Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

friedrich nietzsche - Page 2

  • Nietzsche, un philosophe contre les systèmes...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Pierre le Vigan cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à Friedrich Nietzsche.

    Urbaniste, collaborateur des revues Eléments, Krisis et Perspectives libres, Pierre Le Vigan a notamment publié Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Écrire contre la modernité (La Barque d'Or, 2012), Soudain la postmodernité (La Barque d'or, 2015), Achever le nihilisme (Sigest, 2019), Nietzsche et l'Europe (Perspectives libres, 2022) et La planète des philosophes (Dualpha, 2023).

    Nietzsche.jpg

    Nietzsche, un philosophe contre les systèmes

    Les intuitions contre les grandes machines d’idées

    Nietzsche est un penseur par aphorismes, comme Gustave Thibon qui l’a beaucoup lu. Les penseurs par aphorismes passent pour des ennemis des systèmes de pensée. Nietzsche l’est assurément. Mais il n’est pas l’ennemi d’une logique, d’une continuité dans ses développements. Il en est de Nietzsche comme des philosophes radicalement sceptiques. Ces derniers sont sceptiques sur tout, sauf sur la pertinence de leur scepticisme. Ils ne sont donc pas vraiment sceptiques. De même, Nietzsche adopte une façon systémique, à défaut d’être systématique, d’être contre les systèmes de pensée. Tour d’horizon de la démarche du plus étrange des philosophes d’Europe.  

    Multiple, foisonnante, la pensée de Nietzsche obéit à des constantes. L’une est la critique des « arrières-mondes » : ceux qui consolent, ceux qui délivrent de l’obligation de vivre ici et maintenant, et de prendre ses responsabilités dans ce monde. Les arrières-monde sont ceux qui prétendent être plus « vrais » que le monde des apparences. Être plus nobles aussi que le monde des apparences. Alors que c’est tout le contraire : seul le monde des apparences est vrai, seul il est noble. Le « royaume des ombres » n’est pas celui qui agite, comme un montreur de marionnettes, le monde des apparences. C’est au contraire un monde faux. C’est un monde inférieur. Toute métaphysique est tromperie.

    Sans doute pourtant faut-il séduire. Mais autrement, par l’art, par le génie. S’il y a un « au-delà de la physique » (la métaphysique), celui-ci doit, non pas séparer corps et esprit, mais les rapprocher. Jusqu’à ne faire qu’un avec le corps. «  Pour qu’il y ait de l’art, pour qu’il y ait un acte et un regard esthétique, une condition physiologique est indispensable : l’ivresse. Il faut d’abord que l’excitabilité de toute la machine ait été rendue plus intense par l’ivresse. Toutes sortes d’ivresses, quelle qu’en soit l’origine, ont ce pouvoir, mais surtout l’ivresse sexuelle, cette forme la plus ancienne et la plus primitive de l’ivresse «  (Crépuscule des idoles, « Divagations d’un ‘’inactuel’’ », 8,  1888).

    La généalogie des idées
    Une deuxième constante de Nietzsche est la recherche de la généalogie des idées. D’où viennent-elles ? Jusqu’où faut-il remonter ? Vers quelle caverne toujours plus profonde que la précédente ?  « L’ermite ne croit pas qu’un philosophe ait jamais exprimé ses opinions véritables et ultimes dans des livres : n’écrit-on pas des livres précisément pour cacher ce que l’on porte en soi ? Il doutera même qu’un philosophe puisse avoir de manière générale des opinions ‘’ultimes et véritables’’, qu’il n’y ait pas de toute nécessité en lui, derrière toute caverne une autre caverne plus profonde. Un arrière-fond d’abîme derrière toute ‘’fondation’’. » Nietzsche poursuit : « Toute philosophie est une philosophie de surface : il y a de l’arbitraire dans le fait qu’il se soit arrêté ici, ait regardé en arrière et alentour, qu’il n’ait pas creusé plus profondément ici et ait remisé sa bêche, il y a aussi de la méfiance là-dedans. Toute philosophie cache une philosophie ; toute opinion est aussi une cachette, toute parole est aussi un masque. » (Par-delà le bien et le mal, par. 289).  Quelle est la profondeur et le contenu de l’iceberg dont nos affirmations ne font émerger qu’une petite partie. C’est la question à laquelle Nietzsche nous invite à répondre.

