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  • Les européistes contre l'Europe, la vraie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maurice Gendre, cueilli sur Enquête&Débat et consacré à la question européenne. Maurice Gendre est un collaborateur régulier et inspiré du site Scriptoblog - Le Retour au source 

     

     

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    Les européistes contre l'Europe, la vraie

    Moi je dis qu’il faut faire l’Europe avec pour base un accord entre Français et Allemands. (…) Une fois l’Europe faite sur ces bases (…), alors, on pourra se tourner vers la Russie. Alors, on pourra essayer, une bonne fois pour toutes, de faire l’Europe tout entière avec la Russie aussi, dut-elle changer son régime. Voilà le programme des vrais Européens. Voilà le mien”. Charles de Gaulle (1949)

    Les peuples européens ont à faire face à “un Islam que sa force encore indomptée pousse de ses territoires surpeuplés vers l’Europe”, à une concurrence économique “des peuples d’Extrême-Orient” et enfin à “une Amérique qui les aliène culturellement”, “qui les rackette économiquement” et “qui les vassalise politiquement”. Jordis Von Lohausen dans la postface écrite en 1995 de Les Empires et la puissance

    Ce qui est : l’Empire du Rien

    Qu’est-ce que l’Europe ?

    L’Europe est une civilisation, somme des civilisations qui la composent.
    Pour qui regarde avec recul une carte du continent, quatre ensembles émergent. Une Europe latine, marquée par la catholicité et, dans une certaine mesure, par le rejet républicaniste de cette dernière (laïcité française, anarchisme espagnol).
    Une Europe « anglo-saxonne », ou disons anglo-hollandaise, caractérisée historiquement par la prédominance d’un protestantisme que nous qualifierons pour simplifier de « libéral » (acceptation de la liberté individuelle, encadrée par une véritable mystique de concurrence).
    Une Europe germanique, caractérisée historiquement par la prédominance d’un protestantisme que, toujours pour simplifier, nous qualifierons « d’ordo-libéral » (conjonction d’une métaphysique luthéro-réformée inégalitaire et d’une acceptation relative du libre examen).
    Une Europe slave, dominée par l’orthodoxie, puis par sa sécularisation parfois inconsciente, mais surtout subie, dans des systèmes à la fois autoritaires et/ou égalitaristes (tsarisme absolutiste, soviétisme).
    Ces quatre ensembles possèdent en outre des zones de recouvrement périphérique. Une partie de la Hollande est en réalité germanique. La Scandinavie est caractérisée par l’interpénétration des deux héritages protestants. La Pologne est catholique, donc latine, et pourtant fondamentalement slave. A l’inverse, la Roumanie, principalement orthodoxe, est un pays linguistiquement latin.
    Certains pays sont même traversés de façon radicale par une ou plusieurs de ces ruptures anthropologiques. L’exemple le plus frappant étant l’Ukraine, dont la partie occidentale, longtemps dominée par la Pologne, est uniate, de rite orthodoxe mais reconnaissant l’autorité romaine, tandis que la partie orientale est rigoureusement orthodoxe et tournée vers Moscou. La France elle-même est traversée par plusieurs de ces ruptures, même si le temps a largement effacé les lignes de partage, monarchie capétienne et jacobinisme obligent : l’Alsace-Moselle est germanique, par exemple.
    Facteur additionnel de diversité (la vraie), l’histoire a engendré au sein des quatre grands ensembles des mécanismes réactionnels complexes qui ont produit, à partir d’un héritage culturel relativement homogène, des variantes très significatives. Le cœur parisien de l’ensemble français s’oppose, par sa tradition laïque ancienne, aux marches profondément catholiques (Vendée). Le sud de l’Espagne et la Catalogne, anarchisants, s’opposent au nord castillan héritier d’une pure tradition catholique autoritaire. L’Allemagne du sud, majoritairement catholique (Bavière), présente des traits presque latins aux yeux d’un Allemand du nord.
    Paradoxalement, c’est de cette extrême diversité religieuse, culturelle et anthropologique que l’Europe tire son unité. L’existence d’une infinité de variantes capables de se combiner et de se recombiner participe du génie européen. Elle rend impossible la création de fractures irréversibles. Comme il n’existe en réalité aucun grand pays européen homogène sur le plan anthropologique, chaque grand pays « contient » en quelque sorte une partie des autres. C’est particulièrement vrai pour la France, mais pas seulement pour la France.
    Ce qui a rendu possible ce miracle, ce mariage improbable d’une multitude de variantes apparemment inconciliables, c’est l’existence d’un sous-jacent commun : le socle civilisationnel chrétien, formulation de l’hellénisme dans le cadre du message biblique (Cf. Saint-Thomas d’Aquin). Ce socle civilisationnel implique un ensemble de valeurs communes : la reconnaissance de la personne humaine comme sujet du religieux, donc du politique, porte en germe des idées de démocratie, d’égalité ontologique des êtres humains, et, par conséquent, d’égalité de respect accordée aux citoyens dans la Cité, aux conjoints dans le couple, etc. (1) Même si la notion d’égalité n’a pas la même portée et le même sens selon les variantes culturelles de la civilisation européenne, lorsqu’il s’agit fondamentalement d’une exigence de respect accordé à l’Autre (le vrai), les Européens, entre eux en tout cas, se reconnaissent toujours.
    L’Europe, la vraie, c’est cela.

    Qu’est-ce que l’Union Européenne ?

