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moyen-orient - Page 2

  • Le déclassement français...

    Les éditions Michel Lafon viennent de publier une enquête de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot intitulée Le déclassement français. Respectivement grand reporter à Radio France et journaliste au Figaro, Christian Chesnot et Georges Malbrunot ont déjà publié enquêtes consacrées au Proche-Orient.

     

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    " Une grande enquête dans les coulisses diplomatiques sur les raisons profondes de ce déclassement français.

    Alors qu'elle jouissait d'un véritable crédit, la France est aujourd'hui déclassée au Moyen-Orient et au Maghreb. La conséquence de quinze ans d'une politique versatile que les auteurs ont décryptée à Paris, Rabat et Téhéran, jusque dans le champ de ruines irako-syrien en passant par Tel-Aviv. Un recul que, malgré son volontarisme et une vision stratégique, Emmanuel Macron, trop pressé et catégorique, n'a su enrayer.
    Après avoir autopsié le rêve brisé du président français de redresser le Liban, avec ses stériles coups de gueule contre les dirigeants de Beyrouth et son surprenant pas de deux avec le Hezbollah, les auteurs montrent comment, dans le dossier mémoriel avec l'Algérie, il s'est retrouvé piégé par les caciques du régime, des vieillards insensibles à ses gestes d'ouverture... mais prompts à se faire soigner en France sans jamais payer la facture ! Dévoilant les termes du pacte entre Erdogan et Daech, ce livre montre comment, en Libye, la DGSE a mené une funeste guerre secrète contre notre allié italien. Une vilenie pratiquée y compris à Paris où une poignée de diplomates néoconservateurs, obsédés par la menace iranienne, sont allés jusqu'à initier une enquête du ministère de l'Intérieur contre un de nos ambassadeurs sourd à leurs thèses. Emmanuel Macron se voulait « le maître des horloges ». Dans le sérail oriental, il aura découvert que le temps est loin d'avoir la même mesure des deux côtés de la Méditerranée. "

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  • Le nouveau parapluie atomique iranien...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros cueilli sur Geopragma et consacré au traité militaro-commercial en cours de négociation entre l'Iran et la Chine. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

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    Le nouveau parapluie atomique iranien

    L’été fut chaud, prodigue en incendies dévastateurs de nos forêts, mais aussi en foyers savamment entretenus pour de futurs brasiers.

    L’officialisation tonitruante, le 15 septembre à la Maison Blanche, de l’alliance tactique conclue par Israël avec les Emirats arabes unis (EAU) et Bahreïn pourrait bien, le Gotha mondial n’étant pas à une indécence près, valoir à Donald Trump un Nobel de la Paix… Mais ce n’est pas le plus important. Car cet accord n’est pas un accord de paix. Il traduit la consolidation d’axes d’hostilité et de concurrence économico-militaro-idéologiques. Il s’inscrit dans un contexte hautement inflammable conjuguant l’affaiblissement aggravé de l’Europe sous les coups de boutoir turcs impunis en Méditerranée orientale, la poursuite des opérations en Syrie et en Libye, la déstabilisation du Liban et le chantage américain exercé sur Paris pour que la France boive le calice de la servitude jusqu’à la lie, et laisse tomber le pays du Cèdre en déniant au Hezbollah son rôle d’interlocuteur incontournable (que cela nous plaise ou non) dans l’équilibre politique libanais. Une façon efficace de nous décrédibiliser définitivement au Levant et de nous condamner à ne plus y servir à rien. Car, si le Hezbollah reste le rempart des communautés chrétiennes locales face à une emprise sunnite croissante, il est surtout, aux yeux de Washington, le prolongement de la capacité de nuisance Iranienne dans toute la région. Il s’agit donc de tarir son influence locale et régionale en s’attaquant aux avoirs économiques de certains leaders économiques du Hezbollah, et de démontrer que le Liban est un « Etat failli ».

