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individualisme - Page 5

  • De la famille clanique au couple parental homosexuel...

    Les éditions Kontre Kulture viennent de publier sous la signature de Damien Viguier un essai intitulé De la famille au couple parental homosexuel, qui constitue le premier tome de leur collection Leçons de droit. Avocat, Damien Viguier est docteur en droit privé et en sciences criminelles.

     

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    " Parmi les critères qui différencient les peuples dits sauvages des sociétés civilisées, on trouve l'existence du Droit. Censée organiser la société, régler les conflits selon des règles connues de tous, la Loi est le reflet de l'âme d'une époque. Comprendre comment elle évolue, ce qu'elle implique et ce qu'elle révèle nous plonge dans les rouages d'une machinerie qui nous dirige et nous formate tout à la fois. Parce qu'elle permet d'échapper à la pensée binaire, cette compréhension est également le premier pas vers une libération. Premiers pas que ces Leçons de Droit, rédigées dans un style accessible à tous, vous proposent d'accomplir.

    Tout entières dirigées vers la perpétuité du clan, et cela même dans leurs exceptions et leurs assouplissements, les législations anciennes ont permis à ce qui étaient de simples dérogations de devenir de nouvelles normes, brisant dès lors l'organisation de la société en clans pour introduire le règne de la « famille bourgeoise ». Ceux qui clament « un enfant, c'est un papa et une maman », en réaction à l'instauration du « mariage pour tous », ne réalisent pas que la révolution anthropologique qu'ils dénoncent tient moins à l'élargissement du mariage aux couples homosexuels qu'à cette révolution plus ancienne, commencée sous Justinien et fortement accélérée à la Révolution, qui initia l'émiettement des structures familiales, en vertu de l'égalité par l'indifférenciation des sexes. C'est la promotion même du ménage formé d'un homme et d'une femme, « brique » ou « cellule fondamentale » de notre structure sociale, et au nom duquel se fait la lutte contre le mariage pour tous, qui, en réalité, y a mené. Suite logique de l'évolution du Droit qui, en même temps qu'elle a abouti aux unions et aux filiations homosexuelles, a conduit à l'atomisation d'une société, et in fine à l'individualisme que nous connaissons aujourd'hui. "

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  • L'Occident est-il dangereux aujourd'hui ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Ivan Blot, cueilli sur le site d'informations Sputnik et consacré à la dangerosité de la politique occidentale...

     

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    L'Occident est-il dangereux aujourd'hui ?

    D’après le blog Slate du 3 janvier 2014, un sondage de Worldwide Independent Network et de Gallup sur la question « Quel pays est la plus grande menace pour la paix dans le monde aujourd’hui ? » a été effectué dans 65 pays où 66 806 personnes ont été interrogées.

    Le résultat est net: pour 24% de la population mondiale, les Etats-Unis sont le pays le plus menaçant pour la paix mondiale. Le Pakistan est second avec 8%, et la Russie vient en 12ème position! Il s'agit de l'avis des citoyens. Certains organismes « d'experts » comme le « Center for Peace and Conflict » de Sidney s'arrangent pour mettre les Etats-Unis en milieu de classement. Mais le citoyen sondé, lui, n'est pas payé et à l'inverse de « l'expert », il n'a pas de marché ou de carrière en jeu!
     
    Qui a précipité l'Afghanistan, l'Irak, ou la Libye dans le chaos sinon l'Occident groupé autour des Etats-Unis? L'intervention en Irak, en 2003 qui s'appelait « liberté en Irak » (sic) débouche en 2015 après des années de guerre civile sur l'apparition de Daesh, un Etat islamiste d'une cruauté exemplaire! On peut comprendre que face à leur image de va-t-en guerre impénitent, les Etats-Unis cherchent à faire peur avec la Russie. Mais l'opinion mondiale ne s'y trompe pas comme le montre le sondage ci-dessus.

    Au-delà de cette réalité indiscutable, l'Occident véhicule par ailleurs un message philosophique mortifère, celui de l'arraisonnement utilitariste qui considère l'homme avant tout comme une matière première pour l'économie. Cet arraisonnement a été appelé le « Gestell » par le philosophe existentiel allemand Heidegger, enterré avec les sacrements de l'église catholique en 1976.

    Le philosophe, disciple d'Aristote, a accusé le monde occidental moderne de détruire le monde traditionnel chrétien des Européens qui assurait tant bien que mal l'épanouissement de l'homme. Ce monde était structuré par quatre pôles: Dieu, les hommes en tant que mortels, les valeurs éthiques de l'honneur et du sacrifice de soi (non utilitaristes) et les racines familiales et patriotiques.

    L'Occident moderne, surtout après 1968 pour la France, a tué Dieu dans la conscience des hommes pour le remplacer par les caprices de l'égo. Il a remplacé l'éthique du sacrifice de soi par le culte matérialiste de l'argent et des droits qui y sont associés. Il a remplacé l'éducation des personnalités grâce à l'humanisme classique par le conditionnement des masses. Il a enfin remplacé les racines charnelles, famille et patrie, par l'idolâtrie de la technique sans mesure. Il faut en effet que les hommes deviennent des matières premières interchangeables et l'on instrumentalise l'égalitarisme dans ce sens!

    On retourne ainsi, depuis les années 1960, vers la barbarie des instincts libérés au nom des droits de l'homme, instincts dont la « libération » est justifiée par le cerveau calculateur, cette « crapule » dont parlait Dostoïevski. Résultat: le nombre de crimes en France a été multiplié par quatre depuis mai 1968. On est passé de 1,5 à 4,5 millions de crimes et de délits. Aux USA, le nombre d'emprisonnés est passé de 0,5 million en 1965 à 2,3 millions en 2013. Les Etats-Unis sont le pays qui a le plus d'emprisonnés au monde.

    Autre résultat: l'effondrement démographique de l'Occident signalé par le président Poutine (qui parla de suicide) au cercle de Valdaï en 2013. L'Occident ne fait pas que semer la mort par ses interventions militaires en série, notamment au Proche Orient. Il se suicide peu à peu et le Pape catholique Jean-Paul II avait parlé à son sujet de « culture de mort ».

    Les quatre idoles actuelles de l'Occident, la technique, l'argent, les masses et l'égo aboutissent à dévaster la terre, détruire les idéaux traditionnels, soumettre les hommes libres au conditionnement des masses et exalter l'égo dans ses caprices les plus ignobles. Le président Poutine affirme qu'il veut préserver la Russie de cette idéologie mortifère. C'est pourquoi la majorité de l'oligarchie occidentale, qui déteste les peuples enracinés et gère le « Gestell » au pouvoir, ne peut pas supporter Poutine. Elle voudrait l'éliminer et faire de la Russie trois ou quatre protectorats divisés comme le rêve le géopoliticien des récents présidents américains, Zbigniew Brzezinski. Washington espère ainsi conserver le contrôle sur le monde, et sur le continent qui pourrait le concurrencer: l'Eurasie. La subversion à Kiev a été créée dans ce but. Le coup d'Etat de Kiev a mis au pouvoir un gouvernement qui tire à coups de canon sur les citoyens qui réclament des référendums de décentralisation. Les va-t-en guerre américains rêvent d'une guerre de plus en Ukraine et brûlent d'intervenir!
     
    Vladimir Poutine défend ouvertement les traditions qui fondent les civilisations. C'est insupportable pour ceux qui idolâtrent l'argent et le droit abstrait, ces deux instruments de pouvoir qui sont le socle des injustices sous les prétextes les plus hypocrites. Déjà le grand humaniste romain Cicéron le disait: « summus jus, summa injuria »: le droit poussé à l'extrême créé l'injustice la plus grande comme ce fut le cas avec la Cour suprême américaine en 1857 (arrêt Dred Scott contre Sandford) qui justifia l'esclavage des Noirs au nom des droits de l'homme inscrits dans la constitution américaine!
     