    C’est-à-dire qu’il faut se poser la question des autres idées que peuvent cacher nos idées, mais aussi des pulsions, des affections ou désaffections, des espoirs déçus qu’elles dissimulent, souvent bien mal. C’est la question du ressentiment, et c’est l’origine de la pensée du soupçon. Nietzsche penseur du soupçon avec Freud et Marx : on l’a souvent dit, et avec raison. Se poser la question de la généalogie des idées, c’est soupçonner, surtout si ces idées sont « généreuses » qu’elles dissimulent des souhaits plus prosaïques, plus médiocres, de revanche sociale, ou intellectuelles, et des frustrations qui cherchent à être comblées. Freud n’est pas loin mais aussi les moralistes du XVIIe siècle, sans parler de ceux de l’Antiquité, comme les stoïciens et les épicuriens. De là un scepticisme de Nietzsche sur la rationalité des affirmations  de philosophes. Aucun d’entre eux n’a jamais eu, selon Nietzsche, des « opinions ultimes et véritables ». Il ne s’exclut pas de ce diagnostic.

    Nominalisme

    Refus des arrières-monde, méthode généalogique, mais aussi nominalisme. Ce troisième aspect, cette troisième constante de la pensée de Nietzsche consiste à considérer que la réalité est « avant tout un effet de langage ».  Le langage ne dit jamais toute la vérité. Il est un écran qui nous la cache. Il entrave nos volontés de radicalité : « Je crains que nous ne puissions nous débarrasser de Dieu, parce que nous croyons encore à la grammaire. » écrit Nietzsche dans Le crépuscule des idoles (« La raison dans la philosophie », 5). Les concepts recouvrent la réalité comme les mouches les cadavres. Le langage est une construction. Les mots ne sont pas les choses. Il faut assumer cette dimension constructiviste du langage. Il faut même en jouer. Mais elle a une conséquence : il ne faut pas trop prendre au sérieux les idées, et les systèmes d’idées.  « Je me méfie de tous les faiseurs de système et m’écarte de leur chemin. L’esprit de système est un manque de probité. » (Crépuscule des idoles, par. 26).

    De là Nietzsche tire la conclusion de la supériorité du sensible sur l’idée, sur l’intellectuel. Supériorité de l’image sur l’idée, supériorité du son sur la démonstration. « Qui songerait à réfuter un son ? » dit-il (Le Gai savoir, par. 106). Le refus des systèmes, et surtout le droit de se contredire est la quatrième constante de ce que l’on pourrait appeler la logique de l’anti-systémisme de Nietzsche. Mais cela n’a rien d’un droit à la gratuité ou à l’absurdité des affirmations que Nietzsche s’octroierait. Il s’agit de tenir compte de la possibilité de plusieurs lectures différentes d’un propos, et de la possibilité de plusieurs niveaux de lecture.  « On ne tient pas seulement à être compris quand on écrit, mais tout aussi certainement à ne pas l’être. », écrit-il (Le Gai savoir, par. 381).

    La pluralité possible et souhaitée des interprétations de ses propres propos est la cinquième constante de Nietzsche. Son fondement est le perspectivisme. Ce que je dis n’a de sens que mis en perspective. C’est la règle que je m’applique et que chacun doit appliquer à sa lecture. Les idées ont moins un sens en soi que pour soi (pour parler dans les termes de Kant), en fonction de ce que l’on est, de ce que l’on voit, et plus encore de ce que l’on veut voir.  Théorie (theoria) veut dire vision. Or, une vision n’est pas neutre.  Voilà ce que nous dit le professeur de Bâle devenu l’Européen itinérant. Telles sont les cinq constantes de Nietzsche. Le reste en découle. Et le reste, c’est l’évolution de Nietzsche. Ce sont ses basculements, de l’éloge de Schopenhauer à une critique serrée, de l’apologie de Wagner à de sérieuses réserves exprimées avec la vigueur coutumière à Nietzsche. Evolution cohérente car, de ces constantes, il découle que « tout s’écoule », c’est-à-dire que tout change, tout se transforme. Tout s’écoule et il arrive même que « tout s’écroule ». Mais tout renait. Sous une autre forme. Mais Nietzsche n’a jamais dit que les transformations arrivaient n’importe comment. Elles suivent des lois, qui sont notamment les lois de l’énergie.

