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france - Page 59

  • Petit journal d'une Chute...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Jauffret, d'une féroce lucidité, cueilli sur le Blog du Choc du mois, . 

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    DSK : petit journal d'une Chute

    15 mai Incroyable histoire de DSK qui aurait agressé une femme de chambre au Sofitel de New-York, hier après-midi. La police l’a attrapé dans l’avion et l’a conduit au commissariat d’Harlem pour un interrogatoire. Le président du FMI ! En 2008 lors du scandale adultérin, des « proches sous couvert d’anonymat » prévoyaient dans Libération une chute liée à une affaire de sexe. Voilà qui est fait. Le type est dingue, tout le monde le sait. Paraît-il que ses communicants lui préparaient depuis quelques semaines « un petit atterrissage en douceur » en France. Raté !

    16 mai Image de DSK menotté dans le dos...

    encadré par la police newyorkaise : grandiose ! Aubry dit en avoir pleuré ! Quelle chialeuse, celle-là ! Les journalistes et les hommes politiques parlent en chœur d’un « piège » et d’une « manipulation », eux qui savent parfaitement que l’homme est un véritable malade, traînant en France quantité d’affaires de mœurs, toujours étouffées, du même genre de celle qui aux Etats-Unis risque à présent de l’envoyer en cabane. Mais au-delà du pathologique, il y a les mœurs du milliardaire tordu et arrogant, convaincu que tout lui est dû, y compris les corps passant à sa vue. Cette hyper-classe au-dessus de la morale, des lois et des nations, a développé un sentiment inouï d’hyper-puissance et c’est assurément ce sentiment qui a poussé DSK a tenter d’assouvir impunément sa pulsion sur une femme de ménage de passage. Sauf que ce coup-ci, il est tombé sur un os américain.
    Quoi qu’il en soit, c’est une excellente nouvelle pour la France, au-delà de l’humiliation momentanée. Nulle doute que cette personne aurait transformé de nuit les salons de l’Elysée en lupanar, avec, allez savoir pourquoi pas des salles de tortures à tous les étages, tout en fabriquant le jour des lois pour le partage obligatoire de la vaisselle entre hommes et femmes. Mon rêve à présent, c’est de le voir enfin en salopette orange fluo, habit dont il semble destiné de toute éternité.

    17 mai Images du patron du FMI mal rasé, fatigué, humilié, hagard, l’air complètement ahuri dans son box de condamné. Le juge l’envoie directement en prison. Moi qui déteste l’Amérique, aujourd’hui je l’adore, ce pays de puritains fanatiques et dégénérés !

    18 mai Du sperme de "Strauss-le-violeur" retrouvée sur la femme de chambre et dans la suite. Des traces de griffures, de morsures et de coups sur son corps. La défense change de stratégie. Hier : Pourquoi voulez-vous qu’il baise une femme de ménage, qui de surcroît est vilaine, alors qu’il peut se payer les plus belles femmes du monde ? Aujourd’hui : La femme de ménage est jolie (donc allumeuse), la relation sexuelle était consentie. Demain : la femme de ménage est perverse, elle a réclamé qu’on la cogne, etc. Ça commence sérieusement à sentir le roussi. Quelque part en Amérique, des petites mains sont en train de coudre soigneusement une petite salopette orange fluo !

    Une militante socialiste en larmes à la radio : « en tant que socialiste, ça fait mal de voir un camarade avec des menottes dans le dos ». Pardi ! Sauf que Strauss n’a rien d’un camarade, sottasse ! C’est un milliardaire cynique et arrogant ! Un néolibéral pur jus ! Un affreux capitaliste ! Un affameur de peuples ! Un socialiste authentique serait heureux de voir un parasite de cette espèce avec des menottes dans le dos ! Pour peu qu’il soit lyrique, il réclamerait même qu’on le fusille ! J’imagine parfaitement cette militante en prof semi-lettrée à cheveux gras, manifestant régulièrement contre la politique libérale appliquée à l’école, et pleurnichant aujourd’hui devant la divine paire de menottes ! Mon Dieu ce que les socialistes sont bêtes ! Champagne, hideux profs !

    Toute l’élite est derrière "Strauss-le-violeur" comme elle a été derrière Polanski il y a quelques mois. Yvette Roudy, ancien ministre des droits des femmes, parle de manipulation et n’est pas loin de traiter la bonniche noire d’aguicheuse probable. Guigou évoque le libertinage. Il n’y a pas mort d’homme, déclare Jack Lang, grand militant de la cause féministe depuis trente ans. Ségolène Royal, qui se roule généralement par terre quand un mâle cligne de l’œil à une donzelle, a une première pensée pour la famille de Strauss-le-violeur ; rien évidemment pour la "négresse" qui a eu le mauvais goût d’exciter son excellence. BHL demande à la France et à l’Amérique si l’on peut sérieusement croire que DSK aurait pu être son ami s’il avait été un prédateur sexuel (être l’ami de BHL est une preuve de vertu, voire d’élection), Jean-François Kahn évoque un petit troussage de domestique sans intérêt, etc. Mitterrand, Polanski, Strauss : dès qu’un membre de l’élite vacille, la morale commune des autres membres disparaît dans la seconde au profit d’une solidarité de classe sans faille. La seule et unique conscience de classe se trouve là, et non ailleurs. Quant au beauf qui met la main aux fesses à sa collègue de travail, malheur à lui : l’élite éclairée ne plaisante pas avec le respect de la femme le concernant. On arrive petit à petit à la situation décrite dans Soleil Vert, ce merveilleux film de Richard Fleischer qui, en 1973, a magistralement anticipé la direction que prendraient les démocraties occidentales : les seigneurs du capitalisme pur en haut, enfin débarrassés des contraintes de la production, du travail, de la morale et des lois ; la masse abrutie en bas, affamée, réglementée, tenue en laisse, terrorisée par la télévision et la police.

