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immigration - Page 84

  • Ils sont pas fous, ces Roumains !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue grinçant de Cyril Benassar, cueilli sur Causeur et consacré à la question des Roms...

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    Ils sont pas fous, ces Roumains !

    Je peux bien l’avouer à présent, l’élection de François Hollande m’a plongé dans une crise de misanthropie aiguë. Je ne hais pas la terre entière mais j’en veux encore à cette majorité de Français votants qui, pour des raisons plus lamentables les unes que les autres, ont préféré la voix de la démocratie molle à celle de la république dure et la promesse de carottes à la garantie du bâton.

    Les vacances aidant, j’ai fui la réalité rabat-joie et les médias, incapable d’entendre un mot de plus du chef des armées aux intentions désespérément et irrémédiablement pacifiques qui préside au sommeil national, et j’ai tourné le bouton du poste et le dos à cette France où les chiens redemandent du collier et imposent des muselières antirépressives, antiracistes, antisexistes, antilibérales, à ce qui reste de loups. Mais l’actualité revient toujours me tirer par l’oreille tôt ou tard et c’est avec l’affaire du démantèlement des camps roms que j’ai fait ma rentrée en politique. Et je ne suis pas déçu.
    Quel spectacle comique que celui des gentils d’aujourd’hui, ministres, députés ou journalistes, venant dans les médias défendre inconditionnellement les décisions gouvernementales qu’ils dénonçaient hier, quand ils pourfendaient les méchants en criant au retour du pétainisme voire du nazisme. Comme il est drôle de les voir, gonflés de la responsabilité que donne l’exercice du pouvoir, avaler des couleuvres comme ils lançaient des vipères quand, enflés par le devoir de dénoncer les oppressions, ils se la jouaient accusateurs publics.

    Or rien ne distingue en l’occurrence la politique sarkozyste de sa sœur jumelle hollandiste. Les mêmes carcans européens, les mêmes impératifs électoralistes, les mêmes décisions de justice avec lesquels il faut ménager, sur la question rom, la chèvre et le chou et arbitrer entre le paysan ou l’artisan propriétaire et le romanichel chapardeur, entre l’usager du métro et le mendiant pickpocket, entre les réseaux électriques d’ERDF ou de la SNCF et les pillards de cuivre. Dans un Etat souverain, les seconds pèseraient bien peu face aux premiers qui font les élections, mais quand la Commission Européenne des droits de l’homme et le bobo qui ne voit des tsiganes qu’au cinéma et qui adore le jazz manouche, même et surtout joué par des gosses de stars, s’en mêlent, les forces s’équilibrent et les choses se compliquent.
    Voici sans doute pourquoi le problème que posent les nomades d’Europe reste entier, le traumatisme causé par la Solution finale n’aidant pas à réfléchir à une issue qui concilierait les intérêts des peuples sédentaires, les cultures des « gens du voyage » et l’idée que nous nous faisons de l’humanité. Mais les difficultés sont bien réelles et ne relèvent pas de fantasmes racistes, contrairement à ce qu’on dit dans Libé, sur France Culture ou au CNRS.

    De quoi vivent, dans leur ensemble, ces peuples vagabonds ? Il faut manquer singulièrement de curiosité, comme un journaliste de Médiapart quand il ne fouille pas les poubelles de Madame Bettencourt, pour ne pas enquêter sur la question. Depuis qu’on en voit à la télé, les montreurs d’ours ne font plus recette sur les places des villages, et depuis Ikéa, on ne rempaille plus les chaises. Or les gitans ou les manouches affichent un goût prononcé pour les Mercedes hors de prix, bien que les Allemands ne leur accordent aucune remise, même à titre de réparations. Quant aux Roms, s’ils vivent dans des taudis ou sur les trottoirs, c’est parce qu’ils viennent d’arriver et qu’ils n’ont que des associations humanistes et irresponsables pour pleurer mais pas ou disons très peu d’allocs. Parce que les possibilités d’échanges économiques avec les populations sédentaires ont pratiquement disparu, mais aussi pour des raisons culturelles qui tiennent aux structures tribales cultivant l’endogamie, les populations nomades sont pour une large part devenues, au mieux mendiantes et parasites, au pire, délinquantes et criminelles, et souvent un peu tout ça à la fois. De plus, quand on divise l’humanité entre les siens et les autres, les « humains » et les gadjos, les règles et les codes moraux qui valent pour le groupe ne s’appliquent pas aux autres, et tout est permis.

    Ainsi, dans toute l’Europe – car il ne me semble pas que ces mendiants/voleurs se soient tellement aventurés ailleurs avec succès, par exemple dans le monde arabe où règne pourtant une religion de paix et de tolérance – ces nomades, qui ne sont pas toujours bienvenus par ceux qui les côtoient, sont accueillis et aidés par les autorités, particulièrement en France. Sur la question, l’hypocrisie et les bons sentiments règnent. « Il faut intégrer les Roms !», braillent les uns. En Roumanie, Ceaucescu a bien essayé mais l’échec a été total et pourtant il n’était entravé dans sa tâche ni par les droits-de-l’hommistes ni même par les droits de l’homme. « Il faut leur trouver du travail !», déclarent les autres. Le « y-a-qu’à-faut-qu’on » de gauche en matière d’emploi est à redouter car dans l’état actuel du marché du travail, même non qualifié, et avec le chômage chronique (ta mère) des jeunes dans nos quartiers populaires et sensibles, nous pourrions bientôt voir se profiler une tournée générale d’emplois aidés réservés aux Bulgares et aux Roumains, pour donner dans le champ lexical qui ne stigmatise pas.

    En fait, la plupart ne veulent ni travailler, ni s’intégrer, et que celui qui n’a jamais vu un film de Tony Gatlif aille leur poser la question. Ils n’ont aucune envie de troquer leurs braséros pour un chauffage central dans un appartement en centre ville (et pour le loyer donc l’emploi stable qui va avec). « C’est tout à leur honneur !», s’exclament ceux qui respectent l’attachement farouche de l’autre à son mode de vie tout en jouissant pour eux-mêmes des bienfaits de l’alphabétisation, de l’exogamie, de l’égalité de la femme et de toutes les émancipations qui en découlent.
    Le problème déborde le cadre national et avec l’ouverture des frontières et la liberté de circulation, une règle implacable et perverse pèse sur les pays d’Europe. Les plus généreux sont les plus envahis, et les douze millions de nomades attendent à l’Est de voir dans quel pays de l’Ouest l’herbe est la plus verte en matière de droits sociaux – c’est-à-dire d’allocations, à commencer par celle qu’on leur donne pour repartir – et la justice plus clémente – c’est-à-dire laxiste. Notre terre d’accueil, patrie des Droits de l’homme, gouvernée aujourd’hui par la gauche, pourrait devenir une destination particulièrement prisée.

    Heureusement, l’électeur de base et de tous bords, qui tient plus à ses poules qu’à sa belle âme, veille et souffle sur le politique qui est sa girouette. Ainsi les démantèlements et les expulsions se poursuivent comme si l’ombre n’avait pas cédé la place à la lumière. Cela devrait durer à moins qu’un assouplissement de la législation n’accorde aux Roms le droit de vote. Mais j’ai tort d’évoquer cette idée alors que Terra Nova veille et je crains qu’on n’arrête pas le progressisme.

