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mondialisation - Page 5

  • L'Europe, pas le monde...

    Les éditions du Lore viennent de publier un essai de Georges Feltin-Tracol intitulé L'Europe, pas le monde - Un appel à la lucidité. Animateur du site de réflexion non-conformiste Europe Maxima et rédacteur en chef de la revue Réfléchir&Agir, Georges Feltin-Tracol est notamment l'auteur de Bardèche et l'Europe (Bouquins de Synthèse nationale, 2013), de En liberté surveillée - Réquisitoire contre un système liberticide (Bouquins de Synthèse nationale, 2014), de Thierry maulnier, un itinéraire singulier (Auda Isarn, 2014) ou de Éléments pour une pensée extrême (Editions du Lore, 2016).

     

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    " En trois quarts de siècle, le projet européen en partie formulé par les milieux non-conformistes de l’Entre-deux-guerres est devenu un cauchemar pour les peuples du Vieux Continent. Dans le cadre d’une mondialisation désormais illimitée, les sectateurs mondialistes de l’actuelle imposture européenne ne cachent même plus leur volonté d’intégrer au plus vite cet espace dans un ensemble planétaire global.

    Cette terrible désillusion favorise le souverainisme national et les revendications régionalistes. Faut-il pour autant rejeter toute idée européenne ?

    Non, affirme Georges Feltin-Tracol qui en appelle à une salutaire lucidité.
    Ancien animateur de la revue L’Esprit européen et collaborateur naguère à Éléments pour la civilisation européenne, ce Français d’Europe (ou Européen de France) considère que l’Europe n’est pas ouvert aux populations du monde entier, mais l’héritage des peuples boréens. Se détournant à la fois de l’État-nation dépassé, du mondialisme mortifère et d’un altermondialisme parodique, il envisage un autre défi continental, soucieux de la personnalité historique de ses cultures et susceptible d’assumer un destin de puissance géopolitique.

    Contribution révolutionnaire pro-européenne à la grande guerre des idées, ce recueil d’articles, d’entretiens, de conférences et de recensions démontre la persistance d’un authentique esprit européen, surtout si de nouvelles chevaleries militantes surgies des communautés populaires enracinées relèvent le nouvel enjeu civilisationnel du XXIe siècle : maintenir la spécificité albo-européenne. Pendant que se prolonge l’éclipse de l’Europe, c’est dans la pénombre que s’esquissent quelques jalons fondamentaux d’une nouvelle Europe polaire, fière et solsticiale. "

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  • Les populismes : flux ou reflux ?...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°14, juillet-août-septembre 2017), dirigée par Pascal Gauchon, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré à la question du populisme.

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    ÉCHOS

    ÉDITORIAL

    Le populisme. Flux, reflux, flux ?, par Pascal Gauchon

    ACTUALITÉ

    ENTRETIEN

    Jean-François Kahn. Le populisme jugé par un anticonformiste

    PORTRAIT

    Viktor Orban, l'éternelle rebelle, par Frédéric Pons

    ENJEUX

    Colombie, une guerre de cent ans, par Tigrane Yégavian

    ENJEUX

    Les conversions, un défi géopolitique, par Jean-Baptiste Noé

    ENJEUX

    Mais qui contrôle le ciel de la mondialisation ?, par Jean-Yves Bouffet

    ENJEUX

    Pour en finir avec le "gaullo-mitterrandisme", par Helena Voulkovski

    ENJEUX

    La série Trône de Fer, une leçon de géopolitique ?, par Jean-Marc Huissoud

    ENJEUX

    L'Allemagne à la veille des élections du 24 septembre, par Jean-Marc Holz

    IDÉES

    Penser le populisme, par Florian Louis

    GRANDE STRATÉGIE

    Les Royaumes combattants chinois, par Michel Nazet

    GRANDE BATAILLE

    Omduman (1898). La fin du romantisme militaire, par Pierre Royer

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    Enjeux géopolitiques des métropoles européennes, par David Simmonet

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    Entretien avec Claude Rochet. La mondialisation : un combat au couteau

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    Entretien avec Jean-Pierre Sueur. Remettre l'entreprise au cœur de la ville

    LA LANGUE DES MÉDIAS

    Les médias contre les Trump, par Ingrid Riocreux

    BOULE DE CRISTAL DE MARC DE CAFÉ

    Brexit : un marché de dupes, mais pour qui ?, par Jean-Baptiste Noé

    ÉCHOS

    Les meilleurs livres de géopolitique

    BIBLIOTHÈQUE GÉOPOLITIQUE

    Les leçons d'Ibn Khaldoun, par Gérard Chaliand

    CHRONIQUES

    LIVRES/REVUES/INTERNET /CINÉMA

    GÉOPO-TOURISME

    Bueno Aires : militaires et populistes, par Thierry Buron

     

    DOSSIER : Flux et reflux des populismes

    Les trois moments du populisme, par Pascal Gauchon

    Le populisme : de la cause du peuple... au peuple en cause, par Serge Le Diraison

