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etats-unis - Page 73

  • François Hollande, sa morale et notre humiliation...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré à la soumission servile de François Hollande à la politique américaine...

     

    Hollande Obama soumission 2.jpg

     

    François Hollande, sa morale et notre humiliation

     

    Lors de la Conférence des Ambassadeurs, le 27 août, François Hollande ne s’est pas exprimé en chef d’Etat mais en moraliste : « Le massacre chimique de Damas ne peut rester sans réponse et la France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents » ; « c’est une ignominie de recourir à des armes que la communauté internationale a bannies depuis quatre-vingt dix ans ». L’acte dénoncé est atroce mais que vaut la condamnation ? Elle est insensée, quant aux principes dont elle se réclame.

    François Hollande s’exprime au mépris de toute prudence, antique vertu, puisqu’il appelle à l’action punitive sans attendre le rapport des enquêteurs de l’ONU. Désigner des coupables, les menacer de représailles sans détenir les preuves de leurs crimes, voilà qui contredit tout esprit de justice. Le prétendu moraliste n’est qu’un homme aligné sur le président des Etats-Unis.

    François Hollande voudrait nous faire croire qu’il est en accord avec la « communauté internationale », cette pure institutrice de la morale dont les Etats-Unis seraient le bras armé. Or cette « communauté » a pour principale caractéristique de ne pas exister : il y a des relations internationales, paisibles ou belliqueuses, il y a des institutions internationales où se nouent et se dénouent des rapports de force, il y a un droit international lourd d’ambiguïtés qu’il ne faut pas confondre avec la morale. Le droit ouvre des possibilités, la morale oblige à faire son devoir selon des règles universelles.

    François Hollande est manifestement persuadé que les Etats-Unis sont destinés à diriger les forces du Bien. C’est prendre l’idéologie américaine pour argent comptant sans voir ce qu’il en est de la politique américaine. Pourtant, Barack Obama a lui-même déclaré qu’il agirait dans l’affaire syrienne selon les intérêts des Etats-Unis.

    François Hollande contredit la vérité historique lorsqu’il affirme que la « communauté internationale » a banni les armes chimiques depuis quatre-vingt dix ans.  Au Vietnam, de 1962 à 1971, 80 millions de litres de défoliants ont été déversés sur plus de 3 millions d’hectares. Ces produits étaient pour 60% de l’Agent orange qui a contaminé les Vietnamiens et les soldats américains. Aujourd’hui, 800 000 vietnamiens sont malades, 150 000 de leurs enfants souffrent de malformations et 40 000 vétérans américains touchés par l’Agent orange reçoivent une indemnisation. La «communauté internationale » a gardé le silence sur ce crime de masse et elle ne s’est pas plus émue lorsque les Irakiens ont utilisé des neurotoxiques comme les soldats et les civils iraniens, avec l’assentiment des Américains.

    Les crimes des uns n’excusent pas les crimes des autres. Les Etats-Unis et leurs supplétifs français seraient-ils fondé à punir Damas si les inspecteurs de l’ONU prouvaient la responsabilité du gouvernement syrien ? Une action militaire serait contraire au droit international puisque le président des Etats-Unis a d’ores et déjà décidé de se passer de l’accord du Conseil de Sécurité. Certes, les puissances décidées à frapper le coupable peuvent invoquer une morale supérieure au droit. Mais si elles veulent agir moralement, il faut qu’elles appliquent les maximes universelles et frapper en tous lieux ceux – Chinois, Nord-Coréens – qui nient les droits de l’homme. Puisque c’est impossible – seuls les Etats faibles peuvent être punis – il serait sage de prendre en considération l’avis des autorités morales lorsqu’on veut protéger des populations. Quant à la Syrie, Barack Obama et François Hollande devraient réfléchir au fait que la punition militaire est rejetée par le pape François, par le patriarche grec-catholique d’Antioche, par le patriarche des Chaldéens, par l’archevêque de Cantorbéry…

    Comme le président des Etats-Unis a décidé d’ignorer le droit international, les principes moraux et les autorités morales, il faut en conclure que la décision de frapper Damas se situe dans le champ géostratégique. Si François Hollande faisait ce très simple constat, il se démarquerait immédiatement des Etats-Unis. La guerre à l’américaine n’est pas le moyen d’un objectif politique mais une technique d’éradication du Mal… qui conduit, avec les meilleures intentions du monde, à d’évidentes catastrophes : la « guerre morale » contre la Yougoslavie a placé le Kosovo sous la coupe de criminels, la croisade contre l’Irak a plongé ce pays dans un chaos dont il n’est toujours pas sorti – 3 700 personnes tuées dans des attentats depuis le début de l’année – le désastre afghan est soigneusement occulté par les petits et les grands valets des Etats-Unis de même que l’anarchie libyenne.

    A Londres, la Chambre des Communes a clairement signifié au Premier ministre son refus d’un nouvel engrenage sanglant. A Paris, on s’engage dans une nouvelle guerre américaine sans vouloir reconnaître que la guerre civile en Syrie n’oppose pas de bons rebelles à un méchant dictateur, mais des groupes et des communautés : les Alaouites sont promis à l’extermination par leurs adversaires, parmi lesquels des djihadistes qui combattent les Kurdes et qui veulent éliminer les chrétiens.  Avons-nous une intention politique ? Hélas, non. François Hollande a soutenu la rébellion parce que les Américains la soutenaient et il affirme maintenant qu’il n’est pas question de provoquer un changement de régime en écho à la punition limitée qui est envisagée à la Maison blanche.

    En décidant le retour complet de la France dans l’OTAN, Nicolas Sarkozy avait confirmé le tournant atlantiste pris depuis de nombreuses années. François Hollande trouve naturelle cette soumission, hier bravache, aujourd’hui pateline. Nous voici confirmés dans notre rôle de perroquets, de commis, de supplétifs. Notre humiliation est totale. J’espère qu’elle se transformera en colère et que cette colère se manifestera dans la rue.