    Cyril Bennassar (Causeur, 5 septembre 2012)

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  • Richard Millet répond à ses détracteurs...

    "En dix-huit pages, Richard Millet déroule avec rage la litanie des haines qu'il a déjà déversées dans d'autres écrits, notamment Opprobre, paru chez Gallimard en 2008. Inscrit dans une pensée d'extrême droite qui n'hésite pas à esthétiser la violence, Millet n'en est pas à ses débuts, en matière d'anathème." Raphaëlle Rérolle (Le Monde, 28 août 2012)

    "Au seuil de ce livre abject où Millet sonne l'Angélus, une phrase de Drieu la Rochelle suggère que nous allons assister à un suicide littéraire." Jérôme Garcin (Le Nouvel Observateur, 17 août 2012)

    "Il a des pensées qui sont nauséabondes." Tahar Ben Jelloun (France Inter, 28 août 2012)

    Sévèrement attaqué dans les médias bien-pensants par les chiens de garde du système à l'occasion de la sortie de ses deux essais intitulés De l'antiracisme comme terreur littéraire et Langue fantôme, suivi de Eloge littéraire d'Anders Breivik, qui sont tous les deux publiés aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, Richard Millet fait face à ses détracteurs dans cet entretien réalisé sur I Télé le 29 août 2012 et cueilli sur le site de F.Desouche.

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  • Alain de Benoist répond aux "Fils de France"...

    Nous reproduisons ci-dessous les réponses données par Alain de Benoist aux questions de l'association "Fils de France". Cette association regroupe des Français de confession musulmane qui se réclame d'un islam français, « lequel est parfaitement à même de respecter les ancestrales valeurs françaises tout en prônant, non pas une “intégration”, concept aux contours flous, mais une “acculturation” à ce substrat national, façonné par deux mille ans d’histoire, quarante rois, deux empires et cinq républiques.»

    La charte de cette association est consultable ici.

     

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    À en croire la lecture de vos mémoires, vous êtes en meilleure compagnie avec Homère plutôt qu’avec celle de saint Thomas d’Aquin. Qu’en est-il de celle de Mohammed ?

    Disons que je n’ai pas fréquenté le troisième aussi assidûment que les deux premiers ! Mais on ne peut comparer que ce qui est comparable. Mohammed a été le fondateur d’une religion, ce qui n’a pas été le cas d’Homère ni de Thomas d’Aquin. Homère est l’auteur d’une œuvre poétique et littéraire immense, qui est à coup sûr l’un des fondements spirituels majeurs de la culture européenne dans ce qu’elle a de plus authentique. Rien à voir, là non plus, avec Mohammed, dont le Coran (29,48) nous dit qu’il était « illettré » (ummî) avant la révélation qu’il dit avoir connue.


    De même, vous émettez des réserves philosophiques quant à la religion catholique en tant qu’objet social public et donc, par là même, légitimement susceptible d’être sujet à la critique. Vos éventuelles réserves vis-à-vis de l’islam sont-elles de même nature ?

    Philosophiquement parlant, je n’appartiens pas à la tradition monothéiste. Dans de nombreux écrits, j’ai expliqué la nature de ce que vous appelez mes “réserves” à son endroit. Elles valent nécessairement pour toutes les religions qui se réclament d’un Dieu unique. Cela ne m’empêche pas d’être bien conscient, en même temps, des différences ou des spécificités qui existent entre elles. Ma critique, encore une fois, n’est pas dogmatique. C’est une critique intellectuelle et philosophique, que je fais en conscience, et qui représente l’aboutissement d’un itinéraire de pensée sur lequel je me suis également expliqué.

    Certains catholiques de tradition estiment que l’islam s’est bâti contre le catholicisme. Ne serait-ce pas plutôt le cas du messianisme des protestants américains, ayant donné naissance aux USA, seule nation au monde à ne pas entretenir de relations diplomatiques avec le Vatican ?

    L’islam en tant que religion ne s’est évidemment pas bâti contre le catholicisme (ni d’ailleurs contre le christianisme, les deux termes étant alors synonymes). Il prétend seulement parachever la révélation monothéiste. Le cas du protestantisme est tout à fait différent. Il représente une scission au sein du christianisme occidental, né d’une « protestation » contre Rome. C’est en quelque sorte une hérésie qui a réussi.

    Toujours à propos de certains catholiques de tradition, que vous inspire ceux qui estiment que ce qui se passe à Jérusalem « ne les regarde pas », comme si de tous les chrétiens persécutés dans le monde, ceux de Palestine étaient les seuls à ne pas mériter leur commisération ?

    Ceux qui pensent que ce qui se passe à Jérusalem « ne les regarde pas » sont tout simplement des imbéciles, qu’on pourrait comparer aux plus obtus des know-nothing américains. Dans un monde globalisé, où tout retentit sur tout, il est évident que nous sommes tous concernés par ce qui passe en Palestine, et que nous le sommes d’autant plus que c’est aujourd’hui l’une des régions du monde où l’actualité est la plus fondamentalement décisive : l’avenir du monde dépend pour une large part de ce qui va se passer dans les années et les décennies qui viennent au Proche-Orient.

    Dans le cas des “catholiques de tradition”, leur attitude est d’autant plus surprenante qu’ils devraient être encore plus sensibles que les autres à ce qui se passe sur la terre où Jésus a vécu et a été crucifié. Ce sont par ailleurs des milieux qui prétendent défendre les « chrétiens menacés » partout dans le monde, mais que l’on n’entend guère lorsqu’il s’agit du sort des chrétiens de Palestine. Ignorent-ils qu’il y a des chrétiens arabes en Palestine ? Je crois plutôt qu’ils ne l’ignorent nullement, et qu’ils savent très bien que ces chrétiens-là sont parfaitement solidaires de la résistance palestinienne à l’occupation israélienne.

    Mais c’est là que le bât blesse. Leur sympathie de principe pour Israël, avouée ou inavouée, mais toujours paradoxale (quand on se souvient des prétentions historiques de l’Église à incarner le verus Israel), les rend indifférents aux souffrances des chrétiens de Palestine. Cela donne, si j’ose dire, la mesure de leur bonne foi.

    Dans vos mémoires, vous dénoncez ces gens, de gauche comme de droite, qui estiment qu’il y a des hommes en trop sur Terre. Les Français musulmans seraient-ils des Français de trop en France ?

    Il n’y a pas pour moi d’« hommes en trop sur la Terre ». Il n’y en aurait que si la croissance démographique excédait les ressources de la planète ! Mais ce n’est pas dans ce sens que le politologue Claude Lefort employait cette expression. Il faisait seulement allusion à cette idée, effectivement répandue à gauche comme à droite, selon laquelle tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés résultent purement et simplement de l’existence de certaines catégories d’êtres humains. Il suffirait d’éliminer ces « hommes en trop » pour que la vie redevienne simple. C’est le phénomène classique du bouc émissaire.

    Pour moi, il n’y a pas de boucs émissaires. Les Français musulmans ne sont pas des « Français de trop en France », pour la simple raison qu’à mon sens, même si beaucoup affirment bruyamment le contraire, on peut très bien être musulman et français. On peut en revanche très bien considérer qu’il y a « trop d’immigrés » en France, en ce sens que l’immigration massive à laquelle nous avons assisté depuis trente ans excède désormais largement nos possibilités d’accueil, et qu’il en résulte toute une série de pathologies sociales dont les premières victimes sont les classes populaires.

