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identité - Page 21

  • La raison du plus fort...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Lauri Volpi, cueilli dans la nouvelle lettre d'information Centurie News et consacré, en s'appuyant sur l'exemple corse, à la nécessaire résistance identitaire face à l'immigration de masse...

     

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    La raison du plus fort

     

    Après avoir laissé se constituer un bidonville de plus de 12 000 migrants aux abords de Calais, l’Etat a décidé d’agir à l’approche des élections.  Près de 12 000 personnes seront donc ventilées dans toutes les régions françaises. Toutes ? Non, pas en Corse. Le gouvernement ne s’y risquera pas pour éviter de nouveaux incidents, qu’il ne craint visiblement pas dans d’autres parties du territoire. Peut-être n’est-il pas inutile d’évoquer les ressorts de la spécificité corse pour mieux comprendre sa capacité de résilience à la politique de population du gouvernement français et de l’UE. 

     

    La Corse n’a pas d’Etat propre. C’est un peuple et une terre. Une île belle et rude sur laquelle se maintient une population aux caractéristiques génétiquement stables depuis presque 20 000 ans (lire CenturieNews N°1). Comme d’autres peuples restés sans Etat pendant des siècles (Kurdes et autres), les Corses assurent encore au niveau local les fonctions qui permettent de maintenir une harmonie fondée sur des normes communes. Edward Goldsmith, pour évoquer cette capacité des communautés à maintenir leur cohésion, évoquait le « contrôle social par le potin méchant ». Comme d'autres peuples, les Corses maintiennent eux-mêmes des règles et coutumes qui ne dépendent pas de lois ou des institutions, échappant encore un peu aux capacités d’influence des médias de masse. C’est bien cette particularité de fonctionnement qui leur a permis de maintenir une personnalité collective propre. C’est la raison pour laquelle, les petits ayatollahs de banlieues se heurtent là-bas à des réactions spontanées.

     

    En effet, les Corses ne se demandent pas s'il est légal, ou conforme à la morale médiatique de réagir à ce qui heurte leurs réflexes territoriaux, leurs coutumes ou leur sens de la justice. Les Corses réagissent encore parce qu’ils n’ont pas laissé à un Etat le soin de réglementer ou baliser leur vie quotidienne. Et ce, bien avant que cet Etat ne confie cette tâche à encore plus éloigné et plus malfaisant que lui ; l’Union Européenne et les transnationales.  « In terra chè tù vai, fà usu chè tù trovi ». (Lorsque tu arrives dans une autre terre, conforme-toi aux usages que tu y trouves). Voilà ce que savent les Corses et tous les peuples qui n’ont pas perdu la tête.

     

    De plus, malgré le passif « anti-impérialiste » des têtes de gondoles politiques du «nationalisme Corse», mécaniquement pro-immigration par archaïsme, reliquat d’un temps où les revendications ethniques étaient réinterprétées en vue de la lutte de classe, ceux-ci, à l’instar d’un Jean-Guy Talamoni ou d’un Gilles Simeoni, ont dû faire profil bas devant la pression populaire, lors des rixes de Sisco.

     

    Alors, les événements de Sisco de cet été sont-ils les signes de tensions  intercommunautaires susceptibles de déboucher tôt ou tard sur une guerre civile ? C’est malheureusement probable et voici pourquoi.

     

    Sous l’effet des inévitables souffrances provoquées par l’histoire (crise économique, guerres, désordres sociaux graves, épidémies etc.) les communautés humaines cherchent instinctivement à reformer leur cohésion interne pour réagir et s’adapter. A l’instar des rassemblements de masse après les attentats, à l’image d’un Renaud en cure, étreignant un « flic » dans une manif « Je suis Charlie ».

