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  • Et maintenant, l'interdiction de la discrimination linguistique...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Robert Redeker au Figaro Vox, dans lequel il évoque une nouvelle disposition du Code pénal qui proscrit désormais la discrimination linguistique... Philosophe, Robert Redeker est l'auteur de nombreux essais et vient de publier L'école fantôme (Desclée de Brouwer, 2016).

     

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    Robert Redeker : «La loi sur la discrimination linguistique dissout la langue française»

    FIGAROVOX. - La loi de modernisation de la justice a amendé l'article 225 du Code pénal. Désormais, est considérée discriminatoire «toute distinction entre les personnes physiques [ou morales] sur le fondement [...] de la capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français». Que cela vous inspire-t-il?

    Robert REDEKER. - Notre pays est pris depuis une décennie d'une folie anti-discriminatoire ravageuse. On oublie ainsi l'essentiel: certaines discriminations sont fondées, utiles au bien public ou à la cohérence historique de la nation. C'est que l'anti-discrimination est devenu un absolu, une idéologie absolutiste au lieu de rester un outil dont il faut savoir faire un usage modéré. Sans discriminations aucune société ni aucun corps politique ne peuvent se constituer. Être, c'est tracer des frontières, délimiter un dedans et un dehors, inclure et exclure, c'est donc discriminer. Poussé jusqu'à son terme, le délire antidiscriminatoire est dissolvant: il communautarise et atomise les unités politiques, les fait exploser. Son horizon est un retour à l'état de nature, celui de la guerre de tous contre tous. Hobbes nous l'a appris: l'égalité parfaite est la source des guerres civiles, des plus violents déchirements. Plus on va vers l'égalité, plus on va vers la guerre. L'égalité de toutes les langues transformerait notre pays en un état de nature linguistique. Il importe de rapprocher cette décision de l'affirmation par certaines autorités du Ministère de l'Éducation nationale que les règles de grammaire sont négociables avec les élèves.

    Le chemin indiqué par cette disposition anti-discrimination, en complément de dizaines d'autres, est celui de la disparition de la norme, de la dénormalisation de la société, pour lui substituer le conformisme du marginal, du différent, de l'anormal, l'égalité de toutes les différences. Ou plutôt: pour lui substituer la tyrannie du marginal, du minoritaire, du différent, de l'anormal. Nous avons quitté les sociétés de norme pour entrer dans les sociétés d'une forme encore inédite de conformismes, ceux du minoritaire.

    N'y a-t-il pas plusieurs manières de comprendre la tournure de l'expression qui modifie l'article en question du Code pénal?

    La loi, désormais, dit: «Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur (…) leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français». Le législateur se montre très obscur dans sa formulation. Il voulait sans doute dire: leur incapacité à s'exprimer en français. Mais le crétinisme du politiquement correct, qui exige que l'on dise malvoyant pour aveugle, personne à mobilité réduite pour handicapé moteur, élève en difficulté pour cancre ou sale gosse, et mal comprenant pour imbécile, exigeait le remplacement d'une approche positive (leur capacité à parler une autre langue que le français) à une approche négative, qui eût encouru le reproche d'être stigmatisant («leur incapacité à s'exprimer en français»). Le texte de la loi est mal écrit parce qu'il est dicté par la peur de stigmatiser ce qui vient d'ailleurs, l'exotique ; il est le fruit cette allophilie nourrie par l'autophobie à laquelle se réduit la mentalité de gauche aujourd'hui.

    Dans les faits, même s'il faut attendre de voir quelle jurisprudence sera établie, il apparaît que cette loi tendra à protéger tant les langues régionales que les langues étrangères. N'est-ce pas dangereux pour le français, consacré par la Constitution en son article 2 comme langue officielle de la République française?

    Il faut faire un sort différent aux langues régionales et aux langues étrangères. Ces langues (abusivement appelées «régionales») ne sont pas des langues étrangères.