    Quand l’immigration dépasse un certain seuil, elle devient inévitablement une colonisation, au sens premier du terme. J’ai toujours condamné le colonialisme, ce n’est pas pour accepter aujourd’hui une colonisation en sens inverse. Je ne condamne pas cette immigration trop massive par chauvinisme ou par xénophobie, mais parce que j’y vois un déracinement forcé dont le seul bénéficiaire est le patronat. L’immigration, c’est l’armée de réserve du capital.

    À en croire Emmanuel Todd, l’actuel système politico-médiatique, fondé sur une économie de marché devenue société de marché, a eu la peau de deux autres contre-systèmes fondés sur la transcendance, l’Église catholique et le Parti communiste. Et le seul qui résiste encore, c’est l’archaïsme musulman, le vocable d’archaïsme étant à prendre en son sens noble. D’où l’actuelle islamophobie de nos “élites”. Votre avis ?

    L’islamophobie qui submerge aujourd’hui l’Europe occidentale a des causes diverses. Elle résulte principalement d’une confusion, plus ou moins entretenue par certains, entre l’immigration, la religion musulmane, le monde musulman, l’islamisme, le “terrorisme islamique”, etc., alors que ce sont là des problèmes différents. Les réactions hostiles à l’immigration ont évidemment servi de détonateur, puisque la majorité des immigrés sont musulmans. Il n’en est pas moins évident qu’on peut être musulman sans être immigré, ou immigré sans être musulman.

    Si l’immigration se composait uniquement de bons catholiques originaires de l’Afrique subsaharienne, les problèmes seraient en outre exactement les mêmes. Quoi qu’il en soit, des représentations plus ou moins fantasmées de l’islam se sont dans ce contexte répandues un peu partout, souvent sous l’influence “d’islamologues” autoproclamés ou d’adeptes de la très américano-centrée théorie du Choc des civilisations. La façon dont, en France, la critique de l’immigration s’est progressivement muée en critique de « l’islamisation » est à cet égard significative. Dans les franges les plus convulsives de l’opinion, « l’islamisation » désigne tout simplement le fait que les musulmans puissent normalement pratiquer leur religion dans notre pays, alors que personne n’interprète comme « judaïsation » le fait que les juifs puissent pratiquer la leur.

    Cette islamophobie, qui ne touche malheureusement pas que les “élites”, traverse les différentes familles politiques, ce qui va me permettre de répondre plus précisément à votre question. L’une des critiques les plus constamment adressées à l’islam est en effet son “archaïsme” (ses pratiques “d’un autre âge”, ses valeurs “dépassées”, le rôle qu’il attribue au respect, à l’honneur, au chef de famille, au sacré, sa propension à l’endogamie, etc.). Ces critiques sont tout à fait naturelles de la part des adeptes de la théorie du progrès et des défenseurs d’une “modernité” qui a fait de la consommation et du marché, c’est-à-dire du matérialisme pratique, l’alpha et l’oméga de la vie sociale.

    Ce sont d’ailleurs exactement les mêmes critiques qu’ils adressaient autrefois aux communautés enracinées de “l’Ancien Régime”, aux valeurs prémodernes fondées sur l’éthique de l’honneur. Ce qui est plus surprenant, c’est de voir une certaine “droite de tradition” se rallier aujourd’hui bruyamment à cette critique dont son propre héritage a été la victime dans le passé. Ceux qui combattaient la laïcité à l’époque des lois sur la séparation de l’Église et de l’État se joignent au chœur des défenseurs du laïcisme “républicain”.

    Ceux qui exaltaient des valeurs traditionnelles déjà dénoncées comme “archaïques” (c’est-à-dire comme tenant leur autorité de l’ancienneté de la tradition) à l’époque des Lumières, se transforment en champions d’une modernité qui se félicite de s’être édifiée sur les ruines des sociétés traditionnelles et la liquidation méthodique des valeurs du passé. Spectacle sidérant. Ajoutons, sans entrer dans le détail (le sujet est immense), qu’il y aurait aussi beaucoup à dire sur la façon dont le “virilisme” des sociétés musulmanes heurte de plein fouet une société occidentale de plus en plus dominée par les valeurs féminines…

    Dans le même ordre d’idées, dès que l’islam est évoqué en France, c’est encore en termes de marché : viande hallal, lignes de vêtements islamiques pour femmes, voire horaires de piscine réservés à tels ou telles : comme si l’islam était devenu un marché comme les autres. Votre avis ?

    Je ne vois rien de choquant à ce que les musulmans souhaitent manger halal, exactement comme les juifs veulent manger kasher. Bien entendu, je trouve également normal que ceux qui ne veulent manger ni halal ni kasher aient la liberté de le faire. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, non parce que les musulmans veulent « islamiser » la France, mais parce que de bons Français propriétaires d’abattoirs trouvent plus économique de supprimer l’étourdissement des animaux en alléguant une demande de viande halal qui excède largement la réalité. Le haut niveau d’exigence des lois sur la cacherout a aussi pour résultat que les parties du corps des animaux tués selon le rite juif qui sont jugées impropres à la consommation pour des raisons religieuses, sont recyclées dans le circuit “classique”.

    D’une façon plus générale, je ne suis pas hostile à ce que les différentes communautés aient la capacité légale de pratiquer des rites ou des coutumes qui leur sont propres aussi longtemps que cette pratique ne porte pas atteinte à l’ordre public (c’est le cas par exemple de la circoncision, qui ne contrevient pas à l’ordre public, bien qu’en toute rigueur elle contredise les dispositions légales interdisant les mutilations corporelles sur autrui).

    Lorsque l’ordre public est en jeu, c’est la loi commune qui doit s’appliquer – ce qui implique évidemment que celle-ci soit acceptée et reconnue par tous. C’est ainsi que j’ai pris position contre l’interdiction du voile islamique pour les élèves des établissements scolaires, car j’estime que le port du voile ne porte pas atteinte à l’ordre public. Il n’en va pas de même de la burqah.

    Être pleinement français tout en vivant sa religion musulmane, cela apparaît impossible à nombre de gens de droite, mais aussi de gauche, qui sont les premiers à défendre le défunt empire colonial français qui, paradoxe, a fait alors de la France la première puissance musulmane au monde. Schizophrénie ?

    La France tolérait très bien l’islam lorsqu’il était pratiqué dans des pays qu’elle avait conquis, et dont les habitants étaient privés de tout droits politiques. Dans certains cas, elle voyait même dans la religion musulmane un facteur de “modération”. N’oubliez pas néanmoins les activités des congrégations missionnaires.

    À droite, l’idéal a longtemps été la « conversion des indigènes ». À gauche, la colonisation était exaltée comme un moyen pour les « races supérieures » d’aider des peuples « primitifs » à combler leur « retard » dans la marche en avant vers le « progrès ». C’est encore aujourd’hui le schéma de base de l’idéologie du « développement ».

    Dans tous les cas, ce qui était ou continue d’être nié, c’est l’altérité des cultures et la capacité d’autonomie des peuples. Si schizophrénie il y a, elle est dans l’esprit de ceux qui nous disent qu’il faut aimer les autres au motif qu’ils sont en fait les mêmes, c’est-à-dire que leur altérité n’est que contingente, transitoire, illusoire ou secondaire.