     

    Or il existe trois façons de maintenir l’unité d’un groupe humain. La première est d’intégrer ses parties à un principe unitaire surplombant. L’idée nationale a joué ce rôle dans le passé. On ne voit guère poindre de principe supérieur, susceptible de rassembler un pays déchiré comme la France et les incantations aux valeurs de la République n’y pourront plus grand-chose. La deuxième, est d’assimiler les populations  en imposant à tous, non seulement des règles, mais aussi une culture et une langue commune, pour fondre ces différences dans un moule unique. C’est d’ailleurs le point de vue  défendu par le journaliste Eric Zemmour et aussi celle du Front National de Marine Le Pen et Florian Philippot. Il suffit pourtant d’un instant pour mesurer à quel point ce projet politique n’est pas tenable. Car enfin, quel Etat  - au surplus renouvelable tous les cinq ans - aura la force d’appliquer une politique suffisamment vigoureuse pour réduire les gouffres de sensibilités, de cultures, de valeurs, de coutumes, créés par l'immigration de masse extra-européenne ? Il ne faut pas être grand-prêtre pour deviner quelles tempêtes déchaineraient une telle politique au regard des difficultés à surmonter. Elle déboucherait probablement sur l'option suivante.

     

    Car la dernière option pour reformer l’unité des communautés humaines dans l’histoire est celle de l’exclusion des corps étrangers inassimilables. Ce processus s’impose toujours quand les deux autres ont échoué. Et si l’Etat n’engage pas lui-même cette mise à distance des populations qui restent étrangères, par l’expulsion ou la partition, la guerre civile survient, comme le déclenchement intempestif d’un processus d’exclusion réciproque. Les politiques s’effacent alors pour laisser la place aux nervis.

     

    Pour l’instant,  les élites cherchent la réduction des antagonismes fabriqués par le multiculturalisme et l’immigration de masse en affaiblissant la culture et les normes de la population autochtone et temporairement encore, majoritaire. A la manœuvre, la sainte alliance des utopistes de gauche et de la finance transnationale apparaît évidente. Le milliardaire George Soros,  finançant simultanément les Femens (ultra-féministes) et le CCIF (communautaristes musulmans), est emblématique de cette convergence d’intérêts. Cette stratégie fonctionne mais provoque une montée de la colère de la population contre les institutions et le personnel politique, mais aussi contre les populations soutenues préférentiellement et systématiquement par le complexe médiatico-politique.

     

    On a vu pourquoi les Corses résistaient mieux que d’autres au reformatage civilisationnel. Voilà pourquoi il est probable que la Corse, ou une population qui a échappé au rouleau compresseur jacobin, sera le lieu où les premières étincelles se produiront. On pourra encore quelques temps ignorer les leçons de l’histoire. Mais sur les terres insoumises, les feux se propagent vite et deviennent rapidement incontrôlables et violents. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a soigneusement oublié la Corse, dans son projet de ventilation du bidonville de Calais.

     

    Lauri Volpi ( Centurie News n°2, 15 septembre 2016 )

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  • Des féministes islamistes ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue Javier Portella, cueilli sur Eurolibertés, le site de la réinformation européenne, et consacré au soutien apporté par une partie de la mouvance féministe aux femmes souhaitant revêtir le burkini sur les plages françaises...

    Javier Portella est l'auteur d'un essai remarquable intitulé Les esclaves heureux de la liberté (David Reinarch, 2012).

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    Manifestation féministe à Londres le 25 août 2016

     

    Les féministes islamistes

    Voilà donc que toute la grande lutte pour que la femme soit libérée de « l’assujettissement patriarcal », tout le combat pour que sa dignité soit affirmée face à « la mainmise machiste », toute la défense enhardie d’une liberté sexuelle qui passe par exprimer sans bigoterie la splendeur du corps et de sa nudité, voilà donc que tout cela, prôné avec tant d’acharnement par féministes et gauchistes – avec tant de raison aussi, du moins au début –, ce n’était rien, c’était faux, c’était une tromperie. Car ces droits – on le voit maintenant – se trouvent soumis, à leurs yeux, à quelque chose d’autre, à quelque chose de supérieur, même si pour l’instant ils sont encore valables pour les femmes européennes. Mais pour elles seules, non pas pour les musulmanes, dont les symboles vestimentaires de l’oppression sont défendus par féministes et gauchistes, comme on le voit à l’occasion de la polémique développée autour des femmes recouvertes par des burkas de bain.