    Derrière cette tragédie humaine et économique, c’est donc bien évidemment l’Iran qui est la cible ultime de Washington et de Tel-Aviv, et c’est avant tout le JCPOA (Accord sur le nucléaire iranien) qui a été le catalyseur de la conclusion de l’accord du 15 septembre. Le Liban, comme la Syrie, la Lybie, l’Irak ou le Yémen, ne sont que des espaces de manœuvre pour atteindre « l’effet final recherché » par les stratèges étatsuniens : affaiblir politiquement et financièrement le régime des Mollahs, pour le désolidariser de la population, couper les ressorts de la résilience patriotique, déstabiliser l’équilibre interne entre courants réformateur et conservateur, pousser le régime à la radicalisation puis à la faute. Et avoir enfin un prétexte pour frapper. Les salves de sanctions, les manœuvres au sein du Conseil de sécurité, les déclarations menaçantes du secrétaire d’Etat américain Pompeo et son intimidation ouverte de tous ceux, entreprises et pouvoirs européens, qui oseraient encore « travailler ou commercer avec l’Iran » ne laissent aucun doute sur sa détermination à poursuivre la diabolisation tous azimuts de la République islamique pour la pousser à la faute. Au point d’avoir fait du sanguinaire prince héritier saoudien MBS un parangon de démocratie et de modernité dans un assourdissant silence occidental et notamment français. Nous sommes dans une telle schizophrénie stratégique et diplomatique que l’on n’est plus même capables de réfléchir, moins encore de réagir. C’est l’histoire de la paille et de la poutre. Seul le Qatar, et Moscou avec prudence, semblent encore se ranger du côté de Téhéran sur qui pleuvent les sanctions unilatérales américaines (le 17 septembre contre 47 individus et entités iraniens pour détruire la capacité de nuisance cyber du régime) et désormais onusiennes, après la tragique activation le 20 septembre du mécanisme retors de « Snap Back » (piège destiné à en finir avec ce multilatéralisme récalcitrant et à neutraliser les droits de véto russe et chinois notamment sur la question de l’embargo sur les livraisons d’armes à Téhéran) qui vient de permettre la réimposition automatique de toutes les sanctions multilatérales contre l’Iran. La Russie grogne, la France, l’Allemagne et la Grande Bretagne se désolent. Mais il est trop tard. Notre impuissance consentie et finalement notre indifférence sont manifestes. Vive donc l’unilatéralisme brutal !

    Mais il y a un os dans ce brouet insipide qui sent le soufre et la poudre : l’Iran n’est pas, n’est plus seul. Il y a certes l’axe tactique d’Astana, qui le lie à Moscou et Ankara en Syrie et a empêché depuis 2015 le démembrement du pays et à son abandon aux milices islamistes sous label Daech ou Al Qaeda avec notre complaisante et suicidaire bénédiction. En Libye, le jeu est plus complexe et l’alignement aléatoire. Washington y laisse bon gré mal gré agir Ankara contre l’Egypte, la Grèce, Chypre et même contre certains intérêts israéliens dans le gazoduc East-Med, car la Turquie joue ici utilement contre l’influence russe et gêne la convergence du « format d’Astana ». Mais, si Erdogan fait merveille en tant que nouveau proxy américain en Syrie et contre l’Allemagne grâce au chantage migratoire – qui fragilise la chancelière Merkel et fait espérer aux néocons qu’elle renoncera à l’achèvement de Nord Stream 2 – Washington ne parvient pas à contrôler tout à fait les ambitions néo-ottomanes de cet éminent membre de l’Otan qu’on laisse sans états d’âme menacer Paris en haute mer ou Berlin, mais qui s’appuie aussi sur la munificence qatarie pour s’opposer à Ryad et à la bascule actuelle des EAU et de Bahreïn sous contrôle américano-saoudo-israélien.