    Le populisme, omniprésent et presque insaisissable, par Guillaume Bernard

    Les mots du populisme

    Quel avenir pour le populisme ?, Entretien avec Alain de Benoist

    Les populismes européens, unité et diversité, par Hadrien Desuin

    Mao Zedong, un populisme singulier ?, par Michel Nazet

    Amérique latine : la fin du populisme ?, par Didier Giorgini

    Turquie. le peuple sous le croissant , par Tancrède Josseran

    Trump ou la victoire de l'insurrection populiste, par Matthieu Bock-Côté

    Post-vérité, la langue du populisme ?, par François-Bernard Huyghe

     

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  • La France périphérique va-t-elle exploser ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Christophe Guilluy à Natacha Polony pour son émission Polonium sur Paris Première, dans lequel il évoque les résultats des élections présidentielles et la question de la France périphérique broyée par la mondialisation. Géographe, Christophe Guilluy est déjà l'auteur de trois essais importants, Fractures françaises (Flammarion, 2010), La France périphérique (Flammarion, 2014) et Le crépuscule de la France d'en haut (Flammarion, 2016).

     

                               

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  • Vers la grande confusion...

    Nous reproduisons ci-dessous l'entretien donné par Alain de Benoist à Breizh info à propos des résultats du premier tour de l'élection présidentielle. Philosophe et essayiste, éditorialiste du magazine Éléments, Alain de Benoist dirige les revues Nouvelle Ecole et Krisis et anime l'émission Les idées à l'endroit sur TV Libertés. Il a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017) ainsi qu'un recueil d'articles intitulé Ce que penser veut dire (Rocher, 2017).

     

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    Alain de Benoist : « Emmanuel Macron est une petite chose caractérielle, manipulable et incapable de décision »

    Breizh-info.com : Quels enseignements tirez-vous du premier tour de l’élection présidentielle ? En quoi diffère-t-elle de toutes celles qui l’ont précédée ?

    Alain de Benoist : Le fait capital de cette élection, celui qui lui confère un véritable caractère historique, ce n’est ni le phénomène Macron ni la présence de Marine Le Pen au second tour. C’est la déroute totale des deux ancien grands partis de gouvernement, le PS et Les Républicains. Je l’avais laissé prévoir ici même en février dernier, à un moment où personne ne semblait s’en aviser : pour la première fois depuis que le chef de l’État est élu au suffrage universel, aucun des deux partis qui depuis près d’un demi-siècle ont gouverné la France en alternance ne sera présent au second tour.

    Dans le passé, ces deux partis n’avaient jamais représenté à eux deux moins de 45 % des suffrages (57 % en 2007, 55,8 % en 2012). Aujourd’hui, ils en représentent ensemble à peine un quart (Fillon 19 %, Hamon 6 %), moins que Sarkozy en 2007 ou Hollande en 2012. Tous deux se retrouvent à l’état de champs de ruines et au bord de l’implosion. Leur décomposition marque la fin de la Ve République telle que nous l’avons connue. Ce sont eux les grands perdants du scrutin.

    Ce coup de tonnerre sans précédent ne doit pourtant pas surprendre, car il est parfaitement conforme au schéma populiste. Dans tous les pays où le populisme marque des points, ce sont les partis représentant l’ancienne classe dirigeante qui en pâtissent le plus. On a vu cela en Grèce, en Espagne, en Autriche et ailleurs. Maintenant, c’est l’heure de la France. Et ce n’est sans doute qu’un début, puisque nous allons sans doute nous diriger maintenant vers une période d’instabilité, de crise institutionnelle et de grande confusion.

    Breizh-info.com : Est-ce la fin du système traditionnel droite-gauche que l’on a connu depuis des décennies ?

    Alain de Benoist : Les anciens partis de gouvernement étaient aussi ceux qui portaient le traditionnel clivage droite-gauche. Le curseur se déplaçait alors sur un plan horizontal, ce qui a lassé des électeurs qui de surcroît ne voient plus très bien ce qui distingue la droite de la gauche. Macron et Marine Le Pen ont en commun de surfer sur cette lassitude vis-à-vis du « Système ». Je répète ici ce que j’ai déjà écrit plusieurs fois : à l’ancien axe horizontal correspondant au clivage droite-gauche se substitue désormais un axe vertical opposant ceux d’en haut à ceux d’en bas. Le peuple contre les élites, les gens contre les puissants.

    On peut bien sûr vouloir conserver à tout prix le couple droite-gauche, mais alors il faut constater que les couches populaires sont de plus en plus à droite, tandis que la bourgeoisie est de plus en plus à gauche, ce qui constitue déjà une révolution.

    Breizh-info.com : Les résultats semblent également confirmer la fracture entre les métropoles et la « France périphérique », mais aussi entre la France qui compte le moins d’immigrés, qui vote Macron, et celle qui en compte le plus, qui vote Le Pen. Qu’en pensez-vous ?

    Alain de Benoist : Je pense en effet que le clivage Macron-Le Pen recouvre dans une très large mesure l’opposition entre la « France périphérique », celle des couches populaires humiliées, laissées pour compte, qui s’estiment à juste titre victimes d’une exclusion à la fois politique, sociale et culturelle, et celle des métropoles urbanisées où vivent les cadres supérieurs et les bobos, les classes possédantes et la bourgeoisie intellectuelle intégrée, qui profitent de la mondialisation et aspirent à toujours plus d’« ouverture ». D’un côté la France qui gagne bien sa vie, de l’autre celle qui souffre et qui s’inquiète.