    Les langues régionales font partie du patrimoine spirituel et littéraire de notre pays, elles ont droit au titre de «langues de la nation française». À Verdun, on mourait pour la France en langue d'oc, en breton, et en corse. Un groupe vocal corse, Arapà, mettra en vente ces jours-ci, dans la langue de leur île, un magnifique CD d'hommage aux poilus de la guerre de 14: «In Memoriam 1914-1918». Le français est la langue nationale de tous les citoyens, mais le gascon, par exemple, est la langue nationale (c'est-à-dire: qui appartient de façon indivisible à la nation française) des habitants du Gers et des Landes en plus du français. L'écrivain Joë Bousquet a dit que l'occitan (en fait l'ensemble des parlers d'oc, du limousin au provençal) du XIIIe est le tournant de la langue française. On ne saurait mieux affirmer la solidarité de ces deux langues, si différentes pourtant. Il n'y a pas concurrence entre les langues régionales et le français. Ces langues sont les langues autochtones du sol de France et de son peuple, elles sont aussi intimement liées à notre nation que nos paysages. Elles sont les langues de ceux qui ont fait notre pays. C'est pourquoi il faut les protéger et les revitaliser. Il ne faut pas oublier non plus que l'histoire de France ne commence pas en 1792! Qu'elle ne se réduit pas à la République. Que personne ne sait quel type de régime viendra après la République et la démocratie. La France est une entité plus grande dans le temps que la République. Il vaut mieux énoncer les choses ainsi: le français est la langue du régime républicain, mais pas la seule langue nationale de la France.

    De quoi l'extension infinie des objets de discrimination est-elle le nom?

    La gauche mène une politique des identités minoritaires. Toutes les identités sont valorisées, à longueur de journée et de textes de lois, sauf une seule, dont la prononciation même du nom appelle les insultes et les crachats, la risée et le mépris, l'identité française, ou l'identité nationale. Il n'en a pas toujours été ainsi. Il suffit de regarder les affiches de propagande du Parti Communiste Français des années 1960 et 1970 pour s'en rendre compte. Si elles tombaient sous leurs yeux, les petits-bourgeois écolo-responsables socialisants d'aujourd'hui y dénonceraient avec dégoût des thèmes «nauséabonds» chers au Front National. Outre qu'elle est le nom de cet émiettement de la société qui prépare le retour à l'état de nature (la guerre civile), la démence du fanatisme antidiscriminatoire est aussi le nom de la trahison de la gauche (sa haine la pousse à trahir aussi bien le petit peuple que la France).

    Cette loi n'est-elle pas un obstacle supplémentaire à l'assimilation, qui passe d'abord par l'apprentissage de la langue?

    Je répondrai en deux temps. D'une part, elle est un message de défaite adressé par la représentation nationale aux locuteurs des langues étrangères. Ne faites pas l'effort! Elle donne raison aux rappeurs: vous pouvez ni...r la France, elle vous dira merci. Elle sous-entend: pas la peine d'aimer la France, sa langue et son histoire. La France, ce n'est rien! D'autre part, elle dissout le français, dont la grammaire est devenue, selon certains pédagogues, à géométrie variable, dans un magma linguistique mondial appelé à relativiser le français sur sa terre d'origine. C'est une forme de disparition du français en France que prépare cette loi. Le croisement de ces deux remarques donne ceci: cette mesure est bien entendu un obstacle de plus à l'assimilation des populations d'origine extra-européennes et extra-chrétiennes récentes. Elle semble signifier que la gauche ne veut pas de cette assimilation.

    Robert Redeker, propos recueillis par Alexis Feertchak (Figaro Vox, 27 janvier 2017)

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  • Ne plus attendre...

    Les éditions Ars Magna viennent de rééditer un essai oublié de Pierre Drieu la Rochelle intitulé Ne plus attendre. Le livre, composé d'articles écrits entre 1939 et 1941, est préfacé par Maurice Courant.

     

     

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    " Pierre Drieu la Rochelle a ainsi présenté Ne plus attendre : « Mon livre écarte volontairement toute polémique politique ; je me suis efforcé de dégager le terrain encombré de routine, d’idées fausses, de plâtras et de baudruches crevées. J’ai essayé de dessiner le décor de la nouvelle scène sur laquelle la France doit ressusciter et retrouver ses vraies destinées. » Il y énumère les erreurs qui prospéraient au lendemain de la défaite de 1940 et il ne s’exclut pas de la coulpe que devait alors battre chaque Français.

    L’opération salutaire menée à bien, il propose de ne penser qu’à l’œuvre de reconstruction et de résurrection. La route française est à retrouver. À la facilité mesquine, indigne de l’homme, Drieu la Rochelle oppose alors les grands noms de France et quelques vertus de la race : sobriété, générosité, astuce, amour mystique du travail, amour de l’outil et de la main. Au bout de l’effort brillera, selon lui, la joie, celle des peuples pauvres, unis dans la solidarité."