    D’ailleurs, si l’Algérie était demeurée française, ce n’est pas six, mais quarante millions de citoyens français de confession musulmane qui camperaient sur le territoire…

    On l’oublie en effet trop souvent. Mais on ne parlait guère de l’islam à l’époque de la guerre d’Algérie, ce qui est un paradoxe parmi d’autres.

    Lors des premières polémiques sur le voile, Bernard-Henri Lévy avait dit que tout cela deviendrait « soluble dans les jeans »… Chez les fils et filles de France, nous préférerions que cela le soit dans les terroirs, les vieilles pierres, les fromages et les chansons de Georges Brassens. Peut-être nous trouvez-vous trop optimistes ?

    Un peu trop, en effet. Pour l’excellente raison, déjà, que les Français dits “de souche” ne sont pas les derniers, aujourd’hui, à ne pas ou à ne plus se reconnaître dans ce qui a fait leur identité. On peut difficilement reprocher aux plus récents arrivés de ne pas être plus patriotes que des autochtones qui devraient l’être tout naturellement.

    Mais ce problème doit évidemment être replacé dans une perspective plus vaste. Quel sens peut avoir aujourd’hui la notion même “d’identité” ? Comment doit-elle être posée ? De quelles façons peut-elle être reconnue ? Pourquoi n’avons-nous plus la capacité de transmettre ? Ce sont quelques unes des questions auxquelles j’ai essayé de répondre dans mon livre intitulé Nous et les autres.

    Quant on parle des racines chrétiennes de la France, ne commet-on pas une erreur sémantique ? Car pour filer la métaphore horticole, les racines de la France sont historiquement païennes, le tronc chrétien et les branches juives et musulmanes…

    Tout à fait d’accord.

    De fait, le vocable de « judéo-chrétien » ne vous semble-t-il pas être un peu utilisé à tort et à travers ? Et n’est-il pas finalement une sorte d’oxymore, sachant qu’il y a bien plus de points communs entre chrétienté et islam qu’entre chrétienté et judaïsme ?

    Jésus, dans l’islam, est honoré comme un prophète de vérité. Dans le judaïsme orthodoxe, il est dénoncé comme un imposteur. Les passages qui le concernent dans le Talmud, que l’on a regroupés sous le nom de Toledot Yeshu, sont à cet égard tout à fait parlants.

    Durant les premiers siècles, les partisans de Jésus (nosrim, Nazoréens) étaient même les principaux destinataires d’une malédiction rituelle, la birkat ha-minim, qui était récitée régulièrement dans les synagogues et qui s’est perpétuée durant des siècles. Les chrétiens, bizarrement, ne semblent guère sensibles à ce contraste.

    Quant au vocable « judéo-chrétien », dont on fait en effet un usage très excessif aujourd’hui, son emploi ne se justifie que dans deux contextes bien précis. Un contexte théologique, lorsqu’il s’agit de qualifier des thématiques communes au christianisme et au judaïsme – qui sont aussi, bien souvent, des thématiques communes à l’islam. Et un contexte historique, qui renvoie au tout début du christianisme : les judéo-chrétiens sont ces disciples du Jésus d’origine pétrinienne ou jacobienne, dont j’ai déjà parlé, qui se refusent à suivre Paul lorsque celui-ci prétend que l’ancienne Loi est devenue caduque et que la religion nouvelle doit s’ouvrir à tous les hommes.

    Deux traditions sont importantes pour apprécier les développements du judéo-christianisme avant comme après 135. La première est la tradition relative à la mort de Jacques le Juste, lapidé à Jérusalem par des opposants à la branche chrétienne du judaïsme, dans les années 62-64. La seconde est la tradition relative à la migration à Pella de la communauté chrétienne de Jérusalem lors de la première révolte juive, dans les années 66-68.

    Dans une récente livraison de votre revue, Éléments, vous avez longuement interrogé un médiéviste italien, catholique de tradition qui, sur de longues pages, explique comment Orient et Occident, tout en se confrontant, se sont enrichis l’un l’autre. Sans tomber dans la nostalgie du passé, de telles alliances seraient-elles susceptible de renaître un jour, surtout lorsque l’on sait, à vous lire, que nous arrivons, non point à la fin du monde, mais à la fin d’un monde ?

    Mon ami Franco Cardini, médiéviste généralement considéré comme l’un des principaux historiens italiens contemporains, présente la particularité d’être à la fois un catholique de tradition et d’avoir constamment critiqué l’hostilité systématique à l’islam entretenue dans son milieu d’origine. Cardini, dans ses ouvrages, a multiplié les mises au point, rappelant notamment que les relations entre l’islam et la chrétienté ont été loin, dans l’histoire, de se ramener à une suite d’affrontements sans merci. Il a ainsi pris position contre les tenants d’une conception manichéenne de l’histoire, qui se font l’idée d’un « islam éternel », qui serait toujours et partout le même, et d’une « chrétienté » pareillement imaginaire, une idée sans rapport avec la réalité.

    Dernière question. Que vous inspire la Charte des Fils de France ?

    Beaucoup de sympathie, bien entendu. L’association Fils de France cherche à développer l’amour de la France chez nos concitoyens musulmans sans leur demander de renier leurs croyances, ni faire payer leur nécessaire adhésion à la « maison » commune de l’oubli de leurs racines particulières. C’est un vaste programme, aurait dit le Général ! Il ne sera pas facile à réaliser. Qui ne voit aujourd’hui les obstacles de toutes sortes qui peuvent empêcher d’y parvenir ? Camel Bechikh, le président de l’Association, ne manque pas en tout cas de courage, puisqu’il n’hésite pas à prôner l’arrêt des « vagues migratoires », tout en affirmant que « connaître la France, c’est l’aimer ». Je vois déjà les critiques dont il ne manquera pas d’être l’objet, tant de la part de certains chrétiens que de la part de certains musulmans. Je lui apporte, quant à moi, mon fraternel salut.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Daoud Ertegun (12 juillet 2012)

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  • Géographie sociale et fractures françaises...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte du géographe et sociologue Christophe Guilluy, publié par Le Nouvel Economiste et extrait de son livre Fractures françaises (Bourin, 2010).

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    Boboïsation d'un quartier populaire

     

    «Fractures françaises»

    La transformation des anciens quartiers populaires en quartiers bourgeois et l’appropriation d’un parc de logements historiquement destinés aux couches populaires par des catégories supérieures ne suscitent aucun émoi particulier. Alors que les discours incantatoires sur le manque de logements sociaux n’ont jamais été aussi présents, rares sont les politiques qui s’émeuvent aujourd’hui de la conquête par une petite bourgeoisie du parc privé “social de fait” des grandes villes.

    Ce silence est d’autant plus étourdissant que c’est ce parc privé, et non le parc social, qui, jusqu’à aujourd’hui, a toujours répondu majoritairement aux besoins des couches populaires, et l’ampleur de cette perte ne sera que très partiellement compensée par la construction sociale.

