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immigration - Page 88

  • L'Europe en dormition...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Dominique Venner au bimensuel royaliste L'Action française 2000, à l'occasion de la sortie de son essai Le Choc de l'histoire (Via Romana, 2011).

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    L'Europe en dormition

    Entretien avec Dominique Venner

    Historien, directeur de La Nouvelle Revue d’Histoire, Dominique Venner publie un recueil d’entretiens, Le Choc de l’Histoire, dans lequel il fait le point sur son itinéraire et sa pensée, brossant notamment le tableau d’une Europe rongée par une crise morale.

    L’Action française 2000 : Vous vous définissez comme un « historien méditatif ». Qu’entendez-vous précisément par cette formule ?
    Dominique Venner : Méditer n’est pas rêvasser, mais fixer fortement sa pensée sur un objet précis. Ce qui m’étonne toujours c’est à quel point on s’étonne peu. Surtout en matière historique. Et pourtant l’étonnement est la condition première de la pensée. Dans l’interprétation conventionnelle de l’Histoire, on décrit la succession des évènements comme nécessaire ou évidente. Mais c’est faux. Il n’y a jamais rien de nécessaire ni d’évident. Tout est toujours suspendu à l’imprévu. Ni Richelieu ni Mazarin, par exemple, ni César ou Octave, ni l’empereur chinois Shi Huangdi, le grand fondateur, n’étaient nécessaires ou programmés par la Providence. Les uns et les autres auraient pu ne pas exister ou disparaître avant l’œuvre accomplie. Devant les faits et les imprévus historiques, je me pose les questions que l’histoire paresseuse ne pose pas, je médite. Exemple : Louis XIV était appelé le Roi Très Chrétien. En dépit de quoi, il fit bâtir Versailles et son parc comme un hymne aux divinités du paganisme antique. Surprenant, non ? Et source de réflexions nouvelles sur les représentations du Roi et sur la religion de son temps, sans rapport avec une histoire pieuse inventée au XIXe siècle. Restons un instant sur le Grand Roi, témoin de la révolution anglaise et de l’exécution de Charles Ier en janvier 1649. Etonnante révolution ! Au siècle suivant, Edmund Burke a pu opposer la Glorious Revolution de 1688 à la Révolution française de 1789. Pourquoi en Angleterre une « révolution conservatrice » et pourquoi en France une révolution destructrice ? Bonne question et cent réponses. Voilà de quoi méditer. Comme, par surcroît, je suis né dans une époque inquiétante pour un Français et un Européen, une époque qui a vu l’effondrement de notre ancienne puissance et la ruine de certitudes réputées éternelles, je médite en étudiant l’Histoire hors de toute convention. À l’exemple d’Ulysse, je crois que la pensée est un préalable à l’action. Je crois même qu’elle est action.

    L’AF : L’Europe est aujourd’hui « en dormition », écrivez-vous joliment. Pour quelles raisons ?
    DV : Quand je pense Europe, je ne pense pas à des structures politiques ou technocratiques, je pense à notre civilisation multimillénaire, à notre identité, une certaine façon « européenne » de penser, de sentir et de vivre qui traverse le temps. Oui, l’Europe est entrée « en dormition » historique. Quand ? Dans la seconde moitié du XXe siècle, après les catastrophes que furent pour elle les deux guerres qui ont commencé en 1914 et se sont terminées en 1945. Quand s’ouvrit l’Exposition universelle de Paris, en 1900, l’Europe était le centre intellectuel et spirituel du monde. Elle dominait tout presque partout. Les Etats-Unis n’étaient encore qu’une puissance marginale.  Cinquante ans après, quel retournement ! Après Yalta, l’Europe exsangue était divisée entre les deux nouvelles puissances surgies du Siècle de 1914, les Etats-Unis et l’URSS. Deux puissances messianiques qui voulaient imposer leurs modèles : américanisme et communisme. J’ajoute, que l’Europe n’a pas seulement perdu sa puissance et ses colonies, elle a plus encore perdu foi en elle-même, rongée par une crise morale et une culpabilisation dont il n’y a pas d’exemple. Elle est entrée « en dormition ».
    L’AF : Vous vous montrez cependant optimiste quant à son réveil identitaire. Quelles sont donc, cette fois, les raisons d’espérer ?
    DV : Ces raisons tiennent d’abord au « choc de l’Histoire » que nous vivons sans le savoir. Ce « choc » annonce une rupture d’époque. Il a commencé avec l’implosion de l’URSS et du communisme en 1989. Simultanément, d’anciennes puissances et d’anciennes civilisations que l’on croyait mortes, connaissaient une renaissance spectaculaire, la Chine, l’Inde, l’Islam (malgré ses divisions), l’Amérique du Sud, pour ne parler que de grandes entités. Au monde unipolaire voulu par la puissance du dollar, succède un monde multipolaire qui redonnera ses chances à l’Europe. Pourtant celle-ci est confrontée à un péril historique inédit et géant, l’immigration massive de populations portant en elles une autre civilisation. L’immigration de masse produit sur le sol européen un choc de civilisation qui pourrait être mortel. Mais, par un formidable imprévu historique, il pourrait aussi se révéler salvateur. De l’altérité représentée par les populations immigrées et leurs mœurs, leur traitement de la femme qui nous choque au plus profond, on voit naître une conscience nouvelle de l’identité que les Européens eurent rarement dans le passé. J’ajoute qu’en dépit de tous les périls, je crois aussi à la survie des qualités fondamentales d’énergie et d’innovation des Européens. Pour le moment, elles ne s’exercent pas en politique, c’est pourquoi on ne les voit pas.