    Bertrand Renouvin (Blog de Bertrand Renouvin, 31 août 2013)

    Lors de la Conférence des Ambassadeurs, le 27 août, François Hollande ne s’est pas exprimé en chef d’Etat mais en moraliste : « Le massacre chimique de Damas ne peut rester sans réponse et la France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents » ; « c’est une ignominie de recourir à des armes que la communauté internationale a bannies depuis quatre-vingt dix ans ». L’acte dénoncé est atroce mais que vaut la condamnation ? Elle est insensée, quant aux principes dont elle se réclame.

    François Hollande s’exprime au mépris de toute prudence, antique vertu, puisqu’il appelle à l’action punitive sans attendre le rapport des enquêteurs de l’ONU. Désigner des coupables, les menacer de représailles sans détenir les preuves de leurs crimes, voilà qui contredit tout esprit de justice. Le prétendu moraliste n’est qu’un homme aligné sur le président des Etats-Unis.

    François Hollande voudrait nous faire croire qu’il est en accord avec la « communauté internationale », cette pure institutrice de la morale dont les Etats-Unis seraient le bras armé. Or cette « communauté » a pour principale caractéristique de ne pas exister : il y a des relations internationales, paisibles ou belliqueuses, il y a des institutions internationales où se nouent et se dénouent des rapports de force, il y a un droit international lourd d’ambiguïtés qu’il ne faut pas confondre avec la morale. Le droit ouvre des possibilités, la morale oblige à faire son devoir selon des règles universelles.

    François Hollande est manifestement persuadé que les Etats-Unis sont destinés à diriger les forces du Bien. C’est prendre l’idéologie américaine pour argent comptant sans voir ce qu’il en est de la politique américaine. Pourtant, Barack Obama a lui-même déclaré qu’il agirait dans l’affaire syrienne selon les intérêts des Etats-Unis.

    François Hollande contredit la vérité historique lorsqu’il affirme que la « communauté internationale » a banni les armes chimiques depuis quatre-vingt dix ans.  Au Vietnam, de 1962 à 1971, 80 millions de litres de défoliants ont été déversés sur plus de 3 millions d’hectares. Ces produits étaient pour 60% de l’Agent orange qui a contaminé les Vietnamiens et les soldats américains. Aujourd’hui, 800 000 vietnamiens sont malades, 150 000 de leurs enfants souffrent de malformations et 40 000 vétérans américains touchés par l’Agent orange reçoivent une indemnisation. La «communauté internationale » a gardé le silence sur ce crime de masse et elle ne s’est pas plus émue lorsque les Irakiens ont utilisé des neurotoxiques comme les soldats et les civils iraniens, avec l’assentiment des Américains.

    Les crimes des uns n’excusent pas les crimes des autres. Les Etats-Unis et leurs supplétifs français seraient-ils fondé à punir Damas si les inspecteurs de l’ONU prouvaient la responsabilité du gouvernement syrien ? Une action militaire serait contraire au droit international puisque le président des Etats-Unis a d’ores et déjà décidé de se passer de l’accord du Conseil de Sécurité. Certes, les puissances décidées à frapper le coupable peuvent invoquer une morale supérieure au droit. Mais si elles veulent agir moralement, il faut qu’elles appliquent les maximes universelles et frapper en tous lieux ceux – Chinois, Nord-Coréens – qui nient les droits de l’homme. Puisque c’est impossible – seuls les Etats faibles peuvent être punis – il serait sage de prendre en considération l’avis des autorités morales lorsqu’on veut protéger des populations. Quant à la Syrie, Barack Obama et François Hollande devraient réfléchir au fait que la punition militaire est rejetée par le pape François, par le patriarche grec-catholique d’Antioche, par le patriarche des Chaldéens, par l’archevêque de Cantorbéry…

    Comme le président des Etats-Unis a décidé d’ignorer le droit international, les principes moraux et les autorités morales, il faut en conclure que la décision de frapper Damas se situe dans le champ géostratégique. Si François Hollande faisait ce très simple constat, il se démarquerait immédiatement des Etats-Unis. La guerre à l’américaine n’est pas le moyen d’un objectif politique mais une technique d’éradication du Mal… qui conduit, avec les meilleures intentions du monde, à d’évidentes catastrophes : la « guerre morale » contre la Yougoslavie a placé le Kosovo sous la coupe de criminels, la croisade contre l’Irak a plongé ce pays dans un chaos dont il n’est toujours pas sorti – 3 700 personnes tuées dans des attentats depuis le début de l’année – le désastre afghan est soigneusement occulté par les petits et les grands valets des Etats-Unis de même que l’anarchie libyenne.

    A Londres, la Chambre des Communes a clairement signifié au Premier ministre son refus d’un nouvel engrenage sanglant. A Paris, on s’engage dans une nouvelle guerre américaine sans vouloir reconnaître que la guerre civile en Syrie n’oppose pas de bons rebelles à un méchant dictateur, mais des groupes et des communautés : les Alaouites sont promis à l’extermination par leurs adversaires, parmi lesquels des djihadistes qui combattent les Kurdes et qui veulent éliminer les chrétiens.  Avons-nous une intention politique ? Hélas, non. François Hollande a soutenu la rébellion parce que les Américains la soutenaient et il affirme maintenant qu’il n’est pas question de provoquer un changement de régime en écho à la punition limitée qui est envisagée à la Maison blanche.

    En décidant le retour complet de la France dans l’OTAN, Nicolas Sarkozy avait confirmé le tournant atlantiste pris depuis de nombreuses années. François Hollande trouve naturelle cette soumission, hier bravache, aujourd’hui pateline. Nous voici confirmés dans notre rôle de perroquets, de commis, de supplétifs. Notre humiliation est totale. J’espère qu’elle se transformera en colère et que cette colère se manifestera dans la rue.