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  • Comment combattre l'islamisme ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un extrait de l'entretien donné par Julien Rochedy à Christopher Lannes sur le Bréviaire des patriotes dans lequel il évoque le combat contre l'islamisme...

    L'entretien dans son intégralité est visible ici.

     

     

                   

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  • Après la polémique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté, cueilli sur Figaro Vox et consacré au livre de Patrick buisson, La cause du peuple (Perrin, 2016). Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et est déjà l'auteur de plusieurs essais. Il vient de publier en France Le multiculturalisme comme religion politique aux éditions du Cerf.

     

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    Après la polémique, ce qui restera du livre de Patrick Buisson

    «Un brulot». Un «livre à charge». Un «règlement de comptes», ajoutèrent certains. C'est ainsi qu'on a accueilli La cause du peuple (Perrin, 2016), le dernier livre de Patrick Buisson, en prenant bien la peine de rappeler, comme à l'habitude, tout son parcours idéologique, comme s'il fallait mettre en garde le commun des lecteurs contre lui. Ces mises en garde faites, on a tout fait pour réduire cet ouvrage à une compilation de confidences et d'indiscrétions, comme s'il se livrait à la manière d'un petit tas de secret sur la Sarkozie. En gros, ce serait un livre de ragots. Comment ne pas voir là une autre preuve que la plupart du temps, les journalistes ne lisent pas vraiment les livres dont ils parlent? Ou s'ils les ont lu, qu'ils se fichent bien de l'essentiel. Ou alors, peut-être ont-ils décidé d'enterrer celui qu'on veut à tout prix faire passer pour un mauvais génie? Chose certaine, ils ne se sont pas intéressés à l'analyse de notre situation historique que Buisson a pris la peine d'élaborer sur plus de 400 pages, avec un bonheur d'écriture indéniable: on se contentera d'y coller une sale petite étiquette radioactive pour en faire un infréquentable personnage. Le vrai pouvoir de la gauche médiatique, c'est de décerner des certificats de respectabilité auxquels on prête encore de la valeur.

    Et c'est dommage. Très dommage. Car La cause du peuple est probablement un des livres les plus importants paru ces dernières années - j'ajouterais, un des plus passionnants. Si Buisson joue à sa manière le rôle du chroniqueur des années Sarkozy, qu'il a accompagné de 2005 à 2012 en voulant en faire le héraut de la France telle qu'il se l'imagine, il nous propose surtout, dans cet ouvrage, une puissante analyse de notre temps. Il croise la psychologie politique, la philosophie politique et l'anthropologie politique et son regard va très en profondeur. Il s'agit de faire un portrait de l'époque à travers la présidence d'un homme qu'il aurait souhaité frappé par la «grâce d'État» mais qui n'est jamais vraiment parvenu à faire quelque chose de son incroyable énergie, comme s'il était paralysé par son désir de reconnaissance par les branchés et les élégants, représentés à ses côtés par son épouse. Sarkozy, pour Buisson, est d'abord l'histoire d'un talent gâché, d'une immense déception. C'est l'histoire d'un homme qui aurait préféré l'agitation à l'action, en confondant l'hyperactivité médiatique et le travail de fond. Il n'aura pas su saisir la part sacrée du politique, la symbolique sacrificielle du pouvoir. Le pouvoir devait le conduire dans la jet-set mondiale où il jouirait, enfin riche, de son ascension sociale parfaitement réussie.

    On le sait, Patrick Buisson a été grand stratège du sarkozysme électoral en 2007, c'est-à-dire d'une campagne misant sur la transgression du politiquement correct en mettant de l'avant la notion d'identité nationale, longtemps concédée par la droite «républicaine» à la droite populiste. Buisson en était convaincu: il fallait mener la guerre culturelle à une gauche depuis trop longtemps hégémonique dans le monde des idées. Mais cette notion n'avait rien d'un hochet rhétorique chez lui. Au contraire, à travers elle, il était possible de renouer avec la part conservatrice de la droite et plus fondamentalement, de sortir d'une vision strictement économique de l'homme, qui passe souvent pour la seule rationnelle, surtout à droite, où on croit répondre aux besoins de l'âme humaine avec une approche strictement comptable. L'identité nationale ouvrait, pour Buisson, sur la part symbolique et anthropologique de la communauté politique: cette part, qui se dérobe à l'artificialisme sociologique, est probablement la plus importante. L'identité nationale permettait de faire une brèche dans une mythologie progressiste glosant sans cesse sur les valeurs républicaines pour mieux occulter l'identité historique de la France.