    Le changement de destination d’un parc de logements occupés depuis deux siècles par des catégories modestes est d’autant moins dénoncé qu’il bénéficie aux catégories supérieures et aux prescripteurs d’opinions. On arrive ainsi à une situation ubuesque où ces catégories moyennes et supérieures, celles qui participent le plus à l’éviction des catégories populaires et à l’appropriation de leurs logements, sont aussi celles qui plébiscitent le plus la mixité dans la ville et qui soulignent la nécessité de construire des logements sociaux.

    En réalité, et au-delà des discours grandiloquents, ce sont des logiques foncières et patrimoniales qui déterminent les dynamiques à l’œuvre. Ainsi, si les espaces publics dans les grandes villes ont donné lieu à un partage savant qui permet de maintenir le décorum ouvriériste ou ethnique, les commerces ethniques et les hard-discounters côtoient désormais les bistrots-bobos et les supérettes bio. En revanche, la répartition du patrimoine immobilier ne fait l’objet d’aucune “négociation” de la part des couches supérieures. On accepte à la rigueur le maintien d’un parc social marginal (surtout s’il est destiné aux petites classes moyennes), mais pas le maintien dans le parc privé des catégories populaires. Dans ces quartiers, les bobos sont en train de se constituer un patrimoine d’une très grande valeur en acquérant de grandes surfaces industrielles, artisanales ou en réunissant de petits appartements. Les services des impôts ont ainsi enregistré une explosion des ménages payant l’ISF dans tous les quartiers populaires des grandes villes et notamment à Paris.

    Pour se maintenir dans les grandes métropoles, les catégories modestes n’ont qu’une solution : intégrer le parc de logements sociaux. Hier, très majoritairement locataires dans le parc privé ou propriétaires, les catégories populaires sont dorénavant de plus en plus locataires dans le parc social. De la même manière, alors que la part des propriétaires occupants n’a cessé d’augmenter dans les grandes zones urbaines, celle des propriétaires occupants modestes baisse. Ce basculement du statut d’occupation est un indicateur culturel de la place qu’on accorde aux catégories populaires dans les grandes agglomérations.

    L’embourgeoisement des grandes villes entraîne ainsi une socialisation du statut d’occupation des couches populaires. Cette dépendance croissante vis-à-vis de l’Etat est une caractéristique des couches populaires résidant dans les grandes métropoles embourgeoisées. Elle est d’autant plus grande que, par ailleurs, la part des revenus sociaux a fortement augmenté pour ces populations qui éprouvent de grandes difficultés à s’intégrer à un marché de l’emploi très qualifié. L’évolution de leur statut souligne la marginalisation et la précarisation dont elles font désormais l’objet dans les grandes villes. La différence avec les catégories ouvrières de la ville industrielle est considérable. Intégrées économiquement et politiquement, les catégories populaires étaient hier moins dépendantes de l’Etat.

    Le processus d’embourgeoisement des métropoles risque de s’accentuer par le double effet d’une spécialisation du marché de l’emploi mais aussi de l’influence croissante d’un pouvoir “vert”, qui tend à améliorer la qualité de vie dans les grandes villes en les rendant de plus en plus attractives. L’intérêt des catégories supérieures pour l’achat d’appartements en ville, au détriment des zones périurbaines ou rurales, n’a jamais été aussi élevé.

    L’émergence de la ville mondialisée
    Le mouvement de recomposition sociale des métropoles ne se résume pourtant pas à un simple processus d’embourgeoisement. Il s’accompagne aussi d’un renouvellement des couches populaires grâce à l’arrivée de populations issues de l’immigration. La sociologie traditionnelle héritée de l’ère industrielle s’efface peu à peu pour laisser la place à une sociologie issue du développement métropolitain et de la mondialisation. Ce double mouvement de gentrification et d’immigration participe à un processus de substitution de population complexe, où les couches populaires traditionnelles, ouvriers et employés, sont remplacées par des couches moyennes et supérieures et par des couches populaires immigrées.

    Il apparaît ainsi que la spécialisation du marché du travail des grandes villes vers des emplois très qualifiés, qui a contribué à l’éviction des catégories populaires traditionnelles, ne représente pas un frein à l’arrivée des couches populaires immigrées. Le passage d’une immigration de travail à une immigration familiale a orienté les nouveaux flux migratoires vers les territoires qui concentraient déjà des populations immigrées. L’importance du parc de logements sociaux et de logements privés dégradés a rendu possible l’accueil et le maintien de ces nouvelles couches populaires dans des métropoles où le prix des loyers et des logements avait explosé.

    L’arrivée de ces nouvelles couches populaires, souvent peu ou pas qualifiées, sur un marché de l’emploi très qualifié explique l’importance des difficultés sociales de certains de ces quartiers. La déconnexion au marché de l’emploi métropolitain masque une autre réalité, celle de l’exploitation de ces populations précaires. La main-d’œuvre immigrée, parfois illégale, et mal rémunérée répond fort bien aux besoins de certains secteurs économiques.

    Si l’immigration présente un intérêt certain pour le patronat (dumping social, pression à la baisse des salaires, affaissement de la protection sociale), en revanche, on ne souligne pas assez un autre aspect de cette nouvelle exploitation, qui permet d’offrir un train de vie “bourgeois” aux nouvelles couches supérieures sans en payer véritablement le prix. La nounou et la femme de ménage immigrées, et parfois sans papiers, ne ponctionnent que marginalement le budget des cadres. De la même manière, c’est bien grâce à l’exploitation en cuisine des immigrés que le bobo peut continuer à fréquenter assidûment les restaurants pour une note assez modique. Produit de la mondialisation libérale, la ville prospère non seulement sur un marché de l’emploi très qualifié et bien rémunéré, mais aussi sur un marché de l’emploi précaire caractérisé par une forte pression sur les coûts salariaux. Perceptible dans toutes les métropoles, le remplacement des couches populaires traditionnelles, protégées et structurées politiquement, par des couches populaires immigrées sans poids politique s’inscrit dans une logique économique qui favorise une recomposition sociale basée sur les extrêmes de l’éventail social : couches supérieures et intellectuelles d’un côté, catégories populaires immigrées de l’autre.

    Le problème est que la majorité des prescripteurs d’opinions et des responsables politiques, qui le plus souvent vivent dans ces grandes villes, confondent cette “sociologie métropolitaine” avec la sociologie française dans son ensemble. Ceci explique la facilité avec laquelle la représentation d’une société divisée entre des couches supérieures (le plus souvent “blanches”) et des couches populaires précarisées issues des minorités s’est imposée de gauche à droite.

    Une nouvelle sociologie de la jeunesse
    La nouvelle sociologie des villes a également donné naissance à une nouvelle jeunesse, une jeunesse particulièrement inégalitaire. Les quartiers où la transformation sociale a été portée par un double mouvement d’embourgeoisement et d’immigration ont ainsi vu apparaître une jeunesse issue de l’immigration et une jeunesse issue de la gentrification.