    19 mai Réaction d’un militant socialiste du dix-huitième arrondissement de Paris devant les images de DSK menottés : « C’est pas un loubard sans éducation, c’est le responsable du FMI quand même ». Même les militants UMP du 16e arrondissement de Paris n’arriveraient pas à être aussi bourgeoisement crasse s’ils le voulaient.

    Quel symbole inouï que cette affaire quand on y songe : un milliardaire socialiste présidant le FMI qui s’en prend physiquement à une immigrée du Tiers-Monde !

    Service express : voici la photo carcérale que j’appelais de mes vœux publiée par le Daily News. La combinaison est bleue, les yeux du bagnard révulsés, l’air pervers et dément. Une belle affiche de campagne. « Votez Freak ».

    Impression de délitement formidable de tout. Affaire Bettencourt, viol de DSK : voici où nos élites sont tombées. Tout cela était inimaginable il y a encore vingt ans, époque où elles étaient pourtant déjà dans les égouts. A ce niveau, la seule manière de rebondir pour espérer pondre une élite qui sache se tenir dans vingt ans, semble malheureusement être la purge.

    20 mai Inculpation du "violeur" qui apparaît dans le prétoire, rasé, en costume, souriant à sa femme, presque détendu. Le juge le libère sous caution, moyennant quoi la bête portera un bracelet électronique. Le voilà rattrapé par cette modernité à laquelle il a travaillé toute sa vie. L’affaire se terminera vraisemblablement à l’américaine, avec un gros chèque à la violée. Je suis persuadé que ce dur-à-cuire tentera de rebondir, et pourquoi pas, de revenir dans la vie publique. Il a mis quatre jours à encaisser la fin de ses espérances et le gâchis de sa vie, ce qui témoigne d’une résistance exceptionnelle. A vrai dire l’homme semble indestructible, à moins d’une lourde condamnation à de la prison ferme.

    Je ne sais plus qui a dit qu’après le tremblement de terre viendra le tsunami. Je prévois un P.S. emporté par les flots, rasé, ratiboisé, un champs de ruines fumantes. Ce déni collectif auquel on a assisté va coûter très cher quand il sera établi que le crime a eu lieu, ce qui ne fait visiblement pas l’ombre d’un doute. Les Français vont alors comprendre de quelle glaise sont fabriqués « les grands principes sur lesquels on ne transige pas », et les socialistes apparaitront pour ce qu’ils sont. L’ennui, c’est que le deuxième tour de l’élection présidentielle de l’année prochaine se jouera probablement entre Marine Le Pen et le président sortant, ce qui signifie sans conteste un second mandat Sarkozy dont on risque tout simplement de crever. Ce sera alors : Adieu la France.


    Julien Jauffret (Le Blog du Choc du mois, 21 mai 2011)

     
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  • L'homme broyé et le Système fou...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse métapolitique particulièrement remarquable de Philippe Grasset, publiée sur son site De Defensa, à propos de l'affaire DSK.

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    L’homme broyé et le Système fou

    17 mai 2011 — Que ne l’a-t-on vu, cette image de DSK, menottes aux poignets, mains derrière le dos, “le visage hagard” selon les commentaires de service. La chose secoue la France jusqu’aux tréfonds, de bien diverses façons. Au contraire et mises à part les circonstances “croustillantes” de l’affaire, elle laisse en général l’Amérique courante assez indifférente bien que l’essentiel de cette affaire se déroule sur son sol et concerne un homme qui dirige une institution essentielle depuis des décennies à la politique générale de globalisation américaniste du reste du monde. Cette fois-ci, dans l’attitude publique au travers du système de la communication vis-à-vis des symptômes de la crise générale qui affecte le Système, et pour l’attitude spécifique de servir d’indicateur du caractère paroxystique de la crise, la France a raison et l’Amérique tort. C’est une occurrence inattendue et nouvelle car l’Amérique, jusqu’ici, au travers de sa presse dissidente et même certains segments de l’establishment, s’est montrée bien plus concernée par “le caractère paroxystique de la crise”.

    “Caractère paroxystique de la crise”, car DSK menotté, traîné, bousculé, débraillé et pressé par des policiers imperturbables, c’est bien autre chose que l’épilogue crépusculaire d’une partie de pince-fesses convulsive et forcée, réelle ou arrangée, avec une sorte d’ogre sexuel, ou bien le bouquet cruel d’une mise en scène des flics du New York Police Department (NYPD, marque du tea-shirt qu’arborait notre-Président en séance de jogging dans les rues de New York), – des flics plus vrais que nature et affichant complaisamment, sans qu’un trait de leurs visages ne bouge, leur brutalité de robots... C’est bien autre chose, parce que c’est une image profonde et terrible de la crise générale et de son “caractère paroxystique” actuel.

