Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

macron

  • « Hâtez-vous, généreux guerriers… »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré aux déclarations guerrières du Président de la République. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

    Macron_Base aérienne.jpg

    « Hâtez-vous, généreux guerriers… »

    Il eut été logique qu’il revêtit un uniforme, tel de Gaulle en 1960, ou se présentât en pull kaki, tel Zelensky depuis trois ans : le 5 mars dernier Emmanuel Macron nous a déclaré que « nous rentrons (sic) dans une nouvelle ère », que « la Russie est devenue au moment où je vous parle et pour les années à venir une menace pour la France et pour l’Europe » et que, « quoi qu’il en advienne, il nous faut nous équiper davantage ».

    Il nous faut donc accroître notre effort militaire, nous réarmer, nous remilitariser. Soit. Mais les conditions dans lesquelles les modalités de cette remilitarisation sont annoncées surprennent.

    1/ Rappelons-nous tout d’abord qu’en juin 2022 le même Macron avait déclaré, en inaugurant le salon de Satory, que « nous allons durablement devoir nous organiser… dans une économie de guerre ». Pourquoi donc tenir en 2025 des propos voisins de ceux de 2022 ? La réponse est évidente : parce que nous ne sommes pas passés en « économie de guerre ». Certes, la production des célèbres canons Caesar a été multipliée par trois, mais il s’agit là d’une brillante exception : aucune commande massive n’a été passée aux entreprises de la BITD (base industrielle et technologique de défense) et les industriels, ne sachant quand les commandes leur seraient passées, et même si elles le seraient, n’ont pas accru leur outil de production. Le gouvernent n’a-t-il pas voulu faire le nécessaire, ou ne l’a-t-il pas pu ? Et pourquoi le voudrait-il maintenant, ou le pourrait-il ? Le président de la République a, le 17 mars, annoncé l’acquisition de trente Rafale supplémentaires : quand les commandes seront-elles passées ?

    C’est que les armes coûtent cher et que nous sommes démunis. E. Macron a présenté comme une grande victoire l’autorisation donnée aux Etats par Ursula von der Leyen d’augmenter, au-delà des limites permises jusqu’alors, leur déficit budgétaire pour financer, dans la limite de 1,5 % du PIB, leurs dépenses militaires. Curieuse victoire : autorisation ou pas, un tel accroissement augmentera une dette qui est dès aujourd’hui explosive. Réjouissons-nous donc comme le ferait un malade qui, alors qu’il a 40 degrés de fièvre, s’entendrait dire pas son médecin qu’un traitement ne lui sera nécessaire que lorsque sa température atteindra 41,5 degrés. Autre « victoire » étonnante : la décision annoncée par la même van der Leyen d’emprunter au niveau communautaire 150 M€ pour allouer des prêts bonifiés aux Etats [1]. Pour s’en réjouir il faut oublier que la France finance 17 % du budget européen, si bien que l’amortissement du nouvel emprunt communautaire se traduira par une augmentation de la contribution de la France à ce budget. Alors qu’un député européen, rapporteur du budget, a récemment remarqué que « nous n’avons toujours pas clarifié comment nous allons rembourser le grand emprunt commun qui a financé le plan de relance post Covid », ajouter une couche d’emprunt communautaire est-il si enthousiasmant ?

    Ne se trompe-t-on pas, d’ailleurs, de cible ? Un récent audit [2] indique que « les entreprises… présent(ent) une structure financière et économique plus fragile dans la BITD que dans le reste de l’économie, avec des marges plus faibles, une capacité moindre à créer de la valeur, un endettement plus élevé et une potentielle sous-capitalisation ». Ce ne sont point tant les subventions et prêts qui sont nécessaires que des augmentations de capital. D’où la création par BPI France d’un nouveau fonds spécialisé destiné à accueillir l’épargne des particuliers ; mais, les généreux donataires, qui seront « collés » pendant cinq ans, ne bénéficiant en échange d’aucun avantage fiscal ou autre, on peut craindre que ce nouvel outil ne séduise guère et n’ait que des vertus d’affichage. D’où l’appel adressé aux fonds d’investissement privés afin qu’ils contribuent à l’effort demandé à la nation.