    Cette Europe s’est progressivement désagrégée à partir de la Première Guerre Mondiale. Elle avait déjà été perturbée (euphémisme) par les guerres de religion et les aventures sanglantes napoléoniennes, mais le « système Europe » s’était malgré tout reconstitué, autour de la conscience partagée de valeurs communes.
    A partir de 1914, et surtout à partir de 1917, ce « système Europe » s’est disloqué. Les bolcheviks ne reconnaissent pas la valeur de la personne humaine en leur adversaire. Par opposition, ce sont apparemment des non-européens, les nord-américains, qui semblent porteurs d’une exigence accrue de respect, y compris pour leurs adversaires (nous n’entrerons pas ici dans le débat relatif à la sincérité de Wilson). Ensuite, à partir de 1933, et surtout de 1938, les logiques du nazisme viennent contredire totalement les fondamentaux de la civilisation européenne. Le « sous-homme » slave n’est plus un être humain, et, en réponse, l’Armée Rouge démontrera en 1945 qu’elle ne tient pas le respect des populations civiles pour une donnée primordiale.
    Après le collapsus du « système Europe », un mouvement général se produisit, au niveau des classes dirigeantes, pour faire en sorte que « plus jamais ça ». Dès le départ, ce mouvement fut ambigu : ses instigateurs principaux, messieurs Monnet, Spaak, De Gasperi et Schuman, n’étaient en effet pas nécessairement d’accord sur tout, et leurs mandants propres pouvaient avoir des demandes bien distinctes. Si l’on s’en tient à la version officielle, les motivations de ces pères fondateurs issus de la démocratie chrétienne pour la plupart ne relevaient que de l’universalisme européen.
    La réalité semble avoir été un peu plus complexe. Prenons les deux Français. Monnet est un ancien haut fonctionnaire, auteur, en 1940, d’un projet d’union franco-britannique, et il joua pendant toute la Seconde Guerre Mondiale un rôle charnière entre Grande-Bretagne et États-Unis. On ne lui connaît pas de liens particulièrement forts avec l’Eglise catholique. Robert Schuman, franco-luxembourgeois de langue allemande, fit partie du premier gouvernement Pétain, avant d’être arrêté par les Allemands pour des raisons obscures. Evadé, il rejoignit la Résistance, dans un de ces parcours incompréhensibles aujourd’hui, mais caractéristiques de l’époque.
    Un procès en béatification de Robert Schuman a été ouvert par l’Église catholique : Monseigneur Pierre Raffin, évêque de Metz, a autorisé l’ouverture du procès en 1991. En 2004, le procès diocésain a été clôturé. Les documents ont été envoyés au Vatican où la Commission pour la Cause des Saints est en train d’étudier le dossier.
    Qu’est-ce qui peut bien avoir réuni deux hommes aussi dissemblables ? L’universalisme chrétien ? Peut-être (hum). Une explication un peu plus sérieuse semble avoir été fournie au début de ce siècle par le journaliste du Daily Telegraph Ambrose Evans-Pritchard : Robert Schuman était, au début des années 50, employé par les services secrets américains. Étant donné le parcours de monsieur Monnet pendant la Seconde Guerre Mondiale, il semble bien que nous tenions ici le chaînon manquant…
    En fait, l’Union Européenne, au berceau, apparaît comme une créature des États-Unis. Les Américains (plus précisément les réseaux Rockefeller) ont pris appui sur le traumatisme de l’Europe, devenue inconsciente d’elle-même, pour la fédérer sous leur coupe. Dès l’origine, c’est bien de cela qu’il s’agit.
    Vue sous cet angle, l’Union Européenne est un proconsulat de l’Empire américain. Exactement comme César unifia la Gaule pour la dominer, après avoir soigneusement attisé les tensions entre les tribus pour se rendre incontournable, l’Amérique a capté à son profit le besoin que l’Europe, après le collapsus de son système historique, avait de reprendre conscience d’elle-même et de son destin.
    Dès lors, toute l’histoire de l’Union Européenne peut être vue comme le processus par lequel, à travers de multiples vicissitudes, un continent désuni, privé de son identité structurante, va devoir utiliser, pour se refonder, les structures mêmes de son maître étranger. Avec évidemment, au bout du chemin, une seule vraie question : peut-on retourner contre l’Amérique la ruse par laquelle elle a dupé l’Europe ? Peut-on, après que César a unifié la Gaule, refonder une Gaule indépendante ?
    En tout cas, ça n’en prend pas le chemin. Depuis qu’elle avance, et se félicite de chaque avancée, l’Europe des « il faut plus d’Europe » ne semble jamais se poser la question de vers où, au juste, elle « avance ». Cet ensemble qu’on pourrait définir comme l’Empire du Rien, même pas capable de s’entendre sur une référence aux valeurs chrétiennes dans un traité constitutionnel européen (TCE), même pas fichue d’assumer une citation de Thucydide dans le préambule dudit TCE, s’est en revanche montrée tout à fait capable « d’avancer », comme son « partenaire » américain l’exigeait, vers l’intégration à marche forcée de pays aussi stables et compétitifs que la Bulgarie et la Roumanie. Pour l’instant, on nous a épargné la Bosnie, mais c’est uniquement parce que les eurocrates n’ont toujours pas trouvé quelqu’un avec qui négocier ! (authentique : la Bosnie souhaite intégrer l’UE, mais Bruxelles doute de l’unicité du pays ! – et quand des Bruxellois ont des doutes sur l’unicité d’un pays…).

    Ce qui va probablement arriver

    Dislocation probable de l’Euroland

    Un doute subsiste sur la genèse de l’Euroland.
    Une première interprétation serait que les dirigeants européens, une fois la plupart des restrictions au commerce levée par l’OMC, se sont aperçus soudainement qu’il n’existait à vrai dire plus rien qui distingue formellement leur projet d’une simple déclinaison locale du libre-échange global. Dès lors, l’euro aurait été un moyen, pour l’Empire du Rien, de maintenir la fiction de son existence.
    Une deuxième interprétation, moins crédible car supposant l’existence d’une réflexion stratégique dans les cervelles de messieurs Mitterrand et compagnie, serait que l’euro a été décidé pour arrimer fermement l’Allemagne réunifiée à l’Europe. Le destin a voulu qu’en fin de compte, ce fut l’Europe désunie qu’on arrima à l’Allemagne, mais ceci est une autre histoire.
    Une troisième interprétation, qui nous paraît pour notre part la plus envisageable, est que l’euro a été pensé dès l’origine comme la matérialisation d’une zone-mark assez étendue pour faire contrepoids au dollar, dans la perspective d’un marché transatlantique unifié, selon les logiques relativement claires et, il faut le reconnaître, assez judicieuses d’un point de vue américain, du sieur Zbignew Brzezinski (lire à ce sujet « Le Grand Échiquier », et la théorie d’un Occident 1 + 1 associant Europe et Amérique du Nord). Là encore, le destin risque d’être facétieux, puisque la grande question du moment est de savoir si le dollar implosera après ou avant l’explosion de l’euro.
    Quoi qu’il en soit, le caractère irrationnel, pour ne pas dire fictionnel, de l’entreprise « euro » comme monnaie unique, et non simplement commune, saute aujourd’hui aux yeux même des aveugles. On se demande en toute sincérité qui a bien pu avoir l’idée saugrenue de concevoir une politique monétaire unifiée et intégrée pour la Grèce et l’Allemagne. Le simple examen des différentiels de compétitivité croissant depuis 2002 entre l’Europe du nord et l’Europe du sud montre immédiatement qu’on a voulu marier artificiellement et enfermer dans une logique homogénéïsante des pays trop hétérogènes, et même des cultures fondamentalement différentes. En arrière-plan, on trouvera ici de toute évidence une ignorance crasse de ce qu’est véritablement l’Europe, telle que nous l’avons défini au début de ce texte : des valeurs communes appuyées fondamentalement sur l’helléno-christianisme, mais pour le reste, des civilisations diverses.
    L’explosion de l’euro est désormais une quasi-certitude. Seul un traité uniquement soumis à la voie parlementaire (et surtout pas référendaire), qui permettrait un passage à un fédéralisme fiscal et budgétaire, empêcherait l’inéluctable. Mais si une telle décision était prise, l’UE, une fois encore, prouverait sa dimension antidémocratique, pour ne pas dire tyrannique. Et en outre, même ce fédéralisme budgétaire et fiscal ne résoudrait pas tout. Il y a un moment où on doit comprendre que, peut-être, tout simplement, les sociétés latines ne peuvent pas fonctionner comme des sociétés germaniques – et si on les y oblige, tôt ou tard, la réalité se vengera.
    Les images de cette femme grecque menaçant de se suicider en sautant de son balcon après avoir appris son licenciement de son administration, licenciement qui ne lui permettra plus de payer les soins de son enfant gravement malade, en disent beaucoup plus long que n’importe quelles données chiffrées ou n’importe quel tableau statistique, sur l’état de faillite morale des élites de ce continent, sur l‘étendue de leur échec et – n’ayons pas peur des mots – sur leur degré de trahison. (2)