    S'il y a un danger aujourd'hui pour la paix et l'humanité, il ne vient pas de la Russie mais désormais de l'Occident. L'Occident prétend imposer son modèle de « moralité », ce qui n'est rien d'autre que du pharisaïsme et du néo colonialisme. Ce n'est pas la Russie qui a généré Daesh mais l'Occident qui a tout fait pour ruiner les régimes laïcs arabes, certes critiquables mais moins dangereux. La Russie a toujours été cohérente dans sa lutte contre le terrorisme, ce qui n'est guère le cas des principales puissances occidentales. D'ailleurs, les chrétiens d'Orient persécutés ne s'y trompent pas. Ils mettent leur espoir dans l'influence internationale de la Russie et non en Washington.

    Le danger change de camp avec le déroulement de l'histoire. Avant la seconde guerre mondiale, il résidait en l'Allemagne nazie. Le communisme a pu dans le passé être aussi un danger. Mais aujourd'hui, c'est l'Occident qui menace la paix du monde par un néo-colonialisme qui va jusqu'à provoquer des guerres. C'est l'Occident qui agit en idéologue conquérant et qui a une idéologie d'Etat intolérante. Ce n'est plus la Russie depuis qu'elle a surgit à nouveau lors de l'effondrement de l'Union soviétique. On doit conseiller à l'Occident de pratiquer la maxime de Socrate: « connais-toi toi-même »! Car c'est la seule façon de pouvoir se corriger.

    Ivan Blot (Sputnik, 21 février 2015)

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  • La terreur des mots : ceci n'est pas un attentat !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue cueilli sur le site Idiocratie et consacré aux "actes isolés" qui ont marqué l'actualité de ces derniers jours...

     

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    La terreur des mots, ceci n'est pas un attentat

    Ce n’est pas possible. C’est inconcevable. On nous avait pourtant promis la fin de l’histoire, la fin des guerres, la fin des frontières, la fin des religions, la fin des fanatismes, la fin des fins, la vraie der des ders, et voilà que ça repart. Nous étions pourtant bien tranquilles entre Européens, dans le petit vase clos de notre espace Schengen, convaincus d’avoir pour de bon réussi à abolir le passé, le présent et l’avenir, pour rêver d’un futur sans lendemain, un présent perpétuellement remis à jour : le jour sans fin, le vrai.

    Et voilà que, pour commencer, l’ours russe sort les griffes, furieux qu’on lui piétine les pattes tandis que le sommeil de l’Europe au bois dormant est troublé par des fous furieux, dont il est impossible d’évaluer le nombre et qu’aucun plan vigipirate ne peut arrêter, répondant à l’appel de Daesh et se mettant en tête de faire exploser la France en fonçant sur des piétons dans un marché de Noël ou en attaquant un commissariat. Tandis que l'on était occupé dans les journaux à débattre du cas Zemmour ou de la place des crèches de Noël dans les mairies, la réalité s’est rappelée à notre mauvais souvenir. Le réveil est forcément un peu difficile. Madame le Procureur de la République à Dijon a avancé que le forcené qui a blessé treize personnes dans sa ville n'était qu'un simple déséquilibré dont les actes ne relevaient pas de l'entreprise terroriste. Comme si tous les types qui décapitent, roulent sur des piétons ou abattent des fillettes dans les cours d'école au nom de l'Islam n'étaient pas des déséquilibrés. Mais le procureur de Dijon avance que le fou furieux a simplement crié "Allahu Akbar" pour se donner du coeur à l'ouvrage. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur a d’ailleurs confirmé ces propos relayés par les grands médias. Il est donc établi qu’un type qui fonce à cinq reprises dans la foule en hurlant "Allahu Akbar" ne commet pas d'attentat. Il a simplement un coup de chaud, ce n'est pas un acte terroriste. Ceci n'est pas une pipe, écrivait Magritte en peignant une pipe. La langue de bois est devenue une véritable œuvre d'art contemporaine, à force d'absurdité. Les Mac Carthy et Jeff Koons peuvent aller se rhabiller, leurs provocations font pâle figure à côté des perles langagières qui dérivent dans l'immensité du vide politique.

    Mais en dépit de ces exorcismes médiatiques, le ready-made assassin a fait des émules, malheureusement pour le procureur de Dijon et Bernard Cazeneuve et surtout pour les victimes. Deux heures après Dijon, c'est Nantes qui était la cible d'un autre "déséquilibré", choisissant lui de foncer à travers un marché de Noël et faisant onze blessés. Vingt ou trente minutes après l'attentat, les médias ont attendu avec angoisse que l'on confirme ou non la nouvelle: le conducteur avait-il crié lui aussi "Allahu Akhbar"? Il s'agissait de pouvoir labelliser avec certitude ce deuxième acte de violence, comme si la cible choisie pour l'attaque  n'était pas assez symbolique. Le président annonçait la tenue d'une réunion ministérielle d'urgence, dont il ressortira sans doute qu'il convient désormais d'interdire les marchés de Noël ou d'apposer sur les tableaux de bord des voitures des autocollants invitant à la modération religieuse avant de prendre le volant.

    Ceux qui prétendent en Irak ou en Syrie servir l'Islam traditionaliste sont des déséquilibrés au même titre que ceux qui se jettent en voiture dans la foule ou ceux qui décident d'aller "faire le djihad" dans leur califat de déséquilibrés. Etait-il vraiment utile de préciser que ces fous de dieu sont des fous furieux ? Ces fous-là d’ailleurs ne servent ni dieu ni aucune sorte de tradition. Le fondamentalisme de Daesh et de ses multiples excroissances fanatisées n’est qu’un nihilisme parmi d’autres. L’islamisme renouvelé de 2014 ne propose qu’une table rase sommaire et ultra-radicale : plus de culture, plus de religion, plus d’histoire, seulement une sorte de mystique dévoyée mêlant la sacralisation de la violence à une caricature de théocratie qui séduit tous les laissés pour compte et les ratés, tous les perdants radicaux, comme l’écrivait Enzensberger, choisissant de se reconvertir en soldats de dieu après avoir cessé de révérer le dieu Argent, lassés de ne pas devenir les petits arrivistes qu’ils rêvaient d’être.

    Ceci devrait poser question à l’Islam dans lequel cette « nouvelle radicalité » prétend trouver ses racines et sa justification morale. Cela devrait aussi poser question à l’imam de Lunel, ce prétendu religieux qui cautionne la barbarie nihiliste au nom des « enfants de la Palestine », comme le chauffard en croisade de Dijon prétendait agir « par empathie avec les enfants de Tchétchénie ».  Cela devrait enfin interroger les sociétés qui produisent ou accueillent ce genre de fanatiques sans oser les nommer clairement, une société qui fait tellement profession de se détester qu’elle est une cible parfaite pour cet Islam-là qui se rêve à nouveau guerrier et conquérant, une société qui oppose sa propre vacuité au vide de « cette religion sans culture », de cette « Sainte Ignorance ».