    Mais cette opposition spatiale, particulièrement bien explorée par Christophe Guilluy, a aussi (et surtout) le sens d’une opposition de classe. Je partage à ce sujet l’opinion, non seulement de Guilluy, mais aussi de Mathieu Slama, selon qui « la lutte des classes ressurgit politiquement à la faveur d’un duel de second tour qui oppose le libéral Emmanuel Macron à la souverainiste Marine Le Pen ».

    « Derrière cette lutte des classes, ajoute Slama, se cache un affrontement entre deux visions du monde : la vision libérale et universaliste, qui ne croit ni en l’État ni en la nation, et la vision que l’on nomme aujourd’hui populiste ou encore souverainiste, qui veut restaurer l’État, les frontières et le sens de la communauté face aux ravages de la mondialisation ».

    L’erreur symétrique de la droite et de la gauche classiques a toujours été de croire que la politique pouvait s’extraire des enjeux de classe – la droite par allergie au socialisme et au marxisme, la gauche parce qu’elle croit que la classe ouvrière a disparu et que le peuple ne l’intéresse plus.

    Breizh-info.com : Que représente Macron ?

    Alain de Benoist : La morphopsychologie nous dit déjà qu’Emmanuel Macron est une petite chose caractérielle, manipulable et incapable de décision. Disons que c’est un algorithme, une image de synthèse, un milliardaire issu des télécoms, un joueur de flûte programmé pour mener par le bout du nez « selzésseux » qui ne voient pas plus loin que le bout de ce nez. C’est le candidat de la Caste, le candidat des dominants et des puissants. C’est un libéral-libertaire qui conçoit la France comme une « start up » et ne rêve que d’abolition des frontières et des limites, des histoires et des filiations. C’est l’homme de la mondialisation, l’homme des flux migratoires, l’homme de la précarité universelle. Le chef de file des « progressistes » par opposition à ceux qui ne croient plus au progrès parce qu’ils ont constaté que celui-ci n’améliore plus, mais au contraire assombrit leur ordinaire quotidien.

    Dans le passé, les milieux d’affaires soutenaient le candidat qu’ils estimaient le plus apte à défendre leurs intérêts (Alain Juppé en début de campagne). Cette fois-ci, ils ont jugé plus simple d’en présenter un eux-mêmes. Aude Lancelin n’a pas tort, à cet égard, de parler de « putsch du CAC 40 ».

    Breizh-info.com : L’échec de Jean-Luc Mélenchon ?

    Alain de Benoist : Échec tout relatif ! Orateur hors pair, tribun véritablement habité, Jean-Luc Mélenchon est celui qui, dans la forme et dans le fond, a fait la meilleure campagne électorale. En l’espace de quelques semaines, il a plus remonté dans les sondages qu’aucun autre candidat, écrabouillant au passage le Schtroumpf du PS, parvenant pratiquement au niveau de Fillon et doublant son score par rapport à 2012.

    Plus important encore, cette élection présidentielle lui a donné la possibilité d’incarner un populisme de gauche qui, avant lui, n’existait qu’à l’état d’ébauche. Vous aurez peut-être remarqué qu’il a commencé à monter dans les sondages à partir du moment où il n’a plus parlé de la « gauche » dans ses discours, mais seulement du « peuple ». C’est un détail révélateur. Ajoutons à cela que, contrairement à Hamon ou Duflot, il a eu le courage de ne pas appeler à voter en faveur de Macron. Personnellement, je regrette beaucoup qu’il ne soit pas au second tour.

    Breizh-info.com : Marine Le Pen a-t-elle encore des chances de l’emporter ? Quels doivent être les principaux axes de sa campagne ? Où se trouve son réservoir de voix ?

    Alain de Benoist : Ses chances au second tour sont a priori assez faibles, puisque tous les sondages la donnent pour battue. Ses principaux concurrents ont appelé à voter pour Emmanuel Macron, à commencer par François Fillon (ce qui ne manque pas de sel), mais il reste à savoir si leurs consignes seront suivies. Les reports de voix ne sont jamais automatiques. Outre les abstentionnistes, Marine Le Pen peut espérer recueillir au moins un tiers des voix de Fillon, plus de la moitié de celles de Dupont-Aignan, voire 10 ou 15 % des voix de Mélenchon, mais je doute que cela lui permette de remporter la victoire. Le score du second tour devrait s’établir à 60/40, ou à 55/45 dans le meilleur des cas.

    Cela dit, avec 21,4 % des voix (contre 17,9 % en 2012), Marine Le Pen marque sérieusement des points, non seulement parce qu’elle accède au second tour, mais aussi parce qu’elle rassemble près de huit millions de suffrages (le double de son père en 2002), contre seulement six millions aux dernières élections régionales. Le plus important est qu’elle surclasse le PS et Les Républicains, ce qui pose le FN en principale force d’opposition face à la future coalition « progressiste » de Macron.