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    Lors de la Conférence des Ambassadeurs, le 27 août, François Hollande ne s’est pas exprimé en chef d’Etat mais en moraliste : « Le massacre chimique de Damas ne peut rester sans réponse et la France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents » ; « c’est une ignominie de recourir à des armes que la communauté internationale a bannies depuis quatre-vingt dix ans ». L’acte dénoncé est atroce mais que vaut la condamnation ? Elle est insensée, quant aux principes dont elle se réclame.

    François Hollande s’exprime au mépris de toute prudence, antique vertu, puisqu’il appelle à l’action punitive sans attendre le rapport des enquêteurs de l’ONU. Désigner des coupables, les menacer de représailles sans détenir les preuves de leurs crimes, voilà qui contredit tout esprit de justice. Le prétendu moraliste n’est qu’un homme aligné sur le président des Etats-Unis.

    François Hollande voudrait nous faire croire qu’il est en accord avec la « communauté internationale », cette pure institutrice de la morale dont les Etats-Unis seraient le bras armé. Or cette « communauté » a pour principale caractéristique de ne pas exister : il y a des relations internationales, paisibles ou belliqueuses, il y a des institutions internationales où se nouent et se dénouent des rapports de force, il y a un droit international lourd d’ambiguïtés qu’il ne faut pas confondre avec la morale. Le droit ouvre des possibilités, la morale oblige à faire son devoir selon des règles universelles.

    François Hollande est manifestement persuadé que les Etats-Unis sont destinés à diriger les forces du Bien. C’est prendre l’idéologie américaine pour argent comptant sans voir ce qu’il en est de la politique américaine. Pourtant, Barack Obama a lui-même déclaré qu’il agirait dans l’affaire syrienne selon les intérêts des Etats-Unis.

    François Hollande contredit la vérité historique lorsqu’il affirme que la « communauté internationale » a banni les armes chimiques depuis quatre-vingt dix ans.  Au Vietnam, de 1962 à 1971, 80 millions de litres de défoliants ont été déversés sur plus de 3 millions d’hectares. Ces produits étaient pour 60% de l’Agent orange qui a contaminé les Vietnamiens et les soldats américains. Aujourd’hui, 800 000 vietnamiens sont malades, 150 000 de leurs enfants souffrent de malformations et 40 000 vétérans américains touchés par l’Agent orange reçoivent une indemnisation. La «communauté internationale » a gardé le silence sur ce crime de masse et elle ne s’est pas plus émue lorsque les Irakiens ont utilisé des neurotoxiques comme les soldats et les civils iraniens, avec l’assentiment des Américains.

    Les crimes des uns n’excusent pas les crimes des autres. Les Etats-Unis et leurs supplétifs français seraient-ils fondé à punir Damas si les inspecteurs de l’ONU prouvaient la responsabilité du gouvernement syrien ? Une action militaire serait contraire au droit international puisque le président des Etats-Unis a d’ores et déjà décidé de se passer de l’accord du Conseil de Sécurité. Certes, les puissances décidées à frapper le coupable peuvent invoquer une morale supérieure au droit. Mais si elles veulent agir moralement, il faut qu’elles appliquent les maximes universelles et frapper en tous lieux ceux – Chinois, Nord-Coréens – qui nient les droits de l’homme. Puisque c’est impossible – seuls les Etats faibles peuvent être punis – il serait sage de prendre en considération l’avis des autorités morales lorsqu’on veut protéger des populations. Quant à la Syrie, Barack Obama et François Hollande devraient réfléchir au fait que la punition militaire est rejetée par le pape François, par le patriarche grec-catholique d’Antioche, par le patriarche des Chaldéens, par l’archevêque de Cantorbéry…

    Comme le président des Etats-Unis a décidé d’ignorer le droit international, les principes moraux et les autorités morales, il faut en conclure que la décision de frapper Damas se situe dans le champ géostratégique. Si François Hollande faisait ce très simple constat, il se démarquerait immédiatement des Etats-Unis. La guerre à l’américaine n’est pas le moyen d’un objectif politique mais une technique d’éradication du Mal… qui conduit, avec les meilleures intentions du monde, à d’évidentes catastrophes : la « guerre morale » contre la Yougoslavie a placé le Kosovo sous la coupe de criminels, la croisade contre l’Irak a plongé ce pays dans un chaos dont il n’est toujours pas sorti – 3 700 personnes tuées dans des attentats depuis le début de l’année – le désastre afghan est soigneusement occulté par les petits et les grands valets des Etats-Unis de même que l’anarchie libyenne.

    A Londres, la Chambre des Communes a clairement signifié au Premier ministre son refus d’un nouvel engrenage sanglant. A Paris, on s’engage dans une nouvelle guerre américaine sans vouloir reconnaître que la guerre civile en Syrie n’oppose pas de bons rebelles à un méchant dictateur, mais des groupes et des communautés : les Alaouites sont promis à l’extermination par leurs adversaires, parmi lesquels des djihadistes qui combattent les Kurdes et qui veulent éliminer les chrétiens.  Avons-nous une intention politique ? Hélas, non. François Hollande a soutenu la rébellion parce que les Américains la soutenaient et il affirme maintenant qu’il n’est pas question de provoquer un changement de régime en écho à la punition limitée qui est envisagée à la Maison blanche.

    En décidant le retour complet de la France dans l’OTAN, Nicolas Sarkozy avait confirmé le tournant atlantiste pris depuis de nombreuses années. François Hollande trouve naturelle cette soumission, hier bravache, aujourd’hui pateline. Nous voici confirmés dans notre rôle de perroquets, de commis, de supplétifs. Notre humiliation est totale. J’espère qu’elle se transformera en colère et que cette colère se manifestera dans la rue.

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    Lors de la Conférence des Ambassadeurs, le 27 août, François Hollande ne s’est pas exprimé en chef d’Etat mais en moraliste : « Le massacre chimique de Damas ne peut rester sans réponse et la France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents » ; « c’est une ignominie de recourir à des armes que la communauté internationale a bannies depuis quatre-vingt dix ans ». L’acte dénoncé est atroce mais que vaut la condamnation ? Elle est insensée, quant aux principes dont elle se réclame.

