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démocratie - Page 11

  • La démocratie et la guerre au XXIème siècle...

    Les éditions Hermann ont publié au mois de février 2012 un ouvrage collectif dirigé par Jean-Vincent Holeindre et  Geoffroy Murat et intitulé La démocratie et la guerre au XXIème siècle - De la paix démocratique aux guerres irrégulières. A consulter...

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    Au début du XXIe siècle, la guerre est à la fois absente et omniprésente dans les démocraties occidentales. Si la plupart des pays démocratiques ne vivent plus dans l’horizon de la guerre, les nouvelles formes de violence armée, comme le terrorisme et les conflits asymétriques en Afghanistan et en Irak, occupent l’espace médiatique et les discours politiques.
    Le but de ce livre est de faire le point sur les relations complexes qu’entretiennent la démocratie et la guerre dans la politique internationale au XXIe siècle. Peut-on dire, après Kant, que la démocratie est un régime politique facteur de paix ? Quels sont les effets de la guerre sur la politique intérieure en démocratie ? À l’âge des guerres irrégulières, comment les stratégies militaires des États démocratiques évoluent-elles ?
    Telles sont les principales questions posées dans un ouvrage qui réunit pour la première fois les meilleurs spécialistes français et étrangers, qu’ils soient philosophes et historiens, politistes et spécialistes de la guerre. Ce que met au jour l’étude des conflits actuels, c’est non seulement la part d’ombre des politiques démocratiques, mais aussi les mutations de la démocratie, confrontées à une mondialisation qui redistribue les cartes de la puissance.

    Avec les contributions de Jean Baechler, Pierre Manent, Michael Doyle, Pierre Hassner, Stéphane Audoin-Rouzeau, Gilles Bataillon, Alberto Valencia, Olivier Chopin, Ran Halévi, Bastien Irondelle, lieutenant colonel Jérôme de Lespinois, colonel Benoît Durieux, Gérard Chaliand, Azar Gat et Dario Battistella.

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  • La démocratie en France ? Un bilan avant le 1er tour des législatives...

    Pierre Le Vigan, essayiste et collaborateur habituel de la revue Eléments, analyse pour Métapo infos, à l'occasion du 1er tour des élections législatives, l'état de la démocratie dans notre pays...

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  • Le populisme : un besoin vital pour la démocratie ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec le philosophe politique argentin Ernesto Laclau, publié dans le quotidien Le Monde et consacré au populisme. Ernesto laclau est l'auteur de nombreux essais, dont un, intitulé La raison populiste, a été traduit en Français et publié aux éditions du Seuil en 2008.

     

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    "Sans une certaine dose de populisme, la démocratie est inconcevable aujourd'hui"

    Pourquoi opérez-vous une réévaluation du concept de populisme, aujourd'hui largement synonyme de démagogie ?

    Ernesto Laclau : "Populisme" n'est pas pour moi un terme péjoratif, mais une notion neutre. Ce mot est aujourd'hui devenu un repoussoir, un peu comme l'a été celui de "démocratie" en Europe au début du XIXe siècle. La démocratie, c'était aux yeux des gens installés, le retour du jacobinisme et du gouvernement de la plèbe. Le populisme est une façon de construire le politique. Il joue la base contre le sommet, le peuple contre les élites, les masses mobilisées contre les institutions officielles figées. Mussolini comme Mao étaient des populistes. Tout comme Viktor Orban et Hugo Chavez, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon le sont aujourd'hui.

    De droite ou de gauche, dangereux ou émancipateur, le populisme investit le peuple, autre mot dont le sens est à chaque fois redéfini. Alimentation, logement, santé ou scolarité : le populisme s'oppose à la doctrine technocratique de Saint-Simon (1760-1825) selon laquelle il faut "remplacer le gouvernement des hommes par l'administration des choses".

    Quelle est la différence entre le populisme de droite et le populisme de gauche ? Et pourquoi le populisme de droite est-il si présent en Europe alors que celui de gauche domine en Amérique latine ?

    Ernesto Laclau : En Europe occidentale et orientale, la plupart des populismes sont de droite, de Silvio Berlusconi à Geert Wilders. Chez eux, le rejet de l'immigration, du multiculturalisme et l'affirmation de l'identité nationale priment sur les revendications sociales. En Europe, les catégories populaires se sont détournées de la gauche gouvernementale, jugée trop proche de la droite libérale. Il faut dire que, sur certains points, la politique de Tony Blair a emboîté le pas de celle de Margaret Thatcher, pour ne parler que de la Grande-Bretagne.