    Las ! L’Iran a désormais un nouvel « ami » officiel, un protecteur discret mais redoutable, infiniment plus gênant pour Washington que Moscou : Pékin ! La Chine en effet, engagée dans un jeu planétaire de consolidation de ses zones d’influence, de captation de nouvelles clientèles et de marchés, mais aussi de sécurisation de ses approvisionnements notamment énergétiques, vient de pousser un pion cardinal en volant au secours de la République islamique au moment où celle-ci se préparait à essuyer un désaveu au Conseil de sécurité de l’ONU de la part des Européens. Car le multilatéralisme est en miettes, la loi de la jungle plus implacable que jamais et le nombre de grands animaux type « mâles dominants » augmente dangereusement…

    Pékin a donc saisi l’occasion de la curée américaine sur Téhéran pour lancer une contre-offensive redoutable à la manœuvre américaine, plus puissante qu’un droit de véto…. en offrant à Téhéran (l’accord en cours de négociations a opportunément « fuité » en juillet ) 400 milliards de dollars d’aide et d’investissements (infrastructures, télécommunications et transports) assortis de la présence de militaires chinois sur le territoire iranien pour encadrer les projets financés par Pékin, contre une fourniture de pétrole à prix réduit pour les 25 prochaines années… et un droit de préemption sur les opportunités liées aux projets pétroliers iraniens. Cet accord, véritable « Game changer », n’a quasiment pas fait l’objet d’analyse ni de commentaire…

    Ses implications sont pourtant cardinales : à partir de maintenant, toute provocation militaire américaine orchestrée pour plonger le régime iranien dans une riposte qui lui serait fatale reviendra à défier directement Pékin… En attaquant Téhéran, Washington attaquera désormais Pékin et son fournisseur de pétrole pour 25 ans à prix doux. Pékin qui se paie d’ailleurs aussi le luxe de mener parallèlement des recherches avec Ryad pour l’exploitation d’uranium dans le sous-sol saoudien…. Manifeste intrusion sur les plates-bandes américaines et prolégomènes d’un équilibre stratégique renouvelé.

    Ainsi, il est en train de se passer quelque chose de très important au plan du rapport de force planétaire et des jeux d’alliances. Les grandes manœuvres vont bien au-delà du seul Moyen-Orient qui comme le reste du globe, est réduit au statut de terrain de jeu pour le pugilat cardinal qui oppose désormais, dans une « guerre hors limites » assumée, Washington à Pékin.

    Dans ce contexte, notre incapacité à désobéir et surtout à définir enfin les lignes simples d’une politique étrangère indépendante et cohérente, nous coupe les ailes, sape notre crédibilité résiduelle et nous rend parfaitement incapables de protéger les « cibles » américaines qui ne sont pourtant pas les nôtres et ne servent en rien nos intérêts nationaux, qu’ils soient économiques ou stratégiques. Il faut sortir, et très vite, de cet aveuglement.

    Caroline Galactéros (Geopragma, 21 septembre 2020)

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  • L'Iran au prisme de son passé...

    Les éditions Balland viennent de publier un essai historique de Thomas Flichy de la Neuville intitulé Histoire de la puissance persane - L'Iran au prisme de son passé. Agrégé d'histoire, diplômé de l'Institut National des Langues et Civilisations orientales, docteur en droit, Thomas Flichy de La Neuville, qui a été professeur à l'École Spéciale Militaire de Saint-Cyr et intervient dans de nombreuses universités étrangères, a notamment publié 2030 - Le monde que la CIA n'imagine pas (Bernard Giovanageli, 2015) et Les loups sont de retour (TerraMare, 2017).

     

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    " Quel est le moteur de la puissance persane sur la longue durée ? Le plateau iranien se présente comme un espace géographique aux contraintes naturelles suffisamment exigeantes pour que la vie ne puisse s'y développer que de façon circonscrite. Des îlots de culture originaux, favorisés par l'isolement relatif, ont pu naître dans cet espace très particulier. L'Iran s'est ainsi doté d'une puissance imaginative, spirituelle et militaire. Il lui était toutefois impossible de rayonner sur le Moyen-Orient en restant confiné sur le territoire isolé qu'il occupe. Sa puissance régionale ne devint effective qu'à la condition que le cerveau imaginatif persan, sis sur le haut plateau, prenne possession du ventre babylonien, nombril de la puissance agricole puis maritime. Lorsque ce couplage du cerveau et du ventre devenait effectif, l'Iran pouvait aller s'emparer d'un moteur secondaire situé sur la côte méditerranéenne. Celui-ci associait les riches provinces de Syrie et d'Égypte, siège d'une agriculture florissante et portes sur une autre mer. À l'inverse, lorsque les pôles iranien, babylonien et syrien étaient dissociés, la puissance créatrice persane se détournait du champ politique pour se tourner vers la science ou la poésie. Dans le contexte actuel au Moyen-Orient ce livre a l'avantage de donner des clefs de lecture enracinées dans l'histoire longue. "

     

     

     

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  • Les territoires conquis de l'islamisme...

