
Au sommaire :
- sur Causeur, Ludovic Maubreuil mouche ceux qui instrumentalisent le sexe ;
- sur Valeurs actuelles, Aymeric Chauprade exécute l'actuelle diplomatie française.
La diplomatie française est-elle nulle ? Oui!
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- sur Causeur, Ludovic Maubreuil mouche ceux qui instrumentalisent le sexe ;
- sur Valeurs actuelles, Aymeric Chauprade exécute l'actuelle diplomatie française.
La diplomatie française est-elle nulle ? Oui!
Le numéro 61 de Flash, le journal gentil et intelligent, nous propose un dossier consacré à Hollywood, le plus bel outil du soft power... On pourra aussi lire des articles sur la Libye, l'"affaire" Galliano ou sur Le Camp des Saints, et on retrouvera, bien sûr, l'anti bloc bloc-note d'Alain Soral !...

Au sommaire :
Dossier : Quand Hollywood s’en va-t-en guerre... L‘Iran fait de la résistance ! Festival de Fajr : nos reporters y étaient
• Javad Chamaghdari, vice-ministre iranien de la Culture : “Michael Moore a refusé notre invitation”
• Thierry Meyssan : “On a vu tomber l’URSS, on attend le tour des USA”
• Affreux, sales et méchants : ces acteurs français qui tapinent à Hollywood
• Pentagone et septième art : les liaisons fructueuses Notre dossier pages 3 à 7
• Libye, la prochaine Somalie ? Christian Bouchet nous ramène aux réalités en page 8
• Chrétienté et islam, dernier rempart contre l’Empire ? Alain Soral se confesse en page 11
• Galliano : la chute en page 12
• L’Hôtel de la Marine coule en page 14 ? Marine Le Pen les submerge en page 2 et 16 !
Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain Soral au magazine Flash à l'occasion de la parution de son essai Comprendre l'Empire. Attention, mer agitée !

Vous nous aviez habitués à parler légèrement de choses graves et là, on sent une rupture de ton dans ce dernier ouvrage… C’est la cinquantaine qui vous change ou sont-ce les temps qui changent ?
Disons que nous ne sommes plus dans les années 1990/2000 où quelque chose se mettait en place avec l’UE, l’Euro, mais où la tentative de putsch mondialiste n’était pas aussi imminente et visible. À cette époque, on pouvait encore tergiverser, mais là, entre la crise financière américaine, les déficits publics européens, les tensions ethniques et sociales qui se généralisent, et pas seulement dans le monde musulman, plus ici l’écroulement de la classe moyenne et la candidature de Strauss-Kahn qui s’avance… Vous conviendrez que les temps ne sont plus à la rigolade, à moins d’être Martien !Vous êtes de formation marxiste et pourtant vous continuez de défendre la monarchie capétienne. Le paradoxe est plaisant, mais on sent du fond derrière ce raisonnement. Dites-nous en un peu plus…
Pour apaiser nos lecteurs de droite, je vais commencer par une citation de Marx, afin de bien leur faire sentir quelle était la position de ce grand penseur sur l’Ancien régime et le monde bourgeois qui lui a succédé : “Partout où la bourgeoisie est parvenue à dominer, elle a détruit toutes les conditions féodales, patriarcales, idylliques. Impitoyable, elle a déchiré les liens multicolores de la féodalité qui attachaient l’homme à son supérieur naturel, pour ne laisser subsister d’autre lien entre l’homme et l’homme que l’intérêt tout nu, l’inexorable “paiement comptant”. Frissons sacrés et pieuses ferveurs, enthousiasme chevaleresque, mélancolie béotienne, elle a noyé tout cela dans l’eau glaciale du calcul égoïste.”Ceci pour rappeler que le sujet de Marx c’est la critique de la bourgeoisie, pas de l’Ancien régime ! En revanche, l’outil sociologique marxiste est très utile pour comprendre le renversement de la monarchie française par le nouvel ordre bourgeois. Et ces deux siècles de régime démocratique nous permettent aussi de juger largement des promesses et des mensonges de notre fameuse République égalitaire et laïque, en réalité démocratie de marché et d’opinion sous contrôle de l’argent et des réseaux maçonniques… Je peux donc, à la façon de Maurras, conclure de cette analyse objective que la monarchie catholique, comme système politique, était meilleure garante de l’indépendance nationale et de la défense des intérêts du peuple, que la finance apatride qui se trouve aujourd’hui au sommet de la pyramide démocratique qui n’a, en réalité, de démocratique que le nom !