    Sa politique a même accentué la dérégulation des marchés et de l'Etat opérée par la "Dame de fer". Et le scénario s'est produit dans presque tous les pays d'Europe. Ainsi, on a pu voir prospérer en France ce que l'on a appelé le "gaucho-lepénisme", ces reports de voix d'anciens communistes sur le Front national, phénomène que l'on observe partout sur le continent européen.

    Quelle est la singularité du populisme latino-américain ?

    Ernesto Laclau : Contrairement à l'Europe, l'Amérique latine n'a pas connu d'alliance entre le libéralisme et la démocratie au XIXe siècle. Et donc, au siècle suivant, les mouvements populaires ont adopté des positions non libérales et plutôt nationalistes, une tendance reconnaissable à travers presque tout le sous-continent.

    Il y a eu la présidence de Getúlio Vargas au Brésil (1930-1945, puis 1951-1954), le péronisme argentin, le mouvement nationaliste révolutionnaire en Bolivie. La première présidence du général Carlos Ibáñez del Campo au Chili de 1927 à 1931 participe du même mouvement. Mais le populisme nouvelle version, aujourd'hui au pouvoir en Argentine, au Brésil, au Venezuela, en Equateur et en Bolivie, parvient le plus souvent à traiter avec respect les institutions libérales de l'Etat tout en répondant aux espoirs populaires et démocratiques.

    Solidarité avec Bachar Al-Assad, soutien à Ahmadinejad et salut à l'"extraordinaire journée démocratique" que fut sa réélection... Chavez ne discrédite-t-il pas selon vous le populisme sud-américain ?

    Ernesto Laclau : Je ne partage pas l'opinion de Chavez lorsqu'il prend la défense des régimes dirigés par ces hommes. Cependant, je m'oppose à toute intervention militaire dans leur pays. Mais la présidence Chavez doit être évaluée en prenant en compte les réformes internes qu'il a menées au Venezuela. Et, de ce point de vue, le progrès social est véritablement important.

    Le populisme est-il selon vous l'avenir de la démocratie ?

    Ernesto Laclau : Je dirais qu'une démocratie vivante doit savoir créer un équilibre entre le monde institutionnel et les revendications populaires, qui s'expriment parfois à travers le populisme. De ce point de vue, le "printemps arabe" a été un mouvement prépopuliste, même s'il lui manquait pour cela de se cristalliser dans un parti, ou d'être incarné par un leader charismatique.

    Nestor Kirchner, qui fut président de la République argentine de 2003 à 2007, puis sa femme, Cristina Fernandez Kirchner, élue en 2007, ont réussi à accomplir des réformes justes jouant sur cet équilibre. Ainsi, le régime des pensions de retraite a été renationalisé, après les privatisations imposées par le gouvernement de Carlos Menem, une couverture santé universelle a été instaurée et le mariage homosexuel a été autorisé... Sans une certaine dose de populisme, la démocratie est inconcevable aujourd'hui.

    Entretien avec Ernesto Laclau (Le Monde, 9 février 2012)

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  • Le peuple !...

    Le nouveau numéro d'Eléments est en kiosque. il est aussi disponible sur le site de la revue.  Vous pouvez lire ci-dessous l'éditorial de Robert de Herte, alias Alain de Benoist, consacré au peuple.

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    Le peuple
     
    Le mot « peuple » peut avoir deux sens différents, selon qu’on l’envisage comme un tout (un territoire et l’ensemble des habitants qui l’occupent, l’ensemble des membres du corps civique) ou comme une partie de ce tout (les « classes populaires »). Dans la langue française, le « peuple » a d’abord désigné un ensemble de personnes liées par une communauté d’origine, d’habitat, de coutumes et d’institutions. C’est le sens que le terme revêt lorsqu’il apparaît au IXe siècle, notamment dans les Serments de Strasbourg (842). Mais la seconde acception s’est répandue très vite: le peuple « populaire », par opposition aux élites dominantes, ce sont les « petites gens », les « gens de peu », ce « menu peuple », comme on disait au XVIIIe siècle, dont la définition ne se réduit nullement à une simple dimension économique (contrairement aux « déshérités » ou aux « plus démunis »).