    Le problème est que ces fonds interviennent au sein d’un écosystème financier auquel on demande de privilégier les investissements « verts » luttant contre le changement climatique et répondant aux critères ESG [3], et que les bureaucrates et les bonnes consciences ont classé la Défense dans la catégorie des parias. Le sujet est connu depuis longtemps [4] et la Commission comme le gouvernement reconnaissent la nécessité d’agir. Mais les actions concrètes se font attendre. La « taxonomie » qui, comme l’a fait remarquer le Délégué Général à l’Armement, « classe la Défense dans la même catégorie que la pornographie », et les directives européennes incitant les fonds à investir dans des domaines dont la Défense est exclue, n’ont pas été modifiées ; les PME et ETI du secteur qui cherchent à financer leurs besoins en fonds de roulement s’entendent dire par leurs banques qu’elles ne satisfont pas les critères d’investissement responsable ; la BEI (Banque Européenne d’Investissement) envisage d’étendre son champ d’action mais se refuse à financer la fabrication de munitions et armes létales (on se croirait revenu en 1981, lorsque F. Mitterrand inaugurait le salon aéronautique du Bourget après avoir demandé que les avions et hélicoptères soient présentés désarmés). Aussi le « monde de la finance » semble-t-il considérer que les déclarations ne suffisent pas : Euronext a prévenu, à la mi-mars, Airbus, Safran et Thales qu’il allait les exclure du CAC 40 ESG et n’y a renoncé qu’au dernier moment ; Ardian et Eurazeo affirment refuser tout investissement dans la Défense, la seconde se référant explicitement à la problématique ESG. Restent les fonds spécialisés de Tikehau et Weinberg mais ceux-ci n’ont pas attendu ces dernières semaines pour se mobiliser et ne suffiront pas à dégager les sommes nécessaires.

    Les conditions financières d’une politique de réarmement ne semblent donc pas réunies aujourd’hui. Mieux vaudrait faire moins d’annonces et de grand-messes et, d’une part supprimer les freins aux investissements dans l’industrie de défense (c’est-à-dire modifier les textes ESG), d’autre part créer les conditions d’un financement durable (c’est-à-dire non pas à contractant de nouvelles dettes, mais en réduisant ou supprimant enfin les dépenses publiques inutiles ou inefficaces – comme nos voisins l’ont fait).

    2/ Par ailleurs, il ne suffit pas d’avoir des matériels performants, encore faut-il disposer des personnels pour les utiliser. L’armée peine, aujourd’hui, à fidéliser ceux qui la servent. Que compte-t-on faire pour qu’on y parvienne désormais ?

    3/ Le 5 mars dernier, E. Macron a également déclaré que « L’Europe de la Défense, que nous défendons depuis huit ans, devient donc une réalité ». Encore une grande victoire de la France, doit-on comprendre.

    Notre pays dispose de nombreux éléments légitimant une place fondamentale dans cette « réalité » encore bien irréelle : une armée de militaires aguerris et maîtrisant les technologies de pointe (sans doute la seule armée digne de ce nom en Europe) ; des industriels de premier plan dans chaque domaine, s’appuyant sur un riche réseau de sous-traitants ; la possession de l’arme nucléaire. On aurait pu penser que la France aurait cherché, pour le bien de l’Europe comme celui du pays, à valoriser ces trois éléments et à faire de la reconnaissance de la préférence communautaire un préalable à toute action de sa part ; il semble qu’elle ait adopté une autre posture et préféré une approche institutionnelle. E. Macron semble chercher à la fois à porter au niveau communautaire les responsabilités aujourd’hui exercées avec efficacité au niveau national et à prendre la tête, avec la Grande-Bretagne, d’un étrange groupement de pays bien incapables d’influer sur le cours des évènements.