    Tensions probables au sein de l’UE

    L’incapacité plus ou moins flagrante à organiser un protectionnisme continental, et la volonté manifeste de ne surtout pas laisser les États en organiser un à l’échelle nationale, double-conséquence du “concept-zombie” (se référer au sociologue allemand Ulrich Beck) de libre-échange, s’avère d’ores et déjà suicidaire.
    Ce refus idéologique des technocrates bruxello-maastrichtiens de laisser les gouvernements ou les Chefs d’Etat (avec l’accord plus ou moins tacite de ces derniers) à mettre en place des mesures de protection, devenues désormais vitales face à la concurrence sud-est asiatique notamment, relève d’une attitude parfaitement mortifère et criminelle pour l’industrie européenne. Y compris allemande. Car la “désinflation compétitive” présentera aussi ses tragiques limites à plus ou moins court terme.
    Il ne serait donc guère surprenant que l’on assiste dans un avenir plus ou moins proche à des tentatives agressives, unilatérales et sans aucune concertation préalable d’un “retour aux frontières”, pour user de cette expression qui visiblement leur donne des sueurs froides.
    Autre solution possible : aucune mesure forte et d’envergure n’est prise et la situation pourrit progressivement.
    Dans ce cas, deux options : apathie générale des populations européennes, lassitude et résignation l’emportent ou au contraire le continent s’embrase avec des insurrections ici et là, une colère de plus en plus vive avec les conséquences dramatiques que l’on peut envisager (recours au terrorisme, stratégie de la tension entretenue par les États et la nomenklatura européiste, émeutes incontrôlables). Bref, ces deux options n’en sont pas.
    A moins d’accepter que le destin européen n’est plus.
    Les Européens authentiques et sincères ne devront évidemment jamais accepter un tel état de fait.

    Fractures identitaires irrémédiables ?

    La crise aidant, les divisions internes à chaque pays vont probablement se faire sentir plus cruellement encore.
    Des pays comme l’Espagne avec la Catalogne et le Pays Basque, le Royaume-Uni avec l’Écosse mais surtout la Belgique avec la Flandre vont voir s’accentuer les pressions sécessionnistes et devront se frotter au prurit indépendantiste. Même remarque pour l’Italie avec le Tyrol du Sud (plus connue sous le nom de Haut-Adige ou province autonome de Bolzano) dont quelques responsables politiques de la province ne font plus mystère de vouloir renforcer leur autonomie par rapport à Rome.
    Tous les pays européens vont également être confrontés plus durement à la problématique (insoluble?) des populations extra-européennes présentes sur leur sol. La composante musulmane n’étant au final qu’un facteur aggravant mais pas la cause première d’un chaos ethnique et communautaire qui pourrait marquer l’acte de décès de l’Europe en fonction de l’ampleur de la déflagration.
    Le tragique précédent ex-yougoslave ne pousse guère à l’optimisme si une explosion générale de ce type venait à frapper le continent.

    Le retour des irrédentismes et des pan-nationalismes ?

    Lors du grand délire anti-hongrois des dernières semaines, les commentateurs “éclairés” ont fustigé et brocardé, avec l’esprit de nuance qu’on leur connaît, les mesures “liberticides” prises par Orban et le Fidesz (alors que BHO et le Congrès promulguaient les paragraphes 1021 et 1022 du NDAA, mais passons…), mais étrangement ont oublié de dénoncer la seule mesure réellement condamnable de cette grande réforme constitutionnelle, en l’occurrence la réactivation de l’irrédentisme hongrois.
    Une partie de la droite populiste magyare se réfère toujours à la Grande Hongrie et ne reconnaît pas le traité de Trianon (1920). Le Fidesz s’est engagé à accorder le droit de vote aux Hongrois de souche situés en Voïvodine, en Slovaquie ou en Roumanie.
    Cette décision a très fortement irrité les voisins de la patrie de Saint-Etienne. Est-ce vraiment surprenant ?

    La Hongrie pourrait faire école dans cette affaire. On peine à croire que la pasionaria des Allemands réfugiés et expulsés des provinces orientales de l’Allemagne et d’Europe de l’Est, la Frau Erika Steinbach, membre de la CDU et femme extrêmement courageuse au demeurant, ne s’engouffre dans la brèche pour réclamer des réparations substantielles, la restitution des biens et remettre en question avec plus de véhémence qu’elle ne l’a déjà fait, la légitimité du tracé de la frontière germano-polonaise. Ce qui ne manquera pas de déclencher une nouvelle fois l’ire des Polonais qui en ont fait leur ennemi juré.
    Même remarque pour la République tchèque qu’elle agace prodigieusement. Elle a en effet mis en doute à plusieurs reprises le bien-fondé de la réconciliation diplomatique germano-tchèque, là encore pour des motifs frontaliers essentiellement (voir les décrets Benes à ce sujet).
    Les Allemands étant très largement culpabilisés et s’enfonçant dans une espèce de contrition éternelle, il n’est pas certain que ces récriminations rencontrent beaucoup d’écho au sein de la population, mais parfois les choses peuvent changer extrêmement vite. La crise est en ce sens un accélérateur de transformation et une machine à bouleverser la donne y compris la psychologie collective des peuples.

    Ces tensions présentent des risques faibles de concrétisation en conflit ouvert, mais lorsque tout se déglingue, plus rien ne devient impossible et il faut dès lors envisager ce qui semble le plus saugrenu et le plus incongru.
    Comme dit l’adage populaire : “Mieux vaut prévenir etc.”

    En revanche, les différends entre Polonais et Russes ne vont probablement pas s’apaiser. Depuis la catastrophe aérienne de Smolensk (sur laquelle planent des zones d’ombres), des dirigeants polonais n’ont pas caché leur inquiétude concernant le rapprochement germano-russe et l’itinéraire prévu pour un certain gazoduc…
    Le “partage de la Pologne” a laissé des traces dans les mémoires polonaises.
    En cas de découplage États-Unis/Allemagne, les E-U tenteront probablement de s’appuyer sur les autorités libérales polonaises pour conserver une “base” au cœur du continent européen.
    On peut donc imaginer aisément les conséquences graves qui résulteraient de frictions fortes entre la Pologne et la Russie.
    Mise sous tutelle accrue par les États-Unis
    Le risque face au scénario du pire évoqué plus haut est une mainmise étasunienne encore plus prégnante qu’elle ne l’est déjà sur le continent européen.
    Le parachutage récent d’hommes de Goldman Sachs à des poste-clefs en constitue probablement un signe
    avant-coureur.
    Évidemment, il ne faudra guère compter sur Barroso, Ashton ou Van Rompuy pour faire ce qui doit être fait afin d’éviter qu’un tel cataclysme moral et humain n’advienne.
    Seuls les Allemands pourraient être en mesure de contrecarrer ces plans. Si la haute bourgeoisie industrielle allemande sent que les États-Unis, tels qu’ils sont depuis 1945 touchent à leur fin, elle décidera peut-être de couper le cordon ombilical avant d’être entraînée elle aussi dans la Chute.
    De tête de pont des États-Unis en Europe, l’Allemagne pourrait ainsi se métamorphoser en passerelle entre la partie occidentale du continent et le Grand-Est.
    Il s’agirait de l’acte de naissance de l’axe Paris-Berlin-Moscou cher à Henri de Grossouvre pour ne citer que lui. (3)