    C'est cette part que Buisson cherchera à mettre de l'avant pendant cinq ans, en invitant Nicolas Sarkozy à se l'approprier. Qu'il s'agisse de la question de l'autorité de l'État, de l'immigration ou des questions sociétales, Buisson revient toujours à la charge en rappelant une chose fondamentale: le peuple français fait une expérience pénible de sa désagrégation: ce constat est vrai pour l'ensemble des peuples occidentaux. Il voit ses symboles s'égrener, ses repères se brouiller, son identité s'émietter. Il se sent de plus en plus devenir étranger chez lui. Ses aspirations profondes sont étouffées, et mêmes déniées. On les présente comme autant d'archaïsmes ou de phobies alors qu'il s'agit d'invariants anthropologiques que la civilisation avait traditionnellement prise en charge et mise en forme. La vocation du politique, nous dit Buisson, est d'abord conservatrice: il s'agit de préserver une communauté humaine, qui est une œuvre historique vivante, et non pas toujours de la réformer pour l'adapter à la mode du jour. Il y a dans le cœur humain un désir de permanence qu'on doit respecter. Lorsqu'on le nie, on pousse l'homme à la solitude extrême, puis à la détresse.

    Buisson souhaite reconstituer le peuple français, et pour cela, il croit nécessaire de renouer politiquement avec lui. Alors que les élites ne savent plus défendre une souveraineté de plus en plus vidée de sa substance, il faut aller directement au peuple pour reconstituer une véritable puissance publique. C'est en puisant directement dans la légitimité populaire que Buisson entend régénérer le pouvoir, le déprendre des nombreuses gangues qui l'enserrent comme le droit européen ou international ou encore, les nombreux corporatismes qui entravent la poursuite de l'intérêt général. Mais, ajoute-t-il, la gauche ne pense pas trop de bien de ce retour au peuple, puisque depuis très longtemps, elle se méfie des préjugés du peuple, qui se montre toujours trop attaché à ses coutumes: elle rêve d'une démocratie sans le peuple pour la souiller de ses mœurs. C'est l'histoire du rapport entre le progressisme et le peuple dans la modernité. Dans le cadre de la campagne de 2012, Buisson cherchera quand même à convaincre Nicolas Sarkozy de miser sur une politique référendaire qui pourrait faire éclater le dispositif annihilant la souveraineté. Il n'y parviendra pas vraiment, même s'il poussera le président-candidat à renouer avec une posture transgressive.

    Mais un peuple n'est pas, quoi qu'en pensent les théoriciens des sciences sociales, une construction artificielle qu'on peut créer et décréer par décret. Et c'est en puisant dans son histoire qu'il peut renaître, en retrouvant ses racines les plus profondes. L'histoire est chose complexe: les formes qu'elle a engendrées peuvent se métamorphoser, renaître, et c'est dans cette optique que Buisson revient sur la question des racines chrétiennes de la France. Formée dans la matrice du christianisme, la France s'est couverte au fil de l'histoire d'églises, avant de les déserter assez brutalement au vingtième siècle - il faut dire qu'on a aussi cherché violemment à lui arracher ses racines chrétiennes avant cela. Dans un monde marqué par l'esprit de conquête d'un certain islam, par une immigration massive et par une déliaison sociale de plus en plus brutale, la France est prête à se réapproprier son héritage chrétien à la manière d'une «ressource politique immédiatement disponible» (p.322). Le catholicisme s'offre non plus nécessairement comme une foi mais comme une culture ayant permis aux Français d'accéder à la transcendance et vers laquelle ils peuvent se retourner à la manière d'une identité civilisationnelle.