    Cette approche est particulièrement étonnante pour ce qui concerne l’arme nucléaire, pour laquelle la président a indiqué que, « répondant à l’appel historique du futur chancelier allemand, (il a) décidé d’ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen ». Depuis l’origine il est acquis – le général de Gaulle l’a dit explicitement – que l’intérêt vital national ne se limite pas aux frontières du pays et prend en compte les menaces pesant sur nos voisins. Mais s’étend-il à l’ensemble du « continent européen » ? Faut-il associer explicitement « nos alliés », et sans doute la Commission, aux décisions ? Suffit-il d’affirmer que « quoi qu’il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du Président de la République, chef des armées », pour échapper à la mécanique communautaire et être en mesure d’agir rapidement ? Pourra-t-on reconnaître qu’on « protège » un pays et lui interdire de « décider » son sort ? Ne sera-t-on pas obligé de formaliser a priori les cas de recours à l’arme nucléaire, alors que l’incertitude sur l’usage de l’arme est une condition de son efficacité, de la dissuasion ? Serait-il normal que nos voisins bénéficient soudain d’un outil financé depuis cinquante ans par les seuls contribuables français ?

    Tout cela est bien étonnant, et bien inquiétant.

    4/ Certains commentateurs voudraient chanter, comme dans l’opéra Dardanus de Rameau :

    « Il est temps de courir aux armes,

    Hâtez-vous, généreux guerriers,

    Allez, au milieu des alarmes,

    Cueillir les plus brillants lauriers ».

    Ne faisons pas trop de théâtre : n’oublions pas que dans la vraie vie il y a de vrais soldats et de vraies morts.

    N’oublions pas non plus que, si elles ont une frontière à l’Est, l’Europe et en particulier la France ont aussi une frontière au Sud.

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 30 mars 2025)

     

    Notes :

    [1] Ces prêts ne pourront bénéficier qu’à des projets associant plusieurs Etats. Cela laisse augurer de jolis délais pour mettre en œuvre ce programme au bel acronyme : SAFE, pour Security Action for Europe.

    [2] Réalisé par le Trésor et l’Observatoire économique de la Défense. https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/ea3a6a07-04a8-4ec4-af34-1d066bd794af/files/8293e924-b180-4aa4-9575-06331ed76b0f

    [3] Critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.

    [4] Voir mon article du 20 mai 2024 : https://geopragma.fr/drole-deconomie-de-guerre/

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Feu sur la désinformation... (504) : Macron face humilié par Trump ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou et Floriane Jeannin.

     

                                      

    Au sommaire cette semaine :

    L'image de la semaine : Pierre-Alain Cottineau, un scandale pédocriminel à bas bruit médiatique...

    Dossier du jour : Qu’a vraiment obtenu Macron pour la France et l’Europe? Si certains affirment qu’il a “retourné” Donald Trump en le contredisant avec fermeté, d'autres affirment au contraire que cette rencontre révèle les tensions entre la France et les États-Unis...

    ‐-‐-----------

    Pastilles de l’info:

    • Roumanie : Calin Georgescu : le candidat populiste sous contrôle judiciaire
    • Élections allemandes : montée de l’AfD, la fin du modèle Merkel ?
    • LCI : guerre et “optimisme"… vraiment ?
    • L’ARCOM dans le viseur de C8 après des propos "off" au restaurant
    • Jean-Michel Aphatie : voix de l’Algérie
    • Des policiers pourchassés… à la Tour Eiffel !

    ‐-‐-----------

    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Jean-Michel Aphatie...

     

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Manipulation et influence, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Macron aux abois : Trump et Poutine accélèrent...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit Laurent Ozon pour évoquer avec lui la nouvelle situation géopolitique avec l'accord russo-américain qui semble se dessiner sur l'Ukraine.

    Essayiste et analyste politique, tenant d'une écologie localiste et identitaire, premier promoteur de l'idée de remigration, Laurent Ozon est l'auteur de l'excellent essai intitulé France, années décisives (Bios, 2015).

     

                                             

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Feu sur la désinformation... (502) : USAID, la caisse noire de l’État profond qui achètait les médias...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Martial Bild et Floriane Jeannin.