    François Hollande s’exprime au mépris de toute prudence, antique vertu, puisqu’il appelle à l’action punitive sans attendre le rapport des enquêteurs de l’ONU. Désigner des coupables, les menacer de représailles sans détenir les preuves de leurs crimes, voilà qui contredit tout esprit de justice. Le prétendu moraliste n’est qu’un homme aligné sur le président des Etats-Unis.

    François Hollande voudrait nous faire croire qu’il est en accord avec la « communauté internationale », cette pure institutrice de la morale dont les Etats-Unis seraient le bras armé. Or cette « communauté » a pour principale caractéristique de ne pas exister : il y a des relations internationales, paisibles ou belliqueuses, il y a des institutions internationales où se nouent et se dénouent des rapports de force, il y a un droit international lourd d’ambiguïtés qu’il ne faut pas confondre avec la morale. Le droit ouvre des possibilités, la morale oblige à faire son devoir selon des règles universelles.

    François Hollande est manifestement persuadé que les Etats-Unis sont destinés à diriger les forces du Bien. C’est prendre l’idéologie américaine pour argent comptant sans voir ce qu’il en est de la politique américaine. Pourtant, Barack Obama a lui-même déclaré qu’il agirait dans l’affaire syrienne selon les intérêts des Etats-Unis.

    François Hollande contredit la vérité historique lorsqu’il affirme que la « communauté internationale » a banni les armes chimiques depuis quatre-vingt dix ans.  Au Vietnam, de 1962 à 1971, 80 millions de litres de défoliants ont été déversés sur plus de 3 millions d’hectares. Ces produits étaient pour 60% de l’Agent orange qui a contaminé les Vietnamiens et les soldats américains. Aujourd’hui, 800 000 vietnamiens sont malades, 150 000 de leurs enfants souffrent de malformations et 40 000 vétérans américains touchés par l’Agent orange reçoivent une indemnisation. La «communauté internationale » a gardé le silence sur ce crime de masse et elle ne s’est pas plus émue lorsque les Irakiens ont utilisé des neurotoxiques comme les soldats et les civils iraniens, avec l’assentiment des Américains.

    Les crimes des uns n’excusent pas les crimes des autres. Les Etats-Unis et leurs supplétifs français seraient-ils fondé à punir Damas si les inspecteurs de l’ONU prouvaient la responsabilité du gouvernement syrien ? Une action militaire serait contraire au droit international puisque le président des Etats-Unis a d’ores et déjà décidé de se passer de l’accord du Conseil de Sécurité. Certes, les puissances décidées à frapper le coupable peuvent invoquer une morale supérieure au droit. Mais si elles veulent agir moralement, il faut qu’elles appliquent les maximes universelles et frapper en tous lieux ceux – Chinois, Nord-Coréens – qui nient les droits de l’homme. Puisque c’est impossible – seuls les Etats faibles peuvent être punis – il serait sage de prendre en considération l’avis des autorités morales lorsqu’on veut protéger des populations. Quant à la Syrie, Barack Obama et François Hollande devraient réfléchir au fait que la punition militaire est rejetée par le pape François, par le patriarche grec-catholique d’Antioche, par le patriarche des Chaldéens, par l’archevêque de Cantorbéry…

    Comme le président des Etats-Unis a décidé d’ignorer le droit international, les principes moraux et les autorités morales, il faut en conclure que la décision de frapper Damas se situe dans le champ géostratégique. Si François Hollande faisait ce très simple constat, il se démarquerait immédiatement des Etats-Unis. La guerre à l’américaine n’est pas le moyen d’un objectif politique mais une technique d’éradication du Mal… qui conduit, avec les meilleures intentions du monde, à d’évidentes catastrophes : la « guerre morale » contre la Yougoslavie a placé le Kosovo sous la coupe de criminels, la croisade contre l’Irak a plongé ce pays dans un chaos dont il n’est toujours pas sorti – 3 700 personnes tuées dans des attentats depuis le début de l’année – le désastre afghan est soigneusement occulté par les petits et les grands valets des Etats-Unis de même que l’anarchie libyenne.

    A Londres, la Chambre des Communes a clairement signifié au Premier ministre son refus d’un nouvel engrenage sanglant. A Paris, on s’engage dans une nouvelle guerre américaine sans vouloir reconnaître que la guerre civile en Syrie n’oppose pas de bons rebelles à un méchant dictateur, mais des groupes et des communautés : les Alaouites sont promis à l’extermination par leurs adversaires, parmi lesquels des djihadistes qui combattent les Kurdes et qui veulent éliminer les chrétiens.  Avons-nous une intention politique ? Hélas, non. François Hollande a soutenu la rébellion parce que les Américains la soutenaient et il affirme maintenant qu’il n’est pas question de provoquer un changement de régime en écho à la punition limitée qui est envisagée à la Maison blanche.

    En décidant le retour complet de la France dans l’OTAN, Nicolas Sarkozy avait confirmé le tournant atlantiste pris depuis de nombreuses années. François Hollande trouve naturelle cette soumission, hier bravache, aujourd’hui pateline. Nous voici confirmés dans notre rôle de perroquets, de commis, de supplétifs. Notre humiliation est totale. J’espère qu’elle se transformera en colère et que cette colère se manifestera dans la rue.

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  • Tour d'horizon... (51)

    Char Panther.jpg

    Au sommaire cette semaine :

    - sur Marianne, Thomas Vallières découvre que le monde est difficilement compréhensible avec les grilles de lecture fournies par Disney et BHL...

    Egypte-Syrie : Faut-il occulter ces vérités qui dérangent ?

    Rebelle mangeant le coeur d'un soldat syrien.jpg

     

    - sur Causeur, Florian Philippot dénonce le suivisme de la France par rapport aux États-Unis et l'abandon de la vision gaullienne de la politique étrangère...