    Les éditions des Presses universitaires de France ont publié cette semaine une étude dirigée par Bernard Rougier et intitulée Les territoires conquis de l'islamisme. Professeur à l'université de Paris III et membre de l'Institut universitaire de France, Bernard Rougier est un spécialiste de l'islam et a notamment publié Le jihad au quotidien (PUF, 2004) et Qu'est-ce que le salafisme (PUF, 2008).

     

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    " Comment des réseaux islamistes sont-ils parvenus à constituer des enclaves au cœur des quartiers populaires ? Comment des foyers idéologiques et institutionnels situés au Moyen-Orient arabe et au Maghreb ont pu y diffuser avec succès leurs conceptions de l'islam ? D'Aubervilliers à Toulouse, d'Argenteuil à Champigny, Mantes-la-Jolie ou encore Molenbeek (Belgique), cet ouvrage étudie les stratégies et les pratiques des réseaux islamistes. Il documente précisément le maillage de l'espace local qui, des lieux de culte aux espaces de loisir et d'activités professionnelles, aboutit à la constitution de « territoires d'islam » en rupture avec la société française. Traçant la cartographie de cette géographie islamiste du pouvoir, les auteurs révèlent ses croisements, ses nœuds de communication, ainsi que les flux idéologiques, économiques et interpersonnels qui la traversent. Au cœur de cette analyse, la prison offre un prisme exceptionnel et apparaît plus que jamais comme le lieu où s'élaborent les nouvelles doctrines de l'islamisme. "

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  • Vers un nouveau Yalta...

    Les éditions Sigest viennent de publier un recueil de chroniques de Caroline Galactéros intitulé Vers un nouveau Yalta. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

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    " Yalta n'est plus. Un nouveau partage du monde est en train de se structurer. La France et l'Europe veulent-elles en être les acteurs ou les spectateurs ? La mise à sac du Moyen-Orient par l'Occident, les défis migratoires, sécuritaires et culturels, l'éclatement des mécanismes multilatéraux, les utopies pacifistes, le terrorisme multicéphale et nos graves incohérences vis-à-vis de l'islamisme radical, mais aussi le réveil des nations et des peuples, l'affirmation de nouvelles puissances ou la résilience d'anciennes que l'on a voulu enterrer trop vite, tous ces processus dessinent des lignes de faille et de crête de la réalité internationale qu'il nous faut d'urgence regarder avec lucidité, pragmatisme et humanité. Pour favoriser l'apaisement du monde, la moraline est inopérante ou franchement contreproductive. Elle n'est même pas un placebo, bien plutôt un diffuseur de violence. Les chroniques et tribunes rassemblées dans cet ouvrage éclairent les principaux évènements internationaux des cinq années passées et dissèquent sans concessions ni dogme la complexité des nouveaux équilibres mondiaux. Elles tracent les contours d'une réforme de la politique étrangère française et les chemins d'alliances souhaitables pour permettre à l'Europe de comprendre enfin que la préservation de la souveraineté de ses membres, loin d'être un handicap singulier, est un atout collectif qui peut peut-être encore la sauver de la double dévoration qui la guette. "

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  • L’Iran, puissance montante en Orient...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du journaliste Nicolas Gauthier, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré la montée en puissance de l'Iran et au conflit entre chiites et sunnites...

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    L’Iran, puissance montante en Orient : panique à Riyad, sang-froid à Tel Aviv…

    Au-delà des emportements du moment, il y a le temps court et le temps long. L’adversaire conjoncturel et l’ennemi structurel. En cette heure du tout-médiatique, l’émotion a trop tendance à prendre le pas sur la réflexion. Phénomène qui aggrave plus encore les travers d’une doxa dominante, toujours plus prompte aux concepts binaires qu’à la pensée à long terme.