    Tous les personnages sont présents, on dirait presque “au garde à vous”, comme pour une revue de détails. Le Système a fait grandiose, dans le genre. Il y a DSK, plus vrai que nature, cet homme devenu un des grands parmi les grands de la haute direction financière internationale, avec ses mœurs brutaux et célèbres, son fric (ou celui de sa femme), ses suites à $3.000 la nuitée, ses 6 ou 7 téléphones portables, la Porsche de l’ami Lagardère, ses casseroles qui font qu’on conseille aux jeunes filles de la rédaction de se garer vite fait lorsqu’il arrive pour une interview, ses commentaires insipides, insupportables et satisfaits lors de la crise de 2008 dont son FMI et lui-même n’ont rien, absolument rien vu venir, puis son récent et opportun tournant social qui a fait s’exclamer d’admiration Joseph Stiglitz et qui ouvrait joliment sa campagne électorale.

    Il y a l’Amérique, son système américaniste qui marie la plus extrême brutalité, sa tendance à exposer une personne inculpée à la charge hystérique et au lynch des médias, ses entourloupes incroyables d’une justice de fer bâtie absolument, de haut en bas, sur la corruption légale, où tout se négocie, ou tout se compromet en sommes équivalentes de dollars… L’Amérique, – ou ceux, chez elle, qui s’y intéressent, – qui semblerait comme si elle se regroupait spontanément pour prendre comme tête de Turc le Frenchie placé à la tête d’une des plus puissantes et prestigieuses institutions de la globalisation américaniste ; Frenchie impudent, qui prétendait s’emparer d’un instrument absolument américaniste, réservé à la puissance américaniste ; en même temps, président d’un instrument détesté par l’Américain moyen, qui élit tous les quatre ans un Président qui fait marcher la globalisation, alors que lui-même déteste cette globalisation qui fait fuir les jobs dans les pays des périphéries métèques… En observant DSK menotté et débraillé, on était soudain pris d’un élan de compassion pour cet homme qui roulait des mécaniques financières 48 heures plus tôt, car l’on sent bien qu’il est tombé dans les rets d’une force supérieure en puissance, mais d’une force qui vient des profondeurs noires et sombres, d’une force du système, inarrêtable et impossible à amener à composer dans le champ des considérations simplement humaines.

    Il y a la France, et les amis du Système. Autant tout le monde s’en fout, à Washington, au Congrès, autant toute la direction politique française observe la scène, absolument tétanisée, terrifiée, stupéfaite, la bouche bée et ne cessant de bavarder compulsivement pour ne surtout rien dire. Ils défilent tous à la radio, à la TV, pour leur interview que personne ne doit manquer, pour nous déclarer avec emphase ou l’air infiniment grave, qu’il n’y a rien à dire pour l’instant, qu’il faut “raison garder”, qu’il faut “un peu de hauteur, un peu de sérénité” (le maire de Paris), qu’il y a “la présomption d’innocence”, qu’“on doit penser, en cet instant, à la famille de Dominique-Strauss-Khan, à ses proches”… Il y a dans cette direction politique française, de quelque parti et de quelque tendance que ce soit pourvu qu’on reste dans le conformisme du Système, une stupéfaction qui ne semble jamais devoir se tarir, qui ressemble à la terreur indicible devant un abîme qui s’ouvre devant vous. A ce point, inutile de jouer à cette devinette de “qui profite de quoi” avec l’élimination de DSK, parce que l’évidence bien plus éclairante est bien la réalité d’une communauté, d’une solidarité, emmenées plus ou moins satisfaites dans la folle envolée du Système, découvrant soudain que rien, au fond, ne protège personne, que rien, enfin, ne protège plus rien, – que le Système est emporté dans sa folie dévastatrice et les emporte dans la même folie dévastatrice.

    Pour faire une forme de conclusion de cette revue de détails, mentionnons qu’il y a les bruits… Il y a les bruits divers, les bruits des frasques passées, les bruits des complots actuels, les mystères d’avant («l’étrange Omerta des médias sur le cas DSK», comme l’observe bruyamment Christophe Deloire, dans Le Monde, le 16 mai 2011 pour être précis) ; il y a les intrigues d’aujourd’hui, contre la patron du FMI, dont on dit que Wall Street l’avait classé dans les insupportables à cause de sa politique de réforme du FMI dans le sens d’un peu plus de “social”. Chacun est sûr de son fait, chacun est sûr de bien entendre la vérité. Les Français regardent l’Amérique comme s’ils découvraient l’horreur insondable de la chose. Les uns et les autres débusquent les complots sans nombre qui n’attendent qu’une occasion pour fondre sur notre vertus bien connue. Les jeunes femmes, victimes du “gorille en rut” (description de DSK par l’une d’entre elles, lors de ses entretiens particuliers), découvrent que la chose qu’elles ont tue jusqu’alors est un crime, considéré comme tel, disséqué comme tel, comme l’on cherchait les tâches du sperme présidentiel et même impérial sur la robe de Monica Lewinsky, in illo tempore… Justement, qui se rappelle l’affaire Lewinsky-Clinton ? L’affaire dura des mois, mit tant de gens à la torture, mais jamais elle n’écarta complètement le rythme d’opéra bouffe qui fut sa caractéristique dès l’origine.