    L’AF : En quoi les leçons de ces grands maîtres matinaux que furent Hésiode et Homère peuvent-elles être salutaires?
    DV : Homère nous a légué à l’état pur les modèles d’une morphologie mentale spécifique, la nôtre, avant les corruptions d’influences contraires. Nous avons besoin de nous en imprégner pour renaître spirituellement, préalable aux autres formes de renaissance. Les conséquences du Siècle de 1914 ont jeté les Français et les Européens dans un trouble immense. Rien n’y échappe. Ce trouble atteint aussi bien les Eglises que les laïcs. C’est si vrai que l’on assiste à des tentatives de rapprochement apparemment stupéfiantes entre le sommet de l’Eglise et l’Islam immigré. Ces tentatives choquent à juste titre beaucoup de catholiques. Elles ne relèvent pas seulement du « devoir d’accueil » qu’invoque une pastorale de soumission, mais aussi d’une sorte de solidarité entre « croyants » monothéistes face à l’indifférence religieuse croissante de la société. C’est le sens explicite de rencontres comme celles d’Assise. Bref, quand le trouble est général, il faut en revenir au tout à fait pur, aux sources fondamentales de notre civilisation qui sont antérieures au christianisme, ainsi que l’a rappelé Benoît XVI à Ratisbonne. Il faut donc en revenir à Homère et aux fondements granitiques des poèmes fondateurs, la nature comme socle, l’excellence comme principe et la beauté comme horizon. C’est une vérité qu’avait fortement perçue Charles Maurras dès sa jeunesse.

    L’AF : Vous évoquez, non sans admiration, le « caractère intraitable » de Maurras. Le Martégal vous a-t-il influencé sur un plan intellectuel ?
    DV : Je n’ai jamais caché mon admiration pour le courage de Maurras face aux épreuves. Mais j’ai également été un lecteur attentif des ses écrits de jeunesse et un observateur de son évolution. J’ai lu encore récemment la Correspondance entre Charles Maurras et l’abbé Penon (1883-1928), publiée chez Privat en 2008. Il s’agit d’un document de première main. On sait que l’abbé Penon, futur évêque de Moulins, avait été le précepteur puis le directeur de conscience du jeune Maurras. Il vit sa tâche compromise par l’évolution de son élève et l’autonomie inflexible de son esprit. L’abbé avait introduit le garçon à la connaissance des Lettres antiques, ce qui le détourna peu à peu du christianisme. Le séjour du jeune Maurras à Athènes pour les premiers Jeux olympique de 1898, acheva cette évolution. Tout est résumé dans sa lettre du 28 juin 1896 que je peux vous citer : « Je reviens d’Athènes plus éloigné, plus ennemi du christianisme qu’auparavant. Croyez-moi, c’est là-bas qu’on vécu les hommes parfaits… » Après avoir évoqué Sophocle, Homère et Platon, le jeune Maurras conclut : « Je reviens d’Athènes en polythéiste tout pur. Ce qui était à l’état vague et confus dans ma pensée s’est précisé avec éclat… » Jusqu’à sa mort en 1928, l’abbé Penon tentera de faire revenir Maurras sur cette conversion. Il n’obtiendra que des concessions de pure forme mais aussi l’argument par lequel Maurras dira qu’à ses yeux l’Eglise catholique avait jadis corrigé par son principe d’ordre ce qu’il y avait de pernicieux dans le christianisme originel.