    Cette ambivalence est extrêmement ancienne. Elle remonte à la Grèce archaïque, le mot dèmos étant lui-même déjà attesté dans le syllabaire mycénien (da-mo). A l’origine, le dèmos représente une façon de penser la communauté en rapport étroit au territoire qui est le sien et sur lequel s’exerce l’autorité de ses dirigeants (d’où le « dème », circonscription territoriale et administrative). Cette dimension territoriale du dèmos est directement liée à sa dimension politique. Déjà dans les textes homériques, le dèmos ne se confond nullement avec l’ethnos. Il se distingue aussi du laos, qui se rapporte plutôt à un groupe d’hommes placés sous l’autorité d’un chef. A Sparte, c’est à travers la notion de dèmos que se met en place l’idéal du citoyen-soldat. A Athènes, le dèmos se rapporte à l’ensemble des citoyens, c’est-à-dire à la communauté politique formant l’élément humain de la polis. En tant que sujet de l’action collective, c’est lui qui crée l’espace commun à partir duquel peut se développer une existence sociale proprement politique.

    A partir du Ve siècle av. notre ère, le terme dèmos désigne aussi la démocratie, prenant du même coup une résonance péjorative chez ceux qui stigmatisent l’exercice du kratos par le dèmos. Mais il désigne aussi un « parti populaire », équivalent de la plebs romaine, dont on trouve déjà trace dans les textes de Solon.

    Le principe de la démocratie n’est pas celui de l’égalité naturelle des hommes entre eux, mais celui de l’égalité politique de tous les citoyens. La « compétence » à participer à la vie publique n’a pas d’autre source que le fait d’être citoyen. « Nous ne naissons pas égaux, écrit Hannah Arendt, nous devenons égaux en tant que membres d’un groupe, en vertu de notre décision de nous garantir mutuellement des droits égaux ». Le peuple, en démocratie, n’exprime pas par son vote des propositions qui seraient plus « vraies » que d’autres. Il fait savoir où vont ses préférences et s’il soutient ou désavoue ses dirigeants. Comme l’écrit très justement Antoine Chollet, « dans une démocratie, le peuple n’a ni tort ni raison, mais il décide ». C’est le fondement même de la légitimité démocratique. C’est bien pourquoi la question de savoir qui est citoyen – et qui ne l’est pas – est la question fondatrice de toute pratique démocratique. Pareillement, la définition démocratique de la liberté n’est pas l’absence de contrainte, comme dans la doctrine libérale ou chez Hobbes (« the absence of externall impediment », lit-on dans le Leviathan, 14), mais s’identifie à la possibilité pour chacun de participer à la définition collective des contraintes sociales. Les libertés, toujours concrètes, s’appliquent à des domaines spécifiques et des situations particulières.

    Un peuple a beau être composé d’une multitude de singularités, il n’en forme pas moins un tout, et ce tout a des qualités spécifiques indépendantes de celles que l’on retrouve chez les individus qui le composent. C’est parce que le peuple forme un tout que le bien commun ne s’identifie pas à un « intérêt général » qui ne serait qu’une simple somme d’intérêts individuels. Le bien commun est irréductible à tout partage. Il n’est pas redevable d’une définition morale, mais d’une définition politique.

    Il y a dans tout gouvernement représentatif une évidente inflexion antidémocratique, ce qu’avait bien vu Rousseau (« A l’instant qu’un peuple se donne des représentants, il n’est plus libre; il n’est plus », Contrat social, III,15). La participation politique y est en effet limitée aux seules consultations électorales, ce qui signifie que le démos ne regroupe plus des acteurs, mais seulement des électeurs. On y affirme implicitement que le peuple ne peut pas prendre lui-même la parole, qu’il ne doit pas donner directement son avis sur les problèmes de l’heure ou sur des décisions qui engagent son avenir, qu’il y a même des sujets qui doivent être soustraits à son appréciation, les décisions et les choix devant être exercés par les seuls représentants qu’il désigne, c’est-à-dire par des élites qui n’ont cessé de trahir ceux dont elles tenaient le pouvoir, au premier rang desquelles se tiennent les experts, qui confondent régulièrement les moyens et les fins.