    Pour DSK, rien de semblable ; dès l’origine de son affairer à lui, c’est la sombre tragédie, la descente aux enfers. C’est la folie d’un Système déchaîné, de toutes les façons et de tous les côtés, aussi bien dans le fait du comportement des flics de NYPD que dans le fait de DSK lui-même, avant qu’il ne tombe sous la coupe des flics de NYPD et alors qu’il préparait d’autres vastes coups dans sa suite du Sofitel à $3.000 la nuitée.

    Le Système contre le Système contre le Système…

    Arrêtez, c’en est assez… Qui saura démêler, qui saura dire le vrai, qui saura distinguer le sentiment spontané de l’attitude composée, la réaction naturelle de la mise en scène coordonnée ? Tout est fini car il y a longtemps et beau temps que l’espoir d’une soudaine résurgence de la vérité, même pour un instant, que cet espoir est perdu à jamais, – à jamais, dans les conditions présentes, du Système actuel, avec cette force qui pèse sur nous, cette puissance qui nous contraint absolument. Tout cela est bien plus fort que nous, bien plus écrasant que notre piètre raison, que notre attitude faraude du “je comprends, et comment” et du “on ne me la fait pas”… Le pourcentage prodigieux du nombre de citoyens du monde qui ont tout compris à cette affaite nous laisse pantois, – et l’on se demande, enfer et damnation, comment tant de crimes et de vilenies restent incompréhensibles et insaisissables, et comment, avec tant de raison et de justesse, on n’arrive plus à prévenir les tsunamis de chaos qui ne cessent de nous dévaster. Alors, nous donnerons une autre interprétation, qui tente de rendre compte de la logique générale de ces comportements extraordinaires…

    Car il s’agit de comportements extraordinaires, – l’un des hommes les plus puissants du monde traité comme un criminel des bas-fonds et jeté dans une prison sordide, nommée The Tomb, dans des cellules où l’on se retrouve à une bonne quarantaine avec un seul sanitaire pour le sympathique groupe, – cela sans aucune prévenance de rien, comme pour proclamer son intention d’écraser n’importe quel présumé innocent du monde et le broyer ; il y a l’acharnement extraordinaire, furieux, impitoyable, de l’équipe du Procureur de New York contre DSK. Certains songent à vous décrire Strauss-Kahn, comme un fou d’obsession sexuelle, un satrape, un monstre, un “gorille en rut” qui menace toutes les vertus du monde et il est bon qu’il pourrisse en prison pour au moins les prochains quarante siècles qui lui restent à vivre. Strauss-Kahn, d’ailleurs, qui disait tout de même à ses interlocuteurs que ses trois grands handicaps pour sa réussite dans le monde actuel, c’était “l’argent, les femmes et le fait d’être Juif”, – effectivement, DSK, trois obstacles insurmontables dans la réussite sociale et politique dans le Système actuel, chacun le sait bien, – comment peut-on émettre de telles banalités de convenance de la langue de bois du “parti des salonnards”, et faire semblant d'y croire, en plus ? En parlera-t-il à ses compagnons de cellule de The Tomb ? Devant ces “comportements extraordinaires”, ces pensées absolument folles dissimulées derrière le conformisme de façade, ces attitudes insensées, vous ne pouvez sérieusement avancer un commentaire qui prétende trier ce qui importe, rétablir les hiérarchies qui comptent, dérouler la chronologie des situations dans le sens de l’arrangement et de l’ordre rétablie, prétendre enfin parvenir à l’appréciation mesurée des logiques en cours. Tout cela serait se tromper soi-même avant de tenter de tromper les autres.

    Alors, tournons-nous vers une autre appréciation. Il s’agit de ceci, sous forme d’hypothèse comme sous forme d’intuition, haute espérons-le… Alors, ce qui se passe devant nos yeux aveuglés, en vérité, c’est le déchaînement du Système. Tous ces gens que nous passons en revue sont du “même bord”, en un sens ; ils font tous partie du Système, de ce que nous avons aussi coutume de nommer, par exemple, le bloc BAO (le bloc américaniste-occidentaliste) ; et ils sont terrorisés par lui, également, par le Système. Tous ces gens, d’une façon ou d’une autre, se déchaînent de fureur et d’angoisse, eux qui supportent le Système dans les deux sens principaux du verbe, – à la fois “supporter” dans le sens de l’approuver et de le soutenir, à la fois “supporter” dans le sens d’en porter le poids jusqu’à en être broyé.