    Cette sociologie inégalitaire de la jeunesse est à l’origine de l’accentuation des écarts socioculturels constatés dans certains collèges des grandes villes. Dans tous les quartiers populaires qui s’embourgeoisent, on assiste à une augmentation concomitante du nombre d’enfants de cadres et d’enfants issus de l’immigration, notamment dans les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements parisiens. Cette situation inédite revêt par ailleurs une dimension “ethnoculturelle”. Une partie de la jeunesse “petite bourgeoise”, le plus souvent blanche, “côtoie” ainsi une jeunesse populaire issue des “minorités visibles”. Ce “contact”, ou plutôt cette coexistence, entre les extrêmes de l’éventail social et culturel est souvent source de tensions et parfois de violences. Certaines manifestations ou rassemblements de jeunes et d’étudiants, comme les manifestations lycéennes de février et mars 2005, ont ainsi dégénéré en violences “anti-Blancs 78”. La cohabitation entre une jeunesse issue de l’immigration et une jeunesse issue de la gentrification, distinction dont on parle peu, est pourtant devenue un enjeu considérable dans des villes de plus en plus inégalitaires.

    Une société sur le chemin d’un modèle communautaire
    Le modèle métropolitain est plébiscité par les élites et plus largement par les catégories qui bénéficient le plus de la mondialisation. Modèle économique, il dessine aussi les contours d’un nouveau modèle d’organisation sociale. Dans ce système, les inégalités sociales laissent la place aux inégalités ethnoculturelles au plus grand bénéfice des classes dominantes. Mieux encore, il apparaît que des populations a priori en conflits d’intérêts, couches supérieures et couches populaires immigrées, adhèrent dans une même euphorie au processus d’intégration à l’économie-monde et aux valeurs d’une société multiculturelle “déterritorialisée”. Comment expliquer ce paradoxe ?

    Jamais la “bourgeoisie” ou la “petite bourgeoisie” n’a vécu dans des espaces aussi inégalitaires. Cette accentuation des inégalités au cœur des lieux de pouvoir n’a pourtant débouché sur aucun conflit social majeur. Si les violences urbaines et les émeutes sont récurrentes, elles ne traduisent nullement une contestation radicale du système et restent donc inoffensives. L’économie de marché et l’idéologie libérale ne souffrent d’aucune remise en cause dans les quartiers dits sensibles. D’ailleurs, les émeutes n’ont jamais débouché sur la moindre conquête d’acquis sociaux mais sur des relances de la politique de la ville centrée sur la discrimination positive.

    Laboratoire sociologique et idéologique, les grandes métropoles montrent leur capacité à gérer une société de plus en plus inégalitaire en substituant la question ethnoculturelle à la question sociale. Cette opération vise à désamorcer par avance tout conflit de classes, potentiellement très coûteux. Paradoxalement, dans ce système, les inégalités socioculturelles favorisent la cohabitation. Les différences de classes entre couches populaires immigrées et catégories supérieures disparaissent, tandis que les différences culturelles sont valorisées. La diversité culturelle des grandes métropoles participe ainsi à un efficace brouillage de classe qui permet aux couches supérieures urbaines de maintenir leur domination.

    On comprend dans ce contexte l’attachement de plus en plus marqué des classes dominantes des pays développés à une diversité qui rend acceptables les inégalités en faisant disparaître toute concurrence. La lutte des classes pour l’égalité sociale laisse ainsi la place à un combat pour la diversité et à une légitimisation de l’inégalité. Ne doutons pas d’ailleurs que les minorités visibles puissent obtenir rapidement une meilleure représentation, notamment politique, c’est le prix, relativement modique, de la continuité du système. On comprend donc que, dans les métropoles, l’immigration soit majoritairement perçue comme un processus positif. Elle empêche toute résurgence du conflit de classes, assure la pérennité d’un système de plus en plus inégalitaire socialement pour un coût relativement modeste en comparaison des bénéfices tirés de la mondialisation économique.

    Débarrassé d’une “question sociale”, aujourd’hui délocalisée dans les espaces périurbains et ruraux où se concentrent désormais la majorité des ouvriers et des employés, le champ politique des métropoles s’avère particulièrement apaisé. Les débats politiques se focalisent sur les sujets de société où les socialistes et les Verts excellent. Des majorités vertes et roses se sont ainsi constituées dans la plupart des grandes métropoles et confirment le choix d’une “gestion sociétale” de la ville inégalitaire.

    Dans ce système, les rapports entre dominants et dominés ne se déployant désormais plus que sur un registre sociétal, les nouvelles couches populaires ne peuvent plus jouer que sur la victimisation et la mauvaise conscience des couches supérieures pour influencer le jeu politique. Les politiques publiques en direction des couches populaires (politique de la ville) ou plus largement les mesures de discrimination positive ne sont pas le fruit d’une négociation sociale mais d’abord celui d’un compromis sociétal sur une base ethnoculturelle.

    On peut d’ailleurs se demander si aujourd’hui les métropoles ne sont pas le laboratoire d’un “communautarisme à la française”. Car si le renforcement des flux migratoires et les concentrations ethnoculturelles favorisent un communautarisme de fait, il convient de s’interroger sur une “gestion de plus en plus communautaire” des politiques municipales. Si cette dérive s’explique par la sociologie particulière des métropoles, elle est aussi favorisée par une nouvelle bourgeoisie dont les idéaux l’éloignent de l’égalitarisme républicain.

    La mobilité est l’une des caractéristiques des habitants des métropoles. Dans la logique de la mondialisation libérale, les individus doivent être mobiles, nomades. La positivité des concepts de “villes en mouvement”, de “mondialisation des échanges”, de “mobilité” permet de légitimer la recomposition sociale, c’est-à-dire l’embourgeoisement des villes et la relégation des couches populaires. La “mobilité” et le “nomadisme” ne décrivent plus seulement des déplacements dans l’espace, mais représentent des valeurs positives indépassables. Il apparaît ainsi que, pour les élites, le “world way of life” passe par une mobilité permanente des personnes.

    Dans ce contexte, l’immigration devient peu à peu la norme. Peu importe que le fait migratoire ne concerne en réalité qu’à peine 3 % de la population mondiale, la mobilité des personnes apparaît désormais comme un horizon indépassable. L’immigration sera ainsi perçue comme un progrès, jamais comme un arrachement.
    Dans les métropoles, cette idéologie, qui confère au “bougisme”, est d’autant plus forte que la mobilité caractérise l’ensemble de l’éventail social, des couches supérieures aux couches populaires immigrées. La sociologie des métropoles est aussi une sociologie de la mobilité. Cette dernière constitue une part de l’identité des habitants des grandes villes et sous-tend un rapport particulier au territoire et à la Nation. Cette “déterritorialisation”, qui se confond parfois avec une “dénationalisation”, explique que les métropoles mondialisées soient les territoires qui plébiscitent le plus la gouvernance européenne en attendant la gouvernance mondiale.

    Christophe Guilluy (Le Nouvel Economiste, 26 juin 2012)

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  • Réfléchir un peu...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dominique Venner, cueilli sur son site et consacré à l'analyse du mouvement de fond identitaire que semble révéler les élections de ces deux derniers mois...

     

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    Lendemains d'élection - Réfléchir un peu

    Il n’est pas dans mes habitudes de commenter des élections. Celles qui se sont déroulées en France depuis la présidentielle de mai 2012 présentent cependant une vraie nouveauté. On peut définir celle-ci comme la manifestation d’une conscience accrue du problème n°1 de notre temps : le « remplacement » des populations de souche par l’immigration de masse arabo-musulmane. Les images des drapeaux africains et maghrébins agités place de la Bastille le soir du 6 mai 2012 pour saluer la victoire du candidat socialiste, ont rappelé les images, dix ans auparavant, de la réélection de Chirac après son duel inégal avec un Le Pen diabolisé comme jamais.