    Chine en embuscade

    Au-delà de la permanente menace étasunienne, la Chine semble également aiguiser ses incisives et n’hésitera pas à se joindre au festin lorsqu’il faudra dévorer l’agneau européen.
    Le rachat d’une partie des dettes européennes et l’achat d’actifs dans des secteurs déterminants sont à cet égard emblématiques de l’appétit féroce du Vampire du Milieu.
    La signature d’un contrat de concession de l’ordre de 3,3 milliards d’euros dans le port du Pirée a notamment permis à l’entreprise publique chinoise Cosco de lancer un programme qui a pour objectif de rivaliser avec Rotterdam.
    Rien de moins !
    On citera aussi l’affaire baptisée “Pékin sur Shannon”. Il s’agit d’un projet pharaonique. Un groupe d’entrepreneurs chinois espère obtenir l’autorisation de développer un projet de 48 millions d’euros à Athlone, dans le centre de l’Irlande, afin de construire un centre de production d’articles chinois comprenant des appartements, des écoles, des transports ferrés et des usines. Le projet prévoit de faire venir 2 000 travailleurs chinois pour ériger le site – déjà surnommé le “Pékin sur Shannon” – où devraient également travailler 8 000 Irlandais (Source : Daily Telegraph).

    Ce qui serait souhaitable

    Éclatement de l’UE pour repartir sur des bases saines
    Paradoxalement, malgré le dépeçage de la Grèce, par la Commission européenne et la BCE notamment, l’UE bénéficie auprès d’une certaine couche de la population d’un capital sympathie qui ne se dément pas. Pourquoi une telle mansuétude ? Malheureusement, pour un ensemble de raisons extrêmement triviales. Nombre d’Européens se satisfont de l’UE aux seuls motifs que, grâce à Schengen par exemple, ils peuvent traverser les frontières sans attendre une trentaine de minutes à la douane lorsqu’ils partent en vacances chez leurs voisins, ou lorsqu’ils se déplacent dans un pays de l’Euroland ne sont plus obligés de changer la monnaie ou bien encore peuvent s’accorder une année quasi sabbatique pour faire la fête sur un campus universitaire dans le cadre du programme Erasmus.
    Devant de telles considérations, il y a évidemment de quoi être affligé, mais il en est ainsi.
    Évidemment, le jour où les Européens se satisferont de l’UE (ou de la structure qui l’aura remplacé) car ils ont pu profiter d’échanges européens consacrés aux œuvres de Mozart, Molière, Dante, Cervantès, Verdi, Cioran, Wilde, Rembrandt, Tarkovski etc. l’Europe aura fait un très grand pas.
    Inutile de préciser que l’Europe en est très, très loin.

    C’est seulement lorsque la phase de dislocation sera enclenchée, si phase de dislocation il y a, que les Européens comprendront que l’Union qualifiée par antinomie “d’européenne” ne les protège en rien, n’est qu’une passoire, un nain politique voire une variable d’ajustement et un terrain de jeu pour des puissances confirmées ou émergentes.
    Si le vernis ne craque pas définitivement, l’Europe-Potemkine continuera à afficher sans vergogne son décor de carton-pâte et le tout avec l’assentiment dramatique des peuples.
    Seul l’effondrement permettra peut-être aux peuples et Nations d’Europe d’entrevoir dans toute sa laideur le visage de leur bourreau et de ne plus se vautrer dans cette forme insupportable de soumission librement consentie.

    Une Europe des européens, par et pour les européens

    Pour renaître l’Europe devra rompre avec l’homogénéisation destructrice, le fonctionnalisme, l’obsession normative, son impéritie diplomatique, sa naïveté économique, sa bureaucratie soviétoïde, sa sujétion face aux puissances d’argent et aux forces mondialistes, sa crédulité désarmante dans tous les domaines, en deux mots avec son inaptitude chronique.
    Autant dire qu’il y a beaucoup, beaucoup de travail !
    Les peuples et les Nations qui la composent devront recouvrer leur liberté, en clair leur souveraineté.
    Toutes les alliances, toutes les coopérations devront être promues et encouragées.
    Une Europe des cercles concentriques se dessinera probablement de façon intuitive et spontanée, en fonction d’intérêts bien compris et partagés basés sur des considérations diverses (proximité linguistique, géographique, psychologique etc).
    L’Europe devra développer une économie de puissance dans le cadre de stratégies permettant de faire face à la concurrence déloyale et faussée émanant des autres espaces civilisationnels.
    Des agences européennes (réellement européennes celles-là contrairement à Airbus!) devront exister dans tous les secteurs primordiaux.

    L’Europe devra toujours avoir à l’esprit qu’elle doit lutter contre : la submersion migratoire, l’hiver démographique, le déracinement, le libéralisme hors-sol, la Haute finance transnationale, l’hédonisme consumériste, l’absence de sensibilité artistique et de curiosité scientifique, les menaces extérieures de toutes sortes.
    L’Europe devra toujours avoir à l’esprit qu’elle doit assurer : l’approvisionnement énergétique des peuples en développant les partenariats intra-européens (inter-continentaux faute de mieux), la prospérité en choisissant autant que possible de privilégier les accords économiques entre pays européens (“l’Europe de Reykjavik à Vladivostok”),

    l’auto-suffisance alimentaire, une agriculture respectueuse des sols et du cycle des saisons, relocalisée et favorisant la réémergence des petites exploitations, une industrie variée et forte et enfin un système de santé gratuit et performant (autant que cela est possible pour la gratuité).
    L’Europe devra concentrer des efforts particuliers dans le domaine de la Recherche (fondamentale et appliquée), la technologie de pointe, l’aérospatiale, l’aéronautique, la chirurgie de haute précision, le nucléaire de quatrième génération et bien évidemment l’armement (conventionnel ou non).

    Européens nous avons du pain sur la planche ! Haut les cœurs !

    Maurice Gendre (Enquête&débats, 23 mars 2012)

    (1) La médiéviste Régine Pernoud rappelait dès 1975 (voir Pour en finir avec le Moyen-Âge) que durant le millénaire essentialisé sous l’appellation unique de « Moyen-Âge », les femmes détenaient un pouvoir tant religieux que laïc. Dans les assemblées urbaines comme dans les communes rurales, les femmes votaient, tout comme les hommes. La monarchie comportait donc certains éléments propres à une démocratie.
    (2) La Grèce a doublé en trois ans son taux de suicide. Elle présentait un des taux les plus bas d’Europe en 2008, désormais elle affiche un des plus élevés. Une manifestation-commémoration a également eu lieu le 14 mars en Italie pour rendre hommage aux deux mille patrons de PME qui se sont donné la mort depuis le début de la crise qui frappe la péninsule.
    (3) On peut également évoquer Jordis Von Lohausen et la réunion de la grande communauté des peuples européens au sein d’un espace continental allant de “Cadix à Vladivostok”, d’une “Europe grand-eurasienne”.