    L’AF : Vous êtes un adepte jüngerien du « recours aux forêts ». Y avez-vous trouvé la paix ou les moyens de préparer les guerres à venir ?
    DV : Avant de beaucoup écrire, Ernst Jünger avait commencé par vivre dans les tranchées de la Première Guerre mondiale certaines idées qu’il a émises par la suite. Jünger était authentifié par sa vie. Ce qui m’a fait prendre au sérieux ses écrits. J’ajoute que l’image du « recours aux forêts » éveille en moi un écho très fort. Je n’y vois pas une incitation à prendre le maquis, mais à découvrir la haute spiritualité portée par les arbres et la nature, ainsi que le disait Bernard de Clairvaux : « Tu trouveras plus dans les forêts que dans les livres. Les arbres t’enseigneront des choses qu’aucun maître ne te dira ». Preuve que vivait encore en lui, la spiritualité de ses ancêtres francs et gaulois. C’est ce que j’appelle la tradition. Elle chemine en nous à notre insu.

    Dominique Venner, propos recuellis par Louis Montarnal (Action française 2000, 3 au 16 novembre 2011)

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  • Le retour des gueux...

    Les éditions de la Forêt viennent de publier un roman de Claude Perrin intitulé Le retour des gueux - Le réveil des lions. Une anticipation politique sombre qui plonge le lecteur dans une Europe disloquée par les violences communautaires ethno-religieuses...

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    "Comme partout en Europe, l’anarchie s’est répandue sur le territoire où Claude Perrin situe l’action de son roman. Le tsunami de l’immigration-invasion, la décomposition des institutions publiques, la disparition des cadres habituels ont permis à des bandes de pillards de faire régner une terreur sans fin.

    Tel est le cadre dans lequel Claude Perrin place les personnages de son roman : des hommes, une femme qui refusent d’accepter l’inacceptable, la soumission, l’esclavage. Ils choisissent donc de se battre. Et s’organisent en réseaux de solidarité pour survivre et conduire la résistance, afin de préparer, un jour, la reconquête.

    Le lecteur va vivre à leurs côtés des moments intenses, des épisodes hauts en couleur, qui l’inciteront à se préparer mentalement et physiquement à l’avenir, le proche avenir qui s’annonce chaotique.

    On est là dans la veine du Camp des saints de Jean Raspail – mais en plus optimiste, heureusement, puisque Claude Perrin annonce à ceux qui sont capables d’entendre son message que la renaissance est au bout du chemin. Pour ceux qui auront choisi la lutte."

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  • La gauche bien-pensante et le droit de vote des immigrés

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Julien Landfried, porte-parole de Jean-Pierre Chevènement, cueilli sur le site Atlantico et consacré à la question du vote des étrangers aux élections locales...

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    "Pour l’intelligentsia bien-pensante, les habitants des quartiers sont les uniques représentants de la France populaire"

    Atlantico : Le Parti socialiste a fait du droit de vote aux étrangers pour les élections locales l'une de ses priorités. Qu'en pensez-vous ?

    Julien Landfried : Jean-Pierre Chevènement, dans son dernier livre Sortir la France de l’impasse, s’est opposé au droit de vote des étrangers aux élections locales. Il y a en effet fusion en France, du moins depuis la décolonisation, entre les principes de nationalité et de citoyenneté. Il s’agit à la fois d’un principe solidement ancré dans notre tradition politique et dans notre culture : qui est Français peut voter, et tout Français « pèse » autant qu’un autre (« un homme égal une voix »).

    Si l’on ajoute que la France pratique une politique de naturalisation généreuse, issue de sa tradition assimilationniste (malheureusement tombée en disgrâce depuis les années 70-80), on peut estimer que cette fusion entre nationalité et citoyenneté constitue un principe solide et ouvert, puisque les étrangers peuvent en bénéficier sous réserve bien entendu de demander leur naturalisation. La proposition des socialistes et d’une très large partie de la gauche de donner le droit de vote aux étrangers aux élections locales rompt avec cette logique, puisqu’elle dissocie nationalité et citoyenneté, en donnant à des non-nationaux une partie des prérogative de citoyenneté des nationaux. Elle sous-entend d’ailleurs en creux qu’il serait difficile pour les étrangers de devenir français, ce que les chiffres démentent. Cela ferait par ailleurs courir le risque, dans certaines communes notamment de la région parisienne, à des votes ethniques ou communautaires qu’il faut au contraire éviter.

     

    Les socialistes sont-ils en train de suivre la logique d'une récente note du think tank Terra Nova qui préconisait notamment de rompre avec leur électorat traditionnel issu des couches populaires au profit des électeurs immigrés potentiels ?