De même, vous avez rejoint le PCF au début de sa dégringolade et refusez de vous acharner sur la défunte URSS, y voyant une sorte de tentative maladroite de lutter contre un empire encore plus puissant. On se trompe ?
Je suis persuadé, par intuition, mais aussi par l’analyse philosophique et historique, que le communisme n’a pu séduire une grande partie des masses travailleuses et des élites intellectuelles en Occident, que parce qu’il renouait avec la promesse chrétienne du don et du nous, détruite par le libéralisme bourgeois et son apologie de l’égoïsme individuel. Tout le reste n’est qu’une histoire de manipulation et de récupération, comme il en va toujours des religions par les Églises. Comme Tolstoï à son époque, je ne vois donc pas le communisme comme une aggravation du matérialisme bourgeois, mais comme une réaction au matérialisme bourgeois. Une tentative de respiritualiser le monde, malgré la mort de Dieu, et il y a pour moi, à l’évidence, bien plus de spiritualité et de christianisme dans l’espoir communiste tel que l’avaient compris le peuple et les poètes, que dans la bigoterie catholique de la IIIe République !Par ailleurs, le monde bipolaire USA/URSS était la chance de la France, qui pouvait faire valoir, dans ce rapport de force, sa petite troisième voie. Ce qu’avait parfaitement compris de Gaulle dès 1940. Se réjouir, pour raison doctrinale, de la chute de l’URSS, alors que la nouvelle hégémonie américaine qui en a résulté nous a fait tout perdre, n’est donc pas une attitude de patriote français intelligent.
Bref, comme je l’explique aussi dans mon livre : l’ennemi de la France catholique est, et reste, la perfide Albion et ses rejetons, le monde judéo-protestant anglo-saxon libéral ; pas la rêveuse Russie d’hier, pas l’Orient complexe et compliqué d’aujourd’hui…
Continuons à parler de vous. De tous les intellectuels “alternatifs” ou “déviants”, vous êtes l’un des meilleurs dans la maîtrise des codes de la “modernité”. Mais aussi l’un des plus en pointe dans la défense de la tradition, gréco-romaine et chrétienne. Un autre paradoxe ?
Merci du compliment. Mais je crois que ma réponse précédente éclaire en partie cette juste remarque. La France, qui a été la grande Nation, a produit les plus grands penseurs occidentaux du XVIIe et XVIIIe siècle – les Allemands ayant pris le relai au XIXe après que l’Angleterre nous eut détruits avec Napoléon, comme elle détruira ensuite l’Allemagne avec Hitler… – la France donc, pour des raisons sociologiques et épistémologiques, reste encore aujourd’hui, malgré sa faiblesse politique, la citadelle morale capable de résister, en Occident, au rouleau compresseur judéo-protestant anglo-saxon. À ce rouleau compresseur qui avance en détruisant les deux piliers de notre civilisation qui sont le logos grec et la charité chrétienne. Cette pensée et cette vision du monde helléno-chrétienne – celle de Pascal – qui est française par excellence et européenne, au sens euro-méditerranéen du terme. Une compréhension spirituelle de l’Europe qui passe malheureusement très au-dessus de la tête des Identitaires et de leurs fatales alliances judéo-maçonniques (Riposte laïque + LDJ) d’adolescents niçois…Toute la modernité, comme sa critique intelligente, c’est-à-dire la compréhension et la critique du processus libéral-libertaire provient de cette épistémè helléno-chrétienne, si française. Il est donc logique que quelqu’un qui prétende maîtriser la modernité défende cet outil et cet héritage national incomparable…Cela vous amène tout naturellement à prendre la défense d’un islam dont on sent bien que les élites dominantes souhaitent la diabolisation, après avoir eu la peau du catholicisme. Une fois de plus, vous ramez à contre-courant…
Pour enfoncer le même clou, je rappellerai qu’un Français, donc un catholique, se situe à égale distance d’un anglo-saxon judéo-protestant et d’un arabo-musulman. Et c’est de cet équilibre, comme l’avait déjà compris François 1er, qu’il tire son indépendance et sa puissance. Une réalité spirituelle et géopolitique encore confortée par notre héritage colonial, l’espace francophone qui en a résulté… En plus, la situation aujourd’hui est d’un tel déséquilibre en faveur de la puissance anglo-saxonne, et cette hyper-puissance nous coûte si cher en termes de soumission et de dépendance, qu’il faut être un pur agent de l’Empire – comme Sarkozy et nos élites stipendiées pour se tromper à ce point d’ennemi principal !Quant à la question de l’immigration, qui est la vraie question et pas l’islam, il est évident que pour la régler il faudra d’abord que la France reprenne le pouvoir sur elle-même. Or, ce pouvoir en France qui l’a ? Pas les musulmans…
Revenons-en à votre livre. Si on le résume à une charge contre le Veau d’or et ceux qui le servent, la définition vous convient-elle ?