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  • Pour le protectionnisme européen !...

    Vous pouvez visionner ci-dessous une prise de position forte et claire d'Hervé Juvin en faveur du protectionnisme européen. Hervé Juvin a publié en 2010 aux éditions Gallimard  un essai fondamental intitulé Le renversement du monde.

     


    Initiative citoyenne européenne organisée par le... par webtele-libre

     

     

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  • L'inquiétant oubli du monde...

    Nous reprpduisons ci-dessous un point de vue de Régis Debray, cueilli sur Le Monde.fr et consacré à la politique étrangère de la France telle qu'elle a été menée au cours du quinquennat  de Nicolas Sarkozy. Régis Debray vient de publier chez Flammarion un court essai intitulé Rêverie de gauche.

     

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    L'inquiétant oubli du monde

    Agis en ton lieu, pense avec le monde", conseillait l'écrivain Edouard Glissant. Agis pour l'emploi et le pouvoir d'achat, n'oublie pas l'arène planétaire. Que le ring électoral fasse si peu cas du grand large laisse pantois. Voir, à gauche, la bourrée auvergnate remplacer L'Internationale donne à penser que la jeune garde montante ne voit rien à redire, sur le fond, à la politique étrangère du sortant.

    Atlantisme, européisme, ethnicisme et urgentisme caractérisent la diplomatie de nos défuntes années, d'une désastreuse banalité. Elle semble se fondre dans l'air du temps au point d'inhiber le vieux devoir d'examen au pays même de l'esprit critique.


    L'alignement sur les Etats-Unis

    Nous voilà donc phagocytés, via la pleine réintégration dans l'OTAN, par une Sainte-Alliance qui n'a plus d'atlantique que le nom. Son actionnaire majoritaire, seul décideur en dernière instance, tend à se substituer aux Nations unies qu'il instrumentalise ou bien marginalise en tant que de besoin.

    L'abandon symbolique de notre singularité de pensée et de stratégie avait un alibi : faciliter la construction du "pilier européen de l'Alliance". Vaste blague. Les Européens n'en veulent pas (l'Est moins que quiconque), et les Etats-Unis non plus.

    Amor fati (l'amour du destin) ? Certes, "interopérabilité" oblige, et tralalas aidant, le brain-wash des Etats majors est chose acquise et, entre la DGSE et la CIA, plus une feuille de cigarette. L'imprégnation coloniale des réflexes est telle que plus personne ne s'étonne de voir Nicolas Sarkozy mettre la main sur le coeur pour écouter La Marseillaise et Alain Juppé s'exprimer en anglais à l'ONU. Soit.

    Mais, quand on se résigne à un rôle de supplétif, la glissade le long du toit débouche sur des catastrophes mal déguisées quoique prévisibles. Qu'il ait fallu dix ans à nos socialistes pour prendre leurs distances envers l'occupation militaire de l'Afghanistan, où l'inepte le dispute à l'inique, n'est pas de bon augure.

    La superstition européenne

    Passons sur le rouleau compresseur du libéralisme exaspérant de Bruxelles. Le rêve s'est évanoui et la fuite en avant dans le fédéralisme, réflexe classique en histoire lorsqu'une belle cause périclite, ne ferait que précipiter le retour au chacun pour soi. Par-delà la désuétude d'un logiciel entre démo-chrétien et social-démocrate, qui donnerait des rides précoces aux enfants de Jacques Delors, ce qui agonise, c'est la grande illusion selon laquelle il revient à l'économie de conduire la politique, et à une monnaie unique d'engendrer un peuple unique.

    Comment passe-t-on d'une inscription administrative (le passeport européen) à une allégeance émotionnelle ? Pourquoi un habitant de Hambourg accepte-t-il de se serrer la ceinture pour un habitant de Dresde, mais non pour un Grec ou un Portugais ? Le cercle des économistes n'a pas ici compétence. La réponse à la question première, qu'est-ce qu'un peuple ?, relève de l'histoire, de l'anthropologie, de la géographie et de la démographie, voire des sciences religieuses, dont les adeptes, pour leur malheur et le nôtre, ne hantent pas le dîner du Siècle.

    Puisqu'un concert suppose un chef d'orchestre, avec ou sans podium - la Prusse pour le Reich allemand ou le Piémont pour l'unité italienne -, il est normal, si l'époque est à l'économie, que l'Allemagne tienne la baguette. Le vrai problème pour nous, c'est l'engluement dans une géographie mentale en peau de chagrin où une mappemonde avec 195 capitales se réduit à deux clignotants, Berlin et Washington. L'alibi selon lequel la France n'est plus de taille valait-il cette autopunition masochiste : se faire couper le sifflet par un ectoplasme sans voix comme l'Europe des commissaires ? Celle-ci est grasse et grande mais sans vision ni dessein, inexistante à l'international (et notamment aux yeux des présidents américains) et sans ancrage dans les coeurs.

    Qui célèbre en Europe le jour de l'Europe ? Qui entonne l'hymne européen - l'Ode à la joie n'a pas de parole ? Qui s'intéresse à son Parlement, hormis les professionnels de la profession ? Un falot pour éteindre nos Lumières ? Un comble !

    Le marketing communautaire

    Comment un exécutif qui fait sa cour à nos diverses minorités religieuses ou ethniques pourrait-il faire prévaloir l'intérêt à long terme d'un pays et d'une vision du monde ? S'il n'y a jamais eu de mur étanche entre l'intérieur et l'extérieur, chacun sait, depuis François Ier, que c'est en isolant au mieux le géo-stratégique du domestique qu'on agit à bon escient. Ce n'est plus le premier ministre, mais le chef de l'Etat qui se rend aux convocations dînatoires du Conseil représentatif des institutions juives de France.

    Notre Zorro s'empresse auprès de la communauté arménienne, soutenu par des députés qui se prennent pour des représentants de leur seule circonscription, quand ils le sont de la nation. On flatte la communauté pied-noire pour chanter le positif de la colonisation. Et qui sait si demain quelque instance arabo-musulmane ne nous enjoindra pas de rectifier la position sur Israël ?

    Minable méli-mélo tiraillant à hue et à dia. Le modèle américain joue comme leurre : la mosaïque multi-minoritaire d'outre-Atlantique est transcendée par un patriotisme messianique, adossé à un Dieu confédéral, ce que ne permet pas, en France, notre assèchement mythologique.

    Le diktat de l'instant

    Papillonnante et télécommandée, une diplomatie de postures et de "coups" (de gueule, de bluff et de menton), sous projecteurs et sans projection, sied autant à l'ère du zapping qu'à un autodidacte ayant plus de nerf que d'étoffe. Ecervelée, cette façon de coller au fait divers et à la compassion du moment met immanquablement en retard sur les tendances et flux de la mouvante histoire.