    Faisons un peu d’histoire. Tournons-nous quelques décennies en arrière et reconnaissons qu’il était plus que juste le combat entrepris chez nous pour l’égalité des droits des femmes (on pourrait d’ailleurs dire la même chose concernant l’homosexualité) ; un combat dont la gauche prit d’ailleurs les commandes face à une droite qui s’y opposa au début et se plaça à sa traîne par la suite.

    Il faut cependant reconnaître que la condition de la femme sur les terres européennes n’a jamais eu rien à voir avec le sort qui est le sien sur les terres de l’Islam, là où le degré de son autonomie est mesuré… au nombre de coups de fouet ou de pierres. Davantage, c’est dans la vision du monde qui, chez nous, est sous-tendue de la sorte, c’est là que se trouve l’une des composantes de la face noble, belle, de notre temps. Car celui-ci – c’est là notre drame – a deux faces on ne peut plus opposées : celle de notre grandeur potentielle et celle de notre misère factuelle, deux faces qui s’entrelacent d’une façon si insidieuse que tout ce qui façonne la première semble condamné à s’y opposer dans la seconde. C’est ainsi que l’égalité des droits entre les deux sexes a abouti à la haine hystérique qui suinte chez les féministes radicales d’aujourd’hui, tout comme cette même égalité a dégénéré – la « théorie du genre » est son nom – dans la dissolution de la différence sexuelle elle-même.

    Et pourtant, il était tout à fait nécessaire, ce combat. Il l’était – mais il ne l’est plus. Ce qu’il faut combattre aujourd’hui c’est justement la confusion de rôles, la dissolution d’identités. Le combat d’hier est terminé – et gagné. Mais seulement parmi nous : non pas dans le monde musulman, là où, à quelques honorables exceptions près, aucun combat n’a jamais été entamé.

    Or, c’est là leur problème – pas le nôtre. Rien ne peut ni ne doit être fait – oublions l’apostolat, même laïc – quand on refuse de mettre sur pied d’égalité les droits des hommes et des femmes, quand on ne supporte pas que la beauté de celles-ci soit montrée au grand jour. Il n’y aurait aucun sens à essayer de les convaincre du contraire. Nous n’avons pas non plus le droit de les contraindre à accepter ce qu’ils ont en horreur : nos mœurs, notre façon d’être, notre vision du monde. C’est regrettable pour ceux d’entre eux qui n’acceptent pas un tel ordre, mais nous n’avons pas le choix. Il faut laisser faire, il faut accepter que leurs compatriotes suivent leurs mœurs, qu’ils vivent selon leurs principes, qu’ils couvrent leurs femmes avec ces symboles – car c’est bien de symboles et non pas de simples vêtements qu’il s’agit – que sont les voiles, les burkas et les burkinis.

    Qu’ils les couvrent autant qu septembre ’ils veulent. Mais chez eux – pas chez nous.

    Ou dans la mesure où ils restent chez nous – dans cette maison commune qui s’appelle encore l’Europe et non pas l’Eurabie –, qu’ils fassent tout ce qui leur plaira, mais chez eux : dans leurs domiciles privés ou dans des espaces collectifs qui leur soient propres, réservés. Non pas dans notre espace public, non pas dans nos rues et sur nos plages, non pas là où la présence de tels symboles constitue un affront à ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes.

    Car nous sommes encore quelque chose, nous ne nous sommes pas encore tout à fait évanouis. Ceux qui, par contre, voudraient bien s’évanouir, n’être rien, ce sont nos gauchistes et nos féministes. D’une part, ils restent totalement muets face au sort des femmes musulmanes ; d’autre part, désirant l’arrivée du plus grand nombre possible de foules islamiques, souhaitant que notre identité se voit ainsi diluée dans le grand magma multiculturel (sainte naïveté ! Comme si ce n’étaient pas les plus endurants et entreprenants qui finiraient par écraser les grands mous que nous sommes devenus !), ils encouragent la présence dans nos rues et sur nos plages des symboles vestimentaires de la Soumission.

