générale, nous aurions tout intérêt à sortir de cette omniprésente rhétorique des droits qui constitue aujourd’hui l’horizon le plus général de la réflexion politique (les « droits des animaux » représenteraient une sorte d’extension des « droits de l’homme »), ensuite parce qu’il ne peut y avoir, à mon sens, de rapports de droit que là où il existe des sujets de droit fondés à faire valoir leurs droits, ce qui n’est de toute évidence pas le cas des animaux. Nos devoirs envers les animaux, en revanche, sont une impérieuse obligation. Et il n’est pas encore interdit de faire primer les devoirs sur les droits.

    Alain de Benoist (Rébellion n°47, mai 2011)

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  • L'éthique de la terre...

    Les éditions Payot viennent de publier un court essai d'Aldo Leopold intitulé L'éthique de la terre. Il est complété par Penser comme une montagne, un deuxième texte du même auteur. Spécialiste des questions écologiques et forestières, chasseur et pêcheur Aldo Leopold est un des initiateurs de la protection de l'environnement aux États-Unis. Les éditions José Corti ont récemment publié un recueil de texte de cet auteur sous le titre Pour la santé de la terre.

     

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    " Il y eut trois pionniers américains de la pensée écologique : l’ermite Henry David Thoreau, le voyageur John Muir et le forestier Aldo Leopold. On doit à ce dernier, que certains tiennent pour un géant littéraire et un prophète, les premières politiques de protection des espaces naturels, une réflexion inégalée sur la nature sauvage, et la conviction qu’il est possible à l’homme de développer une intelligence écologique. Car l’« éthique de la terre » est possible. Elle repose sur l’idée lumineuse de communauté et d’équilibre. Grâce à elle, nous pouvons tous apprendre à être heureux dans la nature. À la fois narrative et philosophique, l’écologie d’Aldo Leopold possède une force surprenante : elle pulvérise notre arrogance tout en nous murmurant « l’opinion secrète » de la montagne à l’égard des loups. "

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