    Nécessité du Vouloir-Vivre

    Voyons Schopenhauer. Nous sommes mus par le Vouloir-Vivre, dit-il et Nietzsche garde cette idée. Et quand Schopenhauer explique que ce Vouloir-Vivre est cause de toutes nos souffrances et qu’il faut donc s’en débarrasser, Nietzsche se sépare de Schopenhauer et affirme au contraire la nécessité de ce vouloir-vivre, qu’il faut affermir et remettre au feu encore et encore. L’idée complémentaire de l’existence de ce Vouloir-Vivre, déploré par Schopenhauer, chanté par Nietzsche, est que nous ne sommes pas complètement conscients des déterminations de notre pensée. De même que Clausewitz parle d’un « brouillard de la guerre » c’est-à-dire des impondérables et des conséquences inattendues de décisions, Nietzsche nous fait comprendre, à la suite de Schopenhauer, qu’il y a un « brouillard de la pensée ». Mais celui-ci ne se dissipe pas en ayant recours au domaine de la pensée elle-même. Il faut recourir pour dissiper quelque peu ce brouillard à une mise en contexte (en situation, dira Sartre)) de la pensée. Celle-ci se fait avec le corps et avec la santé. Pour Nietzsche, l’état de notre corps a un rapport étroit avec la pensée que l’on produit. Le corps façonne l’esprit.

    Mais Nietzsche renverse aussi la proposition. La pensée doit arriver à produire la grande santé. Pour cela, il faut ausculter notre santé comme notre maladie, et l’un à la lumière de l’autre. Nos ressentis doivent être analysés comme des symptômes, soit de santé soit de maladies. Le philosophe doit ainsi devenir un « médecin de la culture ».   En tant que tel, son rôle est notamment de lutter contre le nihilisme. Celui-ci peut être passif : ne croire en rien. Il peut être actif : vouloir que personne ne croit en quelque chose. Le nihilisme peut être plus subtil quand il consiste, nous dit Nietzsche, à favoriser la croyance est des idéaux trompeurs, comme la foi en la science et au progrès (Auguste Comte), en une société sans classe et « socialiste » (Marx), en une « loi morale » et un impératif catégorique (Kant), et, en remontant plus loin, en le « monde des Idées » de Platon, qu’il distingue du monde sensible. Etc. Refuser le nihilisme, c’est aussi cela : refuser de suivre ces voies toutes tracées, représentées par des « idéaux » trop faciles et trompeurs. Ces idéaux prétendent réagir contre l’ « injustice » de la vie, contre son imprévisibilité. Ils sont trompeurs, mais ils posent une bonne question : que faire de l’imprévisible ? Du tragique de l’existence ? De l’injustice de l’existence ?  Il faut l’accepter, nous dit Nietzsche, et plutôt deux fois qu’une. Éternellement. Il faut jouer avec ces injustices, avec ce hasard, comme l’enfant le fait. Il faut l’accepter l’immanence de la vie. Il faut l’aimer. C’est ce que veut dire la vision de l’ « éternel retour ». Gilles Deleuze (Nietzsche et la philosophie, 1962) résume bien le propos de Nietzsche : « Ce que tu veux, veuille-le de telle manière que tu puisses en vouloir le retour éternel ».

    Le retour éternel du grand soleil

    Ce retour, c’est celui de l’heure de Midi, c’est le retour éternel du grand soleil. « Homme ! Ta vie tout entière sera toujours de nouveau retournée comme le sablier et s’écoulera toujours de nouveau. […] Cet anneau, sur lequel tu n’es qu’un grain de blé, rayonne toujours de nouveau. Et sur chaque anneau de l’existence humaine prise dans son sens absolu, vient l’heure durant laquelle à un seul, ensuite à beaucoup, puis à tous, se manifeste la plus puissante pensée, celle du retour éternel de toutes choses – c’est à chaque fois pour  l’humanité l’heure de Midi. » (Fragments posthumes, 1881). Dans le retour, la singularité de chaque moment s’exprime à nouveau. Chaque retour est une nouvelle naissance (palingénésie). Tout a déjà été vécu mais tout s’exprime dans une jeunesse et avec une innocence toujours renouvelée. « Toutes les évolutions possibles doivent déjà s’être produites. En conséquence de quoi le développement présent doit être une répétition de ce qui a déjà eu lieu un nombre incalculable de fois » (Fragments posthumes). C’est le miracle de la vie et de l’amour de la vie. Nul regret, nul remord n’ont de sens.  « Ne pas chercher à voir au loin une félicité, un bienfait et un pardon improbables, mais vivre de telle sorte que nous voulions vivre encore et vivre ainsi pour l’éternité ! –  Notre tâche nous requiert à chaque instant. » Nietzsche dit encore: « Ma doctrine  affirme : ‘’Ton devoir est de vivre de telle sorte qu’il te faille souhaiter vivre de nouveau.’’ » Tu dois vouloir ce qui arrive, disent les stoïciens. Tu dois le vouloir à l’infini, ajoute Nietzsche.