    Nos gauchistes et nos féministes… Non seulement eux, certes. Il faut leur joindre aussi, moyennant toutes les nuances que l’on voudra, les oligarques libéraux de nos gouvernements mondialistes et de l’Union improprement dite « européenne ».

    Pourquoi une telle claudication de la part des uns et des autres ?

    Parce que le pilier sur lequel leur monde repose n’est nullement l’intensité vitale, le grand élan de joie, de vie, de puissance, qui bat – qui devrait battre – sous les libertés, politiques et de mœurs, que notre temps a conquises. Des libertés qui ne sont rien – pis, qui dégénèrent en nihilisme – si elles ne reposent pas sur un principe supérieur, substantiel ; si elles ne s’enracinent pas dans la terre grasse d’une identité, d’une communauté de destin : celle de notre patrie européenne.

    Patrie ? Identité ? Communauté de destin ? Principe supérieur, substantiel, « sacré » ? Voilà qui les horrifie au plus haut point ! Voilà ce que nos élites, aussi bien politiques que culturelles, haïssent au plus profond d’elles-mêmes. Voilà ce qu’elles combattent de toutes leurs forces. Rien n’est sacré pour elles. Rien… sauf ce rien, ce néant auquel l’individu transformé en atome se voit réduit dans la société libérale des masses. Rien, sauf cet individu dont la seule essence consiste à faire ce qu’il veut, ce qui lui chante, ce dont il a envie. Seul le bon plaisir importe : celui d’aller à poil sur les plages ou d’y couvrir le corps avec une burka. Tout devient égal – également bon ou également mauvais. Tout se vaut… et quand tout se vaut, quand tout devient indifférent, rien ne vaut rien. Tout se vaut, pour nos élites… sauf une chose : revendiquer une patrie belle, noble, grande, enracinée dans notre passé, projetée vers notre avenir, assise sur des principes – ne se balançant pas sur le vide.

    Javier Portella (Eurolibertés, 9 septembre 2016)

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  • Quand les Français deviennent étrangers dans leur propre pays...

    A l'occasion de la sortie de son recueil de chroniques Un quinquennat pour rien aux éditions Albin Michel, Eric Zemmour répond sur RTL aux questions d'Yves Calvi et abordent la question sensible de l'islam...

     

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  • Burkini : derrière la laïcité, la nation...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté, cueilli sur le Figaro Vox et consacré à la polémique autour du burkini. Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et est déjà l'auteur de plusieurs essais. Il vient de publier Le multiculturalisme comme religion politique aux éditions du Cerf.

     

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    Burkini : derrière la laïcité, la nation

    Longtemps, devant la poussée de l'islamisme conquérant et la progression des mœurs qu'on lui associe, la France a cru que la laïcité était sa meilleure, et peut-être même sa seule ligne de défense. C'est en son nom que la France a cherché, sans trop y parvenir nécessairement, à contenir la progression du voile musulman, qui s'est d'abord présentée comme une revendication politique à l'école. Il fallait, disait-on, lutter contre les signes religieux ostentatoires et éviter le débordement des religions dans l'espace public mais on refusait plus souvent globalement de nommer l'islam, qui ne poserait pas de problèmes spécifiques. Tout comme la République avait remis le catholicisme à sa place en d'autres temps, elle se tournerait aujourd'hui vers l'islam. C'était le grand récit de la laïcité sûre d'elle-même.