    Dialoguer avec l'ANC de Mandela, dans les années 1970, vous faisait déjà passer pour un idiot utile. Prendre contact avec les Frères musulmans ou une organisation chiite vous faisait, ces dernières années, regarder de travers. Un suspect devient un interlocuteur quand il a pris le pouvoir - jamais avant. Et il faut un séisme ou un tsunami pour inscrire un pays - Haïti, Indonésie ou Japon - sur l'écran-radar, d'où il disparaîtra une semaine après.

    Qu'une direction élyséenne aussi frelatée ait pu mettre à son service nombre de vedettes "socialistes" ne s'explique pas par un humain désir de gyrophares, huissiers et caméras : à ces appétits charnels s'ajoutait sans doute une communauté de vues plus spirituelle. Supériorité intrinsèque de la civilisation occidentale, seule détentrice de principes moraux universels ; fascination pour les media-events tels que ces sommets aussi rutilants qu'inutiles ; mépris des experts et des compétences géopolitiques du Quai d'Orsay, au bénéfice de BHLeries aussi frivoles que contre-productives ; culte du "réactif" (agir sans anticiper ce qui résultera de son action) et des vanités d'image, au détriment d'un sens élémentaire de l'Etat. Ces conformismes sont à haut risque. Ils se payent par l'évanescence de nos politiques spatiales, aussi bien européenne qu'arabe, latino-américaine et asiatique.

    Au lieu du rebattement de cartes qui s'impose, c'est la benoîte reconduction d'un train-train provincial et crépusculaire que fait craindre le mutisme socialiste. Quitte à ripoliner sa godille avec des grands mots qui chantent plus qu'ils ne parlent : "les droits de l'homme" (couverture impeccable, comme l'Evangile sous l'Ancien Régime), "la communauté internationale" (un Directoire représentant 20 % de la population mondiale) ; "la gouvernance mondiale" (la Cité calquée sur l'entreprise) ; "la Démocratie" avec majuscule (laquelle, de Périclès à la reine Victoria, admet le massacre des âmes et des corps barbares).

    Présentera-t-on ces idées faibles, quand on les regarde de près, en idées-forces pour avaliser un business as usual ? Ce serait sympa mais casse-gueule. Une politique qui prolonge le boy-scoutisme par d'autres moyens (les ONG humanitaires en bras subventionné du Bien) déguise le jeu cru des intérêts mais rend celui-ci encore plus cruel. Aristide Briand a plus de charme que Clausewitz, mais on sait sur quoi a débouché la diplomatie des lacs de l'entre-deux-guerres - juin 1940.

    Rappelons-nous que les interdépendances dérivant de la mondialisation exaspèrent les identités nationales et religieuses au lieu de les éteindre. Le monde qui découvre qu'il fait un ne s'unifie pas pour autant : l'Europe compte seize Etats de plus qu'en 1988. Dire oui à la paix et non aux nations, ignorer les Etats pour défendre les individus, c'est ignorer combien il en coûte d'humilier un peuple et que, partout où la puissance publique s'efface, triomphent l'ethnie, les mafias, le FMI et les clergés. Soit la guerre de tous contre tous.

    Le pire n'est pas toujours sûr. L'envisager comme possible pourrait servir de garde-fou.

    Régis Debray (Le Monde, 16 mars 2012)

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  • Défendre le continent européen avec qui et contre qui ?...

     Nous reproduisons ci-dessous un article de Jean-Pierre Chevènement, paru dans la revue Défense nationale et cueilli sur Theatrum Belli, dans lequel il développe sa vision de la défense européenne.

     

    Défense européenne.png

    Défendre le continent européen avec qui, contre qui ?

    J’observerai d’abord que le continent européen n’a pas d’existence politique propre. Il y a les 27 pays membres de l’Union européenne qui, par le traité de Lisbonne (2008), ont souscrit une obligation de défense mutuelle, mais la politique de défense européenne n’a qu’une existence embryonnaire. Aussi bien, les Etats-Unis n’en veulent pas et la plupart des pays européens non plus, au premier rang desquels la Grande-Bretagne et les pays de l’arc atlantique, mais aussi les pays d’Europe centrale et orientale.

    Depuis 1949 il existe une obligation de défense mutuelle entre les pays de l’Alliance atlantique. Celle-ci s’est dotée à travers une organisation militaire intégrée, l’OTAN, d’un bras armé et d’un Etat-major sous l’autorité d’un général américain. Aux pays de l’Union européenne membres de l’OTAN (22 sur 27), s’ajoutent la Norvège et la Turquie dont le territoire est pour l’essentiel situé en Asie. Les Etats membres de l’Union européenne qui le sont également de l’OTAN se sont engagés par le traité de Lisbonne à faire de cette dernière organisation "l’instance d’élaboration et de mise en œuvre" de leur politique de défense. Ainsi la réponse parait-elle avoir été trouvée : c’est à l’OTAN, c’est-à-dire en dernier ressort aux Etats-Unis, que l’Union européenne a confié sa défense.

    Cette réponse est pourtant fragile : d’une part les Etats-Unis se tournent de plus en plus vers le Pacifique et la Chine. L’Asie de l’Est et du Sud et la région du Golfe arabo-persique viennent désormais dans leurs préoccupations stratégiques bien avant l’Europe. Par ailleurs les Etats-Unis sont engagés dans une vaste opération de réduction de leur budget de défense (de 500 à 1000 Milliards de dollars d’ici 2020, selon les estimations). Ils viennent d’entamer le retrait de deux des quatre brigades qu’ils maintenaient encore en Europe : la présence de leurs forces terrestres y devient ainsi symbolique. La garantie militaire américaine repose donc désormais pour l’essentiel sur les forces aériennes et maritimes des Etats-Unis et, en dernier ressort, sur leurs armes nucléaires. Dans ce contexte, la demande, en 2010, du retrait des armes nucléaires tactiques stationnées sur leur sol par quatre pays européens membres de l’OTAN (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Norvège) illustre le paradoxe d’une Europe devenue pacifiste dans le contexte d’un monde marqué à la fois par le début du repli américain et par la montée en puissance de nations dites « émergentes », qui ne sont pas seulement les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) mais d’autres, situées à nos portes et héritières de civilisations prestigieuses : Turquie, Iran, sans parler du monde arabe agité par ses révolutions démocratiques dont le processus, par définition, nous échappe.

     

    Les pays européens réduisent leur effort de défense tandis que les pays émergents, notamment en Asie, développent le leur. Pour autant il serait prématuré de conclure de ces mouvements contradictoires que les Etats-Unis vont relâcher leur emprise sur l’Europe. Ils prétendent lui faire partager un effort de défense dont ils entendent bien conserver la maîtrise. C’est ainsi qu’au sommet de l’OTAN de Lisbonne (2011), ils ont fait entériner le principe d’un bouclier antimissiles balistiques qui va à la rencontre d’une opinion publique européenne de plus en plus pacifiste. De même est-il probable qu’après le retrait de l’OTAN d’Afghanistan ils veuillent faire supporter aux Européens une part plus importante de l’«afghanisation».