    Disons néanmoins que sa campagne fut assez inégale. Pas assez de lyrisme, pas assez d’émotion : elle sait se faire applaudir, mais elle ne sait pas faire vibrer. Dans son clip de campagne, le peuple était d’ailleurs absent.

    Sa seule chance de gagner est de faire comprendre à la majorité des Français que le second tour ne sera pas un vote pour ou contre le Front national, mais un référendum pour ou contre la mondialisation. Il faudrait aussi qu’elle soit capable de convaincre en priorité les électeurs de gauche qu’il serait insensé de leur part d’apporter leur suffrage à l’homme de la casse sociale et de la loi El Khomri, de la dictature des actionnaires et de la toute-puissance des marchés financiers, au porte-parole du Capital pour qui la politique n’est qu’un instrument à mettre au service des intérêts privés.

    Breizh-info.com : Êtes-vous surpris de la faible mobilisation dans la rue contre Marine Le Pen, contrairement à ce que l’on avait vu en 2002 ?

    Alain de Benoist : Je n’en suis pas surpris du tout. L’élection de 2002 n’a aucun rapport avec celle que nous venons de vivre. Il n’y a que les diplodocus et les « antifas » pour ne pas comprendre que nous avons changé d’époque.

    Breizh-info.com : Une remarque finale ?

    Alain de Benoist : Si un scénariste avait écrit par avance l’histoire de cette campagne électorale telle qu’elle s’est effectivement déroulée, aucun réalisateur n’aurait jugé son scénario crédible. Elle a en effet déjoué tous les pronostics. François Hollande a rêvé pendant des années de solliciter un second mandat, mais il a finalement dû y renoncer. On le donnait pour un fin manœuvrier, mais il a perdu le contrôle de son propre parti. La droite considérait que cette élection était « imperdable », et pourtant elle l’a perdue. Les primaires étaient censées renforcer le pouvoir des partis et consacrer les mieux placés pour l’emporter (Sarkozy ou Juppé, Valls ou Montebourg), elle les a définitivement affaiblis et n’a sélectionné que des « outsiders » qui n’ont pas brillé.

    Quant au phénomène Macron, personne ne l’imaginait possible il y a encore un an. Cela montre qu’en politique, rien n’est jamais joué par avance. L’histoire est toujours ouverte.

    Alain de Benoist (Breizh info, 25 avril 2017)

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  • Vous aimez la mondialisation ? Votez Macron !...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'élection présidentielle à venir , qui semble devoir marquer un véritable tournant historique... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist vient de publier Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017) et Ce que penser veut dire (Rocher, 2017).

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    Présidentielle - « Vous aimez la mondialisation ? Votez Macron ! »

    La liste définitive des candidats à l’élection présidentielle est maintenant connue. Cette échéance électorale, qui aura été d’un cru inédit, a déjà provoqué une foule de commentaires, notamment sur Boulevard Voltaire. Quels sont les vôtres ?

    Je ne m’intéresse pas aux commentaires, toujours superficiels et ennuyeux quand ils se bornent à dire pourquoi l’on aime ou non tel ou tel candidat, mais seulement aux analyses, qui permettent de comprendre le sens de ce que l’on voit. Quand vous dites que cette élection, qui fut effectivement riche en coups de théâtre et en rebondissements, aura été d’un cru inédit, vous êtes encore en dessous de la réalité. Non seulement elle ne ressemble à aucune autre, mais elle marque un véritable tournant historique, car elle va de pair avec une totale restructuration du paysage politique, du fait de l’effondrement programmé des deux grands partis de gouvernement qui ont eu le monopole de l’« alternance » en France depuis plus de quarante ans – mais qui se trouvent maintenant l’un et l’autre menacés de ne pas passer le cap du premier tour.

    Les primaires, que la classe politique a commis l’imprudence d’emprunter au système politique américain, ont joué un rôle d’accélérateur en provoquant des fractures et en révélant des haines inexpiables qui sont en passe de désagréger les deux ex-grands partis. Elles ont vu deux candidats atypiques, François Fillon et le « frondeur » Benoît Hamon, l’emporter au détriment des favoris (Sarkozy et Juppé, Valls et Montebourg). Coincé entre Mélenchon et Macron, Hamon est incapable de rassembler son camp. Il en va de même de Fillon, coincé de manière symétrique entre Marine Le Pen et Macron. Résultat : les plus libéraux des dirigeants du PS partent par pleines charrettes rejoindre la start-up de l’ectoplasme macronien, et il en va de même des centristes qui ne se reconnaissent pas plus dans le programme de Fillon que Valls et Hollande ne se reconnaissent dans celui de Hamon.

    On assiste donc à une nouvelle polarisation, qui ne se situe plus sur l’axe horizontal gauche-droite, mais sur l’axe vertical « ceux d’en bas » contre « ceux d’en haut » : le peuple contre les oligarques. C’est le schéma populiste par excellence, qui s’est déjà imposé dans plusieurs autres pays : la montée de SYRIZA a tué le PASOK, l’élection présidentielle autrichienne a opposé un populiste et un écologiste, le Brexit a créé un clivage transversal chez les conservateurs comme chez les travaillistes, le parti social-démocrate hollandais vient de s’effondrer, etc. La France est aujourd’hui en passe de rejoindre ce schéma. C’est la fin de la Ve République telle que nous l’avons connue.