    La France ne doit pas légitimer l'ingérence américaine

    Maître et serviteur.jpg

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  • Un véritable désastre...

    Alain de Benoist, directeur des revues Nouvelle Ecole et Krisis et éditorialiste de la revue Eléments, répond, dans un entretien diffusé le 29 août 2013, aux questions de la radio iranienne francophone, IRIB, à propos des menaces d'action militaire formulées par les États-Unis et la France contre le régime syrien.

     

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  • Sept pas vers la soumission...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue grinçant de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré à l'abandon de toute idée d'indépendance nationale, ou européenne, face aux Etats-Unis...

     

     

    Soumission.jpg


    Sept pas vers la soumission
    Depuis le mois de juin, nous avons appris :
    - 1/ que le G8 était écouté et qu'un délégué ne pouvait aller au cybercafé du coin sans que les services de sa Majesté n'interceptent ses messages...
    - 2/  qu'aux Etats-Unis, l'opérateur téléphonique Verizon (comme sans doute d'autres) livrait à la National Security Agency des millions de métadonnées, non pas le contenu de conversations téléphoniques, mais des indications sur qui s'est connecté avec qui, d'où à où et quand, indications qui révèlent largement ce que fait quelqu'un et de quel réseau il fait partie, qu'il s'agisse d'un réseau terroriste, politique ou d'affaires... ceci sans compter les écoutes "classiques" et légales.
    - 3/ que les grands du Net, Google, Skype, Apple, Facebook, et autres donnaient un accès qui semble incontrôlé aux mêmes services : contenu des échanges, métadonnées, données personnelles confiées aux opérateurs ou plates-formes. Cette opération dite Prism devrait fournir à la fois a) des informations très fines sur des individus (même des sociétés commerciales en croisant quelques données personnelles et des données sur vos connexions en ligne savent très vite votre âge, votre sexe,  votre niveau de revenu, vos goûts dans différents domaines, vos relations...) b) des informations non moins précieuses sur des mouvements collectifs d'opinion, voire des "conspirations"...
    - 4/ que tout ceci est légal puisque des cours secrètes suivant des procédures secrètes l'autorisent ; et que de toutes les manières, il ne s'agit de surveiller que des étrangers et des gens qui ne résident pas aux USA, donc que cela ne viole en rien la constitution. Mais au fait, comment savez-vous qu'ils sont étrangers ? Réponse : nos ordinateurs repèrent que leurs messages contiennent des termes qui indiquent avec 51 %  de probabilité qu'ils sont étrangers. Question : comment obtenez-vous ces mots-clefs sans intercepter préalablement leur correspondance et qu'en est-il des 49% d'erreur probable ? pas de réponse...
    5/ Que la NSA britannique le GCHQ étudie encore davantage de communications, suivant la même méthode de "pêche au chalut" (intercepter des millions de messages, les conserver et faire effectuer des recherches sémantiques par des ordinateurs surpuissants pour y découvrir des éléments suspects) mais ils le font sur des câbles sous-marins...
    6/ Que, comme tout ce qui précède ne suffit pas, les services américains font également de l'espionnage ciblé sur des ambassades, ou des institutions comme l'Union Européenne, chez eux et à l'étranger, avec micros, pénétration dans les ordinateurs,  etc...
    7/ Que quelqu'un qui révèle tout ce qui précède est un dangereux espion mettant en péril le monde libre et qu'il est donc parfaitement normal de détourner l'avion d'un chef d'État susceptible d'abriter ce personnage en quête d'asile et de fouiller de fait l'aéronef suspect. Ceci avec l'aide d'alliés complaisants et sur la foi d'indications dont personne n'a révélé la source. Et pendant que nous négocions un accord commercial dont est sensé dépendre le sort de la planète : une véritable ouverture dans notre monde encore trop cloisonné... car qui pourrait imaginer que l'administration Obama fasse de l'espionnage économique ou diplomatique ?
    Imaginons un quart de seconde que tout ceci ait été le fait de Vladimir Poutine et de quelques gouvernements fantoches à sa solde. Avec quel mâle courage nous aurions dénoncé l'autocrate ! Quel intéressant débat nous aurions pu ouvrir, intellectuels, mes frères, sur la comparaison avec l'époque soviétique, les causes structurelles et les causes contingentes du Panoptique.
    Certes nous avons roulé des yeux. Nos gouvernants ont déclaré "intolérable" (vous avez bien lu, intolérable, autrement plus viril que Madame Merkel) ce que nous avons toléré trois jours après. 
    Puis vinrent les reculades. Sanctionner les USA, retarder les négociations ? Peut-être amis à conditions que nos vingt-sept amis européens dont plus de la moitié sont des atlantistes convaincus  nous suivent sur cette voie. Une commission Théodule étudiera la question et Obama a promis qu'il rassurerait le président "Houlan". 
    Ce n'est pas sous Sarkozy l'Américain que l'on aurait vu cela (pour la petite histoire : l'Express avait révélé à la fin de l'année dernière que les services américains avaient pénétré l'intranet de l'Elysée sous ledit Sarkozy sans que cela fasse réagir toute mesure la nouvelle présidence).
    Rassérénée, la patrie des droits de l'homme à refusé le survol de son espace aérien à un avion présidentiel où aurait pu se dissimuler Snowden, l'obligeant de fait à atterrir en Autriche. Explication donnée : il y a eu des "informations contradictoires" (lesquelles ? fournies par qui ? par quels alliés en qui nous avons toute confiance ?), et par simple erreur,quelqu'un à Matignon (le planton de service ?) a pris une décision que le président de la République a corrigée aussitôt qu'il a appris que le président Morales était - devinez où -à bord de son avion présidentiel, entre temps déjà détourné.
    Sur ce, un journal d'une rigueur morale irréprochable révèle que la DGSE fait à peu près la même chose avec ses stations d'interception électronique. Nous aurions même des ordinateurs de pointe pour mouliner des millions de mots clefs.  Nous serions alors en mauvaise posture pour critiquer les États-Unis. Plus fort que tout, alors que le budget de la NSA se situe peut-être jusqu'à 10 milliards de dollars, la DGSE à réussi à se doter de ce matériel époustouflant sans éveiller l'attention sans doute par quelque habile manipulation comptable.
    Du coup, on se souvient que dans les années 90 il y a eu l'affaire Échelon. (Occasion pour des millions de gens de découvrir l'existence de la NSA et du gigantesque système des "Grandes oreilles d'oncle Sam") Et que l'affaire Échelon avait amené en réaction la révélation de l'affaire dite Frenchelon (des stations d'interception françaises). Donc pourquoi se frapper pour cette vieille affaire, pour ne pas dire ce secret de Polichinelle ?
    Et au final, le ministre de l'Intérieur peut déclarer dans une interview à l'Usine Digitale "Il faut cependant être lucides : pour protéger leurs populations, tous les États ont besoin d'accéder à certaines communications électroniques, aussi bien en matière de renseignement que de poursuites judiciaires... Mais l'exploitation des métadonnées ou des contenus n'est légitime que si elle se rapporte à des finalités de sécurité bien circonscrites : lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée ou encore protection des intérêts fondamentaux des États." Il suffirait donc de les cibler sur des individus qui présentent une menace réelle, et ce avec une finesse toute française.
     