    On me pardonnera de le redire, mais on aurait tort de voir dans cet ouvrage essentiel une bête charge contre un homme désaimé. En fait, quiconque recense La cause du peuple est condamné à ne rendre que partiellement compte de l'exceptionnelle réflexion qui s'y trouve. Buisson, en fait, fait le portrait de la misère d'une époque qui a le culot de se croire presque irréprochable alors qu'elle pousse les hommes à la misère affective et spirituelle et finalement, à une solitude si violente qu'elle représente peut-être la pire misère qui soit. En creux, il formule un programme de redressement qui est moins fait de mesures ciblées que d'un appel à renouer avec une idée de l'homme autrement plus riche que celle qui domine en modernité avancée: il n'y aura pas de réforme politique sans réforme intellectuelle et morale, dirait-on. L'homme politique ne doit plus voir devant lui une société flottant dans un éternel présent où se meuvent des individus bardés de droits mais un peuple historiquement constitué. Et il doit moins se présenter comme un habile gestionnaire du présent que comme un homme incarnant le passé, le présent et l'avenir d'une civilisation.

    Si Nicolas Sarkozy savait parler et faire de bons discours, il ne savait finalement pas incarner sa fonction et encore moins son pays. À lire Patrick Buisson, c'était un comédien de talent qui n'avait pas de vocation sacrificielle. Buisson a échoué a en faire le grand homme qu'il aurait peut-être pu être. Pouvait-il en être autrement? On comprend pourquoi la figure du général de Gaulle hante les pages de La cause du peuple. Mais il ajoute: «de n'avoir pas réussi la mission que je m'étais donnée ne prouve rien. D'autres, je le sais, viendront après moi pour dire et redire que ne font qu'un la cause du peuple et l'amour de la France» (p.442). Un pays dure tant que dure dans le cœur des hommes le désir qu'il persévère dans son être: la flamme de la résistance doit toujours être portée pour un jour le faire renaître mais il arrive qu'ils soient bien peu nombreux à la maintenir. Ce qui habite Patrick Buisson, manifestement, c'est l'espérance d'une renaissance française.

    La cité a quelque chose de sacré: à travers elle, l'homme fait l'expérience d'une part essentielle de lui-même, qui le transcende, qui le grandit, qui l'anoblit. «Aimer la France, dit-il, ce n'est pas aimer une forme morte, mais ce que cette forme recèle et manifeste d'impérissable». Et Buisson ajoute: «Ce n'est pas ce qui mourra ou ce qui est déjà mort qu'il nous faut aimer, mais bien ce qui ne peut mourir et qui a traversé l'épaisseur des temps. Quelque chose qui relève du rêve, désir et vouloir d'immortalité. Quelque chose qui dépasse nos pauvres vies. Et qui transcende notre basse époque. Infiniment» (p.442-443). La cité est gardienne d'une part de l'âme humaine et elle ne saurait bien la garder sans un véritable ancrage anthropologique. Mais elle ne saurait, heureusement, se l'approprier complètement et il appartient aux hommes qui croient à la suite du monde de la cultiver, d'en faire le cœur de leur vie, pour transmettre ce que l'homme ne peut renier sans se renier lui-même, pour honorer ce qu'on ne saurait oublier sans s'avilir intimement.

    Mathieu Bock-Côté (Figaro Vox, 18 octobre 2016)

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  • Sur les chemins noirs...

    Sylvain Tesson, qu'on avait laissé, dans Bérézina (Guérin, 2015),  avec son side-car sur les traces de Napoléon en Russie, revient, après un grave accident, avec Sur les chemins noirs, publié cette semaine aux éditions Gallimard. Géographe, aventurier et journaliste, Sylvain Tesson, bien connu pour ses récits comme L'axe du loup (Robert Lafont, 2004) ou Dans les forêts de Sibérie (Gallimard, 2011), est aussi l'auteur de recueils de nouvelles, parfois grinçantes, comme Une vie à coucher dehors(Gallimard, 2010) ou Vérification de la porte opposée (Phébus, 2010). Il a également publié un fort sympathique Petit traité sur l'immensité du monde (Equateurs, 2005).