    L’Union européenne peut-elle se borner à n’être qu’un contributeur financier à un effort de défense global de ce qu’il est convenu d’appeler "l’Occident" ? L’idée même de "défense" peut-elle faire l’impasse sur la volonté de défense ?

    Force est de constater que les peuples européens (à la seule exception de la France et d’une certaine manière de la Grande-Bretagne) ont entièrement délégué le souci de leur propre défense à une puissance extérieure, certes alliée, mais dont les préoccupations stratégiques et les intérêts ne recoupent pas forcément les leurs. La réintégration par la France des Etats-majors de l’OTAN s’inscrit dans cette tendance lourde, même si nos autorités prétendent le contraire, faisant valoir, exemple libyen à l’appui, que l’OTAN n’aurait en rien obéré notre liberté de mouvement. Ce n’est pas ce qu’on entend de l’autre côté de l’Atlantique où on parle d’une stratégie de leadership from behind, bref de "tireur de ficelles". Une chose est sûre en tout cas : l’affaire libyenne a manifesté le vide abyssal du concept de défense européenne. La France et la Grande-Bretagne ont fait l’essentiel du travail, avec – faut-il le rappeler ? – l’appui des frappes et de la logistique américaines, pour un résultat dont l’évaluation finale reste à faire. Quoi qu’on en pense, le conflit libyen a fait apparaître le lien indissociable entre la défense et la nation. Quelle que soit l’évolution future de l’OTAN, l’esprit national restera la clé de tout effort de défense et de tout engagement militaire qui sera, comme en Libye, à géométrie variable. L’Europe est à repenser dans le prolongement des nations ou elle ne sera pas.

    La France ne pourrait pas conserver une voix audible à travers une défense européenne confinée à des tâches de sous-traitance. La défense est faite pour soutenir la diplomatie ! Une défense complètement intégrée à celle de l’Amérique sonnerait le glas de notre indépendance, de notre influence, de notre capacité de médiation. Il est de l’intérêt de la France et du monde qu’au sein de l’Occident on n’entende pas que la seule voix des Etats-Unis. Qu’il puisse y avoir un avis modéré, sensé, comme cela fut le cas durant la guerre du Vietnam ou au moment de l’invasion de l’Irak. Que, sur le Proche-Orient, la France puisse favoriser de manière originale une solution de paix qui n’a que trop tardé.

    Compte tenu du texte du traité de Lisbonne, on se demande ce qui peut rester de la défense européenne désormais asservie à l’OTAN : une alouette, un cheval ! A la limite, l’OTAN voudra bien sous-traiter à une pseudo-défense européenne quelques obscures missions de maintien de la paix en Iturie, au nord-est de la République démocratique du Congo, ou bien encore au Kosovo. Pour les choses sérieuses (la Libye par exemple), le recours aux Etats-majors de l’OTAN s’impose et, malgré quelques réticences initiales, notre gouvernement s’y est résigné.

    La France a réintégré l’OTAN au prétexte de faire progresser la défense européenne. On voit le résultat. La Grande-Bretagne veut bien coopérer avec la France, mais elle ne veut surtout pas d’une "défense européenne". Pour autant, les accords de Lancaster House sont une bonne chose : mieux vaut une coopération bilatérale que pas de coopération du tout. Il serait temps que la France revienne à cette idée simple que les coopérations doivent se décider à l’aune de l’intérêt national. Seul le ressort national peut permettre à l’effort de défense de ne pas passer en dessous de la limite basse actuelle : 1,5 % du PIB.

    A ce stade de mon propos, je voudrais aborder la partie du continent européen qui ne fait pas partie de l’Europe : l’Ukraine, la Biélorussie et la Russie.

    Même si celle-ci s’étend, au-delà de l’Oural, en Asie, son peuple est incontestablement européen. Il est concentré à l’Ouest de l’Oural. Sa civilisation est partie intégrante de la civilisation européenne à laquelle elle a apporté une contribution éminente. L’Administration Obama semble avoir renoncé, au moins provisoirement, à l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie pour ne pas heurter les intérêts et la sensibilité russes.

    Cet élargissement à l’Est n’est pas non plus dans l’intérêt de la France. Bien sûr l’évolution de la Russie n’est pas écrite d’avance. Sa population est à 20% composée de minorités musulmanes. Mais nous devons tout faire pour rapprocher la Russie de l’Europe. Les complémentarités énergétiques et économiques sont fortes. Les peuples européens – y compris le peuple russe – aspirent à la paix. Cette aspiration est légitime. Je ne la confonds pas avec un pacifisme dont l’Histoire a toujours montré le caractère illusoire et même dangereux (ainsi en France, entre 1918 et 1940). La Russie est nécessaire à l’équilibre et à la stabilité du Caucase. Elle est un contrepoids utile, en Asie Centrale, au fondamentalisme islamiste. Sa relation particulière à la Chine et à l’Inde peut contribuer à canaliser l’élan de ces Etats-nations, milliardaires en hommes et héritiers de civilisations millénaires, pour qu’ils prennent leur place dans un monde stable, régi par des règles communes. Pour toutes ces raisons, notre intérêt est d’aider la Russie a réussir enfin sa modernisation. L’Europe ne sera l’Europe que si elle sait développer un étroit partenariat avec la Russie. C’est l’intérêt de la France, comme de l’Allemagne, si nous voulons peser dans le monde multipolaire de demain.

    Les menaces auxquelles l’Europe est et sera de plus en plus confrontée ne seront peut-être pas principalement militaires encore qu’en la matière il soit toujours déraisonnable de baisser la garde.

    Ni le terrorisme, qui est l’arme des faibles contre les forts, ni la piraterie, ou pire encore les risques de blocus des grandes voies maritimes, ne vont disparaître, ni les tentatives de prolifération nucléaire s’interrompre. La menace balistique qui y est associée a été favorisée, dans le passé, par des transferts de technologies en provenance d’URSS, de Chine, puis, dans une période plus récente, de Corée du Nord ou du Pakistan. Cette menace balistique est certainement l’une de celle à laquelle l’Europe devra faire face à l’avenir. Il serait cependant déraisonnable de s’en remettre à la défense antimissiles balistiques dont l’efficacité ne saurait être entièrement garantie et dont la mise en place en Europe, sous égide américaine, risque d’entraîner une vassalisation stratégique et technologique définitive. Tout montre, deux ans après le discours du Président Obama à Prague, que l’arme nucléaire ne va pas disparaître de l’horizon de l’Histoire. Les Etats-Unis ne signeront pas avant longtemps le traité d’interdiction des essais. Le Pakistan et les puissances asiatiques n’entendent pas interrompre la production de matières fissiles à usage militaire. Il est raisonnable pour la France de maintenir son effort nucléaire, ne serait-ce que pour ne pas se laisser entrainer dans l’engrenage de guerres lointaines par leur origine mais où nos intérêts vitaux ne seraient pas engagés. J’ajoute que le maintien d’une dissuasion nucléaire indépendante en Europe occidentale constitue un gage irremplaçable de stabilité sur notre continent. Enfin, la disposition d’une dissuasion nucléaire souple (avec ses deux composantes) interdit toute agression au-delà d’un certain seuil, par un Etat qui voudrait exercer un chantage sur notre politique. Nous devons aussi rester attentifs aux attaques dans le cyberespace et aux tentatives d’espionnage économique.