    La crise du Système, le chaos du Système, ce chaos qui s’exprime en désordres divers, nous envahissent à intervalles réguliers et de plus en plus rapprochés, dans des domaines si différents. Nous avons eu le désordre du monde arabo-musulman, le désordre de Fukushima, le désordre de la Libye, le désordre de l’opération Geronimo, nous avons le désordre de l’affaire Sofitel-DSK ou DSK-Sofitel. Tout cela renvoie à une seule racine, à une seule force, à une seule dynamique. Que faire d’autre que de la subir, sinon tenter de comprendre de quoi il s’agit précisément et d’une façon générale et globale, plutôt que charger encore le sapiens de vertus diverses, aussi bien d’organisations de vilenies diverses que de complots habiles.

    “En même temps”, cette expression qui revient, lancinante, qui semble indiquer un temps redoublé ou un dédoublement du temps qui vous donnerait, qui vous imposerait pour chaque remarque que vous jugez définitive son double qui aussitôt détruit votre certitude. En même temps, vous détestez DSK, cet arrogant arriviste, ce détraqué sexuel, cet homme couvert de faux nez pour nous faire croire ce qu’il n’est pas, ce dirigeant d’une institution qui mène le monde, nécessairement “qui mène le monde à sa faillite”, à notre catastrophe ; en même temps, vous ressentez irrésistiblement une si forte compassion pour cet homme traqué, humilié, psychologiquement torturé et abaissé, et bientôt brisé, jeté dans une prison qui est un trou à rats où l’enfer triomphe, dans la pire des organisations du monde, dans un système fait pour broyer l’homme et qui se proclame comme l’avenir de l’homme. En même temps, vous pensez à sa victime et ne pouvez qu’exprimer votre désolation ; en même temps, vous pensez que la “victime” a pu être la complice d’un complot… En même temps, vous voyez ces robots, ces flics, ces juges, impassibles, indifférents à la compassion, qui méritent toute votre vindicte ; en même temps, vous songez que ce sont des flics américanistes également, les policiers du Wisconsin, qui se sont rebellés et ont refusé d’appliquer l’ordre du gouverneur Walker d’évacuer par la force le Capitole de Madison occupé par les citoyens de l’Etat, venus protester contre une des nouvelles horreurs du Système… Il est impossible d’être quitte de cet amoncellement de contraires contradictoires, dans un temps qui nous assomme de nouvelles extraordinaires ; c’est impossible, parce que la crise nous presse, lorsque nous dénonçons un aspect terrible d’un drame qui nous semble désigner les coupables, d’évoquer son contraire aussitôt, qui fait aussitôt des coupables du premier des innocents dans le second… La crise est si forte, si puissante, si profonde et si rapide, qu’elle interdit à votre raison de jouer à son jeu favori qui est de détacher et d’isoler les causes des conséquences, pour n’avoir pas à être conséquente dans un jugement, c’est-à-dire contrainte de tenir compte de ce désordre du Tout qui marrie impitoyablement les contraires et oblige le jugement à reculer devant un verdict qui classerait le monde, à la satisfaction de cette même raison, entre bons et mauvais… Car, en vérité, il n’y a que des esquifs à la dérive, balayés par la tempête, tantôt bons, tantôt mauvais, tantôt bons et mauvais, et en vérité jouets impuissants du déchaînement de la crise, prisonniers du Système, mauvais par proximité du Système qui n'est rien de moins que le Mal, et mauvais à mesure de cette proximité.

    Dans le texte que nous signalons par ailleurs, de Robert Kuttner, nous insistons sur le premier mot du texte, souligné dans cette phrase de l’entame : «The apparent selfdestruction of Dominique Strauss-Kahn in a New York hôtel…» “Selfdestruction”, comme l’on dirait d’un suicide, n’est-ce pas… Pourquoi suggérer quelque chose comme un suicide ? Kuttner sait-il ce qu’il suggère ou bien suggère-t-il, inconsciemment poussé par une intuition dont il ignore qu’elle agit sur lui ? (Car, bien sûr, rien ensuite dans son texte ne donne la moindre explication, ne fait la moindre référence à cette curieuse entame de son texte sur l’idée du suicide qui semble, par rapport au reste, comme un cheveu posé sur la soupe.) Pendant ce temps, hier, dans le Cannes du Festival, sur le podium pompeux et extrêmement people de l’émission Le Grand Journal de Canal +, l’actrice Carole Bouquet, interrogée sur le sort infâme fait à DSK, répondit, rêveuse et mystérieuse, quelque chose comme : “Je me demande si cet homme ne s’est pas suicidé… Cet homme ne voulait pas être vraiment candidat à la présidence, et peut-être président, mais il savait qu’il ne pourrait pas refuser d’être candidat à la présidence, et peut-être président ; alors, il préfère se suicider…” Démarche inconsciente certes, mais démarche d’une psychologie d’un homme complètement du Système, ô combien, qui jouit du Système jusqu’à plus soif, mais qui est en même temps prisonnier du Système, et qui sait qu’il ne peut résister aux injonctions du Système, et qui se révolte, tout cela inconscient certes, contre le Système.