     

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    " 2014. «L'année avait été rude. Je m'étais cassé la gueule d'un toit où je faisais le pitre. J'étais tombé du rebord de la nuit, m'étais écrasé sur la Terre. Il avait suffit de huit mètres pour me briser les côtes, les vertèbres, le crâne. J'étais tombé sur un tas d'os. Je regretterais longtemps cette chute parce que je disposais jusqu'alors d'une machine physique qui m'autorisait à vivre en surchauffe. Pour moi, une noble existence ressemblait aux écrans de contrôle des camions sibériens : tous les voyants d'alerte sont au rouge mais la machine taille sa route. La grande santé ? Elle menait au désastre, j'avais pris cinquante ans en dix mètres. A l'hôpital, tout m'avait souri. Le système de santé français a ceci de merveilleux qu'il ne vous place jamais devant vos responsabilités. On ne m'avait rien reproché, on m'avait sauvé. La médecine de fine pointe, la sollicitude des infirmières, l'amour de mes proches, la lecture de Villon-le-punk, tout cela m'avait soigné. Un arbre par la fenêtre m'avait insufflé sa joie vibrante et quatre mois plus tard j'étais dehors, bancal, le corps en peine, avec le sang d'un autre dans les veines, le crâne enfoncé, le ventre paralysé, les poumons cicatrisés, la colonne cloutée de vis et le visage difforme. La vie allait moins swinguer. Il fallait à présent me montrer fidèle au serment de mes nuits de pitié. Corseté dans un lit étroit, je m'étais dit à voix presque haute : "si je m'en sors, je traverse la France à pied". Je m'étais vu sur les chemins de pierre ! Je voulais m'en aller par les chemins cachés, flanqués de haies, par les sous-bois de ronces et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés. Il existait encore une géographie de traverse pour peu que l'on lise les cartes, que l'on accepte le détour et force les passages. Loin des routes, il existait une France ombreuse protégée du vacarme, épargnée par l'aménagement qui est la pollution du mystère. Une campagne du silence, du sorbier et de la chouette effraie. Des motifs pour courir la campagne, j'aurais pu en aligner des dizaines. Me seriner par exemple que j'avais passé vingt ans à courir le monde entre Oulan- Bator et Valparaiso et qu'il était absurde de connaître Samarcande alors qu'il y avait l'Indre- et-Loire. Mais la vraie raison de cette fuite à travers champs, je la tenais serrée sous la forme d'un papier froissé, au fond de mon sac...» Avec cette traversée à pied de la France réalisée entre août et novembre 2015, Sylvain Tesson part à la rencontre d'un pays sauvage, bizarre et méconnu. C'est aussi l'occasion d'une reconquête intérieure après le terrible accident qui a failli lui coûter la vie en août 2014. Le voici donc en route, par les petits chemins que plus personne n'emprunte, en route vers ces vastes territoires non connectés, qui ont miraculeusement échappé aux assauts de l'urbanisme et de la technologie, mais qui apparaissent sous sa plume habités par une vie ardente, turbulente et fascinante. "

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  • Syrie : un martyre sans fin

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur son blog Bouger les lignes et consacré à la guerre de Syrie. Docteur en science politique et dirigeante d'une société de conseil, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et publie régulièrement ses analyses sur le site du Point.

     

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    Un quartier de Damas en ruines

     

    Syrie : un martyre sans fin

    Le storytelling fait rage depuis 2011 en Syrie. Il brouille les sens et l'entendement. Les Bons et les Méchants sont là, devant nous, Blancs et Noirs, chacun dans leur boîte, crimes de guerre et atrocités contre « rebellitude » armée, sur les victimes de laquelle on s'attarde beaucoup moins, surtout à l'OSDH (Observatoire syrien des droits de l'homme, une ONG basée à Londres)… Le jusqu'au-boutisme des uns et des autres tend l'affrontement vers son paroxysme et semble rendre toute évolution politique pragmatique impossible. Chacun pense encore, du fond de son tunnel mental, pouvoir venir à bout de l'adversaire en faisant assaut de sauvagerie et de résilience. En menant une guerre d'usure de l'horreur et de l'absurdité. L'enchaînement cynique des provocations et des représailles paraît sans fin.

    Il est très difficile de continuer à raisonner politiquement devant un tel désastre humain, de ne pas s'abandonner à l'écœurement devant les images insoutenables. Difficile de ne pas juste s'insurger contre ce régime, et contre lui seul, qui résiste si brutalement à l'anéantissement, aux dépens d'une partie de son peuple, pour le sortir des griffes des islamistes ultra-radicaux que l'on nous présente inlassablement comme des rebelles démocrates. Alors, au risque de paraître insensible et précisément au nom de toutes ces victimes innocentes, il faut malgré tout renvoyer à l'enchaînement du drame et faire apparaître sous les gravats les inspirateurs sinistres d'une telle déconstruction humaine et nationale. Car les acteurs locaux de ce carnage planifié, que ce soit le régime syrien ou les innombrables mouvements islamistes qui ont fondu sur le pays depuis 2011, demeurent largement des marionnettes – actionnées avec une habileté fluctuante. Et il est devient chaque jour plus indécent de feindre de croire que ces poupées de chiffon enragées décideront seules du sort du conflit.