    La ridicule affaire des crèches de Noël a montré à quel point une minorité agissante raisonne encore en France, comme si nous étions encore au XIXe siècle ou coincés pour l’éternité dans un mauvais Don Camillo : ces « libres penseurs » prisonniers de leurs dogmes qui ne supportent rien de leur propre culture, ces antifas qui chassent les spectres d’une histoire qu’ils ne connaissent pas pour mieux ignorer les excès d’un monde qu’ils ne veulent pas voir. Le nihilisme de Daesh, des jeunes djihadistes ou des déséquilibrés qui attaquent les commissariats ou foncent sur les marchés en hurlant « Allahu Akhbar » répond au nihilisme d’une société qui renonce à son histoire, qui renonce à exister et qui renonce même à nommer ses agresseurs, de peur qu’ils la frappent plus durement. Il fut un temps où Sartre compagnon de route enjoignait de prêcher le mensonge pour ne pas désespérer Billancourt. Aujourd’hui, alors que la gauche se fiche bien de Billancourt, il faut intervenir en Irak  mais pas à Kobané pour éviter de tuer un jeune djihadiste français, de même qu’après trois actes de terreur, certes perpétrés par des individus isolés mais revendiqués au même cri d’ « Allahu Akhbar », il faut parler de déséquilibrés pour ne pas désespérer les banlieues. Les pouvoirs publics semblent tétanisés à l’idée de nommer l’islamisme ou le terrorisme au lieu de continuer à parler d’actes isolés, sans aucun lien les uns avec les autres. Bien sûr qu’il s’agit d’actes isolés mais il existe un lien tellement évident entre ces trois attaques, qui ont eu lieu pour certaines à quelques heures d’intervalle, qu’il paraît presque surréaliste de le nier. Il s'agit bien de crimes directement liés à l’islam fondamentaliste, un islamisme qui se donne les apparences du traditionalisme mais qui ne représente en réalité qu'un avatar intégriste et sérieusement déséquilibré de notre modernité elle-même en piteux état. Cette espèce de mascarade islamo-nietzschéenne pour imam en basket et petits aspirants-bourreaux fait mine de se dresser contre la réussite tapageuse de l'occident pour mieux prendre pour modèle sa décrépitude, caricaturant à travers les explosions de violence individuelle l’atomisation et la fragmentation de notre société, transformant les revendications individuelles insatisfaites en un radicalisme religieux qui prend le relais d’un modèle d’intégration en panne et suscite aujourd’hui des vocations chez les populations autochtones comme allogènes. Confrontés à cette menace qui nous est pourtant familière, nous sommes désarmés par des années d’autoflagellation et de terrorisme intellectuel tandis que nos dirigeants sont tétanisés par la crainte de ne pouvoir préserver la paix sociale ou de « stigmatiser », faute suprême, péché mortel. On voit donc la batterie habituelle d'experts nous expliquer que le tueur à la voiture qui se mutile avant d'être pris est "borderline". Que le déséquilibré n'est pas un terroriste car il n'a pas de plan organisé. Peut-être n'ont-ils pas compris que le terrorisme contemporain est plus sauvage est plus imprévisible qu'ils ne peuvent le prévoir car il recrute aujourd'hui, pour sa nouvelle croisade, au sein des cohortes de déséquilibrés dont notre société a patiemment nourri les psychoses, généreusement accueilli le mépris et complaisamment entretenu la haine. Notre société ne peut pas nommer clairement aujourd'hui cet ennemi car cela impliquerait de nommer tout aussi clairement son impuissance et sa lâcheté. Nous n’avons pas besoin de Daesh ou de ses émules pour nous faire peur : quand il s’agit de nommer nos maux, nous sommes terrorisés par nos propres mots. 

    Des idiots (Idiocratie, 23 décembre 2014)

     

     

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  • Le spectacle de l'insignifiance...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le sociologue Jean-Pierre Le Goff au Figaro et consacré à la désacralisation du pouvoir politique. On lira, en particulier, avec intérêt la conclusion...

     

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    Jean-Pierre Le Goff : «Scandales, révélations... Nous assistons au spectacle de l'insignifiance»

    FigaroVox : Dans quelle mesure le livre de Valérie Trierweiler dégrade-t-il la politique?

    Jean-Pierre Le Goff : Ce livre n'est pas seulement le déballage et la revanche d'une femme humiliée. L'auteur du livre a participé aux côtés du Président de la République aux cérémonies officielles ; elle a occupé pendant quelque temps une fonction à l'Élysée qui dépasse sa personne privée. Ce livre dévoile et met en question les comportements du chef de l'État qui n'est pas un individu comme tout le monde, mais il incarne et représente le pays à travers sa fonction. Qu'ils le veuillent ou non, les deux protagonistes ont un statut particulier qui les distingue des citoyens ordinaires. C'est cette dimension symbolique essentielle à la représentation qui est déniée quand on veut en faire une simple affaire privée de règlement de comptes au sein d'un couple qui s'est séparé, comme on en voit beaucoup aujourd'hui. Ce déni et l'irresponsabilité politique qui l'accompagne sont symptomatiques d'un individualisme nouveau en politique pour qui le rapport à l'institution, les contraintes et les sacrifices qu'implique le service de l'État et du pays ne vont plus de soi. Après la publication des photos de l'escapade de François Hollande à scooter dans Closer, la publication de ce livre est un nouveau coup porté à l'autorité politique, au plus haut sommet de l'État, dans un moment particulièrement critique marqué par une crise politique et l'impuissance face au chômage de masse, sans compter les effets délétères sur l'image de la France dans le monde.

    La proximité qu'affichent les politiques avec «les vrais gens» n'est-elle pas la cause profonde de ce genre d'événements?

    Jean-Pierre Le Goff : Cet événement s'inscrit dans un processus d'érosion de la dimension transcendante de l'État et de dévalorisation de la représentation politique auquel les hommes politiques ont participé. Ils portent une responsabilité particulière, à gauche comme à droite, dans la mesure où beaucoup ont voulu donner à tout prix une image d'eux-mêmes qui soit celle de tout un chacun. Après les années gaulliennes et ce qu'on a appelé la «monarchie républicaine», le rapprochement entre l'État et la société a marqué une nouvelle étape démocratique. Les présidences de Georges Pompidou et de Valéry Giscard, d'Estaing puis celles de Mitterrand et de Chirac ont développé un nouveau lien entre gouvernants et gouvernés, tout en maintenant, tant bien que mal, la distance nécessaire. Mais très vite, avec le déclin du sens historique et de l'institution, beaucoup d'hommes politiques ont fait du surf sur les évolutions sociétales problématiques en espérant en tirer quelques profits électoraux. Dès les années 1980-1990, on a vu apparaître sur les plateaux de télévision le mélange des genres entre des animateurs de télévision plus ou moins drôles, des personnalités du show-biz et des politiques cherchant une notoriété à bon compte, au risque de l'insignifiance et du ridicule. Certains hommes politiques se sont mis à la chansonnette, racontant leur vie ou faisant visiter par le menu leur appartement devant les caméras. À la même époque, les premières émissions de déballage psychologique en direct ont vu le jour, avec une nouvelle catégorie d'animateurs-psychologues au style décontracté. Les chaines du service public ont suivi.

     

     

    La campagne de 2007 fut une étape décisive?

    La campagne présidentielle de 2007 a franchi une nouvelle étape en faisant apparaître une génération d'hommes et de femmes politiques élevés et éduqués dans une nouvelle époque marquée par l'érosion des repères symboliques de l'autorité et l'«ère du vide» des années 1980. Cette génération a poussé plus loin la volonté d'être à tout prix «proche des vrais gens», en faisant valoir le thème de la souffrance et une subjectivité quelque peu débridée dans le domaine sentimental comme dans les autres. Durant la campagne pour l'élection à la plus haute fonction de l'État, les démêlés sentimentaux de Nicolas Sarkozy et ceux de Ségolène Royal ont donné lieu à un feuilleton politico-médiatique comme on n'en avait encore jamais vu. Dans l'émission de télévision «Saga», la candidate a demandé François Hollande en mariage, sans du reste que le principal intéressé ait été mis préalablement au courant. En pleine soirée électorale du second tour des législatives, la «séparation du couple Hollande-Royal» a constitué un «événement» que les journalistes ont cru bon de mettre en avant face à des hommes politiques traditionnels visiblement décontenancés. Quelques années plus tard, en 2008, on assistera à une opération semblable dans un autre domaine, quand Raymond Domenech tentera de masquer sa responsabilité dans l'échec de l'équipe de France de Football, en faisant sa demande en mariage en direct à la télévision.