    Le phénomène Macron, que personne n’avait prévu, a aujourd’hui visiblement l’appui des principaux médias. Quel sens faut-il lui donner ? Et quid de l’étonnant ralliement de François Bayrou ?

    Macron est en train de réaliser un regroupement qui peut paraître surréaliste – d’Alain Madelin à Robert Hue –, mais qui ne doit pas surprendre. Prenant acte du gouffre qui s’est creusé entre le peuple et la classe dirigeante, il veut rassembler les élites mondialisées de droite et de gauche tout comme Marine Le Pen cherche à rassembler à la base les « patriotes » de gauche et de droite, à commencer par ceux qui appartiennent aux couches populaires et à la fraction des classes moyennes qui se sent aujourd’hui menacée de déclassement (et sans lesquelles il n’y a pas de majorité possible). L’usage que fait Macron du mot « progressiste » est, à cet égard, révélateur. Son ambition, à terme, est de créer un grand parti progressiste où se rassembleront, face à la « menace populiste », les tenants de tous bords de la mondialisation heureuse, de la soumission aux marchés financiers, des flux migratoires sans fin et du libéralisme hors-sol.

    Qu’est allé faire François Bayrou dans cette galère ? Mystère. Bayrou, depuis sa jeunesse, est un grand lecteur de Barrès, de Simone Weil et, surtout, de Péguy. C’est à ce titre qu’il était intervenu, en janvier 2014, au colloque sur « L’actualité de la pensée politique de Charles Péguy », dont les actes viennent de paraître chez Privat. Il y expliquait ce qu’il devait à l’auteur de L’Argent : « Il invite à ne pas hésiter à affronter les puissants, quelle que soit la puissance des puissants […] Chez les péguystes authentiques existe une propension, parfois excessive – je parle également pour moi –, à ne pas hésiter à braver les convenances, les interdits du conformisme […] Dans le péguysme, tel que je le vis, prévaut cette volonté de conserver cette ligne de conduite fondée sur l’engagement au service de ce qu’on ressent comme étant l’essentiel […] Cela amène naturellement à une attitude de vie dont l’une des composantes essentielles est l’intransigeance […] Le péguysme c’est, au nom de ce que l’on croit être essentiel, une absolue insoumission. » Aujourd’hui, Bayrou a rallié l’hologramme créé de toutes pièces qu’il dénonçait encore il y a quelques semaines comme un outil au service des « plus gros intérêts financiers ». Il s’est trahi lui-même. Bayrou chez Macron, c’est Péguy au CAC 40, Mère Teresa dans la Waffen-SS ou Nabilla au Collège de France !

    Un pronostic sur le second tour ?

    François Fillon ayant à mon avis peu de chances de se qualifier pour le second tour (son programme patronal séduit surtout les retraités), celui-ci devrait normalement opposer Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Pour l’heure, c’est en tout cas le scénario le plus probable. Quant au résultat final, je ne m’aventurerai pas à le prédire. Je dirai seulement que, dans cette hypothèse, Marine Le Pen n’a de chances de l’emporter qu’à la condition de faire comprendre au plus grand nombre que ce second tour ne sera pas un vote pour ou contre le Front national, mais un référendum sur la mondialisation. Vous aimez la mondialisation ? Vous en voulez encore plus ? Votez Macron !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 18 mars 2017)

     

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  • L’Éternelle trahison des clercs...

    Nous reproduisons ci-dessous une excellente analyse publiée par l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique à propos de l'extraordinaire campagne de promotion médiatique dont a bénéficié l'Histoire mondiale de la France, ouvrage dirigé par l'historien de gauche Patrick Boucheron.

     

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    L’Éternelle trahison des clercs (ou L’Histoire mondiale de la France dans les médias)

    En cette rentrée 2017, à quelques mois d’élections présidentielles qui s’annoncent pour l’heure comme une déroute historique de la gauche française, cette dernière livre une charge idéologique tout à fait retentissante avec la publication de L’Histoire mondiale de la France (Seuil), sous la direction de Patrick Boucheron, professeur au Collège de France. Bénéficiant d’une couverture médiatique inouïe, cette manœuvre de propagande rigoureusement orchestrée révèle comme jamais l’alliance tacite entre les élites universitaires, politiques et médiatiques du pays en vue d’enterrer ledit pays, non sans en avoir piétiné l’héritage.