Oui. “Comprendre l’Empire” c’est comprendre l’Empire de l’Argent. Et la lutte finale n’est pas contre la gauche ou la droite, les Allemands ou les Arabes, mais contre la dictature de Mammon. C’est en cela que le combat actuel rejoint la tradition…Un dernier petit mot d’optimisme pour nos lecteurs, histoire de les inviter à ne pas désespérer ?
D’abord pour citer Maurras après Marx : “Tout désespoir en politique est une sottise absolue”. N’oubliez pas que, contrairement au football, l’Histoire est un match sans fin. On peut donc être mené 20-0, rien n’est jamais perdu. De plus, notre empire mondialiste en voie d’achèvement ressemble de plus en plus à l’URSS. Un machin techno-bureaucratique piloté par une oligarchie délirante, stupide et corrompue, ne régnant plus sur le peuple, contre ses intérêts, que par le mensonge et la coercition. Le Traité de Lisbonne et la réforme des retraites en témoignent. Il n’est donc pas exclu que, comme pour l’URSS, l’Empire mondialiste s’écroule sous le poids de ses mensonges et de ses contradictions, au moment même où il pensait arriver aux pleins pouvoirs officiels par le Gouvernement mondial, après deux siècles de menées souterraines…De ce point de vue, les soulèvements populaires au Maghreb, et qui pourraient bien culminer par la chute d’Israël et la défaite du lobby sioniste aux USA, sont un signe d’espoir bien plus probant que la montée des extrêmes droites sionistes et libérales européennes !
Alain Soral (propos recueillis par Béatrice PÉREIRE, Flash Magazine, 10 février 2011)
Nous reproduisons ci-dessous certains propos de Régis Debray, tenus dans le cadre d'un échange organisé par le quotidien Le Monde, avec Olivier Py et Denis Podalydès, à propos de la représentation et de la figuration du pouvoir aujourd'hui. Le texte de ce débat a été publié dans le numéro daté du 5 mars 2011.

Sur Sarkozy et la représentation de la fonction présidentielle :
"Les mots-clés sont lâchés : vitesse, corps-à-corps, court-circuit. Avec l'enfant de la télé, l'ancien blouson doré de Neuilly, la société du spectacle a cédé la place à la société du contact. Plus de formes ni de protocole. Nous avons un pouvoir qui tutoie, et qu'on tutoie. "Casse-toi, pauvre con !" On est passé de la queue-de-pie au tee-shirt. Il faut que le chef soit tout le monde. Marketing oblige. Il faut qu'il soit en prise directe avec l'émotion du jour. On surfe, on virevolte, on bouge avec tout ce qui bouge. C'est l'Etat-Kodak, clic-clac. Une suite d'instantanés.
D'où l'inconstance des positions, et l'inconsistance des personnages. Le plan de vol, c'est le bulletin météo. Ça change tous les jours. C'est la fin de ce que l'historien Ernst Kantorowicz appelait "les deux corps du roi". Le corps physique, éphémère. Et ce que ce corps incarne, un principe immuable. En voyant de Gaulle, on voyait la France au travers, en voyant Gambetta, j'imagine qu'on voyait la République. En voyant Sarkozy, on ne voit plus que lui, et c'est le drame. La télévision empêche de voir double, me direz-vous. Soit. Mais la mystique manque. Il y a trop de corps.
C'est la rançon du direct, du live. Le tout à l'image, c'est le tout à l'ego. Avec la séquence des présidents depuis cinquante ans, vous voyez le lent déclin du symbole et l'avènement de la trace. Prenons 1958, de Gaulle, grand écrivain et mémorialiste ; Pompidou, prof de lettres ; Giscard rêvant à Maupassant ; Mitterrand grand liseur, encre bleue, et belle plume ; Chirac se tourne vers les arts premiers, mais donne encore du maître à l'écrivain ; Sarkozy embrasse Johnny Hallyday."