    Il y a depuis près de quarante ans à gauche la tentation de substituer à la vieille question sociale et à son acteur politique centrale, les travailleurs, la question sociétale et son cortège de « luttes minoritaires » au premier rang desquelles figurent la régularisation des « sans-papiers », la valorisation des cultures des « migrants » ou encore les revendications des « minorités sexuelles ». C’est ce que l’universitaire américain Walter Benn Michaels a appelé dans un essai éponyme « la diversité contre l’égalité ».

    La désormais célèbre note du think tank Terra Nova ne faisait que mettre noir sur blanc ce qui constitue en réalité l’idéologie dominante à gauche. Il est désormais acquis pour une bonne part de l’intelligentsia bien-pensante que les habitants des quartiers sont les uniques représentants de la France populaire, et que parmi ceux-ci, les étrangers et leurs enfants en sont les représentants emblématiques, sinon uniques. Il s’agit là d’une déformation idéologique profonde liée à la division spatiale de plus en plus nette au sein des catégories populaires, où les Français d’origine ou d’immigration ancienne vivent dans les zones périurbaines et rurales, tandis que l’immigration se concentre dans les banlieues.

    Mais pour comprendre cela, il faut soit être issu des catégories populaires, soit prendre sa voiture et faire 50 km à l’extérieur de Paris ! Il n’est pas besoin d’être expert en calcul électoral pour comprendre qu’une telle stratégie ne peut que provoquer un échec à l’élection présidentielle, car c’est précisément l’élection où les catégories populaires votent le plus.

     

    Cette proposition correspond elle selon vous à une réelle conviction de la part des ténors du PS ou s'inscrit-elle dans un calcul électoral qui supposerait que les étrangers votent en majorité à gauche ?

    Les étrangers ne forment pas une catégorie politique à part. Leurs préférences politiques varient bien entendu en fonction de leur niveau de revenu et de leur activité professionnelle.

     

    N'est-ce pas dangereux de proposer ce genre de mesure à l'heure de la crise, alors que l'électorat populaire se sent déjà dépossédé de sa souveraineté avec le poids de l'Europe et de la mondialisation ?

    Le message implicite de ce genre de mesure peut effectivement être compris ainsi par l’électorat populaire : « désolé, nous ne pouvons plus rien pour vous à cause de la mondialisation. Mais ce n’est pas très grave car les étrangers voteront pour nous ». Le message codé du discours immigrationniste est en effet compris comme fondamentalement hostile par les catégories populaires « non immigrées ». Nier cela, c’est ne rien comprendre à la fois à la force de Marine Le Pen parmi ces électeurs ou au succès électoral de Nicolas Sarkozy en 2007.

     

    Est-il seulement possible aujourd'hui à gauche d'évoquer sereinement les questions liées à la nation, aux frontières et à l'immigration ?

    Un discours républicain devrait être possible. L’immigration doit être régulée et les normes culturelles demandées aux immigrés affirmés avec sérénité par la France. Pour cela, il faut bien entendu aimer la France et ne pas la couvrir d’un tombereau d’injures, comme une bonne part des « intellectuels » de gauche (et de droite) le font.

    Il ne peut pas y avoir d’intégration des immigrés sans un minimum d’estime de soi de la société française. Cette bienveillance est malheureusement singulièrement absente des élites. Les couches populaires ont pourtant besoin de protections, qui incluent évidemment que la notion de frontières ne soit pas assimilé à un « repli frileux sur soi » comme la novlangue aime à le dire. En d’autres termes, pour parler à l’électorat populaire, la gauche doit aimer la France, toute la France, et pas seulement « la France qu’elle aime » pour paraphraser un slogan récent du Parti socialiste.

    (Atlantico, 18 octobre 2011)

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  • "Tout le monde se fout de notre sort"...

    Nous reproduisons ci-dessous un article cueilli dans le quotidien Le Monde, daté du 7 décembre 2011, et consacré au sentiment d'abandon qui envahit les Français des nouvelles classes populaires, qui subissent au quotidien les effets de l'immigration et de l'insécurité...

     

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    M. Jean, dans une cité de la région parisienne : "Tout le monde se fout de notre sort"

    C'est une cité sans renommée, dans une petite ville de la banlieue parisienne. Des immeubles proprets, de quatre ou cinq étages, pas plus. Il y a un arrêt de bus où les bus s'arrêtent encore. Il y a quelques commerces de proximité, un centre social et un poste de la police municipale. Le centre-ville est à 300 mètres à peine, mais c'est déjà un autre monde. "Ici, monsieur, nous vivons dans une bulle. Nous sommes abandonnés à nous-mêmes."

    M. Jean, 75 ans, et Mme Françoise, 64 ans, habitent à quelques numéros l'un de l'autre. Une fois obtenue la promesse de ne pas être reconnus ("Ça peut être risqué pour nous"), la parole se débonde en un flot ininterrompu, pendant plusieurs heures.