    Au fil du temps, toutefois, on a constaté que la laïcité était moins efficace que prévu devant une religion qui n'était pas simplement un double du catholicisme - toutes les religions ne sont pas interchangeables, d'ailleurs. Les mauvais esprits notèrent que la laïcité se montra à l'endroit de l'islam bien plus clémente qu'elle ne l'avait jamais été envers le catholicisme. Surtout, on a constaté que la laïcité laissée à elle-même, détachée de ce qu'on pourrait appeler les mœurs françaises, peut-être retournée contre les objectifs qu'on lui avait assignés. Ces dernières années, on a assisté à une redéfinition minimaliste de la laïcité, qui ne devrait plus chercher à contenir publiquement l'expression des religions. Et si un individu entend exprimer ses préférences spirituelles avec des vêtements particuliers, il devrait en être libre, même si la chose peut choquer une majorité vite accusée d'être frileuse et bornée.

    On accusera surtout la laïcité de ne pas être neutre culturellement. La laïcité à la française serait d'abord et avant tout française. On lui reprochera même d'être le masque universaliste d'une culture particulière, qui chercherait, à travers elle, à maintenir et reconduire ses privilèges - c'est d'ailleurs le mauvais procès qu'on fait souvent au monde occidental, en oubliant que l'universalité n'est jamais immédiate et qu'elle a besoin, conséquemment, de médiations. Ceux qui souhaitent une société absolument universaliste, purifiée de son ancrage historique particulier, désirent en fait une société déracinée et désincarnée, délivrée de son expérience historique. Le modèle du patriotisme constitutionnel habermassien n'est pas adapté à l'homme réel. La culture n'est pas extérieure à l'homme, elle est constitutive de son identité.

    Paradoxalement, il y a une part de vérité dans ce procès: la laïcité à la française est effectivement inscrite dans une culture particulière, mais elle n'a pas à rougir de cela. Elle en représente certainement un pan important: c'est à travers la laïcité que la France entend réguler politiquement les religions. On ne saurait toutefois faire de la laïcité la seule expression légitime de l'identité française, qui la transcende et la déborde. Mais les nations occidentales, et la France ici connaît le même sort que les autres, ont tellement de difficulté à penser et assumer leur particularisme historique et leur héritage culturel singulier qu'elles ne savent plus vraiment comment lui assurer une traduction politique. Dès lors qu'on ne définit plus la nation comme une réalité historique mais comme une communauté de valeurs, on tombe dans ce piège qui condamne la nation à l'impuissance parce qu'elle ne parvient plus à expliciter son identité.

    C'est tout cela que fait ressortir la querelle du burkini, qui ne porte pas que sur un morceau de vêtement, mais qui est un des signes visibles d'une forme d'agressivité identitaire à l'endroit des sociétés occidentales. La question du burkini, autrement dit, révèle l'impensé culturel de nos sociétés. C'est ce que disait à sa manière Henri Guaino en soutenant qu'elle posait moins un problème à la laïcité au sens strict qu'un problème de civilisation. En d'autres mots, on ne saurait se contenter d'une défense désincarnée de la civilisation occidentale, mais on devrait et on devra trouver une manière d'assumer politiquement la notion d'identité collective, chaque nation le faisant à sa manière, naturellement. De quelle manière conjuguer la citoyenneté avec les mœurs et inscrire l'identité dans la vie commune?

    La chose n'est pas simple. Un certain libéralisme a complètement remodelé l'imaginaire démocratique en poussant à la privatisation complète des cultures, au point même de dénier leur existence. En parlant sans cesse de leur hybridité ou de la leur diversité, on en vient à croire qu'elles sont insaisissables et dénuées d'ancrages dans le réel. C'est faire fausse route. Si une culture n'est pas une essence, non plus d'une substance à jamais définie, comme si elle était dégagée de l'histoire, elle n'est pas sans épaisseur concrète non plus. Une culture, en fait, se noue dans un rapport à l'histoire et en vient à modeler l'expérience humaine de manière particulière. Elle s'exprime à travers des mœurs, qui lient une société au-delà des simples formes juridiques. Toutefois, car on ne saurait codifier juridiquement les mœurs sans les tuer ou les étouffer, de quelle manière conserver une culture sans pour autant l'enfermer dans un carcan juridique?