     

     

    Le nouveau style politique s'est développé dans les années suivantes avec un ministre de l'intérieur qui reçoit torse nu des journalistes en pratiquant des jugements à l'emporte pièce sur ses «amis» politiques, un président de la République qui grimpe les marches de l'Élysée en tenue de jogger, déclare tout bonnement qu'«avec Clara, c'est du sérieux», ou encore un président qui se veut «normal» en prenant le train comme tout le monde, trompant sa compagne et s'éclipsant discrètement de l'Élysée à scooter pour retrouver sa nouvelle conquête… La «normalité» s'étend désormais au nouvel état des mœurs.

    À force de se présenter comme des hommes ordinaires, les femmes et les hommes politiques dévalorisent eux-mêmes leur rôle et leur fonction. Le discours politique officiel tend désormais à s'aligner sur un «franc parler» qui fait fi de la syntaxe ; on parle mal mais comme tout le monde ; les femmes et les hommes politiques font volontiers la bise et appellent chacun par son prénom. Nous sommes arrivés au paroxysme de cette évolution.

    Quel rôle joue l'information continue et les réseaux sociaux dans ce bouleversement?

    Jean-Pierre Le Goff : Ils y participent pleinement et l'accélèrent en lui donnant un plus large écho, créant une sorte de bulle médiatique et communicationnelle au sein de laquelle les individus et les politiques peuvent perdre le sens du réel, s'enfermer dans un entre soi coupé d'une bonne partie de la société, avec l'illusion de peser sur les événements et la réalité quand on les a beaucoup commentés et que l'on a exprimé son «ressenti». Là aussi, les politiques ont une responsabilité particulière quand ils cherchent à se faire valoir dans les médias par quelques formules chocs ou quand ils twittent à la moindre occasion. Quand on en arrive à interdire l'usage des smartphones lors des conseils des ministres, on ne peut s'empêcher de penser aux classes turbulentes d'adolescents avec leur portables que les enseignants confisquent pendant les cours… Comme les nouvelles technologies de l'information, les évolutions des mentalités et des comportement s'accélèrent: l'important est d'en être et d'apparaître à tout prix moderne, au risque de faire basculer la politique vers la «peopolisation» et le spectacle de l'insignifiance, au moment même où la crise s'aggrave et où les foyers de guerre se développent dans le monde. Le modernisme à tout prix est aussi une «politique de l'autruche».

    En quoi publication du livre Valérie Trierweiler est elle révélatrice d'un certain état de la société?

    Jean-Pierre Le Goff : Cette nouvelle «affaire» est en même temps révélatrice d'un éthos dégradé et du désarroi d'une partie de la société. Elle révèle un nouvel individualisme autocentré qui a le plus grand mal à s'oublier, à contenir et à transcender ses affects, pour se consacrer à une fonction ou une œuvre impliquant engagement dans la durée, dévouement et sacrifices. Les déchirements de l'ancien couple présidentiel et les aventures amoureuses d'un président en scooter reflètent une situation qui paraît banale, à l'heure des «liaisons extraconjugales» et des familles dite «recomposées», alors qu'elles sont décomposées et donnent lieu à de multiples conflits et déchirements dont les enfants sont les premières victimes.

     

    Les rapports amoureux sont marqués par ce narcissisme pour qui l'amour est synonyme d'une état fusionnel permanent qui, à la moindre déception ou contradiction, peut se retourner en ressentiment ou en haine. L'érosion globale du mariage, avec ce qu'il implique d'engagement public dans la durée aux yeux des autres, est pareillement symptomatique du développement d'une mentalité adolescente ou post-adolescente pour qui la liberté signifie refus de la limite, maintien de choix en suspens. En tout cas, le non mariage offre l'avantage d'un engagement temporaire et révisable, incluant la possibilité d'une infidélité qui peut paraître banale, alors qu'il n'en est rien. Toute une presse people, féministe et psychologique, s'en délecte et en tire profit.

    L'éditeur a prévu un tirage exceptionnel d'un livre dont la promotion médiatique est assurée d'avance, à l'heure d'un désir de «transparence» à tout prix qui fait sauter les barrières entre vie publique et vie privée, et pratique la délation. Le spectacle télévisuel, y compris sur les chaînes publiques, la «télé-réalité», internet et les selfies mettent en scène des individus narcissiques qui n'hésitent pas à afficher leurs aventures amoureuses et des «secrets d'alcôve» qui relevaient antérieurement d'une littérature de gare. Le grand déballage médiatique du couple Trierweiler/Hollande a les allures d'un mauvais feuilleton ou d'une série de télévision qui n'en finit pas, chaque nouvel épisode voyant ses antihéros s'enfoncer un peu plus dans le méli-mélo et le règlement de compte.

    Sommes nous, selon vous, au terme d'un cycle politique?

    Jean-Pierre Le Goff : Une partie de la société a déserté mentalement le champ politique et ce qu'on appelle l' «affaire Trierweiler» creuse en peu plus le fossé avec une partie de la classe politique et médiatique qui vit dans un monde à part, en ayant tendance à se prendre pour le centre du monde. Au sein de la société, existe un phénomène de «ras le bol» et de rejet de cette surmédiatisation et de ce milieu qui vit un circuit fermé. L'effet de résonnance médiatique ne saurait faire oublier les forces vives du pays qui demeurent ancrés dans le réel, se passionnent pour leur activité, ont le souci des autres et de leur pays. C'est de ce côté-là que résident le renouveau et non du côté des «m'as-tu vu» qui étalent leur image et leur rancœur à tout va.

    On ne saurait désespérer de la politique dans un pays qui est le fruit d'une longue histoire marquée par l'attachement à la puissance publique et à la capacité de la politique à changer le cours des choses. Mais encore faut-il que les politiques cessent de flirter avec un nouvel air du temps problématique et une «réactivité» à tout crin. Le pays disposent encore d'hommes et de femmes politiques qui ont gardé le sens de l'État et de l'«intérêt supérieur» du pays. Aux compétences nécessaires, s'ajoute un charisme indispensable à la fonction politique. Ces qualités ne se sont pas données à tout le monde ; elles ont un caractère aristocratique (au sens grec, premier du terme, qui signifie le pouvoir des «meilleurs») ou élitaire par le type de vertu qu'elles exigent et qui peut apparaître hors du commun. Si l'on ne reviendra pas à un ancien modèle autoritaire et hautain, la crise dans laquelle le pays est plongé implique de telles exigences, faute de quoi le pays sombrera un peu plus dans une démocratie informe et le morcellement. Le délitement n'en «finit pas de finir»… Il est temps de passer à une nouvelle étape de notre histoire.

    Jean-Pierre Le Goff (Figarovox, 5 septembre 2014)

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  • « Le malheur identitaire est plus grave que le malheur économique »...

    Nous reproduisons ci-dessous le deuxième partie de l'entretien avec Hervé Juvin, publiée sur le site du Figaro et consacrée à la question de l'identité.

    Première partie de l'entretien : La fin de la mondialisation

     

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    «Le malheur identitaire est plus grave que le malheur économique»

    Figarovox: Vous défendez une «écologie des civilisations». Il faudrait donc protéger la diversité des peuples comme on assure la protection des espèces menacées? N'est-ce pas artificiel?

    De plus en plus de voix s'élèvent pour défendre la biodiversité végétale et animale au nom d'un principe essentiel: quand on supprime des espèces, pour ne plus cultiver que la variété qui vous semble la plus performante, on s'expose au risque de la voire disparaitre. C'est la diversité qui fait la survie. Si on réduit cette diversité, on s'expose au risque de la disparition de l'espèce. Je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas la même réflexion au sujet de la diversité des espèces humaines.