    Cet éternel retour nécessite une éternelle volonté. Cette volonté dite de puissance, évoquée dans des extraits authentiques de Nietzsche mais livrés sans l’ordre que Nietzsche n’a pas eu le temps d’y mettre, cette volonté a été parfois assimilée à la volonté de dominer, voire de détruire les autres – interprétation « nazie » ou « fasciste ». Elle a été assimilée par d’autres, dans la lignée de la pensée de Mai 68, à la libération de tous les instincts – une interprétation « libertaire ». Ces deux interprétations sont inexactes : elles ne tiennent pas compte du fait que pour Nietzsche, l’homme ne doit pas être asservi à ses instincts, et qu’il doit appliquer la domination d’abord à lui-même, en surmontant tout ce qui, en lui, n’est pas aristocratique. Les mésinterprétations de Nietzsche sont inévitables compte tenu de la polyphonie de son œuvre, et de contradictions dues à des changements de perspectives. Difficile à comprendre, Nietzsche est même difficile à écouter. « Hélas ! Mon Zarathoustra cherche encore son auditoire, et le cherchera longtemps ! », s’exclame-t-il (Ecce Homo, 1888). Mais quand on prend la peine de le faire, on entend un chant profond qui ne nous quitte plus.

    Pierre Le Vigan (Site de la revue Éléments, 10 novembre 2023)

    Lien permanent Catégories : Textes 0 commentaire Pin it!
  • Les dernières lettres de Nietzsche...

    Les éditions Gallimard viennent de publier le sixième et dernier tome de la Correspondance de Friedrich Nietzsche qui couvre la période qui va de janvier 1887 à janvier 1889.

     

    Nietzsche_Correspondance VI.jpg

    " Avec ce tome VI s'achève la traduction de la correspondance intégrale de Friedrich Nietzsche ; cet ultime volume rassemble les lettres des deux dernières années de la vie consciente du philosophe (1887 et 1888) et les "billets de la folie" des premiers jours de 1889. Un document qui éclaire l’œuvre."Je n'écris que ce que j'ai vécu et je m'y entends pour l'exprimer", affirme Nietzsche chez qui vie et pensée sont imbriquées comme chez nul autre, et c'est donc dans l'intimité d'un penseur en errance - d'un "Prince Hors-la-Loi" de l'esprit - que nous introduit cette correspondance de haut vol. Nietzsche y apparaît comme un philosophe en quête perpétuelle du climat favorable, de l'environnement supportable, du régime salutaire : il séjourne à Nice, à Sils-Maria, sur les lacs italiens et surtout à Turin, découverte tardive d'une ville en harmonie avec ses aspirations, où il s'effondrera en janvier 1889.Ses lettres sont aussi des lettres d'affaires : Nietzsche publie lui-même, à compte d'auteur, ces deux années-là, des œuvres aussi radicales que La Généalogie de la morale, Crépuscule des idoles, Le Cas Wagner et Ecce homo. Son projet philosophique se précise : la critique de la religion chrétienne comme expression éminente du ressentiment ; la préparation en secret d'une "transvaluation" de toutes les valeurs qui place un temps la "volonté de puissance" au centre de la réflexion. La relation avec le souvenir wagnérien devient déterminante, une problématique esthétique nouvelle s'installe avec la notion de décadence.Toutefois, ce qui frappe dans ces lettres familières, c'est l'extrême solitude dans laquelle évolue Nietzsche. La correspondance se déploie entre un petit nombre de personnes, ce qui lui confère une intensité humaine rare et une vraie portée philosophique. Les belles journées de Turin ont donné naissance à des livres où se construit le plus séduisant des "gais savoirs". Tout cela s'interrompt en janvier 1889.  J. L. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Définitions pour une culture non conforme...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie et l'Institut Illiade viennent de publier un recueil de textes de Giorgio Locchi intitulé  Définitions - Les textes qui ont révolutionné la culture non conforme, avec une préface d'Antoine Dresse (Ego Non).