    Les conditions sont toutefois très différentes. La personnalité moderne et « apaisante » de Marine Le Pen n’a pas favorisé la même mobilisation contre son mouvement après son score très honorable de 17,9 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle du 10 juin. Avec 6,4 millions de voix lors de ce scrutin, le FN se pose comme le troisième parti de France. Une loi électorale cousue sur mesure pour maintenir les oligarchies en place interdit une nouvelle fois que les 6,4 millions d’électeurs du FN soient représentés à l’Assemblée nationale, sinon par deux élus, contre des centaines pour les partis oligarchistes : UMP et socialistes (associés au Front d’extrême gauche).

    Ce qui se passe en France n’est pas spécifique à ce pays. C’est un phénomène européen. Cependant, comme je l’ai déjà souligné, les mouvements identitaires européens sont victime d’une « maladie infantile » que je qualifie de chauvine. Agissant en ordre dispersé, sans liens ni concertation, ils sont pour le moment incapables d’imaginer des initiatives face à un adversaire commun. Cela ne signifie par qu’il en sera toujours ainsi. Dans tous les mouvements concernés, les militants les plus réfléchis songent à la nécessité de convergences. Partout en Europe des partis analogues au FN, rejetant le racisme et l’antisémitisme, font de la préservation de l’identité des peuples européens leur raison d’être. Citons entre autres le Parti du peuple danois, le Parti de la liberté néerlandais, le FPÖ et le BSÖ autrichiens, les Vrais Finlandais, Le Parti du progrès norvégien, le Vlaams Belang flamand, l’English Defense League, le Fidesz au pouvoir en Hongrie, Droit et Justice en Pologne, Ataka en Bulgarie, la Ligue du Nord en Italie, les Démocrates en Suède ou l’Union démocratique (UDC) du centre en Suisse. Tous ces partis dépassent 5 % des voix et atteignent parfois 25 % ou plus, en dépit de l’hostilité active des médias qui constituent le « clergé séculier » du Marché, relayé par son « clergé régulier » (prof des universités et des écoles), sans compter le vieux clergé des Eglises traditionnelles chargé d’apporter la dimension compassionnelle et paralysante qui est sa spécialité.

    Dans Le Monde du 14 juin 2012, pages Débats, une politologue (Virginie Martin) et un sociologue (Pierre Lénel), après avoir noté l’étonnante permanence du votre FN, malgré son exclusion électorale, en tiraient une conclusion pertinente qui doit être relevée. Ces deux chercheurs estiment en effet qu’il faut réviser l’interprétation habituelle du vote FN comme simplement « protestataire ». Sa permanence dans le temps exige plutôt d’y voir un véritable « vote d’adhésion ». Adhésion à quoi ?

    Usant d’un vocabulaire prudent, les deux chercheurs proposent de rechercher un dénominateur commun à tous ceux (nantis ou démunis, jeunes ou plus âgés, urbains ou ruraux, qui ont accordés leurs suffrages à Marine Le Pen à l’élection présidentielle du 10 juin. Ce dénominateur commun c’est, disent-ils, un « trouble civilisationnel », expression juste et modérée.

    « Ce trouble, écrivent-ils dans leur jargon, met en avant une lecture du monde qui révèle une hostilité au pluralisme culturel sur le plan intérieur et le refus du multiculturalisme sur le plan international ». En clair, il révèle une forte inquiétude identitaire, face à des menaces toujours plus évidentes.

    Les deux chercheurs poursuivent en estimant que le « trouble » se cristallise plus particulièrement autour de quatre points. « La nationalité en constitue le premier marqueur : les Français d’origine immigrée ne sont pas vus comme « légitimes », leur nationalité serait usurpée. Cette illégitimité vient s’appuyer sur la question culturelle et bien souvent cultuelle (islam). C’est le deuxième élément : une relation négative s’instaure entre signes de métissage et identité française. « Nous » s’oppose à « eux », la différence trouve là son expression la plus criante : « eux » ont une autre histoire que celle qui « nous » constituerait de tout temps. »

    Ce trouble, ajoutent les auteurs, est un élément nouveau par rapport à leurs enquêtes de la fin des années 1990. Il est relié, disent-ils, aux événements de la scène internationale : le monde arabo-musulman apparaît désormais comme dangereux… « Et c’est bien souvent à cette question que la question sécuritaire est réinterprétée… Tous ces éléments se confondent dans la figure de l’immigré, présence ici de cet ailleurs arabo-musulman qui apparaît comme diabolique ».

    « Enfin, poursuivent les deux chercheurs, l’élément le plus prégnant est celui du sentiment d’un rapport de forces devenu défavorable entre les Français d’origine maghrébine et les Français « de souche » : l’idée d’un effet de nombre produit un sentiment de colonisation inversé ».

    Rarement les faits ont été observés avec autant de pertinence dans cet organe central de l’oligarchie mondialiste qu’est Le Monde. Au passage, on ne peut négliger un fait anecdotique et cependant gros de symbole : l’un des deux élus du FN à ce deuxième tour du 17 juin 2012 est la propre petite-fille du fondateur, la toute jeune Marion Maréchal-Le Pen, 22 ans, qui a conquis le siège de Carpentras (Vaucluse), ville qui avait été le prétexte d’une opération géante de diabolisation du FN en 1990 par l’instrumentalisation d’un fait divers : la profanation d’une tombe par des loubards (sans lien avec le FN) dans le cimetière juif de la ville. La plus jeune députée de toute l’histoire de la Ve République accorde aux siens une revanche inattendue.

    Sans doute peut-on penser que la conscience identitaire est lente à s’éveiller. Mais il faut se souvenir de quel chaos historique et intellectuel elle a surgi, sans compter les obstacles immenses qui lui sont opposés. C’est donc son affirmation qui surprend et non une ampleur jugée encore insuffisante.

    Dominique Venner (Site de Dominique Venner, 19 juin 2012)

     

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  • Le vol du bourdon...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré aux débuts de la présidence Hollande...

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    Le retour de la gauche : le vol du bourdon

    Aux législatives de juin, la gauche devrait obtenir, selon les sondages actuels, moins de voix que la droite mais elle gagnerait pourtant la majorité de l’Assemblée nationale : cela grâce à la désunion suicidaire de la droite.

    La gauche va donc bientôt cumuler tous les pouvoirs, mais on voit bien que le cœur n’y est pas. Car nous ne sommes plus en 1981.

    Pas d’état de grâce

    Le sondage Harris Interactive du 16 au 18 mai 2012 (soit après l’annonce de la composition du nouveau gouvernement) montre que si F. Hollande jouit pour le moment d’une opinion favorable (54% déclarent lui faire confiance), il est loin d’atteindre les scores de ses prédécesseurs. Le sondage TNS Sofres/Sopra group/ Figaro Magazine des 25 et 26 mai 2012 (leFigaro.fr du 31 mai 2012) donne des résultats voisins (55% d’opinions favorables). Mais Mitterrand en 1981 atteignait 74% d’opinions favorables et Sarkozy 63% en 2007. En d’autres termes, F. Hollande ne bénéficie pas d’un véritable état de grâce. Ces sondages ne doivent pas surprendre : ils reflètent en effet une réalité politique simple : F. Hollande n’a pas été élu à la majorité des votants (seulement 48,6% des votants).