    La fin de la domination culturelle de la gauche, le mouvement profondément « dextrogyre » des opinions occidentales, tout cela appartient désormais à l’ordre du constat ratifié par les intellectuels médiatiques et les journalistes de gauche, lesquels admettent par là que tout en ayant perdu leur magistère, ils conservent néanmoins leurs postes. Un paradoxe qu’on imagine relativement anxiogène, et qui doit participer à mobiliser ainsi les forces dans une tentative désespérée de reprendre la main. La connexion entre politiques, intellectuels et journalistes est spécialement ténue après une ère qui fut caractérisée par le triomphe de 68 comme révolution culturelle globale, ère qui atteint aujourd’hui son crépuscule. Aussi, on voit ces différentes catégories de personnes réunir leurs moyens dans une consonance assez extraordinaire, ce qui prouve la puissance de feu symbolique dont elles disposent encore. Les élections à venir laissant prédire, en tout cas pour le moment, un désaveu cinglant de la gauche politique officielle, et alors que les séismes successifs du Brexit et de l’élection de Trump à la présidence des Etats-Unis ont enchainé leurs secousses à quelques mois d’intervalle, 122 universitaires, sous la houlette d’un professeur au Collège de France, ont collaboré au façonnage d’un monument de propagande antinational, contenu dont la diffusion a été ensuite assurée par une espèce de ligue de la plupart des médias officiels, assurant au pensum d’auteurs à peu près inconnus un écho tonitruant, lequel est envisagé comme une réplique massive en pleine débâcle, et vise en premier lieu à détruire l’influence des Zemmour, Finkielkraut et autres Patrick Buisson, rendus responsables de l’angoisse de tout un peuple devant son déclassement, voire sa disparition possible.

    Crise identitaire

    Après quarante ans d’une politique migratoire suicidaire et d’intoxication idéologique expiatoire en quoi s’est reconverti l’échec des fantasmes de révolution mondiale d’abord diffusés par la gauche, une grave crise identitaire a ébranlé peu à peu l’un des plus vieux peuples d’Europe. Ce profond désarroi offrit d’immenses succès de librairie à ceux capables de le formuler (Zemmour, Villiers, Buisson, Finkielkraut) – et non l’inverse, comme le prétendent ces intellectuels de gauche méprisant le peuple au point qu’ils imaginent son désarroi complètement artificiel et inoculé par un poison extérieur dont ne saurait le garder la faiblesse de son intelligence… Se voyant à juste titre dépossédé de sa mémoire, de son honneur comme d’une partie de ses territoires peu à peu « hallalisés », une part importante de ce peuple éprouva le besoin de se ressaisir de lui-même, de son identité, de son histoire. Très concrètement, ce phénomène se manifesta, outre l’audience accordée aux intellectuels susmentionnés, par un regain d’intérêt très prononcé pour l’Histoire nationale, et se traduisit par le succès de nombreuses émissions et de plusieurs ouvrages, reconnectant ce peuple avec son « roman national », qu’ils soient proposés par Lorant Deutsch, Franck Ferrand, Stéphane Bern ou Max Gallo.

    L’Histoire comme enjeu politique

    Evidemment, l’Histoire est un enjeu politique de premier ordre, et toutes les idéologies tentent de l’exploiter dans un sens qui les justifie. Mais la situation actuelle du pays pousse à une bataille particulièrement acharnée sur ce thème, comme l’OJIM l’avait déjà analysé au sujet de Lorant Deutsch, et essentiellement dans le champ médiatique où le thème est plébiscité par les spectateurs et tenu pour suspect par les idéologues. L’argument essentiel de ces derniers est toujours de dénoncer l’artifice que constituerait l’Histoire racontée comme un « roman national », c’est-à-dire selon une cohérence fabriquée et rétrospective. Cet argument est éminemment spécieux. D’abord, parce que ceux qui l’exploitent ne dénoncent jamais le « roman socialiste » ou le « roman multiculturaliste », selon lesquels la France nivelée, dépressive, déclassée et atomisée d’aujourd’hui est infiniment plus souhaitable que celle d’hier ; ensuite parce que cette nécessité d’un « roman national » n’est pas à mettre sur le même plan que celle de l’exactitude scientifique, au demeurant perpétuellement contestable. En effet, il s’agit là de psychologie d’un corps collectif, de sa cohésion, de sa structuration. Qu’importe que les récits de soi par lesquels un individu se structure psychologiquement soient strictement exacts, et ils ne le sont sans doute jamais, mais ces récits, du moment qu’ils ne sont pas purement imaginaires, remplissent bien une fonction cardinale, et on verrait mal un psychiatre reprocher à un individu sain les arrangements avec la réalité qu’aura inévitablement opéré sa mémoire pour qu’il établisse une conscience de soi équilibrée. Ce qui est valable à l’échelle d’un individu l’est aussi à l’échelle d’une conscience collective.

    Droite Buisson et Gauche Boucheron

    Cette nécessité de ressaisissement de la mémoire collective, un homme l’avait senti et avait su l’exploiter : Patrick Buisson. Historien et, justement, patron de la chaîne Histoire, il mit ses analyses, sa culture et le roman national, au service de la campagne victorieuse de Nicolas Sarkozy en 2007. Ce dernier tenta d’user du même levier lors des primaires de la droite, en septembre dernier, avec sa déclaration sur les ancêtres gaulois que devrait adopter tout citoyen français, ce qui scandalisa comme il se doit la classe médiatique, mais ne suffit pas à lui rallier un électorat déçu, d’autant que l’ancien président avait été politiquement mitraillé par le succès du livre du même Buisson (La Cause du peuple, Perrin, 2016). La manœuvre idéologique de la gauche Boucheron, face à la droite Buisson, consiste donc à désamorcer le levier extrêmement puissant dont celle-ci dispose : le besoin, pour un organisme collectif en pleine dépression, de se ressaisir de son récit personnel historique, de son identité longue, afin de surmonter cette dépression. Seule stratégie efficace face à un mécanisme de survie aussi redoutable : dissoudre cette identité. C’est donc ce à quoi vont s’employer cette centaine d’universitaires bien dressés et la plupart des médias français offrant avec une extraordinaire générosité leurs colonnes, leurs créneaux, leurs micros pour maximiser l’impact de la réplique, quelques mois avant l’élection du successeur de François Hollande.