    C’est à partir du XVIIIe siècle, au moment où l’on invente la « société », que la perception sociale du peuple se transforme. D’un côté, on théorise l’« âme du peuple » (Volksseele), de l’autre on voit dans le peuple – les classes populaires – un nouvel acteur social capable de remettre en cause les anciennes hiérarchies. Au XIXe siècle, la droite conservatrice défend avant tout le peuple comme totalité – avec un net glissement du dèmos à l’ethnos –, en même temps qu’elle développe une mystique de l’unité nationale allant jusqu’à l’« union sacrée », tandis que les socialistes défendent les classes populaires. Dissociation profondément artificielle, puisque les « gens du peuple » ont toujours formé la vaste majorité du « peuple ». Le peuple doit en fait être défendu dans toutes ses dimensions.

    L’exemple de la Commune de Paris est à cet égard remarquable, puisque ce mouvement a cristallisé à la fois une réaction patriotique (la peur d’assister à l’entrée des troupes prussiennes dans Paris) et une réaction prolétarienne (la crainte d’une réaction monarchique contre le résultat des élections de février 1871).

    Au cours de ces journées, qui s’achèveront dans le sang, le peuple parisien insurgé prend le pouvoir. En quelques semaines, il parvient à prolonger les mots d’ordre par des programmes, à esquisser au-delà des mesures d’urgence une forme institutionnelle inédite. En matière de représentation, la Commune élit elle-même ses délégués et proclame la révocabilité des mandats. Sur le plan social, elle supprime les amendes sur les salaires, prévoit la gratuité de la justice et l’élection des magistrats. Elle décide aussi la séparation de l’Église et de l’État, arrête le principe de l’enseignement gratuit et obligatoire, se prononce même pour le « gouvernement du monde des arts par les artistes ». L’inspiration générale est celle du fédéralisme proudhonien. L’association des travailleurs est posée comme le principe de base de l’organisation de la production. Les Versaillais empêcheront ce programme de se réaliser. « Le cadavre est à terre, mais l’idée est debout », dira Victor Hugo.

    Robert de Herte (Eléments n°142, janvier - mars 2012)

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  • La gouvernance contre la démocratie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la menace que fait peser la gouvernance sur la souveraineté du peuple.

     

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    La gouvernance contre la démocratie

    L’ordre politique européen s’est forgé au cours de l’histoire autour de différents principes que l’on nomme aujourd’hui « démocratie » pour faire court, mais qui sont en réalité beaucoup plus anciens :

    • - le respect de la souveraineté des Etats et aussi de la personne des gouvernants, même en cas de guerre ;
    • - le consentement des citoyens à la guerre ;
    • - la définition d’un ordre judiciaire propre, découlant des législations adoptées par les citoyens et fondé progressivement sur l’égalité juridique des citoyens ;
    • - le consentement aux dépenses de l’exécutif, et par conséquent à l’impôt qui les finance, par ceux qui y sont soumis.

    Ces principes sont aujourd’hui – et de plus en plus – bafoués au sein de la prétendue Union européenne (UE). En d’autres termes, nous ne vivons plus en démocratie telle que la concevaient les Européens jusqu’alors.

    Aux ordres de l’OTAN

    Le consentement à la guerre n’existe plus aujourd’hui. C’est l’OTAN et donc en réalité les Etats-Unis qui décident à notre place. Les Européens ne font que suivre.

    La Constitution de 1958 prévoyait que la déclaration de guerre devait être autorisée par le Parlement au-delà d’un certain délai. Cette disposition répondait, bien sûr, au souci de la mise en œuvre immédiate de la dissuasion nucléaire, qui s’accommodait mal d’un débat parlementaire. Mais l’exception est devenue la règle.

    Les multiples aventures militaires dans lesquelles nous avons été impliqués depuis le dernier quart du XXe siècle, que ce soit dans les Balkans ou pour « protéger le peuple libyen », ont été imposées par les exécutifs et, en outre, sans déclaration de guerre en bonne et due forme. « L’UE c’est la paix » mais on fait quand même la guerre aux autres sans le reconnaître.

    Le fait que les forces armées soient de plus en plus, en Europe, constituées de soldats de métier ne change rien à la chose : les nations sont mises devant le fait accompli. D’ailleurs l’exemple de la Belgique est caricatural : alors que ce pays n’avait plus de gouvernement, il s’est trouvé engagé dans une « coalition » pour aller guerroyer en Afghanistan ou ailleurs. La guerre est l’ « ultima ratio regum », comme il était écrit sur l’artillerie de Louis XIV, c'est-à-dire le « dernier argument des rois », l’expression suprême de la souveraineté. Le fait qu’un pays sans gouvernement parte en guerre démontre que son peuple a en réalité perdu toute souveraineté et qu’il ne joue plus que le rôle de valet d’armes au service des puissants.