    M. Jean, un ancien photograveur, est arrivé ici, avec sa femme et son enfant, à la fin des années 1960. La construction des immeubles n'était pas encore achevée. Les voisins étaient alors des fonctionnaires de La Poste ou d'autres administrations, des militaires, des ouvriers de l'usine voisine. "Tout le monde travaillait. On se connaissait. On laissait la porte ouverte." "On causait les uns avec les autres", poursuit Mme Françoise, employée trente-huit ans dans un grand magasin et qui a emménagé en 1986.

    "ENTASSÉS DANS DES F3"

    Quand tout cela a-t-il commencé à déraper ? "C'est difficile à dire. Quand on s'aperçoit des choses, c'est trop tard." M. Jean situe tout de même le basculement dans les années 1980. La cité a commencé à accueillir des familles délogées des squats de Paris qui entravaient les projets immobiliers de prestige dans la capitale. "Elles ont commencé à s'installer à un bout de la rue et puis ont remonté à chaque appartement libéré. On mettait quatre personnes dans un logement et on en voyait d'autres arriver avec des valises d'on ne sait où. Très vite, les gens se sont entassés dans des F3."

    Quand il s'agit de décrire les nouveaux venus, le discours s'embarrasse un peu, les mots deviennent encombrants, le vocabulaire forcément connoté. Alors on cherche, on change : les étrangers, les immigrés, les Noirs, les Africains, les Arabes, les Maghrébins. Les anciens habitants, eux, sont partis, appartement après appartement.

    Autres circonvolutions, contorsions de langage pour décrire cette population en fuite : les Français, les Gaulois, les Blancs. Mme Françoise et M. Jean sont restés.

    L'ancien photograveur décrit la paupérisation croissante du voisinage. "Plus personne ou presque ne travaille, décrit cet homme investi de fonctions associatives qui lui permettent de pousser les portes fermées. Quand on entre dans certains appartements, y compris ceux des Français qui restent, on voit des choses incroyables, des gens entassés, de la misère."

    DROGUE CACHÉE DERRIÈRE LES COMPTEURS

    Depuis les années 1990, les petits trafics ont gangrené le voisinage, les cambriolages n'ont cessé de se multiplier. "Je vois des jeunes circuler à bord de voitures comme jamais je ne pourrais en avoir alors qu'ils sont officiellement au RSA. Ici, c'est tout petit. On connaît la situation de chacun." Mme Françoise dit retrouver régulièrement de la drogue cachée derrière les compteurs. Elle ne descend plus seule dans sa cave. Même si sa cité a été épargnée par les émeutes de 2005, elle voit régulièrement de ses fenêtres des voitures brûler sur le parking, notamment au Jour de l'an.

    "Grande gueule", comme elle se décrit elle-même, Mme Françoise n'a jamais hésité à expulser les jeunes qui investissaient le hall. Cela lui vaut des déboires. Il y a un mois, sa guimbarde, vieille de 20 ans, a été vandalisée. En mai, elle a été agressée en bas de chez elle, s'est retrouvée avec des points de suture à la tête. "Régulièrement, je me fais insulter."

    "Les gamins jouent en toute impunité à des choses qu'ils voient à la télévision ou entendent avec le rap, explique M. Jean. Ils refont l'histoire. Pour eux, on reste les colons. Chez les parents, c'est la loi du silence. Ils n'osent rien dire. Ils ont peur de leurs enfants ou peur de la police parce qu'ils sont en situation irrégulière."

    Il y a peu, les deux témoins voient également la religion musulmane prendre la rue. "Depuis un an ou deux, les femmes sortent maintenant avec le voile. La fille de ma voisine s'est mise à le porter, il y a six mois. Ça m'a fait un choc. Les hommes se laissent pousser la barbe et s'habillent à la pakistanaise." Une salle de prière devrait bientôt ouvrir dans la cité.

    EN DÉCALAGE

    Alors, Mme Françoise et M. Jean ont commencé à se sentir en décalage, pour ne pas dire esseulés. "Nous nous retrouvons enfermés dans un ghetto", résume M. Jean. Ils se sentent intrus dans "leur" cité. "On me conseille de partir, on me dit que je n'ai pas à occuper seule un appartement de 60 m2, dit Mme Françoise, qui a perdu son mari. Je ne demande pas mieux que de me barrer mais je n'en ai pas les moyens."