    L’Argument scientifique

    Bien sûr, le bataillon idéologique avance à demi camouflé, et insiste en premier lieu sur la prétendue scientificité de son approche. Dans l’émission « La Grande Librairie » du 19 janvier, sur laquelle nous reviendrons, face à Michel Onfray, Boucheron argue d’une « ambition d’apporter un discours engagé et savant. » À traduire par : « de gauche et castrateur ». Cette tentative d’intimidation de l’adversaire n’échappe pas au rhéteur Onfray qui réplique : « Ce n’est pas scientificité contre scientificité, mais option idéologique contre option idéologique. » Pourtant, dans L’Humanité du 5 janvier, Boucheron affiche son ambition sans faux-fuyants : « Le défi qui est devant la gauche est celui de réarmer l’idée de progrès. On voit comment il a été compromis, par ceux qui le contrarient, par ceux qui le critiquent, et de quel prix et de quelles compromissions on l’a payé. Il faut réinventer une manière d’y croire à nouveau et de mener la bataille d’idées. »

    Il s’agit bien de mener une bataille, nullement de rejoindre l’Olympe d’une Histoire purement scientifique… La démarche est encore plus explicite chez Médiapart, le 13 janvier, quand le journaliste Joseph Confavreux, sans être ni contredit ni nuancé, résume l’ambition du livre comme devant « faire pièce à Lorant Deutsch, Stéphane Bern, Max Gallo, Franck Ferrand, voire aux élucubrations d’un Michel Onfray traquant après d’autres la décadence de l’Occident, ou même d’un Zemmour cherchant les contours d’un « suicide français » depuis un quarantaine d’années. » Voilà au moins qui est clair.

    Le Déo de la « gauche olfactive »

    Élisabeth Lévy évoquait avec pertinence cette « gauche olfactive » qui préfère penser avec sa truffe qu’avec son cerveau et se contente de mordre l’adversaire en guise d’argumentation. La publication de L’Histoire mondiale de la France aura vu se multiplier partout les mêmes métaphores pavloviennes : « Les portes et les fenêtres battent, lit-on carrément dans Le Monde du 11 janvier ; chaque page est une goulée d’oxygène. Une odeur française de renfermé (certains ont pu dire, en leur temps, de moisi) se dissipe. » Chez les Inrocks, on s’extasie devant une véritable libération, l’épopée française se trouvant : « enfin libérée du cadre nostalgique de ses grandes dates mythiques. » Est-ce si étroit que ça, la charge d’Eylau ? La geste de Jeanne d’Arc, donne-t-elle l’impression d’un quelconque confinement ? On étouffe dans les jardins de Versailles ? Qu’est-ce qui pue, au juste, dans ces deux millénaires d’une Histoire « classique » à la fois extraordinaire, baroque et vertigineuse ? Il faut se rendre à l’évidence, en réalité, ces épithètes malodorantes n’ayant aucun sens pour qualifier les hauts faits historiques du passé national, caractérisent en réalité, substantiellement, le peuple français lui-même. Le peuple pue. Voilà ce que suggère la gauche olfactive, dont les narines délicates réclament des fragrances exotiques pour que soit enfin purgé cet infâme fumet français qui lui donne des haut-le-cœur.

    Une nouvelle tactique

    Le problème sur lequel bute cette gauche olfactive, c’est que le peuple a la fâcheuse tendance à se complaire dans son odeur intrinsèque. On lui a dit qu’il ne devait plus rien sentir, il a préféré sentir quelque chose. Il vaudrait donc mieux lui suggérer de nouveaux parfums à aimer. Telle est la réflexion de Boucheron et ses sbires : la déconstruction a échoué dans ses objectifs idéologiques. « La déconstruction est un préalable, il y a un moment où il faut s’engager dans une autre narration qui est également entraînante. », remarque le professeur chez François Busnel. À la question que pose Joseph Confavreux sur ce qui rendrait cette offensive idéologique plus performante que celle déjà menée par les « Historiens de garde » contre Lorant Deutsch, Boucheron répond par le constat que la déconstruction ne marche pas, qu’il faut relancer une narration en exploitant notamment l’attractivité pédagogique que représentent les listes de dates, puisque c’est ainsi qu’est organisé son livre. Non seulement, donc, le projet du livre relève bien d’une stratégie de reconquête idéologique, et non d’une quelconque exigence scientifique supra-politique, mais cette stratégie est parfaitement concertée, prend acte des échecs passés, et élabore de nouvelles méthodes non pour plus de vérité, mais pour plus d’impact.