    Concluons… L’affaire DSK-Sofitel ou Sofitel-DSK, et tout ce qui tourne autour, c’est un épisode spectaculaire et extraordinaire d’une révolte convulsive et paroxystique du Système. Nous disons “Système” de la façon la plus vague et la plus large du monde en même temps (là aussi), car la révolte est celle du Système contre le Système, des hommes du Système contre le Système, du Système contre les hommes du Système, de tout le monde contre tout le monde, dans la sarabande déchaînée, cette bacchanale infernale qu'est ce monde, comme devrait penser DSK… Rien d’autre ne peut être dit de plus vaste et de plus puissant, et de plus significatif en vérité, car alors l’hypothèse ne désigne rien de moins qu’un soubresaut formidable de la crise de la fin de notre “contre-civilisation”.

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  • Vers un capitalisme coopératif ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, publié sur son blog Regards sur le renversement du monde et consacré à la construction d'un capitalisme coopératif, local et enraciné comme réponse à la finance mondialisée... Stimulant, comme toujours !

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    Vers un capitalisme coopératif ?

    Faut-il crier : attention, danger ? A la recherche éperdue d’un autre modèle, d’un autre système, ceux qui ont dû faire leur deuil du communisme et du socialisme d’Etat, ceux qui n’ont jamais aimé l’entreprise privée comme ceux qui sont pris de vertige devant les dérives de l’entreprise financiarisée, annoncent avoir trouvé la solution ; le capitalisme coopératif ! Le mot fleurit chez les candidats à la candidature du Parti socialiste comme chez ceux de la nouvelle gauche, et s’il manque encore dans le discours national de la droite libérale comme de la droite nationale, il est bien présent parmi les multiples entités locales et régionales où se joue le combat politique. C’est qu’il revient de loin, le vieux mot de coopération, c’est qu’il trouve de nouveaux accents et une nouvelle portée au moment où la peur de manquer, le spectre du déracinement et le sentiment d’impuissance recréent partout en Europe, et particulièrement en France, certaines des conditions morales et sociales qui ont présidé à la naissance et au succès du mouvement coopératif à la fin du XIXè siècle ! Exode rural, affaiblissement des institutions et du lien social, recul de la foi religieuse et des identités exclusives, perte des repères et des structures traditionnelles, plus directement encore, confrontation à la pauvreté, au manque et plus encore, à l’indignité des conditions de vie ouvrière ; fantasmés ou réels, ces caractères liés à la première révolution industrielle ne sont pas sans rapport avec la situation des sociétés européennes en crise. Et le combat du XIXè siècle contre les usuriers, contre les profiteurs et les accapareurs, contre un capitalisme industriel et financier, colonial et brutal, n’est pas sans actualité au moment où les prédateurs qui ont provoqué la crise de 2007-2008 affichent une insolente santé, s’emploient à liquider les résistances des sociétés qu’ils n’ont pas achevées de coloniser à la loi du rendement financier, la loi de leur intérêt, et exercent à nouveau leur capacité de nuire sur ces sociétés désarmées.

    Vieille rengaine, ou idée neuve ? L’entreprise coopérative serait la forme du capitalisme du XXIè siècle, réconciliant la société et la performance économique, le marché et le lien, la production et la répartition. Il vaut la peine d’y aller voir de plus près, tant la coopérative est comme l’iceberg ; connue pour sa surface parfois agitée, lors d’accidents ou de dérives, elle est inconnue pour l’essentiel, son fonctionnement, son activité, les services qu’elle rend, son idéologie. Que ceux qui choisissent la coopération sachent ce qu’ils choisissent, pour l’utiliser, pour l’inventer, ou pour la refonder ! Car la coopération a été une arme, pas seulement pacifique, pour faire entendre raison ou pour mater les prédateurs, les usuriers ou les négociants ; les dirigeants coopératifs qui se laissent séduire par les banquiers d’investissement et serrent la main de leurs pires ennemis devront s’en souvenir. Car la coopération est forte d’un enracinement dans un territoire, dans une communauté professionnelle, dans un collectif identifié, déterminé et circonscrit ; la coopération instaure et nourrit une relation exigeante au collectif, à l’opposé de l’individualisme souverain, des droits inconditionnels et de la déliaison instituée par les Droits de l’homme. Car la coopération est discriminante dans l’espace; seuls, ceux qui participent au projet commun et se sont engagés dans le combat collectif en retirent les fruits, et aussi bien dans le temps ; chaque génération de sociétaires sacrifie d’autant plus volontiers une part du rendement financier de l’entreprise coopérative, qu’elle considère que ses enfants, et les enfants de ses enfants, bénéficieront.