    Peut-être parce que les humains ne sont pas des plantes, et que distinguer entre différentes espèces humaines conduit au biologisme le plus douteux…

    Je ne suis pas essentialiste ni racialiste. Je crois que les tribus, les sociétés, les civilisations, peuvent évoluer. Et elles évoluent, même celles que l'on disait «primitives» ; mais elles mettent le temps. Elles ont aussi parfaitement le droit de conserver leurs modes de vies. Mais ce qui est propre à notre époque, c'est qu'on oblige l'évolution de force, par le haut, au nom de l'irréductible marche en avant du «Progrès», et non pas par une évolution spontanée. J'ai eu la chance de pouvoir fréquenter des sociétés qui, tout en restant en marge de l'économie monétaire telle que nous la connaissons, vivent dans un parfait équilibre et une harmonie avec leur environnement. Au nom de quoi les ferait-on basculer brutalement dans un modèle qui ruine leurs structures sociales, leur insuffler des rêves de 4x4, d'air conditionné et de grands écrans?

    La culture met du temps. Est-ce un drame si tous les Français parlent anglais dans un siècle? Je ne sais pas. Ce qui est un drame en revanche, c'est d'obliger des salariés français à Paris aujourd'hui dans les grandes entreprises à parler anglais. C'est accepter la colonisation anglo-américaine. Ce qui est grave, c'est le rapport du conseiller d'Etat Tuotqui demande aux Français de s'adapter aux nouveaux venus. Partout dans le monde c'est à celui qui rentre dans une maison de s'adapter aux mœurs de cette maison! Je suis personnellement opposé au port du voile dans l'espace public français, mais pas une minute je n'imaginerais exiger d'une femme qu'elle circule non voilée en Iran! De la même manière je dénie tout droit à l'Arabie saoudite et à l'Iran de se mêler de la manière dont on s'habille en France!

    Le multiculturalisme est-il forcément une illusion dangereuse qui conduit à la violence?

    Pierre-André Taguieff a montré récemment que le multiculturalisme, présenté comme le modèle obligatoire de toute société -de manière assez agressive par les Américains - peut aussi engendrer la violence. Regardez les taux de criminalité au Brésil, société multiculturelle par excellence. Idem pour l'Afrique, première zone au monde pour l'immigration intérieure: 100 à 180 millions d'Africains vivent hors de leur pays natal, expulsés par la guerre, la misère, la nécessité de trouver un travail. Résultat: l'Afrique est un des continents les plus violents au monde. Regardez ce qui se passe au Liban! Les sociétés multiculturelles sont les plus violentes au monde.

    A l'occasion du Mondial de foot, on a pu assister en France à des manifestations d'appartenance de la part d'Algériens français, ce qui a été très mal vécu par les «indigènes»…Que vous inspire cette situation française?

    Que des gens défilent avec le drapeau algérien par fierté de la victoire, c'est parfaitement compréhensible, mais la casse et la délinquance sont inexcusables. Il y a eu des bâtiments publics où des drapeaux français ont été remplacés par des drapeaux algériens.

    La solution n'est pas de supprimer la double nationalité, question complexe dont toute solution brutale créerait des drames familiaux et des déchirements personnels terribles - et serait inapplicable. N'oublions pas que l'Algérie, c'était quatre départements français! Le problème est ailleurs ; comment rendre plus attractive «l'identité de la France», sinon en reparlant de puissance et d'indépendance? Depuis des décennies, aucun parti de gouvernement n'ose parler de l'identité de la France, des frontières de l'Europe, du fait que s'il y a des gens qui peuvent légitimement aspirer à devenir français ou européens, il y a aussi des gens qui n'ont pas leur place en Europe. Pour le général de Gaulle, Léon Blum et Jaurès, le mot «français» avait un sens. Aussi bien la gauche que la droite ont fait l'impasse sur ce sujet.

    Très clairement je comprends des affirmations identitaires choquantes comme celles des algériens français ou de l'islam: si on a un islam conquérant en France, que des jeunes français et de jeunes françaises se convertissent à l'islam radical, que des jeunes des cités sortent dans la rue avec des drapeaux algériens, c'est parce que ce sont les seuls vecteurs d'affirmation collective face à la faiblesse identitaire des affirmations chrétiennes et françaises. Je rapporte dans mon livre cette anecdote: une jeune fille de 12 ans, interpellée par les conversions de ses camarades d'école qui choisissent le voile, demande à sa mère «Et nous, nous sommes quoi?» La mère, cadre supérieure d'une entreprise bancaire lui répond, spontanément: «Nous, nous ne sommes rien», voulant dire par là qu'elles étaient laïques, ne dépendant d'aucune religion, libres. Mais ce rien est significatif. La nature a horreur du vide. Et l'Islam est une réponse forte à cette souffrance identitaire qui nous hante.

    Un nombre significatif de français se sentent «exilés de l'intérieur», ont le sentiment que leur identité même est en jeu. Or le malheur identitaire est plus grave que le malheur économique. Beaucoup de peuples vivent dans une relative pauvreté, mais à partir du moment où il existe une forte fierté nationale et une forte identité collective, ces peuples vivent bien.

    Par exemple?

    La Russie. On peut dire ce qu'on veut du président Poutine, reste qu'il a des taux de popularité à faire pâlir d'envie la plupart des dirigeants occidentaux: si il y avait une élection aujourd'hui il serait élu par 80 % des Russes! Il a su restaurer la fierté patriotique et les Russes lui en sont très reconnaissants! L'homme le plus détesté de Russie, c'est Gorbatchev, qui a bradé l'empire, et la personne la plus respectée, c'est Staline… De quoi réfléchir sur la permanence de l'aspiration à la puissance et la liberté des peuples!

    Certes, mais Poutine a surtout sorti la Russie de 10 années de désastre économique et su renouer avec la croissance… Ne sous-estimez-vous pas le facteur économique, et notamment l'impact de la crise économique en Europe?

    Je ne sous-estime pas le facteur économique, je crois au contraire que l'ultra-libéralisme économique est un facteur décisif de destruction des structures sociales. Depuis les années 90, on va vers une paupérisation de la classe moyenne, et le marché du travail internationalisé est en train de casser les situations protégées, la concurrence internationale se traduisant par une baisse des rémunérations. Nous ne sommes qu'au début de ce nivellement par le bas. Jusqu'où ira-t-il? Pas jusqu'à l'alignement des salaires de l'ouvrier français sur l'ouvrier indien: les peuples ne se laisseront pas faire. Nous sommes en train de vivre un retour de l'esclavage pensé et organisé par le grand capital (expression qui peut paraitre désuète mais qui est toujours appropriée). Le capitalisme financier aspire à faire des hommes des marchandises comme les autres, sans revenu minimum ni protection sociale.

    L'immigration de masse servirait donc les intérêts du capitalisme…

    L'ultra-libéralisme a besoin de l'immigration. Le capitalisme mondialisé est favorable à la libre circulation des capitaux, des biens et services et aussi des hommes, qui sont une marchandise comme une autre. L'Europe est la région du monde la plus ouverte, aux mouvements des capitaux, des biens et aussi des hommes: il est plus dur d'avoir un visa pour les Etats-Unis que de pénétrer l'espace Schengen! Parce qu'elle est incapable de définir son identité, l'Europe a renoncé à définir ses frontières.

    Outre le marché, vous dénoncez l'emprise hégémonique du droit dans nos sociétés, devenu l'unique moyen de la reconnaissance. En quoi le droit accompagne-t-il ce projet de grande séparation?

    Aujourd'hui l'individu se définit d'abord comme un détenteur de droits. C'est une évolution assez récente. C'est dans les années 70-80 qu'on a commencé à vouloir traduire en droit positif les droits de l'homme. Jusque-là, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen était de nature purement symbolique, personne ne se souciait de leur donner une application concrète. La rupture, en France date de la décision du conseil constitutionnel du 16 juillet 1971, qui fait du juge constitutionnel le garant des libertés fondamentales qui acquiert ainsi la capacité de se poser en censeur de loi votée par le parlement français. La représentation populaire peut vouloir une loi, la décider, que le Conseil constitutionnel peut censurer au nom des «droits de l'homme». C'est un recul de souveraineté et de démocratie considérable.