    Un cessez-le-feu mort-né

    La simili-trêve signée à Genève par messieurs Kerry et Lavrov le 9 septembre dernier a volé en éclats. Évidemment. L'administration Obama et les faucons « libéraux » qui l'environnent paraissent en effet de plus en plus tentés d'en finir avec Assad pour gonfler le bilan du président sortant. Quant à la Russie, elle n'a pas d'alternative à la sécurisation d'une « Syrie utile » la plus élargie possible, qui lui assure la part du lion d'un règlement politique ultime. Alors on joue à se faire peur, de plus en plus peur. Moscou accuse Washington d'avoir pavé la voie à une contre-offensive de l'organisation État islamique à Deir ez-Zor (est du pays) en bombardant les forces du régime, tuant plus de 80 militaires syriens. Washington accuse les forces syriennes et russes (incriminant tour à tour la chasse syrienne, puis les hélicoptères russes et enfin des Sukhoï Su-24 qui auraient frappé le convoi deux heures durant) d'avoir bombardé un convoi humanitaire aux portes d'Alep assiégée. Impossible de savoir ce qu'il en est réellement. On peut juste constater que les dommages sur les camions semblent avoir été causés par le feu et par des obus, sans grosse frappe directe ; se souvenir que les rebelles ont rejeté le cessez-le-feu depuis son entrée en vigueur officielle, manifesté contre l'acheminement d'aide humanitaire au profit des populations qu'ils retiennent sous leur contrôle à l'est de la ville, et avaient même accusé l'ONU de partialité. Quel intérêt les forces syriennes auraient-elles eu à attaquer, dans une atmosphère hautement inflammable, un convoi du Croissant rouge islamique avec lequel elles sont en bons termes et dont elles savaient qu'il ne transportait pas de contrebande ?

    Quoi qu'il en soit, le cessez-le-feu était de toute façon mort-né comme les précédents. Moscou ne pouvait réellement souhaiter la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne qui aurait cloué au sol l'aviation syrienne à l'orée de reconquêtes décisives. Surtout Washington, contrevenant aux termes de l'accord du 9 septembre, n'avait nullement l'intention de pousser ses alliés islamistes « rebelles » à se séparer des plus radicaux d'entre eux, le Front al-Nosra (Al-Qaïda) rebaptisé Fateh al-Sham. Logique d'ailleurs, puisqu'ils se servent depuis des années de ces groupuscules pour déstabiliser le régime. Enfin, les États-Unis auraient tout récemment déployé, sans le moindre accord ou consultation du régime de Damas, des forces spéciales et matériels divers dans sept bases militaires au nord-est de la Syrie (là où se trouvent des forces kurdes)... Une préparation dans la perspective d'une offensive générale sur Mossoul ou sur Raqqa, ou simplement dans celle d'un engagement plus décisif encore aux côtés des rebelles et des Kurdes contre les forces du régime syrien ? Bref, la pression monte, à Washington, pour un coup d'éclat, une salve de martialité sur les décombres d'un grand État laïque sciemment livré à une régression antédiluvienne, un fantasme punitif, une rapacité chronique. Tandis que la « coalition » se hâte lentement en Irak vers la reprise de Mossoul, mais doit encore gérer l'indocilité grandissante des Kurdes locaux jaloux de leur autonomie et de leur pétrole, et des milices chiites peu contrôlables qu'elle craint d'armer, on feint encore, en Syrie, de vouloir éradiquer Daech tout en laissant agir ses avatars islamistes les plus forcenés. Tout n'est que jeux d'ombres et de dupes.

    Une guerre d'intimidation

    Au-delà de cet imbroglio sanglant de plus en plus difficilement lisible, il est clair que le sort des Syriens et de leur splendide pays, partiellement réduit en cendres, est le cadet des soucis des protagonistes principaux qui se toisent et s'affrontent à ses dépens, et qui ont non seulement des intérêts divergents, mais des conceptions radicalement opposées de ce que peut et doit être son avenir.