    Perte des limites, du bon sens et de la raison ; la crise économique récente est la crise d’un modèle d’entreprise qui a dévoré la société, privatisé l’espace public et ignoré la gratuité, l’identité et la frontière. L’opinion ne s’y trompe pas, qui plébiscite les PME mais juge durement les sociétés du CAC 40, salue les entrepreneurs mais ne pardonne pas aux financiers de faire passer la rentabilité du capital avant leur territoire, leurs voisins et leur Nation. Même les représentants américains évitent désormais de se faire photographier en compagnie de dirigeants de banque ! Autre chose doit venir, autre chose va venir, mais quoi ? Des candidats à la candidature à l’élection présidentielle française, de jeunes et moins jeunes entrepreneurs, des communautés en quête d’autonomie, espèrent avoir trouvé la réponse avec la coopérative. Version 2012 de la nationalisation, version post-moderne de la propriété collective des moyens de production, ou bien version correcte du corporatisme, du localisme  et du régionalisme, la coopérative serait la réponse qu’on n’attendait pas à des questions qui taraudent les élus et, de plus en plus, les Français, et dont la moindre n’est pas la reprise de contrôle par la société d’une système économique et financier qui lui échappe. Tôt ou tard, la coopération serait au cœur de la révolution identitaire qui va conquérir l’Europe, au cœur de cette insurrection de la différence qui marquera la démondialisation engagée. Peut-être, mais attention ! Le danger de récupération est considérable, à un moment où certains de ceux qui ont détruit le socialisme en le convertissant à l’individualisme des Droits universels et du libéralisme intégral, entendent formater la coopération selon leurs intérêts ou leurs ambitions. Et le mouvement coopératif doit redevenir radical, c’est-à-dire retrouver ses racines, qui sont territoriales, communautaires, identitaires, et sa logique d’appartenance, qui fait passer les fins avant les moyens et les nôtres avant les autres. Ceux qui ont promu un sans-frontièrisme délétère, refusé l’application de la préférence nationale et développé un socialisme de l’assistance qui débouche sur l’isolement individuel n’ont rien à faire avec la coopération, sinon pour parasiter, polluer et dégrader un modèle qui a existé sans eux, qui existera après que les Français et les Européens en aient fini avec eux.

    Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 12 mai 2011)

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  • Un brûlot de Richard Millet...

    "Il ne s'agit donc ici que de savoir ce qu'il advient du sens de la nation et de mon identité devant une immigration extra-européenne qui la conteste comme valeur et qui, disons-le tout de go, ne peut que la détruire, non pas avec l'intention de le faire mais parce que l'illimitation de son nombre et son assentiment aux diktats du libéralisme international rencontrent cette terrible fatigue du sens qui affecte les Européens de souche."

    "Comment être le citoyen d'un pays dont Yannick Noah est la "personnalité préférée" ? Comment expliquer l'immense dégoût qui m'envahit devant cet histrion du Bien, miroir de l'insignifiance française, symbole de l'idéologie mondialiste : sportif, métis, chanteur de variétés, bienfaiteur de l'humanité, donneur de leçon, parfaite expression de la niaiserie perverse du Culturel. Comment se sentir européen ou occidental ou même citoyen d'un monde ou les autres personnalités exemplaires sont Lady Diana, Michael Jackson, Usain Bolt, Obama, le président-gadget de l'idéologie mondialiste ?"

     

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier un essai particulièrement incisif de Richard Millet intitulé Fatigue du sens. Avec Désenchantement dans la littérature (Gallimard, 2007) et L'opprobre (Gallimard, 2008), l'auteur avait déjà déclenché une violente polémique dans le milieu littéraire. A suivre...

     

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    "Comment peut-on encore être Français , quand l’immigration de masse ne permet plus l’assimilation des nouveaux venus, quand les Français de souche renient eux-mêmes leurs traditions pour épouser le conformisme du consumérisme mondialisé, quand le droit à être Français et la tentation du communautarisme l’emportent sur l’aspiration à un destin national, quand enfin la France n’est plus qu’un nom que nous froissons au fond de notre mémoire, pressés de sacrifier notre héritage chrétien et notre langue au relativisme culturel ?

             Derrière cette fatigue, derrière cette faillite à être soi-même, c’est bien l’effondrement des valeurs  les plus hautes qui est à l’œuvre. Une dignité trahie qu’achève de terrasser l’immigration extra-européenne sous un flux grandissant et hostile à tout enracinement.

    Comment dès lors savoir ce que nous sommes et où nous allons, si nous persistons à nier d’où nous venons ?"

     

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  • L'énigme Mitterrand...

    Le trentième anniversaire du 10 mai 1981 est une bonne occasion pour revenir avec ce texte de Dominique Venner, l'éditorial du dernier numéro de la Nouvelle Revue d'Histoire, sur le personnage complexe et énigmatique qu'était François Mitterrand... 

     

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    Mitterrand et le mystère français

    Au centre de toutes les interrogations que soulève l’itinéraire sinueux et contradictoire de François Mitterrand, sujet de notre dossier, figure en première place la photo devenue fameuse de l’entrevue accordée à un jeune inconnu, futur président socialiste de la République, par le maréchal Pétain, à Vichy, le 15 octobre 1942.

    Ce document était connu de quelques initiés, mais il n’a été cautionné par l’intéressé qu’en 1994, alors qu’il voyait venir la fin de sa vie. Trente ans plus tôt, à la veille de l’élection présidentielle de 1965, le ministre de l’Intérieur du moment, Roger Frey, en avait reçu un exemplaire. Il demanda une enquête qui remonta jusqu’à un ancien responsable local de l’association des prisonniers, dont faisait partie François Mitterrand. Présent lors de la fameuse entrevue, il en possédait plusieurs clichés. En accord avec le général De Gaulle, Roger Frey décida de ne pas les rendre publics.