     Nous voici donc lucides et contents. Certains refusent de parler de coup d'État en Égypte, d'autres d'espionnage entre amis.
    De quoi faut-il le plus s'émouvoir dans cette affaire ? De savoir que des amis vous espionnent et que les arcanes de la Realpolitik prospèrent toujours ? ou de ce que cela ne change rien de le savoir ?
    François-Bernard Huyghe ( Huyghe.fr, 9 juillet 2013)
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  • Des Européens bien naïfs...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une très bonne mise au point de Jean-Michel Quatrepoint sur Xerfi Canal consacrée aux méthodes des Etats-Unis. Il fustige, en particulier, la naïveté des "élites" françaises....

     

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  • « Rendez-moi Montaigne et Guy Mollet ! »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue percutant de Jean-Philippe Immarigeon, cueilli sur Theatrum Belli et consacré à l'intolérable soumission de la France aux Etats-Unis...

    Avocat, bon connaisseur des Etats-Unis, Jean-Philippe Immarigeon est l'auteur de plusieurs essais d'une grande lucidité comme American parano (Bourin, 2006), Sarko l'Américain, (Bourin, 2007) ou L'imposture américaine (Bourin, 2009). Il collabore régulièrement à la revue Défense Nationale.

     

     

    Hollande Obama soumission.jpg

     

    « Rendez-moi Montaigne et Guy Mollet ! »

    Début juin, juste avant que n’éclate ce qu’on nomme l’Affaire Snowden, une amie très chère me disait en substance : « C’est pas idiot tout ce que tu écris depuis 2001 sur les Américains, mais tu te répètes, Jean-Phi ! ». Qu’à cela ne tienne, et faisons assaut de vanité puisque rien de ce que j’ai pu publier depuis plus d’une décennie ne s’est jusqu’à ce jour démenti : nous sommes le produit de deux civilisations antagonistes, ce qui est assumé par les Américains mais nié par les Français au prix de crises à répétition qui ne pourront se résoudre que le jour où nous accepterons l’existence de ce gouffre atlantique. Car tant que cela ne sera pas, nous accepterons servilement les humiliations au nom de prétendues valeurs communes et de principes supposés partagés. 

    La France des Gunga Din 

    Violation des échanges diplomatiques, accès aux informations économiques, lecture des données personnelles sur les réseaux sociaux : les Américains nous espionnent. United Stasi of America. C’est inadmissible, font semblant de se fâcher nos gouvernants, avec toujours cette restriction : « si cela devait s’avérer exact… ». Bien sûr que c’est exact, les Américains n’en ont jamais fait mystère chaque fois qu’ils ont été surpris le doigt dans le pot de confiture. Ceci dit, on proteste mais c’est pour du beurre, hein, ne le prenez pas mal, d’ailleurs, on ferme notre espace aérien à l’avion présidentiel du chef d’Etat bolivien pour vous être agréable, vous voyez bien que c’est pour du beurre…

    Je comprends les Américains et leur agacement récurrent devant ces crises de nerf à répétition, qui surviennent entre une réintégration dans le commandement militaire intégré de l’OTAN qu’ils ne réclamaient plus, et l’achat à prix d’or de drones qu’ils vont nous surfacturer avec d’autant plus de morgue qu’ils seront les chevaux de Troie du Pentagone au sein de nos systèmes de défense. L’affaire Snowden n’a pas seulement confirmé une surveillance à l’échelle planétaire sur nos pages Facebook et nos boîtes Gmail, elle a aussi mis en évidence le piège-à-cons que constituent les Clouds. Venez, braves gens, plutôt que de conserver vos fichiers sur des CD, des clefs USB, des disques durs ou des ordinateurs non branchés sur le Net, transférez les dans des serveurs américains et des centres de stockage enterrés dans le désert du Nevada ou en Pennsylvanie, ils y seront sécurisés et illisibles ! Et ça a marché. Pourquoi les Américains se gêneraient-ils pour nous prendre pour des imbéciles, et nous le faire savoir ?

    Car à quoi bon protester, puisque la réponse ne changera pas : oui nous vous espionnons, oui vous le savez, oui vous en faites autant, et que le meilleur gagne ! Discours qui finalement passe assez bien dans l’opinion publique française, car elle ne voit pas que le problème est ailleurs, non dans ce qui relève de l’espionnage, mais dans la soumission de la France à l’Empire. Car l’essentiel des données que les Américains détiennent, c’est nous qui les leur donnons. Ainsi les dix-neuf informations communiquées à leurs services concernant tout Français qui achète un billet pour se rendre de l’autre côté de l’Atlantique. Pour leur livrer nous avons dû modifier nos règles et collecter des informations que nous ne collections auparavant. Il ne s’agit plus de coopération mais de l’introduction des lois et des normes américaines en France. Ça porte un nom, ça s’appelle la colonisation. Dès lors, comme écrivait Ludovic Naudeau dans L’Illustration du 26 février 1938, parlant d’autres et dans un contexte totalement différent il est vrai mais la formule est fort belle : « Quant à nos objurgations littéraires, elles les font puissamment rire. ». 