    L’heure de la fin de l’Histoire n’a pas sonné et celle-ci est fertile en surprises stratégiques. Le trait dominant de la période historique où le XXIe siècle nous a fait entrer est la fin du monopole technologique et politique des pays occidentaux et d’abord des Etats-Unis. Certes, ceux-ci restent, de toutes les nations occidentales, la plus puissante mais leur déclin est inscrit dans les courbes de la démographie et de l’économie mondiales. Le maintien de l’alliance euro-américaine va de soi, mais la France et d’autres nations européennes n’auraient aucun intérêt de devenir ou rester de simples supplétifs des Etats-Unis. Si eux-mêmes voulaient bien y réfléchir, ce ne serait pas non plus le leur, car des nations qui s’abandonnent ne sont jamais des alliés sûrs.

    Nous n’avons pas de stratégie à long terme vis-à-vis des puissances émergentes. Notre intérêt est de les faire participer à un ordre mondial raisonnable prenant aussi en compte les intérêts des pays anciennement industrialisés. Ce n’est pas facile car beaucoup de ces pays sont portés par un nationalisme conquérant et quelquefois par le sentiment d’avoir à prendre une revanche sur l’Histoire, c’est-à-dire sur l’Occident. A cet égard, la poursuite des délocalisations industrielles ou la prise de contrôle d’entreprises stratégiques constituent des menaces tangibles. La crise du capitalisme financier qui s’est développée sur la base d’une totale dérégulation des mouvements de capitaux, des biens, des services et des technologies depuis les années 1980, a marqué l’échec d’une pensée purement économiciste (la croyance dogmatique en la théorie de l’efficience des marchés), entièrement déconnectée de toute considération politique raisonnable. Il n’est pas besoin de s’en prendre à la Chine. C’est l’Occident lui-même qui a réchauffé dans son sein le serpent d’un néolibéralisme suicidaire. Les nations doivent reprendre le contrôle d’un système financier qui, tel Frankenstein, leur a échappé.

    L’Europe ne doit pas s’enfermer dans la stagnation mais trouver d’autres ressorts de croissance, en associant à son développement la Russie, à l’Est, et l’Afrique, au Sud. Le risque de migrations incontrôlées ne sera conjuré que par une politique de codéveloppement avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée et avec l’Afrique noire qui découvre aujourd’hui son potentiel de croissance. Le problème des matières premières va se poser avec plus d’acuité avec la croissance de la Chine et des "émergents". Il faut penser ce monde nouveau, et parce qu’il se fera inévitablement, il vaut mieux qu’il se fasse avec la France et avec l’Europe, plutôt que contre elle.

    Avant que ne s’installe ce nouvel ordre mondial coopératif, il n’est pas déraisonnable d’anticiper les tensions que génère toute transition. La France a un rôle majeur à jouer pour organiser l’Europe sur une base réaliste (la géométrie variable) et pour l’ouvrir à des coopérations fécondes fondées sur le principe de l’intérêt mutuel, avec les pays du Sud de la Méditerranée qu’elle connait souvent mieux que d’autres.

    L’Europe, pour se défendre, doit d’abord s’ouvrir vers l’Est et le Sud. Dans le monde du XXIe siècle que structurera la bipolarité Chine Etats-Unis, l’Europe pour trouver sa place doit s’organiser souplement, car elle ne le fera pas sans les nations (déjà faites, ou encore à construire) mais au contraire avec elles.

    L’erreur a été de vouloir construire l’Europe en substitut des nations. Pour se redresser, l’Europe doit, demain comme hier, s’appuyer sur la force de ses nations.

    Le reste, c’est-à-dire une défense efficace, viendra par surcroît.

    Jean-Pierre CHEVENEMENT

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  • Réflexions à l'Est...

    Les éditions Alexipharmaque viennent de publier Réflexions à l'Est, un recueil de textes de Georges Feltin-Tracol consacré à la Russie et à sa périphérie. Georges Feltin-tracol a déjà publié deux essais aux éditions Heligoland, Orientations rebelles (2009) et L'Esprit européen entre mémoire locale et volonté continentale (2011).

     

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    Depuis la chute du Mur de Berlin, la fin du bloc communiste en Europe et la disparition de l’Union Soviétique, l’Est intrigue. Cette curiosité se complète par une inquiétude : ne préfigure-t-il pas notre avenir ? En effet, l’Occident lui a inoculé ses tares (individualisme, atlantisme, mondialisme, économisme, matérialisme, relativisme culturel, nihilisme spirituel). Pourtant, l’Est demeure autre. On observe néanmoins la convergence rapide de l'homo sovieticus et de l'homo americanus vers le type du World Man

    Est-ce le sort de la Russie ? D’ailleurs, où va-t-elle ? Pourquoi Gorbatchev et Eltsine sont-ils des fossoyeurs ? Vladimir Poutine serait-il tiraillé par ses doubles ? Comment expliquer que la Biélorussie et son président, Alexandre Loukachenko, soient si peu estimés par les régimes et les médias occidentaux ? Les Balkans et le Caucase demeurent-ils encore des foyers de tensions ? L’Ukraine existe-t-elle vraiment ? Qui est Alexandre Douguine ? Que faut-il penser du renouveau de la Turquie et de la renaissance des pensées eurasistes ?

    Les réponses se trouvent dans ce recueil de vingt-six textes. Certains ont été publiés ou bien mis en ligne sur la Toile, d’autres sont inédits. Ils apportent tous une vision politique, sociologique, géopolitique, historique et métapolitique différente, rebelle, non-conformiste, radicale et dissidente.

    Au tropisme occidental et atlantiste des cénacles universitaires et des médias hexagonaux, cet ouvrage réinforme. Il dépasse aussi les commentaires habituels pour la réalité, parfois caché ou occulté, des faits. Ces Réflexions à l’Est aident à mieux comprendre la situation intellectuelle de nos voisins orientaux des steppes et de la taïga.

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  • Le bûcher des vaniteux...

    Les éditions Albin Michel viennent de publier Le bûcher des vaniteux, un recueil des chroniques radiophoniques qu'Eric Zemmour a écrites au cours de l'année 2011. Une relecture décapante de cette année riche en événements...

     

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    « J’ai tenu, chaque matin, le journal de bord de cette année surprenante, inquiétante, mirobolante. De mon poste d’observation privilégié, j’ai vu brûler les bûchers des vaniteux. Comme au temps de Philippe Le Bel, le petit peuple de Paris, sidéré et vaguement inquiet, regarda brûler celui des Templiers.
    J’y ai même glissé ma petite allumette. Ni vu ni connu. Pas pu m’empêcher. Un réflexe, une mauvaise habitude. Une revanche aussi. Je vous en prie, ne me dénoncez pas. Suis en sursis. »


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