Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la politique étrangère, désespérément atlantiste, du président de la République, Emmanuel Macron... Ancien haut-fonctionnaire et animateur de la Fondation Polémia, Michel Geoffroy vient de publier La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).
L’atlantisme forcené d’Emmanuel Macron sabote l’opportunité européenne de la France
Emmanuel et Brigitte Macron sont en voyage officiel aux Etats-Unis, pour rencontrer Oncle Donald. Pour rencontrer le patron, en quelque sorte, sous l’œil attendri des médias mainstream. On ne peut certes que se réjouir que notre président semble entretenir de bonnes relations avec le président des Etats-Unis comme avec, espérons-le, tous les autres grands chefs d’Etat. Mais cette visite protocolaire outre-Atlantique revêt aussi une signification politique qui ne doit pas nous échapper.
Une opportunité historique pour la France ?
La France bénéficie aujourd’hui en effet d’une conjoncture politique très favorable au sein de l’Union européenne, du fait de l’effacement relatif de l’Allemagne – empêtrée dans la crise politique – et de la Grande-Bretagne – empêtrée pour sa part dans son Brexit et ses histoires d’espions. Et cela, alors même que l’Union européenne connaît une profonde crise de confiance et se trouve notamment confrontée à la sécession de fait des pays du groupe de Visegrad sur la question migratoire.
En d’autres termes, il s’agit d’une situation extrêmement favorable pour la diplomatie française, qui ne s’était pas vue depuis fort longtemps.
Notre pays aurait pu en profiter pour faire avancer une approche différente de l’Union européenne, que ce soit par exemple en matière de défense, de politique économique ou de relations avec l’Eurasie, conformément à sa doctrine traditionnelle d’équilibre des puissances.
Macron fait le contraire de ce qu’on attend de lui
Or que fait Emmanuel Macron de cette belle opportunité diplomatique ? Rien. Ou plutôt il fait exactement le contraire de ce que l’on aurait attendu de la France dans un tel contexte.
En effet il en rajoute en permanence sur l’alignement transatlantique et atlantiste, comme s’il voulait ravir à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne le rôle de meilleur soutien – de meilleur vassal en réalité – des Etats-Unis en Europe.
Il s’est ainsi empressé, au mépris de toute prudence, de soutenir la posture belliqueuse de la Grande-Bretagne à l’encontre de la Russie dans la douteuse affaire Skripal. Il a adhéré aux sanctions économiques, diplomatiques et médiatiques contre la Russie, sans aucune réserve.
Il s’est associé aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne pour bombarder, une nouvelle fois au mépris du droit international, la Syrie. Comme s’il était dans l’intérêt de l’Europe de voir éclater ce pays, après le chaos libyen et malien.
Il ne cesse de mettre en accusation les pays du groupe de Visegrad, se coupant par là-même du soutien qu’ils auraient pu fournir à notre diplomatie dans cette période charnière.
Et la rhétorique antirusse, racisme d’Etat qui ne dit pas son nom, devient une composante du politiquement correct officiel de la France.
Macron enferme la politique étrangère de la France dans l’impasse atlantiste
Le voyage présidentiel aux Etats-Unis, sorte de pèlerinage atlantiste, s’inscrit dans cette déplorable continuité.
Car qu’avons-nous à gagner à nous aligner sur cette puissance en déclin, au surplus belliqueuse et imprévisible ? Rien : la politique d’Emmanuel Macron nous mène dans une impasse.La France, n’en déplaise aux anglophiles qui peuplent l’oligarchie, n’est pas en effet une thalassocratie, mais une puissance continentale à rayonnement mondial. Son destin se situe en Europe et dans ce qui reste de son empire et non pas de l’autre côté de l’Atlantique.
S’aligner sur la diplomatie américaine ne garantit donc ni notre sécurité ni notre prospérité, a fortiori dans un monde désormais multipolaire qui rejette de plus en plus la prétention des Anglo-Saxons à gouverner le monde et à imposer leurs lubies idéologiques.
Mais Emmanuel Macron ne semble pas le savoir, ou, pire encore, il veut l’ignorer.
Comme il veut ignorer que les Etats-Unis traitent les Européens en vassaux et en marché à conquérir, la France ne faisant pas exception à la règle. Les promesses mirifiques des partisans des traités de libre-échange – comme Emmanuel Macron vantant le traité CETA avec le Canada – ne se réalisent jamais pour cette raison.L’Europe sans défense ?
De même l’OTAN n’assure plus la sécurité de l’Europe depuis la fin de l’URSS. Il sert avant tout à mettre en tutelle les Européens et à empêcher la constitution d’une véritable Europe de la défense, pour le plus grand profit du complexe militaro-industriel américain. L’OTAN risque, au surplus, de nous entraîner dans une confrontation avec la Russie, via les pays Baltes ou l’Ukraine, dont les Européens seraient une nouvelle fois la principale victime.
Mais cela ne paraît pas poser problème à Emmanuel Macron, tout fier de parler anglais sur Fox News !
D’ailleurs, ayant pleinement réintégré l’OTAN depuis François Hollande, la France n’invoque plus désormais officiellement son indépendance, mais sa simple autonomie stratégique : la nuance sémantique mais surtout politique est de taille.
Emmanuel Macron restera bien sage chez l’Oncle Donald
Et le même Emmanuel Macron, si prolixe à propos des prétendues « fake news » et « manipulations » russes, envisage-t-il par exemple de demander à Oncle Trump de cesser l’espionnage de masse des communications auquel ses services se livrent partout dans le monde, y compris en Europe, comme l’ont révélé les lanceurs d’alerte ?
Va-t-il prononcer des sanctions contre les Etats-Unis pour cette violation manifeste de nos droits les plus élémentaires ?
Poser la question c’est y répondre : Emmanuel et Brigitte resteront bien sages chez l’Oncle Donald.
Emmanuel Macron, un Européen de perlimpinpin
Enfin, l’atlantisme affiché et revendiqué d’Emmanuel Macron en dit long sur sa prétendue ambition européenne.
Car l’Europe qu’il envisage, en digne représentant de la Davocratie, ne serait qu’une Europe au rabais, entraînée dans le sillage mortel du Titanic américain : une Europe sans frontières mais coupée de l’Eurasie, une réserve culturelle pour yuppies fortunés en mal de dépaysement, un marché à conquérir pour les grandes firmes nord-américaines.
Une Europe, en fin de compte, comme la voulait le mondialiste Jean Monnet pour qui « la Communauté [européenne] n’est qu’une étape vers les formes d’organisation du monde de demain » : une simple étape vers la fumeuse gouvernance mondiale dont rêve la superclasse mondiale.
Tout le contraire de l’Europe, Une, Grande et Libre, comme le dit la belle devise de l’Espagne, que les Européens attendent toujours !
Oncle Donald ne doit pas s’inquiéter : Emmanuel et Brigitte ne lui feront pas ombrage.Michel Geoffroy (Polémia, 25 avril 2018)