    La première réponse de Barack Obama relève ainsi de ce souverain mépris que tous les dirigeants américains professent depuis deux siècles à l’encontre de la patrie de Rochambeau et Lafayette : pourquoi recourir à la NSA, lorsque j’ai besoin d’une information sur la France, je m’adresse directement au président Hollande. D’ailleurs n’est-il pas lui-même un ancien Young Leader, promotion 1996, de la French American Foundation ?

     

    American Komintern 

    On commence à connaître cette officine créée en 1976, et je conseille la lecture de son site tant ses objectifs y sont clairement exposés : faire de l’entrisme dans les institutions françaises, et convaincre nos prétendues élites de l’intérêt de servir les intérêts américains. Chaque année sont sélectionnés une vingtaine de Young Leaders, moitié français moitié américains. Parmi les alumni des années précédentes, outre le chef de l’Etat, on trouve Jean-Marie Colombani (promotion 1983), feu Olivier Ferrand (2005), David Kessler (1999), Laurent Joffrin (1994), Arnaud Montebourg (2000), Aquilino Morelle (1998), Bruno le Roux (1998), Fleur Pellerin (2012), Matthieu Pigasse (2005), Marisol Touraine (1998), Justin Vaisse (2007), ou Najat Vallaud Belkacem (2006). En un mot la France américaine, et fière de l’être.

    Mais le summum se lit dans la liste des lauréats 2013 publiée le 25 juin dernier. Y apparaît le capitaine de frégate Philippe Naudet, commandant du Sous-marin Nucléaire d’Attaque Améthyste (S-605). Ce qui veut dire que la Royale dépêche auprès des Américains un futur pacha de Sous-marin Nucléaire Lanceur d’Engins – puisque le cursus se fait généralement ainsi dans cette arme –, soit un des huit (deux équipages par SNLE) décideurs finals de notre dissuasion nucléaire, ceux qui, sur ordre du chef des armées, tournent la clef qui lance les missiles… ou ne la tourne pas. Et qui le fait savoir, et dévoile son identité.

    Mais le plus drôle – à ce stade il ne reste rien d’autre à faire que de rire – c’est que dans le contingent américain des Young Leaders de la promotion 2013, notre futur détenteur de secrets nucléaires côtoiera Madame Anne Neuberger, conseillère spéciale du patron de la NSA.

    Cette espionne (car il faut appeler un chat par son nom) se présente elle-même ainsi dans un ouvrage collectif : « Shortly afterward, a new military command was established – Cyber Command – consisting of a team recruited to work on protecting military networks. I became part of that team, and it evolved into my current position as special assistant to the director of the National Security Agency, which is one of the largest intelligence agencies of the Department of Defense. I’m part of a group that is responsible for raising the security of critical private sector cyber-infrastructure. » Notre MinDéf nous expliquera que sa présence auprès d’un futur pacha de SNLE est fortuite. Le président américain dira : pourquoi écouter les Français, il suffit de leur demander leurs codes nucléaires. Pour les services secrets américains, comme le dit ma belle amie, la France est désormais open bar. De Gaulle, reviens !

    Les surfeurs relèveront également que la Young Leader 2013, dans l’ouvrage précité, explique longuement comment elle parvient à combiner ses activités d’espionne avec ses obligations de mère de famille croyante. Exhibitionnisme ? Non, transparence et absence de frontière entre vie professionnelle et sphère privée à dire vrai inconnue, celle que nous décrivent les innombrables séries et téléfilms, sans que les Français veuillent comprendre cette Amérique qui se décrit elle-même comme un gigantesque panoptique.

    Les barbelés de Franklin 

    L’expression est de Gilles Deleuze, inspirée de D.H. Lawrence. Si on ne l’a pas en perspective, on ne comprend pas pourquoi les Américains acceptent d’être écoutés, surveillés, lus, pistés, arrêtés, détenus, on ne comprend pas ce qui avait tant effrayé le vicomte de Tocqueville qui écrivait qu’on ne peut appréhender leurs institutions si l’on n’étudie pas auparavant les premières communautés calvinistes, et lu le Lévitique et le Deutéronome. Si on ne se dote pas de cette grille de lecture, on ne comprend rien à une Amérique réalisation des dystopies de la fin des Lumières, comme L’An 2440 de Louis-Sébastien Mercier : une société toute de transparence où chacun lit dans le cœur et l’âme de l’autre, où policiers et espions traquent l’écart et le trouble, veillent sur la vie privée, où les villes sont tracées au cordeau, où la masse impose à l’individu la rectitude du conformisme le plus étouffant et « traque les ténèbres hétérodoxes du for intérieur de même que ses lanternes portent la lumière impitoyable dans tous les recoins et les rues. » C’est le modèle décrit par Tocqueville qui y voyait un despotisme d’un genre nouveau, reprit plus tard par le Nous autres de Zamiatine puis par les anticipations de Huxley puis Orwell. C’est cette société et nulle autre que l’Amérique a choisie en intégrant dans sa Constitution de 1787 une disposition qui fait, depuis plus de deux siècles, de l’état d’exception la norme, citée par toutes les dispositions législatives et judiciaires pour justifier ces lois qui sont le lot commun de l’Amérique, depuis les Sedition et Alien Acts de 1798 jusqu’à la NDAA de 2012 : la Suspension Clause.