    La veuve dont la retraite est de 1 250 euros, paye 506,95 euros de loyer pour son F4. "Je ne pourrais jamais trouver ça ailleurs avec mes revenus." M. Jean touche 2 100 euros de retraite avec sa femme, et paye un loyer de 652 euros pour un appartement de 82 m2. " Si je pouvais partir, pensez bien que je le ferais. Mais j'ai passé l'âge d'acheter." Alors M. Jean a fait une demande de logement social dans le Var qu'il renouvelle chaque année, sans grand espoir.

    "Tout le monde se fout de notre sort", estime M. Jean. C'est sans doute le plus cruel. "La police nous dit qu'elle n'ose pas intervenir car elle craint de mettre le feu aux poudres." Le bailleur social, lui, a ses bureaux dans les beaux quartiers de Paris. "Quand vous vous retrouvez autour d'une table avec ces gens-là, vous sentez que vous n'êtes rien." Un constat amer que ne confirment pas exactement les importants travaux de rénovation entrepris par le bailleur et la municipalité ces dernières années.

    "LES POLITIQUES NOUS ONT OUBLIÉS"

    Quant aux hommes politiques... Mme Françoise explose d'un rire sardonique. "Ils nous ont oubliés. La cité ne vote pas. La participation atteint à peine 30 %. Alors nous n'intéressons personne." Les deux voisins avaient choisi Nicolas Sarkozy en 2007. "J'y ai vraiment cru", assure M. Jean. Il éprouve aujourd'hui plus que de la déception, de la révulsion pour "cet homme qui nous a trompés, qui a dit qu'il s'occuperait de nous et qui ne s'est occupé que de ses amis les riches".

    Aujourd'hui, affirme Mme Françoise, "ce qui se passe à la télé, ce qu'il dit à l'Elysée, on s'en balance, ça ne nous concerne plus". Ils iront quand même voter puisqu'ils l'ont toujours fait. Mme Françoise a arrêté son choix : "Sarkozy ? Il n'y a pas de risque que je me fasse avoir à nouveau. A gauche, il n'y a personne qui puisse vraiment changer les choses. Alors, pour moi, je vous le dis tout net, ce sera Marine Le Pen et tant pis si ça pète."

    M. Jean, ancien syndicaliste chrétien, ne peut se résoudre à ce choix. "C'est contraire à mes convictions. Je ne me suis pas encore fixé. Je regrette que le vote blanc ne soit pas comptabilisé." Il soupire. "Pourquoi ces gens-là ne sentent-ils pas que nous n'en pouvons plus ?"

    Benoît Hopquin (Le Monde , 6 décembre 2007)

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  • Remettre les idées à l'endroit !...

    Nous reproduisons ci-dessous la recension, que nous a adressée Pierre Le Vigan, de la récente réédition de l'essai d'Alain de Benoist, Les idées à l'endroit. Un ouvrage fondamental dont nous ne pouvons que conseiller la (re)lecture !...

     

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    Les idées à l’endroit

    Dans le domaine des idées il y a quatre grands secteurs. L’un est le sociétal : pour ou contre la liberté des mœurs, la vente réglementée des drogues, le mariage homosexuel, etc. On le voit : le sociétal renvoie aussi à la culture commune dominante, aux habitus, à l’anthropologie dominante. Un deuxième secteur est l’économique : nationaliser ou pas, exproprier les multinationales ou pas, diriger l’économie ou laisser-faire, financiariser ou pas, accentuer la mondialisation ou instaurer un protectionnisme européen, « libérer » le droit du travail ou restaurer des protections pour les travailleurs, etc. C’est de l’économique qui est aussi bien sûr du social. Un troisième secteur est l’institutionnel : quelle démocratie ? Parlementarisme, régime primo-ministériel ou présidentialisme ? Quelle place à la démocratie directe ? Référendum d’initiative populaire - et comment - ou non ? Quelles collectivités locales et pour quoi faire ? Quel mode de scrutin : majoritaire, proportionnel, à la plus forte moyenne, au plus fort reste ? Avec ou sans prime majoritaire ? Scrutin mixte ? Et là encore : avec quel objectif ? Il y a enfin un quatrième secteur : quelle politique internationale ? Quel ordre mondial voulons-nous ? Unipolaire autour des USA ? Ou pluraliste ? Une vision euro-atlantiste du monde ? Ou une vision eurasienne ? Ces 4 secteurs s’articulent. Bien des combinaisons sont possibles (les libertaires en matière de mœurs ne sont pas tous libéraux au plan économique par exemple). Mais toutes les combinaisons n’ont pas la même cohérence. Et certaines n’en ont même aucune. Ce qui les amène à ne pas durer. 