    Un autre membre du même mouvement de prisonniers, Jean-Albert Roussel, en possédait également un tirage. C’est lui qui donna à Pierre Péan le cliché qui fit la couverture de son livre, Une jeunesse française, publié par Fayard en septembre 1994 avec l’aval du président.
    Pourquoi, Mitterrand a-t-il soudain décidé de rendre public son pétainisme fervent des années 1942-1943, qu’il avait nié et dissimulé jusque-là ? Ce n’est pas une question anodine.

    Sous la IVe République, en décembre 1954, à la tribune de l’Assemblée nationale, Raymond Dronne, ancien capitaine de la 2e DB, devenu député gaulliste, avait interpelé François Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur : « Je ne vous reproche pas d’avoir arboré successivement la fleur de lys et la francisque d’honneur… » « Tout cela est faux », répliqua Mitterrand. Mais Dronne riposta sans obtenir de réponse : « Tout cela est vrai et vous le savez bien… »

    Le même sujet fut abordé de nouveau à l’Assemblée nationale, le 1er février 1984, en plein débat sur la liberté de la presse. On était maintenant sous la Ve République et François Mitterrand en était le président. Trois députés de l’opposition de l’époque posèrent une question. Puisque l’on parlait du passé de M. Hersant (propriétaire du Figaro) pendant la guerre, pourquoi ne parlerait-on pas de celui de M. Mitterrand ? La question fut jugée sacrilège. La majorité socialiste s’indigna et son président, Pierre Joxe, estima que le président de la République était insulté. Les trois députés furent sanctionnés, tandis que M. Joxe rappelait haut et fort le passé de résistant de M. Mitterrand.

    Ce passé n’est pas contestable et pas contesté. Mais, au regard de la légende bétonnée imposée après 1945, ce passé de résistant était incompatible avec un passé pétainiste. Et voilà donc qu’à la fin de sa vie, M. Mitterrand décida soudain de rompre avec le mensonge officiel qu’il avait fait sien. Pourquoi ?
    Pour être précis, avant de devenir peu à peu résistant, M. Mitterrand avait d’abord été un pétainiste fervent comme des millions de Français. D’abord dans son camp de prisonnier, puis après son évasion, en 1942, à Vichy où il fut employé par la Légion des combattants, grand rassemblement mollasson d’anciens combattants. Comme il trouvait ce pétainisme-là beaucoup trop endormi, il se lia à quelques pétainistes « purs et durs » (et très anti-allemands), tel Gabriel Jeantet, ancien cagoulard, chargé de mission au cabinet du Maréchal, l’un de ses futurs parrains dans l’ordre de la Francisque.

    Le 22 avril 1942, il écrivait à l’un de ses correspondants : « Comment arriverons-nous à remettre la France sur pied ? Pour moi, je ne crois qu’à ceci : la réunion d’hommes unis par la même foi. C’est l’erreur de la Légion que d’avoir reçu des masses dont le seul lien était le hasard : le fait d’avoir combattu ne crée pas une solidarité. Je comprends davantage les SOL (1), soigneusement choisis et qu’un serment fondé sur les mêmes convictions du cœur lie. Il faudrait qu’en France on puisse organiser des milices qui nous permettraient d’attendre la fin de la lutte germano-russe sans crainte de ses conséquences… » C’est un bon résumé du pétainisme musclé de cette époque. Tout naturellement, au fil des événements, notamment après le débarquement américain en Afrique du Nord du 8 novembre 1942, ce pétainisme évolua vers la résistance.

    La fameuse photo publiée par Péan avec l’accord du président provoqua un ouragan politique et médiatique. Le 12 septembre 1994, le président, miné par son cancer, dut s’expliquer à la télévision sous l’œil noir de Jean-Pierre Elkabbach. Mais contre toute attente, sa solitude d’accusé, doublée d’une détresse physique évidente, parut injustes, provoquant un élan de sympathie. L’interrogatoire d’Elkabbach avait suscité une réaction : « Mais pour qui se prend-il, celui-là ? » Ce fut un élément capital du rapprochement des Français avec leur président. Non que le bilan politique du personnage ait été approuvé. Mais l’homme, soudain, était devenait intéressant. Il avait acquis une épaisseur inattendue, celle d’une histoire tragique qui éveillait un écho dans le secret du mystère français.

    Dominique Venner (La Nouvelle Revue d'Histoire, mai-juin 2011)

     

    Note

    (1). Le SOL (Service d’ordre légionnaire) fut constitué en 1941 par Joseph Darnand, ancien cagoulard et héros des deux guerres. Cette formation nullement collaborationniste fut officialisée le 12 janvier 1942. Dans le contexte nouveau de la guerre civile qui se déploie alors, le SOL sera transformé en Milice française le 31 janvier 1943. On se reportera à La NRH n° 47, p. 30 et à mon Histoire de la Collaboration, Pygmalion, 2002.

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  • Tour d'horizon... (6)

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    Au sommaire :

    - sur L'esprit européen, Michel Lhomme observe le malaise français et sent monter la révolte...

    Révoltez-vous !

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    - sur Valeurs actuelles, Georges-Henri Bricet des Vallons, pour sa part, voit venir la fin de l'Union européenne...

    Une implosion programmée

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