Sur la désacralisation de la fonction présidentielle :
"Nos présidents vivent dans une "extimité" permanente : leur intimité ne cesse d'être mise en scène. Le dédoublement entre la personne et la fonction était l'essence même du sacré politique. La personne est plus petite que la fonction, le "moi je" s'efface devant le "il" ou le "nous". Charles disparaît sous de Gaulle. On n'en parle pas.
Nous n'avons plus une scène de théâtre où l'on joue en différé, mais un studio de télévision où l'on passe en direct. L'Elysée est un plateau de télé-réalité et l'on a vu cette chose extraordinaire dans Paris Match, montrant Nicolas Sarkozy, dans le fauteuil du général de Gaulle, la main sur la cuisse de sa femme assise sur ses genoux. Plus de hiatus entre la chambre à coucher et le bureau présidentiel, entre l'intime et l'officiel. Loft Story ou love Story ?"
" La technologie commande, oui, nous sommes d'accord. Peinture, photographie, cinéma, télévision et Internet changent la focale et le tempo du pouvoir. Mais tout de même, être à la tête d'un pays, maîtriser des situations, c'est savoir se mettre hors-jeu, au-dessus. La maîtrise n'allait jamais sans distance. Sans un certain laconisme, voire une certaine capacité d'absence. Le chef est calme, voire indifférent, comme Mitterrand. Les compagnons de captivité du capitaine de Gaulle disaient qu'ils ne l'avaient jamais vu sous la douche !
Il y avait chez de Gaulle un art de la dissimulation et de la disparition, et donc de l'apparition au bon moment. Aujourd'hui, le frère a remplacé le père et l'on gouverne par la proximité. Par sauts et gambades. En sautillant, en s'agitant. Résultat : du pouvoir, oui, mais sans autorité. Le dernier seul vrai pouvoir d'un président, où il ne fait pas semblant, est celui de nommer. La Cour est donc fascinée, terrorisée et obséquieuse - la danse devant le buffet a un arbitre suprême, qui peut vous nommer ou non à la tête d'un ministère, d'une entreprise publique, d'une ambassade. L'intimidation est là. Mais elle concerne 2 000 personnes. Les autres, nous tous, on s'en fout et on a bien raison."
" On est passé de l'Etat éducateur à l'Etat séducteur. Aujourd'hui, un homme d'Etat n'est plus celui qui élève, c'est celui qui cajole. Il n'exalte pas, il accompagne. Denis Podalydès évoque bien le rajeunissement du pouvoir ; il y a un côté adolescent chez Sarkozy, sans doute sympathique parce que pulsionnel. C'est l'indice d'un nouveau monde. Inutile de raisonner à partir du Napoléon en César ou du de Gaulle en général. Ils parlaient derrière une table, assis. Sarko est debout derrière un pupitre.
C'est le modèle Maison blanche. Sarkozy est obsédé par les Etats-Unis. Il veut faire américain, ou moderne, comme il dit. On aura donc à Versailles le discours de l'Union où le président s'adresse au Congrès réuni. C'est encore du vu à la télé. La France colonisée n'arrive plus à produire ses propres normes de représentation, étant entendu que les jeunes leaders socialistes ne sont pas moins aliénés que les autres."
Pouvoir, autorité et verticalité :
"Le chef révolutionnaire tient son pouvoir des armes. Il a côtoyé la mort. Ce qui l'autorise ensuite, pense-t-il, à la donner. La guerre ne pousse pas à la démocratie. Fidel Castro et le Che, ce sont d'abord des ducs, des condottiere, des conspirateurs en uniforme. Avec eux, on est ramené aux sources archaïques du pouvoir, qui ont leur vérité. Mitterrand aussi a fait l'expérience de la guerre, ce qui l'a changé."
"Pour qu'une parole soit performative dans le tohu-bohu, elle doit se faire rare, et peser. Le comble de l'autorité, c'est le laconisme. Le Che, puisqu'on en parlait, était remarquablement silencieux. Un distant qui en imposait par sa distance. Il en était conscient et disait qu'il faisait de vice vertu. "Je suis timide et asthmatique. Je n'ai aucun don de communication, aucun don "de gente"", disait-il. De cette faiblesse, il a bien fallu faire une force. Et cette introversion lui donnait un ascendant sur la troupe. C'était assez insolite en contexte latino. Argentin, très européen, le Che gardait une culture littéraire, avec Neruda dans son sac à dos, quand Fidel Castro était l'oralité en geste."