    Répliques

    Les principaux visés répondent, mais on s’étonnera tout de même que nul grand débat n’ait été organisé en leur présence, étant donné l’audience qu’ils suscitent et l’espace tout à fait remarquable que les médias auront alloué à cette anthologie composée par d’obscurs universitaires. Éric Zemmour, donc, l’auteur du Suicide français, Alain Finkielkraut, celui de L’Identité malheureuse, tireront depuis leurs postes, sans qu’aucune télévision n’organise un duel dont l’issue n’aurait probablement pas bénéficié au bataillon Boucheron. « Dès la première date, la messe est dite: l’histoire de France commence… avant l’histoire de France. 34.000 ans avant J.-C. ! Dans la grotte Chauvet, au temps de l’homme de Cro-Magnon. « Pour neutraliser la question des origine », avoue sans barguigner Boucheron. Une « France d’avant la France (qui) se dissout dans les prémices d’une humanité métisse et migrante »». Voilà comment Zemmour révèle l’objectif de la manœuvre dans Le Figaro, le 17 janvier. Après la déconstruction, la dissolution, c’est le même terme qu’emploie Alain Finkielkraut, dans son émission « L’Esprit de l’Escalier » sur RCJ, le 15 janvier 2017 : « Mondialiser l’Histoire de France, c’est dissoudre ce qu’elle a de spécifique, son identité, son génie propre, dans le grand bain – vous avez cité La Croix –, de la mixité, de la diversité, du métissage. Et c’est aussi répondre au défi islamiste par l’affirmation de notre dette envers l’islam. De la France-patrie-littéraire, ce qui surnage dans cet ouvrage, c’est la traduction des Mille et une nuits par Antoine Galland, qui a eu la merveilleuse audace d’ajouter au corpus original des histoires que lui avait racontées un voyageur arabe venu d’Alep. Intéressante, instructive aussi, est l’histoire de l’invasion musulmane à Narbonne, en 719, où les cultures, dit-on, se sont mêlées, avant que les Francs, hélas, n’arriment cette ville par la force à leur royaume. »

    Régurgiter plutôt qu’assimiler

    Pas de débat avec les adversaires directement désignés par Boucheron, mais un semblant de débat avec Onfray dans « La Grande Librairie » Onfray, un autre homme de gauche, mais qui fait mine de donner quelques gages à droite pour ne pas paraître totalement périmé, bref : il y a des limites dans l’ouverture du champ. Onfray, défendant son pré carré, reprochera à Boucheron de défranciser jusqu’à Descartes. Quand on lui demande de se défendre de la critique de Zemmour, Boucheron part dans une comparaison biologique pour le moins paradoxale : « Nous voyons bien d’instinct (…) que les organismes vivants, pour se défendre de la mort, accueillent évidemment ce qui leur est étranger pour faire du même avec l’autre. » Sauf que « faire du même avec l’autre », cela s’appelle assimiler, en biologie comme en politique, et donc vampiriser l’autre en quelque sorte, le nationaliser purement et simplement. Ce qui correspond à la démarche exactement inverse à celle du projet de Boucheron, une démarche qui consiste non à assimiler mais à régurgiter, à recracher tout ce qui a constitué la France pour le renvoyer à son étrangeté initiale, précisément, donc : à décomposer le pays.

    Entre deux morts

    Cet étrange débat, sur la plateau de Busnel, aura donc proposé au spectateur une curieuse alternative : soit la mort avec élégance (Onfray), soit la dissolution avec entrain (Boucheron). Voilà le genre de choix que la télévision publique offre au peuple français. D’un côté, le narcisse austère, lèvres pincées et lunettes sévères, vous dit que s’il constate comme tant d’autres la décadence du pays, il ne faut pas pour autant regretter, se révolter, tenter de renaître, mais accepter stoïquement la fin et la supplantation d’une civilisation agonisante par une civilisation en pleine santé, la chrétienne par l’islamique. De l’autre, le ravi de la crèche, avec son visage de patate incisée pour la bouche, vous explique qu’il n’y a rien à regretter puisqu’il n’y a jamais rien eu, à part quelques apports islamiques qui ne devraient, et cela tombe bien, ne faire que s’amplifier avec le temps ! Déjà, à l’époque de Jeanne d’Arc, les docteurs de la Sorbonne, ralliés au camp anglais, expliquaient que 1000 ans représentaient une durée de vie tout à fait remarquable pour un royaume, et qu’il était bien temps de passer la main à la vigueur britannique. Déjà, en 1940, les intellectuels ralliés à l’Allemagne nazie invoquaient l’Histoire impériale carolingienne de la France pour tenter de démontrer que loin d’être envahie, la France rentrait seulement chez elle, si l’on appréhendait les choses du point de vue de Charlemagne. Et puis dissoudre la France représente finalement la conclusion logique d’un long parcours : comme les héros de Breaking Bad versant de l’acide dans la baignoire où gît leur cadavre, les intellectuels anti-français, après quarante ans de trahison, de démoralisation, de déconstruction, d’assassinat national, tentent de faire disparaître le corps afin de dissimuler leur crime. Si la France n’a jamais eu lieu, on ne pourra accuser personne de l’avoir détruite. Voilà, le réflexe sale, honteux, coupable, qui aura animé inconsciemment toute cette coalition intello-médiatique qu’on aura vu sévir à l’orée d’une année critique.

    Observatoire des journalistes et de l'information médiatique (OJIM, 6 février 2017)

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