    Philosophe, journaliste et essayiste, Giorgio Locchi (1923 – 1992) fut l’une des figures majeures de la Nouvelle Droite. Ayant rédigé de nombreux articles dans les colonnes de Nouvelle École, d'Éléments, d'Il Tempo, d'Intervento et du Secolo d’Italia, Giorgio Locchi est aussi l’auteur d’ouvrages importants comme Wagner, Nietzsche et le mythe surhumaniste, Le mal américain ou L’essence du fascisme. « Sans Giorgio Locchi et son œuvre, écrira Guillaume Faye, la véritable chaîne de défense de l’identité européenne serait probablement rompue.»

     

    Wagner, Nietzsche et le mythe surhumaniste.jpg

    " Rassemblant la majorité des articles de Giorgio Locchi pour la revue Nouvelle École ainsi que d’autres textes, cet ouvrage offre au lecteur une voie d’accès privilégiée à la pensée complexe et innovante du philosophe romain. Car si l’on considère généralement que c’est à la philosophie de l’histoire qu’il a apporté sa contribution principale, le lecteur découvrira, à travers ces documents, de nombreuses pistes de réflexion éminemment fécondes qui viendront soutenir philosophiquement la rupture innovante que le « principe surhumaniste » a introduite dans l’histoire de la pensée. Ces multiples Définitions sont autant de mises au point essentielles permettant de penser une alternative à la tendance égalitaire qui domine actuellement la culture occidentale et à sa tentation d’en finir avec l’histoire, et ce en vue d’une véritable renaissance européenne. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Sparta, deuxième année...

    Les éditions Aidôs publient le deuxième numéro de la revue Sparta, dirigée par Philippe Baillet. Vous pouvez découvrir ci-dessous la présentation de cette publication sans périodicité fixe, disponible sur le site d'Akribeia.

    Sparta 2.jpg

    " Sparta poursuit son aventure avec un vol. 2 aussi fourni, mais plus varié, que le vol. 1. L’éditorial dresse un premier bilan d’étape pour la publication, réaffirmant notre refus de rabaisser les idées au rang de mots d’ordre, donc notre rejet d’une vision idéologique du monde et de l’histoire.

    Suit un dossier substantiel sur Sparte et son « actualité discontinue » devant la conscience occidentale, qui s’ouvre par un article de Jean Haudry, « Sparte dans la tradition indo-européenne », où l’auteur confronte la cité grecque aux autres représentants du monde indo-européen pour en montrer à la fois les points communs et les innovations, tout en suivant l’évolution de Sparte dans les trois périodes de la tradition. J. Haudry se penche aussi sur la double royauté spartiate, dont il met l’origine en relation avec les Jumeaux divins, et sur la cryptie, survivance de l’initiation masculine.

    Un long article de Jean Bataille, « La cryptie spartiate : un service de renseignement dans l’Antiquité ? », est précisément consacré à cette étrange institution. L’auteur y voit une spécialisation de la métis, l’intelligence rusée des Grecs, et une pratique de la guerre secrète, qui use de techniques non conventionnelles et inavouables, mais efficaces. Étroitement dépendante des cinq éphores, la cryptie se dévoile comme un service de renseignement en même temps qu’une autre façon de penser l’hostilité. Prenant appui sur une impressionnante moisson de données textuelles antiques, l’hypothèse de l’auteur avait toute sa place dans Sparta.

    Le dossier se ferme avec une longue étude de Philippe Baillet, « L’“actualité discontinue” de Sparte et son image sous le Troisième Reich : chez les historiens, Richard W. Darré et Gottfried Benn ». Consacré pour l’essentiel à l’historiographie de Sparte – complexe et contradictoire –, cet article rappelle que la cité laconienne fascinait déjà dans l’Antiquité et que, depuis les Lumières, elle n’a cessé d’interroger la conscience occidentale, suscitant de nombreux admirateurs et détracteurs, les uns et les autres avec des motivations très variées : ainsi de Robespierre, qui vante la « vertu » civique des Spartiates, jusqu’à de nombreux auteurs allemands qui font de Sparte une Prusse antique ou bien de la Prusse une Sparte moderne. Après avoir insisté sur le tournant qui se vérifie au XIXᵉ siècle dans l’approche de Sparte (primauté de la race, attention au corps, insistance sur la sélection), Ph. Baillet passe en revue les principaux historiens qui, sous le Troisième Reich, écrivirent sur Sparte, avant d’en venir à R.W. Darré, à son nordicisme, à sa vision atypique de la cité antique et à son influence en matière doctrinale dans les premières années d’existence de l’Ordre noir. L’article se conclut par de nombreuses informations sur le poète Gottfried Benn, sa vision idéalisée de Sparte, l’ostracisme dont il fut victime à l’époque nationale-socialiste, ses liens avec Evola, son esthétique et son culte de la forme épurée, seuls remèdes au nihilisme.