"Heureusement qu'il y a des invariants, mais aujourd'hui, l'ascendant symbolique s'est évanoui, le respect devient impossible. On ne peut que saluer des performances d'acteur ou de bateleur. On remplace le relief par le réseau et on met tout à plat. Mais il faut toujours une verticalité, sinon l'horizontal se fragmente, s'atomise. Et vous n'avez plus un collectif, une société, une nation, mais un puzzle d'intérêts et de clientèles où chacun est étranger à son voisin. L'écroulement symbolique, c'est le chacun pour soi et personne pour tous. C'est seulement ce qui nous dépasse qui nous rassemble. Là où rien ne dépasse, rien ne rassemble. Et la vraie tragédie, c'est que le pouvoir est devenu une comédie."
Régis Debray (propos recueillis par Nicolas Truong, Le Monde, 5 mars 2011)
La revue Réfléchir et agir publie dans son dernier numéro (hiver 2011), disponible en kiosque, un excellent dossier sur l'économie enracinée et solidaire comme alternative à l'économie prédatrice mondialisée, qui comprend, en particulier, un entretien avec Michel Drac.
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Au sommaire du dossier :
Dossier : Pour une économie enracinée et solidaire
p 15 - Entretien avec Michel Drac
p 19 - Pour en finir avec l'économie prédatrice
p 22 - Pour une autarcie économique des grands espaces
p 24 - Une idée économique révolutionnaire :
la décroissance
p 26 - Relocaliser l'économie : un impératif vital
p 28 - Retrouvons nos fondamentaux :
indépendance alimentaire et agriculture naturelle
p 29 - Pour un état protecteur, mutualiste et subsidiariste
p 31 - La funeste privatisation rampante du service public
p 33 - Les Privatisations, arme économique de destruction des états
nationaux au service de la gouvernance mondiale et des USA
p 35 - L'Euro, un instrument de puissance continentale sans Etat
p 36 - Pour le retour du Franc !
p 37 - Pour un socialisme enraciné !
p 39 - Tour d'Europe des programmes économiques de nos camarades européensOn trouvera aussi un entretien avec Philippe d'Hugues sur le cinéma et une analyse de l'oeuvre de Michel Houellebecq ainsi que des notes de lecture
Nous reproduisons ci-dessous l'entretien donné à Flash Magazine (n°58) par Alain de Benoist à l'occasion de l'arrivée de Marine Le Pen à la présidence du Front National...

Questions à Alain de Benoist à propos de l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du Front NationalComment avez-vous jugé la campagne des deux prétendants à la succession ?
Elle était complètement inutile. A la question de savoir qui avait la carrure nécessaire pour diriger un parti politique, en l’occurrence le Front national, la réponse s’imposait d’elle-même. On me dit que Bruno Gollnisch est un gentil garçon qui a de grandes qualités humaines, ce dont je ne doute pas. S’il avait les qualités d’un chef, cela se saurait depuis longtemps. Marine Le Pen possède apparemment cette carrure – ce qui ne garantit d’ailleurs pas qu’elle en usera à bon escient. Gollnisch m’a surtout paru désireux de témoigner, tandis que Marine a posé d’emblée qu’elle a l’intention de faire du FN un outil pour s’emparer du pouvoir. Quand on veut simplement témoigner, réunir des « anciens » ou se borner à n’être qu’un mouvement protestataire, il vaut mieux s’abstenir de faire de la politique.
Mais ce qui m’a le plus frappé dans cette « campagne », c’est l’abjection de certaines critiques dirigées contre Marine Le Pen dans la presse d’extrême droite. Brutales ou hypocritement voilées, elles révélaient la bassesse d’esprit de leurs auteurs, maniaques obsessionnels, grenouilles de bénitiers ou paléo-nostalgiques de toutes les guerres perdues. Elles confirmaient aussi qu’à droite, les débats d’idées se ramènent généralement à des querelles de personnes, ou bien alors à des considérations « métaphysiques » détachées de tout contexte socio-historique.
Le discours de Bruno Gollnisch était plutôt tourné vers le passé, et celui de Marine Le Pen vers l’avenir. La nouvelle présidente du Front national a principalement axé le sien sur l’Etat, la nation, la laïcité et le social. Peut-on parler de révolution culturelle ?