    Un tel état d’esprit n’épargne pas plus la gauche que la droite. L’une considère que les forces de la réaction identitaire marcheraient en rangs serrés, forte d’un plan ourdi de longue date ; la seconde estime qu’une oumma aussi fantasmée que fantasmatique s’apprêterait à présider les destinées du monde, obéissant à on ne sait quel génial stratège enterré sous la montagne, qui manipulerait attentats terroristes et invasions migratoires.

    La réalité est fortuitement moins lyrique, telle qu’en témoigne par exemple une actualité irano-saoudienne riche d’enseignements. Et qui nous démontre, une fois de plus, que le fameux choc des civilisations entre Occident et Orient, islam et chrétienté, relève plus du slogan de circonstance que d’autre chose. Ce qui n’empêche pas d’autres personnes, par calcul politicien ou aveuglement politique, de jouer de ce totem, espérant qu’à force d’invoquer le Diable, on puisse finir, tôt ou tard, par le faire apparaître.

    En l’occurrence, de quoi est-il question ? Une fois et encore de l’ancestrale lutte entre les deux branches majeures de l’islam, sunnites et chiites. L’occasion de rappeler, une fois de plus, que les guerres religieuses les plus sanglantes sont les guerres internes menées contre les hérétiques – catholiques contre protestants – et non point celles que l’on déclare à une religion concurrente. Dans ce conflit, deux pôles majeurs, Riyad et Téhéran. La première entend régenter le monde sunnite, tandis que la seconde a la ferme intention de fédérer les chiites de la région. Et c’est ainsi que, dans cet affrontement larvé, l’Iran est en passe de donner corps au pire des cauchemars de l’Arabie saoudite ; soit ce croissant qui va désormais de Téhéran à Beyrouth dont la double faute consiste à professer un islam hérétique et, pis, de n’être pas arabe.

    Dans Le Figaro de ce lundi, notre confrère Georges Malbrunot note, avec pertinence : « Dans cette guerre, le modèle iranien est incontestablement plus efficace. Il repose sur des milices locales, parfois plus puissantes que les armées nationales. Le génie iranien est d’avoir su tisser un réseau de relais locaux qui permet à Téhéran de contrôler sans avoir besoin d’être massivement déployé sur place. » Pour un peuple ayant inventé le jeu d’échecs, cela ne relève pas exactement de l’exploit ; ce, d’autant plus qu’il est favorisé en cette manœuvre par trois facteurs majeurs.

    L’impéritie militaire, diplomatique, politique et économique du rival saoudien. Le retrait des USA de la région et le retour en force de la Russie. Et, surtout, l’attentisme bien compréhensible de l’État hébreu. On peut encore y ajouter le fait que Riyad n’est pas la capitale la plus à même de négocier dans un contexte post-terroriste, alors qu’elle est celle ayant le plus appuyé ces mêmes mouvements, aujourd’hui en déroute. Remarque qui vaut, d’ailleurs, aussi pour l’Occident en général et Israël en particulier.

    Pourtant, cette dernière nation se montre finalement la plus lucide sur ce dossier brûlant, à en croire cette passionnante tribune publiée dans The Jerusalem Post : « Le désengagement des États-Unis au Moyen-Orient laisse le champ libre à Téhéran. » Dans cette dernière, on prend ainsi acte du récent rapprochement américano-russe : « Cet accord inattendu entre les deux grandes puissances porte le coup de grâce à la résurrection de la grande alliance contre l’Iran des pays sunnites pragmatiques. »

    Et c’est ainsi que, pendant que Riyad lèche ses plaies, que Téhéran pousse ses pions, Tel Aviv en est réduit à compter les points. Un arbitre qui menace certes de siffler la fin de la partie, mais qui n’a pas plus les moyens que l’envie de s’en prendre directement à un Iran en train de réaliser le but qui a toujours été le sien depuis des siècles ; à savoir renouer avec l’Empire perse de jadis. Temps long, disions-nous…

    Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 28 novembre 2017)

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