    Certes, les sondages montrent aussi qu’une majorité de personnes interrogées ne veulent pas d’une nouvelle cohabitation, qui signifierait un nouvel immobilisme, ce qui laisse présager une majorité socialiste aux élections législatives. Mais cela ne signifie pas que le programme socialiste soit « majoritaire » pour autant.

    Un mauvais goût de déjà vu

    En 1981, la gauche avait la satisfaction de parvenir enfin seule au pouvoir, une première depuis la Libération. Elle était en outre bardée des certitudes du Programme commun et promettait la « rupture ». Aujourd’hui, la victoire de la gauche a un mauvais goût de déjà vu et dans les beaux quartiers on ne croit plus que les chars russes vont bientôt déferler sur les Champs-Elysées.

    En 1981, des fonctionnaires avaient quitté leurs fonctions pour ne pas collaborer avec le nouveau pouvoir socialo-communiste. Aujourd’hui, personne ne l’a fait. La gauche a repris l’Etat comme si de rien n’était, car elle fait partie des meubles désormais.

    Ce n’est pas la normalité qui triomphe, c’est la morosité

    Ce n’est pas la « normalité » qui triomphe mais la morosité qui est générale. Il n’y a que les Français de papier pour agiter des drapeaux – étrangers – de la liesse « populaire ».

    Car si la droite est une fois de plus dans les choux, la gauche aborde 2012 avec un logiciel idéologique dépassé. Mais elle donne le sentiment d’en avoir vaguement conscience, au surplus.Cela ajoute au malaise, et explique sans doute le visage crispé et triste du nouveau président, qui se demande sans doute comment il va « appliquer son programme » de changement après les élections. Mais pour changer quoi, au juste ?

    Un logiciel économique dépassé

    Par exemple F. Hollande a demandé à la Cour des comptes un audit des finances publiques… comme en 1981. Mais F. Hollande semble ignorer que depuis 2006 les comptes de l’Etat sont tenus en comptabilité générale et certifiés : on mesure exactement ses engagements. On connaît avec précision l’ampleur de la dette et des déficits publics. L’audit ne sert à rien, sauf à faire de la communication sur « l’héritage » de Sarkozy ; et aussi à semer l’inquiétude sur la situation de la France.

    Car la gauche française, qui promet de maîtriser les déficits en retrouvant la croissance, ne sait pas – et n’a jamais su – réduire les dépenses publiques. Dans le meilleur des cas elle gagera laborieusement d’un côté le surplus de dépenses qu’elle a promis de faire de l’autre. Son truc c’est, au contraire, toujours d’augmenter les impôts, bien sûr au nom de la « justice sociale », en fait de l’égalitarisme. C’est bien plus facile à réaliser avec une majorité godillot qui vient d’être élue ; et c’est bien plus porteur que de mécontenter les différentes clientèles qui bénéficient des largesses publiques, en particulier dans les « banlieues » qui ont voté pour la gauche.

    Bien sûr, la gauche prétend que les dépenses publiques vont stimuler la croissance tant attendue et réduire le chômage. Tous les socialistes européens le croient depuis 1848. Les Français espèrent aussi profiter d’un relâchement des disciplines budgétaires avec l’affaiblissement politique de Mme Merkel.

    Nous ne sommes plus au temps de Blum, de Keynes ni de Mitterrand

    Mais, à la différence de 1936 ou de 1981, nous vivons dans une économie désormais ouverte, sous la surveillance constante des opérateurs financiers. Tout relâchement des efforts budgétaires est interprété en temps réel et provoque la défiance des marchés et se répercute sur la valeur de la monnaie. A peine le gouvernement a-t-il annoncé un relèvement du SMIC que les avertissements de Bruxelles pleuvent sur lui. Un premier avertissement sans frais, avant celui des marchés. Et la croissance se développe en Asie, pas dans la vieille Europe vieillissante et désindustrialisée. Les dépenses publiques n’y changeront rien. Pour retrouver la croissance, il faudrait changer de système. Mais la gauche, ralliée au libre-échangisme, en est incapable.

    Le salut par les partenaires sociaux ?

    L’autre solution miracle de la gauche consiste à en appeler aux « partenaires sociaux » : Grenelle, le retour IV !

    Mais c’est un mauvais remake car les syndicats sont aujourd’hui encore moins crédibles qu’hier. Et les apparatchiks syndicaux, qui arrivent à Matignon dans leurs belles voitures de fonction, déballent déjà leur cortège de revendications catégorielles, toutes moins finançables les unes que les autres.

    Si M. Hollande s’en tient à son programme nous aurons donc plus d’impôts, plus de déficits et plus de chômage financé sur fonds publics. Cela ne sera pas vraiment le « changement » pour la classe moyenne ! S’il change de programme, il devra affronter la grogne des camarades syndiqués. Bonjour tristesse !

    Jules Ferry le retour

    Dépassé aussi le logiciel pédagogique de la gauche : on appelle encore les mânes de Marie Curie et Jules Ferry à la rescousse, comme au bon vieux temps de la communale !

    Cela doit sans doute réjouir les vieux militants, mais manifestement d’aucuns n’ont pas vu le terrifiant film Entre les murs, de Laurent Cantet, ou La Journée de la jupe… Car aujourd’hui Marie Curie se ferait violer et Jules Ferry serait traité de céfran raciste par les « jeunes », en classe.

    Mais on va recruter de nouveaux « enseignants », revoir l’autonomie des universités (pour leur donner plus de moyens, on suppose) et augmenter l’allocation de rentrée scolaire, comme si de rien n’était. Tout ira certainement pour le mieux dans le Tonneau des danaïdes pédagogiques…

    Le retour des bisounours

    Dépassé aussi le logiciel sécuritaire de la gauche : on va créer des zones de sécurité prioritaires (avec le succès des ZEP, sans doute…) et, bien sûr, revenir sur la justice des mineurs, jugée trop répressive. La première sortie officielle de Mme Taubira a malheureusement permis à un détenu de prendre la fuite (Le Monde du 23 mai 2012). Tout un programme.

    Que dire aussi de la façon dont la gauche approche le défi de l’immigration ?

    Le vol du bourdon

    Comme un bourdon pris au piège, la gauche se cogne aux fenêtres de la réalité, avant même d’avoir commencé à agir. A peine installés, les jeunes ministres socialistes nous paraissent déjà prématurément vieillis. On a l’impression qu’ils sont là depuis dix ans. Mais c’est sans doute parce qu’ils y étaient sous un autre nom.

    Bien sûr, la gauche saura se donner du mouvement, au début, pour faire croire au « changement » : un peu de droits des femmes par ci, un peu de réduction des rémunérations par là, un peu de taxe sur les « riches » aussi, et un zeste de droit de vote des immigrés pour pimenter la sauce médiatique. Mais, pour les vrais miracles, il va falloir attendre un peu plus longtemps !

    A peine élu, F. Hollande s’est précipité à Berlin et à Washington. Tout un symbole : le bourdon triste au pays des abeilles. Car c’est là, et non à Paris, que se prennent les vraies décisions de nos jours. Mais en se rendant en Allemagne son avion a été foudroyé. Comment les anciens Grecs auraient-ils interprété ce signe des dieux ?

    Michel Geoffroy (Polémia, 31 mai 2012)

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