Je vois dans le discours de Marine Le Pen au moins trois inflexions nouvelles : sa critique accentuée du libéralisme économique et du pouvoir de l’argent, sa critique très jacobine du « communautarisme », et enfin une critique de l’« islamisation » qui me paraît se substituer de plus en plus à la critique de l’immigration. J’approuve la première, je désapprouve les deux autres. Il est possible de dénoncer les pathologies sociales issues de l’immigration sans s’en prendre aux immigrés qui, à certains égards, en sont aussi les victimes. Il est en revanche impossible de critiquer l’« islamisation » sans stigmatiser les musulmans. C’est en outre ouvrir la porte aux alliances contre-nature que l’on voit se multiplier actuellement, avec comme conséquence que la droite et l’extrême droite islamophobes sont en train devenir en Europe une pièce du dispositif israélien.
Carl Schmitt disait dès les années 1930 que « l’ère de l’Etat est sur son déclin ». Tout ce qui se passe aujourd’hui dans le monde en est la confirmation. Dans ces conditions, l’appel à l’« Etat fort » me semble relever de l’incantation. Croire que l’on fera disparaître par décret des communautés dont l’existence crève les yeux ne me paraît pas plus raisonnable. Je crois pour ma part que la société doit se construire à partir du bas, selon le principe de subsidiarité, et qu’une communauté nationale ne se construit pas sur la ruine des communautés particulières. Quant à la laïcité, je la conçois comme le moyen de reconnaître toutes les croyances, y compris dans leur dimension publique, pas comme un prétexte pour les faire disparaître de la vue en les rabattant sur le for privé.
L’orientation très sociale développée par Marine Le Pen fait du Front national un cas à part par rapport à la plupart des mouvements populistes européens, qui sont à la fois anti-immigration et très favorables au libéralisme économique. Qu’en pensez-vous ?
J’en pense du bien. Mais dans ce domaine, le FN revient de loin. Rappelez-vous l’époque où Jean-Marie Le Pen se présentait comme le « Reagan français » ! Même en 2007, le programme du Front était encore bien libéral. A date récente, d’ailleurs, le FN a brillé par son absence dans toutes les luttes sociales, qu’il s’agisse de la lutte des « Contis » ou des manifestations contre le nouveau régime des retraites. C’est dire que, pour entamer un nouveau cours – et subsidiairement démontrer aux électeurs de gauche qu’il a plus de vrai socialisme au Front national qu’au PS ou au PC – il reste beaucoup à faire. En la matière, il ne suffit pas de défendre les « petits » contre les « gros » ou de dénoncer de façon démagogique le « capitalisme mondialisé ». Il faut encore démonter la logique du profit et les mécanismes d’accumulation du capital, contester les valeurs marchandes et la conception commerciale de la vie, s’opposer à l’utilitarisme et à l’axiomatique de l’intérêt, et surtout démasquer les rapports de classes tels qu’ils existent dans notre pays. Frontistes, encore un effort !
Quelle sera selon vous la tactique du FN dans les années et les mois à venir ?
Ce n’est évidemment pas à moi (qui n’ai jamais de ma vie voté pour le Front national) de le dire. En tant qu’observateur extérieur, j’estime en revanche que, dans la mesure où le FN entend changer véritablement, il va devoir choisir entre deux voies possibles. Soit être un parti de droite « respectable », appelé à terme à passer des accords politiques, voire des accords de gouvernement, avec la famille politique correspondant aujourd’hui à l’UMP ; soit se poser véritablement comme le parti du peuple, en devenant le porte-parole des classes populaires, qui font aujourd’hui les frais de la crise, et des classes moyennes menacées de déclassement et de paupérisation. Ce choix détermine des stratégies totalement différentes, mais implique aussi à bien des égards des orientations opposées. Dans l’un et l’autre cas, d’ailleurs, je pense que le FN aurait tout intérêt à changer de nom.
Pour l’instant, on a peu entendu Marine Le Pen sur la politique étrangère. Néanmoins, des jalons ont été posés : son entretien au quotidien israélien Haaretz et sa volonté, si elle parvenait à l’Elysée, de resserrer les liens avec la Russie (pour renforcer la politique de la France) et l’Afrique noire (pour lutter à la racine contre l’immigration). Un bon début ?
Disons un début. Ses déclarations sur la Tunisie ont été plutôt décevantes. Toute la question est de savoir si Marine Le Pen se situe dans l’optique du « choc des civilisations » ou si elle entend contester frontalement un Nouvel Ordre mondial qui utilise (et encourage) l’éventualité de ce « choc » pour renforcer la puissance dominante des Etats-Unis et de ses alliés. Le vrai clivage est là.
Alain de Benoist (Flash Magazine, jeudi 27 janvier 2011)