     

                                             

    Au sommaire cette semaine :

    Dossier du jour : le gel de l'USAID, une institution présentée par les médias comme un fond humanitaire altruiste visant à soutenir les pays en difficulté mais qui aurait un rôle dans le financement des journalistes et des médias dans le monde pour toujours mieux façonner l'opinion...

    L'image de la semaine : l'affaire Louise, 11 ans, poignardée à de multiples reprises par Owen L, 23 ans, a suscité une couverture médiatique intense axée sur la "peur". Les médias semblent davantage se concentrer sur la gestion de l'émotion publique que sur les faits comme un service non pas après vente cette fois mais après mort, de l’insécurité qui est notre réalité.

    ‐-‐-----------

    Pastilles de l’info:

    • Macron et l’IA : entre deepfake et tentative de retrouver sa place
    • La guerre des IA : Musk et Open AI
    • Le clash Musk vs Xavier Niel et la victoire de Lidl
    • Emilia Pérez : un film progressiste rattrapé par la cancel culture
    • Disney+ en perte d’abonnés : le wokisme fait-il fuir le public ?
    • Écologie punitive : la police des poubelles débarque en France

    ‐-‐-----------

    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Xavier Niel, du téléphone rose à Free jusqu’aux médias...

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Manipulation et influence, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Feu sur la désinformation... (501) : Jean-Yves Le Gallou face aux juges !

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou et Floriane Jeannin.

     

                                               

    Au sommaire cette semaine :

    Dossier du jour : Jean-Yves Le Gallou convoqué devant la 17e chambre correctionnelle de Paris le mardi 18 février prochain pour deux tweets. L’occasion de se demander si la justice est à l’épreuve de la critique et de vous dévoiler les dessous de cette affaire qui commence en 2022 et qui soulève des questions fondamentales sur la liberté d’expression, le rôle des juges et la démocratie....

    ‐-‐-----------

    Pastilles de l’info:

    • Macron : président d’opérette
    • Merwane Benlazar, l'humoriste passé une fois sur C à vous : les meilleurs blagues sont les plus courtes
    • France Télévisions chausse ses gros sabots avec le téléfilm "Bénie soit Sixtine"
    • France Travail : un scandale dont presque personne ne parle
    • Attaque de policier au cris d'"Allah Akbar !" : TF1 occulte l'essentiel
    • Quotidien pleure les “chaînes démocrates” CNN, NBC et CBS
    • Usages des Réseaux Sociaux : entre choc des génération et guerre du “cool”
    • Ces médias qui célèbrent la vie sans enfants

    ‐-‐-----------

    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Pascal Praud...

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Feu sur la désinformation... (498) : Censure, les coups d'État européen ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Michel Geoffroy et Floriane Jeannin.

     

                                                

    Au sommaire cette semaine :

    L'image de la semaine :  le fauteuil sénatorial de Gérard Larcher. Près de 40 000 euros, c'est le prix de ce mobilier luxueux que s'est offert le président du Sénat en même temps qu'il recommande une réduction des dépenses publiques. Un "en même temps" de plus qui est passé dans la presse pour une petite "erreur", tel qu'il s'en est lui-même justifié...

    Dossier de la semaine : il est consacré à nos commissaires politico-médiatiques préférés, ceux qui au nom de la démocratie réclament toujours plus de censure pour ne pas laisser de place aux opinions qui ne leur conviennent pas. Une nouvelle offensive du progressisme européen sur les espaces de liberté d'expression. La censure, c'est la démocratie, et la liberté d'expression, c'est le totalitarisme !..

    ‐-‐-----------

    Pastilles de l’info:

    • Brigitte veut sauver Macron !
    • Miss France n'est pas Charlie… 
    • Une journaliste du Monde tente de s’infiltrer aux obsèques de Jean-Marie Le Pen 
    • Trump échange avec Obama aux funérailles de Carter

    ‐-‐-----------

    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Daphné Deschamps, journaliste militante d'extrême gauche...

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Manipulation et influence, Multimédia 0 commentaire Pin it!