    Mais n'a-t-on pas besoin des droits de l'homme pour se garantir de la «tyrannie de la majorité»?

    Je suis tout à fait d'accord pour ne pas donner à une majorité le droit de persécuter les minorités. Il faut qu'il y ait des garde-fous. Mais de garde-fous en garde-fous, on est allé trop loin, jusqu'à accorder des droits à l'individu contre la société et contre toute communauté. On a déifié l'individu et affaibli l'Etat. Or, les droits de l'individu ne peuvent être respectés que si il existe une société politique pour les protéger. Il n'y a pas d'individus s'il n'y a pas de Léviathan pour garantir leurs droits. Si on détruit la société, l'Etat, il n'y aura plus de droits de l'homme parce qu'il n'y aura plus d'autorité pour les honorer. C'est le retour à la jungle, qui est le lot d'une partie du monde économique actuel. On a vu des ouvriers envoyer des messages d'appel à l'aide sur des étiquettes de jeans qu'ils fabriquent à des prix scandaleux. Le trafic d'organes, les mères porteuses, les millions de réfugiés prêts à travailler pour des salaires de misère: tout cela traduit un retour effectif de l'esclavage dans nos sociétés, où au nom des droits illimités de l'individu, l'Etat disparait au profit de la loi du plus fort. L'individualisme absolu aboutit à son contraire: un recul en arrière des libertés concrètes et un retour de l'esclavage. Je n'en doute pas, refaire la Nation, refaire le régalien, fait partie des tâches politiques les plus urgentes pour éviter la détresse identitaire et sociale, qui conduit toujours à la violence.

    Hervé Juvin (Figarovox, 4 juillet 2014)

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  • L'oligarchie mondialiste, fléau de l'Amérique et de l'Europe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Arnaud Imatz, cueilli sur le site du Cercle Aristote et consacré au rôle délétère de l'oligarchie et de son idéologie mondialiste...

     

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    L'oligarchie mondialiste, fléau de l'Amérique et de l'Europe

    Lorsqu’on vit depuis des années à l’étranger un sujet régulier d’étonnement est le mélange de répulsion-fascination que suscitent les États-Unis dans les grands médias de l’Hexagone. Certes, il ne s’agit pas d’une nouveauté. La généalogie de l’américanophobie et de l’américanophilie est bien établie. Les historiens la font remonter au XVIIIe siècle. Mais l’ampleur du parti pris journalistique à l’heure de traiter l’information sur l’ami-ennemi américain, est proprement sidérante. Le matraquage « obamaniaque », à l’automne 2012, quelques jours avant les élections présidentielles, n’en est qu’un exemple criant. Le message était d’un simplicité enfantine : il y avait d’une part, Barack Obama, le « bon », le réformateur, le « créateur » du système de protection sociale, et, d’autre part, Mitt Romney, le « méchant », le réactionnaire-opportuniste, le mormon milliardaire, le capitaliste va-t-en-guerre. Oubliée la loi de protection de la santé adoptée par l’État du Massachusetts, en 2006, sous l’impulsion du gouverneur Romney. Oubliées les interventions répétées de l’armée américaine sous les ordres du président démocrate sortant, les attaques de drones qui violaient le droit international (10 fois plus nombreuses que sous Bush Jr.) en particulier au Pakistan et au Yemen, l’envoi de 33000 hommes en Afghanistan, l’intervention en Lybie… En démocratie, disait le théoricien des relations internationales, Hans Morgenthau, « la propagande est inévitable, elle est un instrument de la politique », et son contrôle ne peut être qu’un travail de Pénélope. On ne supprime pas la propagande, pas plus qu’on n’élimine la conflictivité, au mieux, on la minimise.

    En attendant le prochain déferlement de passion, il n’est peut être pas inutile de s’interroger sereinement sur l’hyperpuissance mondiale, sur son oligarchie et son peuple. Que penser de « l’Amérique et des Américains » ? Vaste question ! J’entends déjà mes amis d’Amérique hispanique s’insurger avec raison : « Ne vivons-nous pas en Amérique ? Ne sommes-nous pas, nous aussi, des Américains ? ». Mais passons. Faute d’espace, et à défaut d’analyses rigoureuses, voici quelques sentiments, opinions et pistes de réflexion.

    Fonctionnaire international à l’OCDE, émanation du célèbre Plan Marshall, j’ai eu la chance de travailler dans l’entourage immédiat du Secrétaire général et de côtoyer moult ambassadeurs et hauts fonctionnaires d’Amérique du Nord et d’Europe. Par la suite, fondateur et administrateur d’entreprise, j’ai entretenu des relations suivies avec un bon nombre de cadres d’universités et d’hommes d’affaires des États-Unis et du Canada. Une expérience restreinte, limitée à la classe directoriale et aux milieux urbains (après plus de trente voyages je reste avec l’envie d’admirer un jour les grands espaces !), mais néanmoins une connaissance directe, tirée de situations vécues pendant trois décennies. Disons le tout de suite, l’image qui en ressort est nuancée, voire ambigüe. Un peuple jeune, dynamique, agressif, violent, sans racines, né de la fusion d’apports les plus divers, a-t-on coutume de répéter. Je dirai pour ma part que les Américains du Nord sont généralement des gens aimables, ouverts, spontanés, simples, sympathiques et très « professionnels ». Ils méritent en cela considération et respect. La cuistrerie, le pédantisme, la suffisance, l’arrogance, le ressentiment, l’esprit de caste et la manie de la hiérarchisation reposant sur les écoles, les titres et les diplômes, ces plaies sociales de notre vieux continent, omniprésentes dans la pseudo-élite française, qu’elle soit intellectuelle, politique ou économique, sont nettement moins répandus outre-Atlantique. À tout prendre, je préfère d’ailleurs l’amabilité commerciale, pourtant très artificielle, du diplômé de Yale, Harvard ou Stanford à la fatuité et la présomption de tant d’énarques, de polytechniciens voire de docteurs d’État de l’Hexagone.

    J’admire sans réserves l’attachement, presque indéfectible, du peuple américain au premier amendement de sa Constitution : « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre ». Je sais bien sûr l’aptitude des juristes à réinterpréter un texte constitutionnel, parfois même dans un sens absolument contraire à l’esprit des pères fondateurs, afin de satisfaire les intérêts de la classe politique ou de répondre à ses injonctions. Je ne suis pas non plus naïf au point de croire que cette fidélité au Bill of Rights est appelée à perdurer éternellement sans aucune faille. Mais à ce jour, malgré les accrocs et les accusations répétées de violations, le principe et son application me semblent résister. Et ce n’est pas rien ! Il suffit de comparer la situation états-unienne avec celle de la France pour s’en convaincre. Une loi mémorielle, qui imposerait le point de vue officiel de l’État sur des faits historiques, est tout-à fait inconcevable aux États-Unis.

    J’admire aussi évidemment les découvertes scientifiques et surtout techniques de cette grande nation. Il faudrait d’ailleurs être dépourvu de raison et de cœur pour les ignorer. Je fais en outre le plus grand cas de la littérature nord-américaine. Qui oserait prétendre qu’elle n’a pas souvent atteint les plus hauts sommets ? Même le cinéma hollywoodien ne me semble pas aussi médiocre qu’on le prétend. Quantitativement pitoyable, soit ! Mais il réalise chaque année de véritables chefs d’œuvres. Peut être 1 % de la production, qui a toujours rivalisé en nombre et en qualité avec le meilleur du cinéma européen et qui, depuis déjà près de trente ans et à l’exclusion de quelques rarissimes exceptions, distance ce dernier de très loin. Enfin, dans le domaine qui m’est le plus familier, l’histoire des faits et des idées et les sciences politiques, j’ai la ferme conviction qu’au tournant du XXIème siècle, les travaux d’auteurs aussi différents que Christopher Lasch, Paul Gottfried, Robert Nisbet, John Lukacs ou Paul Piconne, égalent, et parfois dépassent, ceux de n’importe quelle figure intellectuelle européenne.