    Or, c’est la cohérence qui fait qu’une pensée existe et laisse des traces. C’est précisément dans la mesure où il a très tôt fait le choix de ne pas travailler en appui à un parti politique quel qu’il soit qu’Alain de Benoist a pu jouer ce rôle exigeant de tuteur de cohérence. Dans Les idées à l’endroit, il répondait voici 30 ans aux questions suivantes, voire à quelques autres : quelle vision du monde peut avoir un homme lucide et conscient des impasses – et des laideurs physiques et morales - du monde moderne ? Quelle vision de l’homme ? Quel rapport peut-on avoir ce que l’on appelle la droite, ou les droites ? Pourquoi le libéralisme n’est pas la solution ? Que peut-on penser d’un certain nombre de thèmes comme l’ordre, l’enracinement, l’autorité, la tradition ? Qu’est-ce que le totalitarisme, et surtout y a-t-il un nouveau totalitarisme contemporain ? Lequel ? Pourquoi s’est-il mis en place ? Comment ? Au bénéfice de qui ? Pour réprimer quoi ? Comment le combattre ? Quelle stratégie asymétrique, du faible au fort, peut-on essayer de mettre en place contre ce nouveau totalitarisme ? Et aussi : non pas quels goûts culturels devons-nous avoir ? Mais quelle hauteur de vue est susceptible de nous donner du discernement ? Et enfin, quelle politique internationale voulons-nous, et pouvons-nous ? Souhaitons-nous un monde unipolaire ou un monde pluraliste ? Sommes-nous du côté d’une coalition euro-atlantique, ou devons-nous penser en termes de solidarité eurasienne ? Bien entendu, tout se tient : si on est dans une démarche critique vis-à-vis du libéralisme on aura d’autant plus tendance à critiquer au plan institutionnel une démocratie purement procédurale tout comme un « patriotisme » purement constitutionnel à la Habermas et aussi bien sûr l’alignement sur Washington. Enfin, tout en étant favorable à la liberté des mœurs on considérera que la société n’a pas à valider des comportements qui relèvent de la sphère privée et n’apportent rien à sa solidité. Et ce parce que si les individus ont bel et bien des droits la société n’est pas la somme de droits individuels et encore moins le lieu où se réalisent les revendications indistinctes de tous les ayants-droits, réels ou auto-proclamés. C’est cela qu’aide à penser un livre de philosophie, et c’est cela qu’est Les Idées à l’endroit. Ces livres sont-ils si nombreux ? Tout porte à croire que non. Raison de plus pour le lire, ou pour le relire pour les plus agés des lecteurs d’Eléments. 

    L’auteur a bien entendu évolué, et enrichi notamment sa réflexion dans le domaine économique, allant de la critique de la domination de l’économie – la place excessive de l’économie dans nos sociétés - à des propositions plus concrètes sur les voies d’une autre économie, mutuelliste, communaliste, coopérative, autocentrée. Et puis dans ce livre écrit quand l’auteur avait de 30 à 35 ans bien des choses restent actuelles, relisons les passages sur l’immigration : l’essentiel y est, l’immigration comme arme du patronat, comme frein à l’innovation, comme liquidation des cultures (les deux, celle des immigrants qui arrivent, et la culture du pays d’accueil). Un livre à annoter. Comme tous les livres de références.

    Pierre Le Vigan 

    Alain de Benoist, Les idées à l’endroit, Avatar éditions (BP 43 91151 Etampes cedex), 357 pages, 36 euros.

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  • Des causes occultées de l'insécurité ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Yvan Blot, cueilli sur Polémia et consacré à l'insécurité.

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    Les causes occultées de l'insécurité : immigration, déresponsabilisation, enflure de l'ego

    Les statistiques montrent que le nombre de crimes et délits vers 1946 était de 1,5 millions. Ce chiffre est resté stable pendant des années et s’est mis à augmenter à partir de 1968. Il n’a alors cessé de croître pour atteindre 4,5 millions de crimes et délits aujourd’hui. La montée du crime est un indicateur important du phénomène de « décivilisation » qui atteint aujourd’hui l’Occident.
    Officiellement, on parle d’insécurité plutôt que de criminalité car la pensée technocratique des oligarques est toujours tournée vers les causes matérielles et formelles des phénomènes. On préfère ne pas évoquer la responsabilité des hommes (cause motrice) et ne pas s’interroger sur les finalités de la société (cause finale).