    Cette Suspension Clause qui faisait dire à Kurt Gödel, au juge américain qui le naturalisait, qu’avec une telle faille Hitler n’aurait pas eu besoin en avril 1933 de faire son coup de force de Postdam et de suspendre la constitution, il l’aurait simplement appliquée. Dire que l’Amérique trahit ses propres principes, c’est n’avoir jamais lu ces derniers. Et rien compris à Tocqueville.

    Cette société panoptique, dont les frasques de la NSA ne sont qu’une des déclinaisons, ne pourrait-on la qualifier d’un terme passé de mode mais parfaitement adapté au pays qui a ouvert, dans le strict respect de ses règles constitutionnelles, un camp de concentration à Guantanamo : la tyrannie ?

    Devant l’obstacle – comme André Tardieu titrait dès 1924 son essai sur le problème que nous posait une Amérique qui effrayait à la même époque ses contemporains, de Jules Romains à Denis de Rougemont en passant par Georges Bernanos, Robert Aron, Georges Duhamel et tant d’autres – la question est très simple : sommes-nous disposés à abandonner nos régimes parlementaires protecteurs des libertés publiques, pour adopter les règles d’une constitution rédigée du temps des rois ? Poser la question c’est y répondre. Pourtant, nous sommes entrés dans un panurgisme suicidaire dans un domaine où les Etats-Unis, tant au niveau des moyens mis en œuvre que de leurs institutions, seront toujours les maîtres : le cyber.

    Le cyber, degré zéro de la pensée stratégique 

    Voilà plus de deux ans que nos militaires, nos consultants, nos revues, nos éditeurs, et les participants à nos colloques, singent les Américains. Or le cyber n’est pas l’outil miraculeux qui ouvre des perspectives inconnues, la nouvelle frontière d’un Occident désorienté : c’est l’instrument qu’attendait la civilisation américaine pour instaurer sa gestion panoptique du monde.

    On me répond : c’est comme tout instrument, tout dépend de l’utilisation que l’on en fait. Non, le cyber est structurant en soi, on ne peut pas y faire son marché, l’instrument impose cette société d’ordre et d’autorité, pour reprendre la manière dont Tocqueville caractérisait l’Amérique dans une de ses lettres de 1831 à son ami Kergolay.

    Premier fondamental : le cyberespace repose sur un principe de complétude et de totalisation, comme la psychanalyse freudienne ou le déterminisme laplacien, il ne tolère aucune exception. A monde global système global, c’est même lui qui est censé prouver téléologiquement que ce monde est global : le cyber est global ou n’est pas, la collection des datas est totale ou n’a aucun sens. Mais n’en déplaise aux sectateurs du déterminisme, il sera toujours impossible de tout collecter, de tout traiter, de tout analyser, comme d’ailleurs de tout censurer et de tous nous embastiller. D’où le second fondamental : à l’image de la société américaine, le cyber ne tient que dans l’acceptation de leur propre surveillance par les citoyens. Que se passera-t-il s’ils se comportent désormais comme des objets quantiques, ne donnant que les informations qu’ils veulent bien donner, les fragmentant, les dégradant, contournant les systèmes de surveillance et réalisant non seulement que c’est possible mais qu’ils s’en sortent très bien ?

    Imagine-t-on surtout les Français, héritiers de mille ans de luttes pour des libertés chèrement acquises, co-inventeurs avec leurs cousins anglais des droits de l’homme et du régime parlementaire, jeter leur Histoire aux orties pour adopter une pensée, des institutions, un mode de vie venu de l’autre côté de l’océan ? Que nos politiques, nos services et nos armées ne le comprennent pas, et pour ce faire qu’ils envisagent, à mots désormais à peine couverts, de détruire nos libertés et un système politique bi-séculaire, est vraiment le signe d’une déréliction de nos prétendues élites, sauf à ce qu’ils acceptent par avance de voir leurs têtes se promener un jour au bout de piques.

    Le cyber est désormais un grand champ de ruines conceptuelles. S’il faut sacrifier le cyber pour ne pas nous laisser emporter dans le gouffre américain, sacrifions-le ! C’est un choix de société et même de civilisation.

    Il est minuit moins une

    Il va falloir trancher. Il est déjà tard, très tard, trop tard presque, pour ne pas entendre sous peu le président américain de nouveau ironiser : pourquoi aurions-nous intercepté l’avion de Snowden, les Mirage de Creil s’en sont chargé.

    On va finir par regretter la SFIO et un Guy Mollet parti pour Suez sans les Américains et même contre eux, puisqu’une fois sur site nos avions avaient trouvé les navires de la VIe Flotte bord à bord avec les unités égyptiennes. Mais notre nouveau roi de Bourges n’a plus que quelques bandes picardes à sa disposition : encore deux Livres Blancs, et pour peu que leur chambre soit assez grande et la baignoire pas trop petite, nos enfants pourront jouer aux petits soldats avec la totalité de l’armée française en maquettes.

    Il faut accorder à Snowden cet asile qu’il nous demande, pas pour le bonhomme mais parce que les Etats-Unis ne comprennent que la manière forte et ne respectent que ceux qui leur tiennent tête. Même Mollet l’avait compris. Mais nos Young Leaders ne le peuvent pas. Ils vont laisser passer l’orage jusqu’à la prochaine crise, jusqu’à ce que la France de Montaigne et Diderot soit la dévastation dont rêvent ces « Européens apostasiés » que sont les Américains, comme l’écrivait D.H Lawrence qui ajoutait : « Voyez l’Amérique prise dans ses propres barbelés et dominée par ses machines. Entièrement dominée par ses barbelés moraux et ses “tu dois !”, “tu ne dois pas !”. Quelle farce ! Là est votre chance, Européens ! Lâchez les brides de l’enfer, reprenez votre dû ! »

    Oui, je sais, chère Véronique, j’ai déjà cité cet extrait dans mon American Parano. Mais dans cette affaire, le plus grand risque que je coure n’est certainement pas de me répéter.

    Jean-Philippe Immarigeon (Theatrum Belli, 3 juillet 2013)

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