     

    Les codes de la nouvelle classe dirigeante américaine

    Cela-dit, il y a plus d’une ombre au tableau. Après avoir longtemps structuré la nation nord-américaine, la pensée et le mode de vie des WASP (White Anglo-Saxon Protestant) ont fait long feu. Le puritain, animé par l’idéal abstrait de renoncement personnel et de perfectionnement de soi, l’homme pieux, pour qui la réussite personnelle est secondaire par rapport à l’œuvre sociale, relève du souvenir lointain. Mort !, l’individualiste farouche d’antan, le cow-boy tenté par l’aventure de la vie sauvage. Enterré !, le « self made man », l’archétype du vieux rêve américain, cet être loyal, solidaire, zélé au travail, autodiscipliné, modéré, épargnant, refusant de s’endetter. Il y a belle lurette que la majorité de la société américaine n’accorde plus d’intérêt à ces valeurs et idéaux.

    En cinquante ans, les « codes » de l’élite politico-économico-médiatique « américaine » ont changé considérablement. Le style de vie de la classe directoriale est désormais marqué par l’anomie, le manque de racine, l’anxiété, le changement perpétuel, l’incertitude, le narcissisme, la hantise du « standing », l’obsession de la bonne santé physique, l’assujettissement à la consommation de la marchandise, la complaisance pour les hétérodoxies sexuelles, le mépris des traditions populaires jugées trop « réactionnaires », l’asservissement à la tyrannie de la mode, la fascination pour le marché capitaliste, l’admiration des formes de propriété anonyme, la recherche frénétique du profit, le culte passionné de l’accomplissement personnel, de la performance, du spectacle, de la réussite et de la célébrité.

    Ostensiblement égalitaire, antiautoritaire, cosmopolite, communautarienne et multiculturaliste,  la nouvelle classe dominante se distingue par ses revenus et son train de vie élevés. Elle tourne le dos à la question sociale et au peuple, mais fait le plus grand cas des questions de société telles que la lutte contre l’homophobie, le mariage gay, l’aide à la famille mononucléaire et monoparentale, le soutien de la pratique des mères porteuses, l’enseignement de l’idéologie du genre, la dépénalisation des drogues « douces », l’éloge de la discrimination positive en faveur des minorités ethno-religieuses, etc. Parmi ses membres, se recrutent les adeptes les plus fervents de la libre circulation des marchandises et des personnes. Ils sont les zélateurs du libre-échange et de l’immigration illimités. « Vivre pour soi-même et non pour ses ancêtres et sa postérité » ou « Avant moi le néant après moi le déluge » pourrait-être leur devise. Le conformisme « progressiste », la hantise des « valeurs périmées et dépassées », masque chez eux la diligence empressée à l’égard d’un nouvel ordre social banalisé, une domination reformulée, un contrôle social remodelé.

    Si vous devez négocier avec le représentant d’une grande entreprise ou d’une quelconque bureaucratie publique ou privée, avec un « CEO » (PDG) ou un haut fonctionnaire fédéral et ses conseillers, attendez-vous à toutes les chausse-trapes. Mensonge, félonie, dol, boniment, duplicité, sont permis. La fin justifie les moyens. On me dira bien sûr que j’ai tort de mettre en cause l’ensemble de cette « élite » ou plutôt « pseudo-élite », qu’il est faux de laisser entendre que tout le milieu est à l’image de quelques uns, que c’est ignorer la complexité de la nature humaine, pire, que c’est faire le jeu du « populisme » démagogique. Je ne nie pas qu’il y ait des exceptions remarquables, mais malheureusement, après des décennies d’expérience, je reste dans l’expectative de les rencontrer. La réalité, évidemment contestée par les intéressés, est que la lâcheté, l’hypocrisie et l’opportunisme sont  omniprésents parmi eux. Que pourrait-on d’ailleurs attendre d’autre de la part d’experts en communication, de spécialistes de la désinformation, de la manipulation, de la séduction et de l’impression produite sur les autres ? Exit donc l’idéal de la vieille culture américaine, celui du devoir et de la loyauté. La culture dominante des pseudo-élites modernes états-uniennes est résolument hédoniste, individualiste et permissive.

     

    Un modèle vénéré par les « élites » européennes de droite comme de gauche

    Je me refuse pour autant à reprocher à l’Amérique ou aux Américains du Nord les attitudes d’une caste interlope ou les défauts d’un modèle de société que la majorité de nos oligarques européens développe et vénère au quotidien. Dans le cœur et l’esprit de ces derniers, l’identité culturelle n’est-elle pas aussi ostensiblement remplacée par l’exaltation de la croissance du PNB, la glorification de l’accès massif à la consommation, la volonté d’étendre le mode de vie occidental au reste du monde, l’espoir fou que le développement des forces de production peut se perpétuer partout indéfiniment sans déclencher de terribles catastrophes écologiques ? Les « valeurs universelles », les « droits de l’homme » ne sont-ils pas sacralisés par la classe dirigeante européenne qui magnifie elle aussi la croisade démocratique mondiale et méprise souverainement les circonstances historico-culturelles données ? Le discours /récit des grands médias européens n’a-t-il pas lui aussi pour fonction de revêtir les aspirations et les intérêts matériels des nations « occidentales » sous l’apparence d’objectifs moraux universels ?

    Nul n’en disconviendra, les États-Unis occupent une place exceptionnelle sur la scène internationale. Ils sont les détenteurs du leadership mondial. Ils sont la superpuissance, l’hyperpuissance ou l’Empire (terme le plus exact, bien qu’il soit généralement évité pour prévenir l’accusation d’antiaméricanisme). Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis se voulaient le fer de lance de l’anticolonialisme, mais en réalité, leurs interventions dans le monde pour défendre leurs intérêts se comptent par milliers depuis le XIXe siècle. Pour le seul cas de l’Ibéro-Amérique, on n’en compte pas moins de 50 majeures et 700 mineures. L’application historique de la doctrine Monroe (1823) a montré que la devise « L’Amérique aux Américains » signifiait en réalité « L’Amérique aux Américains du Nord ».

    Dans la phase actuelle de recomposition des pôles politico-économico-culturels mondiaux, l’Empire thalassocratique perd de l’influence, mais il n’en conserve pas moins une position hégémonique. Au tournant du XXIe siècle, aucune puissance émergente n’est en mesure de surpasser les États-Unis. Ils produisent un peu moins du quart de la richesse mondiale, peuvent exploiter de fabuleux gisements de gaz de schiste et disposent d’une force militaire écrasante. Leur décadence, leur déclin, est semble-t-il inéluctable, mais la chute peut être ralentie durablement.

    L’hybris états-unienne, la démesure dictée par l’orgueil des pseudo-élites nord-américaines, constitue néanmoins un redoutable danger pour la stabilité de la planète. La guerre économique, dont ils sont un fauteur majeur depuis plusieurs décennies, est une réalité planétaire. La guerre du pétrole et du gaz n’en est qu’un des aspects les plus criants. Nier ou ignorer tout ce qui est en jeu : le contrôle des réserves énergétiques et agroalimentaires mondiales, la domination de l’information, des communications, de l’intelligence civile et militaire, est le signe de l’aveuglement, de l’incompétence ou de la trahison.

    Mais cela dit, l’honnêteté intellectuelle impose de souligner la complicité active ou la collaboration bienveillante dont bénéficie la nouvelle classe dirigeante américaine en Europe, sans oublier le rôle très discutable et la marge d’action considérable des managers des multinationales. Patriotes ou nationalistes sans complexes, les présidents Américains, démocrates ou républicains, nous répètent à l’envi que le peuple des États-Unis est « élu et prédestiné », que « le destin de la nation américaine est inséparable du Progrès, de la Science, de l’intérêt de l’Humanité et de la volonté de Dieu », mais c’est bien l’hyperclasse mondiale dans son ensemble qui reprend à l’unisson : « L’histoire des États-Unis d’Amérique se confond avec celle de la liberté, de la prospérité, de la démocratie et de la civilisation ».