    La thèse est proscrite dans la sociologie officielle, mais toutes les cultures ne sont pas faites pour cohabiter dans un même espace politique. Ce qui heurte autant le commun des mortels dans le burkini, c'est qu'il représente un symbole agressif et militant du refus de l'intégration au monde occidental par une frange de l'islam qui ne doute pas de son droit de conquête. Il est devenu emblématique d'un communautarisme qui se définit contre la société d'accueil et qui entend même contester de la manière la plus visible qui soit sa manière de vivre et ses représentations sociales les plus profondes. Si le burkini heurte autant, c'est qu'il symbolise, bien plus qu'un refus de la laïcité. Il représente un refus de la France et de la civilisation dans laquelle elle s'inscrit. C'est le symbole militant d'une dissidence politique hostile qu'un relativisme inquiétant empêche de voir.

    Le burkini inscrit une frontière visuelle au cœur de l'espace public entre la nation et un islam aussi rigoriste que radical qui réclame un monopole sur la définition identitaire des musulmans, qu'il ne faudrait d'ailleurs pas lui concéder. Combattre le burkini s'inscrit ainsi dans une longue bataille qui s'amorce à peine contre un islamisme conquérant qui veut faire plier les sociétés européennes en imposant ses codes, et cela, en instrumentalisant et en détournant plus souvent qu'autrement les droits de l'homme, car il travaille à déconstruire la civilisation qui a imaginé les droits de l'homme. C'est dans une même perspective que la France a décidé d'interdire le voile intégral dans les rues ou les signes religieux ostentatoires à l'école. Il n'y a rien de ridicule à prendre au sérieux la portée politique de tels vêtements.

    En un sens, il faut pousser l'islam à prendre le pli du monde occidental. Une pédagogie compréhensive ne suffira pas: il faut, d'une manière ou d'une autre, rappeler que la civilisation occidentale n'est pas optionnelle en Occident et que la culture française n'est pas optionnelle en France. C'est ainsi qu'à terme pourra émerger un islam de culture française acceptant d'évoluer dans un pays laïc de marque chrétienne. De ce point de vue, l'interdiction du burkini est légitime, même si certains peuvent préférer d'autres solutions. Les pays anglo-saxons qui se gaussent et ridiculisent la France en l'accusant de faire de la politique autour d'un maillot de bain témoignent d'un aveuglement politique effarant. En sermonnant la France, ils célèbrent leur propre vertu de la tolérance, sans se rendre compte qu'ils ont déjà capitulé en banalisant des pratiques ségrégationnistes.

    Et encore une fois, la gauche multiculturaliste se laisse prendre dans un piège qui l'amène à embrasser une pratique communautariste objectivement régressive qu'elle dénoncerait vigoureusement si elle se réclamait de la religion catholique. Mais elle est tellement habitée par le fantasme d'un Occident néocolonial et islamophobe qu'elle embrasse systématiquement tout ce qui le conteste. La sacralisation des minorités et de leurs revendications, quelles qu'elles soient, repose d'abord sur une diabolisation des majorités, toujours accusées d'être frileuses, portées au repli identitaire et animées par une pulsion xénophobe qu'il faudrait étouffer. Le burkini devient alors paradoxalement le nouveau symbole du combat pour les droits de l'homme, désormais associé aux revendications d'un islam qu'on s'imagine persécuté en Occident.

    On me permettra une dernière considération. Pour peu qu'on reconnaisse qu'une civilisation, fondamentalement, noue ses premiers fils anthropologiques dans la définition du rapport entre l'homme et la femme, on peut croire que c'est la grandeur du monde occidental d'avoir mis de l'avant l'idée d'une visibilité de la femme, appelée à prendre pleinement ses droits dans la cité. Le burkini témoigne d'un tout autre rapport au monde: la femme, dans l'espace public, doit être voilée, masquée, dissimulée. Elle est ainsi niée et condamnée à l'effacement culturel. La question du burkini témoigne moins d'une querelle sur la laïcité que d'un conflit des anthropologies et d'une contradiction des codes les plus intimes qui les définissent. Quelle que soit la solution politique ou culturelle retenue, le monde occidental ne doit pas céder aux illusions humanitaires qui l'amèneraient à banaliser un symbole aussi ouvertement hostile à son endroit.