    Les Américains voient en fait, dans les soi-disant « rebelles », des supplétifs commodes à un engagement au sol auquel ils se refusent. Des « terroristes » peut-être, mais surtout des islamistes sunnites anti Assad qui peuvent encore lui ravir le pouvoir et instaurer un équilibre local favorable à leurs intérêts face à l'Iran, et en lien avec la Turquie et l'Arabie saoudite qui demeurent des alliés de fond et de poids pour l'Amérique. À leurs yeux, le terrorisme n'est rien d'autre que l'arme d'un chantage politique s'exerçant contre Damas, mais visant aussi Moscou et Téhéran…

    Quant à la Russie, tout l'art de Vladimir Poutine consiste à s'engager suffisamment pour consolider son influence régionale et conserver sa base au Moyen-Orient, sans s'enliser ni devoir entrer dans une confrontation ouverte aérienne avec Washington dont il a de fortes chances de sortir humilié. Dans cette « guerre des perceptions », chaque capitale doit intimider, irriter, faire douter l'Autre, tout en contrôlant le cycle provocations-représailles pour éviter une « sortie de route » difficilement maîtrisable donc aucun ne souhaite encourir les conséquences. On frôle donc quotidiennement la catastrophe dans les airs, entre chasseurs des deux camps, tandis qu'au sol pullulent les missiles américains TOW livrés aux rebelles par les Saoudiens et les S-400 russes basés à Hmeimim… Depuis le chasseur russe abattu fin 2015 par la chasse turque (dûment renseignée sur le plan de vol des Sukhoï et probablement préparée à cette « mission »), et surtout depuis le bombardement russe, le 16 juin dernier, d'une base d'islamistes aux frontières jordaniennes, attaque jugée « hautement provocatrice » par Washington, la montée des tensions devient inquiétante. Et les pressions politiques à Washington pour en finir militairement avec Assad peuvent faire craindre une opération éclair US ouvrant sur une possible « montée aux extrêmes ». Pourrait-on alors tempérer les réactions d'un Kremlin acculé et humilié ? Moscou vient d'annoncer le déploiement prochain de son porte-avions amiral Kouznetzov au large de la Syrie. Une façon d'exprimer son exaspération croissante ? Sa détermination ? Ou de manifester une nouvelle « ligne rouge » ? L'issue de la bataille d'Alep sera géopolitiquement cruciale, au-delà même du martyre de sa population.

    Une tragédie où l'Occident tient le pire rôle

    La France, elle, parle de crimes de guerre (peut-être à raison) et, fort martialement, dit : « Ça suffit ! » À qui parle-t-elle ? Au régime ? Aux rebelles ? À Moscou ? Même en guise d'écho docile au discours américain, c'est un peu court. C'est d'un cynisme fou surtout, quand on songe à la politique de déstabilisation et de soutien aux islamistes soi-disant démocrates choisie par Paris dès le début de la crise syrienne, au nom de la nécessité d'en finir avec le régime honni et récalcitrant d'Assad. Mais, Dieu merci, notre influence sur le Grand jeu ne s'est exercée qu'à la marge. Même nos alliés américains nous ont lâchés en 2013, sur le point de lancer la curée, au prétexte de l'emploi d'armes chimiques par le régime qui n'a jamais été avéré. Mais les choses auraient, paraît-il, changé et nous serions désormais d'humeur plus lucide et pragmatique. La diplomatie française aurait enfin fait son aggiornamento et pris conscience de la réalité du monde, de certains faits, de son humiliante marginalisation sur la scène mondiale à force de mauvais calculs et de dogmatisme entêté, et en dépit de la valeur et de la compétence de ses armées dont l'excellence l'aurait trop longtemps dispensée d'une vision stratégique véritable. Cette mutation salutaire est encore loin de sauter aux yeux... Et le temps passe.

    Le plus tragique est peut-être que, nous (l'Occident) n'avons pas le beau rôle dans cette sombre affaire, mais le pire : celui de fossoyeurs naïfs d'États laïques complexes, certes répressifs et inégalitaires, mais aussi protecteurs d'une diversité religieuse et communautaire précieuse. Peut-être, en France, notre inhibition face à notre propre édifice régalien, notre engloutissement consenti dans le communautarisme, le renoncement à notre histoire et à notre avenir en tant que puissance structurée, inclusive et protectrice, n'y sont-ils pas pour rien.

    Caroline Galactéros (Bouger les lignes, 27 septembre 2016)

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