     

    L’espoir d’une recomposition et d’une relève politique  

    Que les choses soient claires : « l’Amérique » ou les Américains du Nord ne sauraient être tenus pour l’adversaire principal.  L’adversaire est en nous, il est chez nous. L’adversaire, c’est l’idéologie mortifère de la pseudo-élite de gauche comme de droite ; c’est celle des leaders et apparatchiks (non pas des militants et sympathisants) des principaux partis européens au pouvoir, néo-sociaux-démocrates et néolibéraux, si proches des sociaux-libéraux du parti démocrate et des néoconservateurs du parti républicain d’outre-Atlantique ; c’est celle des maîtres de la finance mondiale et de leurs affidés médiatiques gardiens jaloux du politiquement correct ; c’est celle des « intellectuels organiques », contempteurs inlassables du populisme démagogique. Ce populisme, qui, selon eux, mettrait en cause dangereusement la démocratie, alors que, malgré d’inévitables dérapages, il est le cri du peuple, la protestation contre un déficit de participation, l’appel angoissé à la résistance identitaire, à la restauration du lien social, à la convivialité ou à la sociabilité partagée. L’adversaire, c’est bien l’idéologie des néolibéraux et des néo-sociaux-démocrates, et celle de leurs « idiots utiles », les altermondialistes, qui, à leur manière, rêvent de parfaire la transnationalisation des personnes et l’homogénéisation des cultures.

    Soulignons-le encore : le combat culturel ne se livre pas entre l’Europe et l’Amérique du Nord, mais entre deux traditions culturelles qui se déchirent au sein de la modernité. L’une, aujourd’hui minoritaire, est celle de l’humanisme civique ou de la République vertueuse, qui considère l’homme d’abord comme un citoyen qui a des devoirs envers la communauté, et qui conçoit la liberté comme positive ou participative. L’autre, majoritaire, est celle du droit naturel sécularisé, de la liberté strictement négative entendue comme le domaine dans lequel l’homme peut agir sans être gêné par les autres. L’une revendique le bien commun, la cohérence identitaire, l’enracinement historico-culturel (national, régional et grand continental), la souveraineté populaire, l’émancipation des peuples et la création d’un monde multipolaire ; l’autre célèbre l’humanisme individualiste, l’hédonisme matérialiste, l’indétermination, le changement, l’homogénéisation consumériste, l’État managérial et la « gouvernance » mondiale, sous la double bannière du multiculturalisme et du productivisme néo-capitaliste.

    Pour les tenants du « Républicanisme » ou de l’humanisme civique, les néolibéraux, néo-sociaux-démocrates et altermondialistes sont incapables d’engendrer un attachement solide au bien commun. Ils savent que le principal danger de la démocratie vient d’une érosion de ses fondements spirituels, culturels et psychologiques. Avec Aristote, Montesquieu, Rousseau, Jefferson, et tant d’autres, ils reconnaissent que la démocratie est impossible sans un territoire limité et un degré élevé d’homogénéité ou de cohésion socioculturelle. Ils savent qu’il n’y a pas un seul modèle de libre marché, le capitalisme dérégulateur anglo-saxon, et que des légions de défenseurs du libre marché se sont opposés au système de laisser-faire et de marchandisation globale. Ils savent que depuis les pionniers de l’économie politique de l’École de Salamanque au XVIème siècle, jusqu’aux théoriciens de l’ordolibéralisme de l’après-Deuxième-Guerre mondiale, en passant par les non-conformistes des années 1930, de très nombreux et prestigieux économistes considèrent que  le libre marché doit dépendre de la politique, de l’éthique et de la morale.

    Les partisans d’une troisième voie moderne (laquelle ne se confond pas avec les versions décaféinées de Clinton, Blair ou Bayrou), défendent le principe de la petite et moyenne propriété (individuelle, familiale et syndicale) des moyens de production coexistant avec de plus grandes formes de propriété rigoureusement réglementées dans le cadre d’une économie régionale autocentrée. Ils se dressent contre le capitalisme monopolistique et financier, contre les processus de concentration du grand marché néolibéral, contre le collectivisme socialo-communiste, contre toutes les formes de bureaucratisations publiques et privées. Ils considèrent que le protectionnisme entre ensembles régionaux homogènes (non pas entre pays) aux niveaux de vie très différents, est non seulement justifié, mais nécessaire. Enfin, ils accordent une priorité absolue aux mesures de politique démographique et au contrôle de l’immigration qui sont d’une importance vitale pour la survie de l’identité culturelle, de la sécurité et du progrès économique et social.

    Depuis près de 40 ans, à droite comme à gauche, le lobby immigrationniste occupe une position dominante. Pour ne pas être diabolisées, les rares voix discordantes des partis majoritaires ont été contraintes au silence ou à manier la litote. Après avoir défendu « la limitation de l’immigration » et plaidé pour « la réduction de l’immigration clandestine », elles ont fini par soutenir du bout des lèvres « l’immigration choisie ». Mais au fil du temps, malgré les efforts désespérés de l’oligarchie « discuteuse » en faveur d’une main-d’œuvre afro-maghrébine abondante et bon marché, une partie croissante de l’opinion a décroché. Les complaisances d’usage pour « l’islamisme pluriel et pacifique », des esprits affaiblis, tétanisés par la peur du conflit, ne font plus recette. Les arguties, les insultes et les réactions passionnées des Fukuyama, Morin, Lévy, Touraine, Habermas et autres gardiens jaloux du temple se révèlent de plus en plus inefficaces. L’influence sur l’opinion du discours politique de l’oligarchie dominante ne cesse de décroître. La bipolarisation droite-gauche, sacralisée par les élites politiques et leurs soutiens que sont les bobos des grandes villes, les fonctionnaires et les retraités, ne correspond plus à rien pour les classes populaires. Ouvriers, employés, petits agriculteurs et petits commerçants prennent conscience que les prétendues « valeurs républicaines ou démocratiques », réduites aux seuls droits de l’homme, signifient en réalité les valeurs du grand marché. Ils ne croient plus à la vieille rengaine : « la mondialisation bénéficie à tous », « l’immigration est une chance  » ou « il n’y a pas trop d’immigrés ».  Ils savent qu’ils sont au contraire et resteront irrémédiablement les exclus du mondialisme et du multiculturalisme. Par ailleurs, un bon nombre de jeunes se rebellent. Pour perdurer, l’oligarchie  doit en tenir compte malgré les vœux et les cris d’Orphée que poussent encore ses membres les plus dogmatiques.

    « Toute vérité franchit trois étapes, disait fort justement Arthur Schopenhauer. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subitune forte opposition. Puis, elleest considéréecomme ayant toujours étéuneévidence ». C’est un honneur que d’aller contre les modes, les interdits, le « politiquement correct »  de son temps ; que de refuser le chemin de la servitude, du totalitarisme de l’argent et du magma mondialiste. C’est un honneur que de s’inscrire dans la filiation des Charles Péguy, Miguel de Unamuno, Daniel-Rops, Georges Bernanos, Simone Weil, Wilhelm Röpke, Julien Freund, Jules Monnerot, Christopher Lasch, Maurice Allais et tant d’autres résistants au fléau de l’oligarchie mondialiste. Notre Europe n’a jamais été celle des disciples de Jean Monnet, celle des multinationales, sous la tutelle définitive des États-Unis d’Amérique, « l’Europe où, comme disait Charles de Gaulle, chaque pays perdrait son âme ». Notre Europe est celle du meilleur gaullisme, celle des peuples, celle de la « troisième force », celle de l’axe grand-continental ou grand-européen.

    Arnaud Imatz (Cercle Aristote, 28 octobre 2013)

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