    Mathieu Bock-Côté (Figaro Vox, 18 août 2016)

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  • Alain de Benoist : « il faut aborder frontalement la question de l'immigration ! »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist au site de réflexion Katehon à propos de la polémique autour du port du burkini sur les plages françaises.

     

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    Alain de Benoist / Burkini : « il faut aborder frontalement la question de l'immigration ! »

    La polémique autour du burkini, ce vêtement de plage porté par des femmes musulmanes par souci de pudeur, est une nouvelle démonstration des tensions entre les communautés en France. Interprété comme un signe de radicalisation, le burkini fait grincer des dents avec le contexte tendu de menaces terroristes. Nous avons interrogé Alain de Benoist, philosophe et politologue, à propos de cette polémique.

    Katehon : Selon vous, le Burkini doit-il être perçu comme une liberté individuelle ou comme une provocation au service d’un islam politique ?

    Alain de Benoist : Il peut être perçu comme l’un et comme l’autre (par celles qui le portent et par ceux qui le voient), et encore comme bien d’autres choses. Mais on ne fait pas de vérité objective en additionnant des perceptions subjectives. Vous l’aurez compris, je trouve pour ma part absolument grotesque cette polémique, et le déluge de commentaires hystériques auquel elle a donné lieu. Il n’y a encore pas si longtemps, avoir une « tenue décente » à la plage, c’était ne pas être trop dénudé. Aujourd’hui, c’est ne pas être trop habillé ! Il reste à préciser le nombre de centimètres carrés de tissu que l’on a le droit de porter ou le devoir d’enlever ! Au passage, on oublie de dire que l’Etat islamique condamne totalement le burkini, et que les femmes juives orthodoxes se baignent elles aussi dans une tenue du même genre. En fin de compte, cette polémique, démagogiquement instrumentalisée par les hommes politiques, ne sert qu’à détourner l’attention. On se focalise sur le subalterne pour ne pas aller à l’essentiel, c’est-à-dire pour ne pas aborder frontalement la question de l’immigration, laquelle ne saurait être réglée par la police des costumes et la surveillance des maillots de bain.

    Katehon : Les médias évoquent l'affaire en boucle, les hommes politiques font dans la surenchère, l’élection présidentielle est dans moins d'un an : le thème de l’identité sera-t-il le sujet principal de la prochaine élection présidentielle ?

    Alain de Benoist : C’est très probable en effet, à un moment où une fraction croissante de la population, à commencer par les classes populaires et une partie des classes moyennes, se retrouve privée de repères et fait l’objet d’une triple exclusion : politique, sociale et culturelle. L’élection présidentielle va en grande partie se jouer autour de la question de l’identité, mais aussi de la question sociale, qui lui est directement associée : ceux qui souffrent le plus sur le plan social sont aussi ceux qui souffrent le plus de l’immigration. Les deux logiques dominantes sont aujourd’hui la logique identitaire et la logique populiste. Il ne faut pas les confondre (on peut être identitaire sans être populiste et populiste sans être identitaire), mais on peut souhaiter qu’elles se rejoignent.

    Katehon : Débat politique houleux, crispation populaire : la France est elle islamophobe au sens étymologique du terme : a-t-elle peur de l’Islam ?

    Alain de Benoist : Je ne suis pas de ceux qui voient de l’islamophobie partout, mais pas non plus du côté de ceux qui n’en voient nulle part. Oui, une grande partie de l’opinion publique devient actuellement islamophobe – et pas seulement au sens étymologique ! Plus le discours officiel dénonce l’« amalgame » et les « stéréotypes », plus il prône le « vivre ensemble », et plus l’islamophobie se répand, à la grande joie des djihadistes qui espèrent en tirer argument pour rallier les musulmans à leur cause. Les djihadistes adorent les islamophobes ! Les extrêmes s’attirent.