    Traduction d’un autre chapitre du volumineux traité de sociologie de l’art moderne de Raimondo Strassoldo, « L’américanisation et l’institutionnalisation de l’art contemporain » revient sur un phénomène fondamental : son transfert depuis Paris, où il avait commencé en 1904 avec l’arrivée dans la capitale française de Gertrude Stein, mécène de Picasso et de tant d’autres, jusqu’à New York, où il triomphe dans les années cinquante, l’avant-garde étant plus que jamais cajolée par les richissimes collectionneurs américains et, plus encore, par leurs épouses. Après une interprétation psychosociologique des grandes étapes conduisant à la domination mondiale de cette forme d’art, l’auteur examine le rôle joué par des facteurs proprement politiques, comme l’exposition sur l’ « art dégénéré » organisée à Munich en 1937, la surreprésentation juive dans le monde de l’art contemporain et le tableau Guernica comme icône itinérante de la propagande antifasciste. Il conclut en soutenant que l’art contemporain a été, depuis la guerre froide, totalement instrumentalisé par l’impérialisme américain, et qu’il y a là une vraie logique, reposant avant tout sur l’affinité profonde entre capitalisme et art d’avant-garde qui trouve son origine dans la superstition du nouveau et de l’innovation.

    Paru dans la lointaine année 1976 mais toujours d’actualité, un article de l’historien Gianni Vannoni, « L’antisémitisme de Gramsci », analyse le contenu de plusieurs passages des célèbres Cahiers de prison du théoricien marxiste pour en conclure qu’il existe des affinités entre matérialisme historique et matérialisme biologique. Défendant avec érudition mais en forçant souvent les choses un point de vue catholique et contre-révolutionnaire assez classique, l’auteur estime qu’il faut séparer radicalement l’antijudaïsme traditionnel à base religieuse de l’antisémitisme moderne, né selon lui (comme selon Hannah Arendt) dans l’atelier des Lumières, notamment chez Voltaire et d’Holbach.

    Philippe Baillet répond à cette interprétation qui sollicite un peu trop les textes pour parvenir à ses fins dans un article intitulé « Un catholique traditionaliste face au national-socialisme : entre ignorance et mauvaise foi ». Il rappelle que l’hostilité des chrétiens (catholiques ou protestants, traditionalistes ou progressistes) à l’idée selon laquelle la biologie pourrait être prise « comme juge de la vérité » (G. Benn) s’explique encore et toujours par leur vieille haine du corps. Il dénonce la mauvaise foi de Vannoni au sujet du caractère prétendument « prolétarien/prolet-aryen » du national-socialisme et souligne que de nombreux théoriciens catholiques de la contre-révolution n’étaient pas du tout des antisémites « modérés ». Au terme de sa réponse, l’auteur revient sur le cas emblématique du Juif autrichien et romancier Joseph Roth, rallié à la défense du Trône et de l’Autel contre la « barbarie nazie », et qui croyait, ou feignait de croire, que, dans le national-socialisme, l’antichristianisme a la primauté sur l’antijudaïsme. Le texte de Ph. Baillet se termine par un rappel de toute l’importance de la formule de Pie XI : « Nous chrétiens, nous sommes spirituellement des Sémites. »