    Le rôle néfaste de l’immigration

    Les causes matérielles sont le chômage, les revenus insuffisants, l’urbanisme inhumain des banlieues : ces causes de la délinquance jouent un rôle mais à notre avis, c’est mineur. J’ai été député de Calais, ville où le chômage était considérable et l’urbanisme catastrophique : pourtant, le taux de violence urbaine était très faible. L’une des raisons était l’absence d’immigration. L’immigration est un facteur important de la criminalité et de la délinquance : il n’est que de visiter une prison pour s’en rendre compte. Les prisons sont d’ailleurs un des lieux où l’administration organise volontairement la ségrégation entre les races et les ethnies. Mettre un noir dans un quartier arabe ou un chinois parmi les noirs est en effet extrêmement dangereux pour l’intrus « ethnique ». Plus généralement, le déracinement est un facteur de délinquance. L’enracinement dans la famille, le métier, la patrie est responsabilisant. Car la criminalité est liée à la déresponsabilisation des individus.

    La déresponsabilisation des individus

    Le pourcentage d’individus immoraux a tendance à croître aux deux extrémités de l’échelle sociale. Comme dans un verre de vin nouveau, la lie tombe au fonds et l’écume monte à la surface. Aristote avait déjà noté que la moralité était plus répandue dans les classes moyennes. Les très pauvres, pas uniquement en argent mais aussi en capital éducatif, ont plus de chances de devenir délinquant. Les très riches peuvent perdre le sens des responsabilités et certains prendre des habitudes criminelles : on a cité souvent les oligarques russes du temps de Boris Eltsine mais les Russes n’ont pas du tout le monopole de ce phénomène. Madoff ou les dirigeants d’Enron sont des américains. DSK est un français. C’est pourquoi la loi doit mettre les hommes en situation de responsabilité. L’endettement délirant de certains Etats en Europe et aux USA est le produit de décisions humaines, à n’en pas douter. Les responsables furent souvent des banquiers managers qui jouent avec l’argent des autres (ils ne sont pas propriétaires des banques) et surtout des hommes politiques soucieux de faire des cadeaux catégoriels pour se faire réélire. Tant que les hommes politiques ne seront pas obligés de rendre des comptes au peuple par des référendums d’initiative populaire, le danger sera présent.

    L’enflure de l’ego

    La civilisation post-chrétienne dans laquelle nous vivons se caractérise par l’enflure de l’ego individuel. Les régulateurs sociaux de la religion (l’amour d’autrui) et du dévouement patriotique (le sacrifice de soi) ont perdu beaucoup de leur importance. Or, l’homme n’est pas naturellement bon. Les phrénologues, spécialistes du cerveau humain, montre que nous avons trois cerveaux en un seul : le paléo cortex ou cerveau primitif ou reptilien guide nos instincts de base : agressivité, sexualité, nutrition, notamment. Le cortex intermédiaire, propre aux mammifères, guide notre vie affective et sentimentale. Il est le siège aussi de notre personnalité. Le néo-cortex, dont le grand développement est lié à l’hominisation, correspond à la raison abstraite. La civilisation contemporaine cherche en permanence des raisons pour justifier ses instincts barbares au détriment du cerveau affectif. On peut distinguer entre la sauvagerie (alliance du cerveau reptilien et du cerveau affectif) et la barbarie (alliance du cerveau reptilien et du cerveau rationnel). Heidegger évoque cette dernière combinaison dans son livre « Essais et conférences ». Pour combattre ces dérives, il faut sans doute tenter de réintroduire de la spiritualité dans la société, comme le font, de façon différente, la Suisse ou la Russie.

    Le laxisme législatif et judiciaire

    Il est évident que la criminalité est liée au sentiment de l’impunité. L’efficacité d’un bon système répressif (comme à Singapour) ne peut pas être sérieusement contestée. Mais l’oligarchie, notamment médiatique, qui ne vit pas quotidiennement les ravages de la délinquance généralisée parce qu’elle vit dans les beaux quartiers, n’a pas la « vérité existentielle » sur le sujet. C’est pourquoi, là où la démocratie directe existe, les référendums modifient les lois dans le sens d’une répression plus efficace du crime. En l’absence de démocratie directe, ce sont souvent les militaires qui rétablissent l’ordre compromis par les politiques : voir les exemples, certes différents, de Poutine ou du général De Gaulle (voire de Franco).
    L’Occident, et notamment la France, souffrent d’une montée de l’insécurité. Les oligarques qui ne vivent pas celle-ci en raison de leurs privilèges, penchent pour le laxisme. Le rétablissement de l’ordre suppose donc la réduction de leur pouvoir. Socialement, cela passe par un rôle plus important des catégories sociales « héroïque » c’est-à-dire dévouées au bien commun, comme l’armée ou le clergé, politiquement, cela passe par l’instauration de la démocratie directe.

    Yvan Blot (Polémia, 7 novembre 2011)

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