    Katehon : Quelle est l'origine de cette peur ?

    Alain de Benoist : Les causes sont bien connues : l’immigration d’abord, avec toutes les pathologies sociales qu’elle engendre, l’expansion d’un terrorisme islamiste engendré par trente années de politique occidentale aberrante dans le monde arabo-musulman ensuite. Au cours des dernières années, la critique de l’immigration s’est progressivement muée en critique de l’« islamisation », changeant ainsi de nature, et non pas de degré : on peut critiquer l’immigration sans s’en prendre aux immigrés, tandis que dénoncer l’« islamisation » implique de s’en prendre directement à l’islam. La laïcité se mue du même coup en laïcisme. Le problème devient dès lors insoluble.

    Katehon : Manuel Valls souhaite réactiver la Fondation des œuvres de l’islam de France, Jean-Pierre Chevènement est pressenti à la diriger, et l’une de ses principales missions sera la lutte contre le financement étranger de l’islam en France. La France est-elle en train de reprendre la main sur l’islam présent sur son sol ? Ou est-ce trop tard ?

    Alain de Benoist : Là encore, la question est subalterne. Réactiver la Fondation des œuvres de l’islam de France n’est sans doute pas une mauvaise chose, mais il faut être naïf pour croire que l’on va ainsi « reprendre la main sur l’islam présent sur notre sol ».

    Katehon : Que pensez-vous de la probable nomination de Jean-Pierre Chevènement à la tête de cette fondation ?

    Alain de Benoist : Jean-Pierre Chevènement est un homme estimable. Il aurait pu y avoir plus mauvais choix.

     

    Alain de Benoist (Katehon, 26 août 2016)

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  • Le bon air latin...

    Les éditions Fayard viennent de publier sous l'égide de l'Association le Latin dans les littératures européennes un essai collectif  intitulé Le bon air latin. Une défense et illustration de la langue latine à l'heure où son enseignement dans les collèges et les lycées est condamné à mort par l'alliance des technocrates et des pédagogistes fous...

     

    " Le bon air latin, c’est un souffle qui a donné naissance à notre langue, et n’a cessé depuis, contre vents et marées, d’assurer son allure.
    C’est lui qui inspire au français sa richesse d’invention lexicale, sa précision grammaticale, sa musicalité propre et – bien peu s’en rendent compte – sa stabilité dans la traversée des siècles. Si les Français peuvent encore aujourd’hui lire Descartes, Molière, Voltaire ou Victor Hugo, c’est parce que, parmi les forces vives et fécondes qui poussent à l’évolution d’une langue, l’influence latine a toujours exercé sa modération sur le français.
    Un français coupé de sa respiration latine, tel que le projettent les réformes successives de l’Éducation nationale – au nom d’un égalitarisme qui ne profite qu’aux initiés –, c’est le baragouin que nous voyons se répandre autour de nous dans les médias, dans les arts, dans la politique, dans le commerce, dominé par le pire de ce que nous pouvons emprunter à la belle langue anglaise. On réussira ainsi à en dégoûter non seulement les étrangers qui continuent de s’intéresser à notre culture, mais surtout les Français eux-mêmes.
    Certes, l’« air » du latin, sous la férule des maîtres, n’a pas toujours soufflé telle une douce brise, mais il ne tient qu’à nous maintenant de lui rendre toutes ses folles bouffées et de le faire circuler librement dans une fidélité avertie à sa tumultueuse histoire.
    Il n’y va donc pas de la nostalgie de quelques pédants grincheux mais de notre avenir. Quel français voulons-nous ? À cette question répondent les contributeurs prestigieux de ce volume. Ils abordent sans érudition qui pèse la question de la langue dans toutes ses perspectives.
    Ce bon air latin fournit au grand public l’information indispensable pour se prononcer sur un sujet essentiel puisqu’il conditionne la vitalité de l’esprit français dans le monde de demain. "
     

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