    Ce vol. 2 s’achève par deux articles de Tomislav Sunic. Le premier, « Nietzsche (1900-2020) et le signalement moral ostentatoire (virtue signalling) du Système face au “grand remplacement” », revient sur la réception et les interprétations de la philosophie de Nietzsche depuis la mort de celui-ci. Il existe en réalité un lien profond entre les valeurs chrétiennes originelles et leurs traductions sécularisées, aujourd’hui exploitées par l’hyperclasse dirigeante mondialiste pour justifier le « grand remplacement », qui selon l’auteur devrait plutôt recevoir le nom de « grande invasion ». Cette hyperclasse entretient délibérément en Europe, pour parvenir à ses fins, un sentiment maladif de culpabilité et un comportement caractérisé par la haine de soi. Mais les récits hypermoralistes officiels ont aussi pour fonction d’occulter la répression qui s’exerce contre les esprits indépendants. Sunic dénonce l’idéalisation du migrant exotique, la quête d’une supra-identité non blanche et imaginaire, les pèlerinages pénitentiels des dirigeants de l’UE à Washington, Bruxelles et Tel-Aviv. Derrière tous ces phénomènes, il aperçoit l’objectif, systématiquement poursuivi depuis 1945, de créer une nouvelle espèce d’Européens. Dans un article proche du précédent, « La théologie politique de la culpabilité blanche : Donald Trump, une menace pour la doxa officielle de l’Europe d’après la Seconde Guerre mondiale », Sunic démontre combien Trump, presque à son corps défendant, a constitué, avec sa critique des médias mainstream, de l’État profond, et sa rhétorique hostile à l’immigration, une menace pour le discours officiel répandu en Europe depuis 1945.

    Le vol. 2 de Sparta contient encore trois nécrologies (respectivement consacrées à l’essayiste et philosophe conservateur anglais Roger Scruton, l’historien de l’art français Marc Fumaroli, le musicologue et critique musical italien Paolo Isotta), un courrier des lecteurs et un index des noms cités. "

    Lien permanent Catégories : Revues et journaux 0 commentaire Pin it!
  • Nietzsche, l'avenir des Européens ?...

    Le 15 janvier 2021, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Rémi Soulié pour évoquer L'avenir des Européens (La Nouvelle Librairie, 2020), une anthologie de textes de Friedrich Nietzsche, rassemblés par Pierre-Marie Durand, qu'il a préfacée .

    Critique littéraire, Rémi Soulié est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Les châteaux de glace de Dominique de Roux (Les Provinciales, 2002),  Nietzsche ou la sagesse dionysiaque (Seuil, 2014) et Racination (Pierre-Guillaume de Roux, 2018).

     

                                              

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Friedrich Nietzsche : Vie, oeuvres, fragments...

    Les éditions de l'éclat ont récemment publié un essai biographique de Jean-Luc Bourgeois intitulé Friedrich Nietzsche - Vie, œuvres, fragments. L'auteur est musicien, philosophe, écrivain et scénariste.

     

    Bourgeois_Friedrich Nietzsche.jpg

    " Il est rare qu'une œuvre soit aussi intimement liée à la vie de son auteur, comme celle de Friedrich Nietzsche (1844-1900), qui écrivait à son ami Jakob Burckhardt : " j'ai atteint le point où je vis comme je pense. " Et c'est de ce point-là qu'est parti Jean-Luc Bourgeois dans ce livre, suivant pas à pas les travaux et les jours d'un homme qui est allé bien au-delà de ses propres forces, pour élaborer l'une des philosophies les plus radicales et les plus bouleversantes de notre modernité. Ainsi, c'est un Nietzsche par lui-même qui est donné à lire, où tous les événements de sa biographie sont documentés par des extraits de l'oeuvre elle-même : livres publiés, lettres envoyées, mais aussi les milliers de brouillons et notes posthumes, accompagnés par des extraits de correspondances de tous ceux qui de près ou de loin ont approché Nietzsche, depuis la pieuse enfance à Röcken jusqu'aux douze années prostrées à Weimar, après l'effondrement de Turin en 1888. Et l'on voyage ainsi de Bâle à Sils-Maria, de Zurich à Messine, de Nice à Rapallo, en compagnie des amis fidèles Overbeck ou Gast, des confrères Rohde ou Ritschl, des nombreuses amours ou confidentes, Cosima Wagner, Lou Salomé, Malwida von Meysenbug, Louise Ott, Meta von Salis, avec l'ombre toujours d'une soeur possessive et grotesque, si elle n'en était pas nuisible, ou celle de Richard Wagner, adulé puis haï, tout comme cette Allemagne qui lui devient " importune et étrangère " au fur et à mesure que s'y amplifie la menace antisémite annonçant la barbarie future. "

     

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!