    Il n’y a plus de souveraineté des Etats ni de statut spécial de leurs dirigeants

    Aujourd’hui les soldats européens sont de plus en plus requis pour imposer par la force des changements politiques à des Etats souverains, sous des motifs les plus divers mais en général présentés comme « humanitaires », que ce soit sous l’égide de l’OTAN ou de « coalitions » de rencontre. Il s’agit d’imposer aux Serbes la partition du Kossovo, de faire partir Saddam Hussein ou Kadhafi, voire demain d’imposer à la Syrie ou à l’Iran de changer de gouvernement.

    Le principe « d’ingérence humanitaire » et le « devoir de protéger », forgés pour la circonstance, servent de justification médiatico-politique à ces aventures. Mais ces dernières violent en réalité un principe jusque-là essentiel : celui de la non-ingérence dans les affaires des Etats, justement, principe dont la France s’était pourtant faite le champion au XXe siècle. Or l’ingérence tue la démocratie, au lieu de la promouvoir comme voudrait nous le faire croire l’oligarchie. Elle introduit la violence dans la politique. Cette utilisation de la force contre des Etats souverains qui ne nous menacent point aboutit à banaliser l’idée que l’on n’a plus à respecter la souveraineté d’autrui. Or la souveraineté n’est que l’acception politique du mot liberté, pourtant aujourd’hui si galvaudé.

    Comme le montre aussi le livre d’Etienne Dubuis L’Assassinat des dirigeants étrangers par les Etats-Unis (Favre, 2011), ces opérations militaires camouflées n’hésitent plus à frapper directement les dirigeants et leurs familles. En rupture, là aussi, avec une tradition européenne séculaire.

    Elles créent un fâcheux précédent, enfin. Car qui nous dit que demain on ne mobilisera pas la force pour chasser du pouvoir un gouvernement européen qui déplairait aux autres ? Ou qui provoquerait une prétendue « urgence humanitaire » en voulant, par exemple, rétablir l’ordre des banlieues en proie aux violences ethniques ?

    La mise en tutelle des législateurs

    L’ordre juridique n’est plus défini par les législateurs mais par les juges. C’est ce que l’on nomme en novlangue « l’état de droit » ; traduisez par : souveraineté des juges et plus précisément de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

    Au nom de cet « état de droit », les lois votées par les parlements ne sont valides que si elles sont conformes à l’idéologie dont la CEDH se veut le farouche gardien en dernier ressort ; en particulier si elles se conforment à l’idéologie des droits de l’homme et au fameux principe de « non discrimination ». Les législations doivent aussi passer le premier filtre du contrôle de constitutionnalité (le Conseil constitutionnel en France) qui remplit au niveau des Etats la même fonction. Une pyramide d’engagements internationaux achève de boucler le dispositif. Cela signifie, en fin de compte, que des juges inamovibles se font juges des lois votées par les parlements qui, eux, sont élus.

    De fait les parlements ont vu leurs attributions législatives se réduire de plus en plus : pour l’essentiel ils se bornent à traduire en droit national (on dit « transposer ») des directives élaborées ailleurs, par les fonctionnaires de l’Union européenne. L’initiative des lois est, en outre, désormais avant tout dans les mains des exécutifs. En clair : ce ne sont plus les « représentants du peuple » qui font les lois mais l’oligarchie de ceux qui ne sont pas élus par le peuple. L’absence de referendum d’initiative populaire renforce évidemment cette évolution oligarchique du système politique.

    La destruction de la citoyenneté

    Cette prise du pouvoir par les juges s’est traduite non par un progrès, comme voudrait nous le faire croire la propagande de l’oligarchie, mais par une profonde régression politique : elle signe en effet la destruction de la conception européenne de la citoyenneté.

    La citoyenneté reposait, en effet, sur une logique de préférence, principalement nationale et donc territoriale. La mise en œuvre du principe de « non-discrimination », sur lequel se fonde la jurisprudence des juges « européens », détruit cette logique. En fait, il détruit tout ordre politique et c’est d’ailleurs bien sa fonction dernière puisque l’UE veut détruire les Etats et les nations. Ce principe n’est en effet que le reflet, dans l’ordre juridique, de la théorie du laisser faire laisser passer économique : il sert à détruire les protections culturelles et politiques créées par les sociétés humaines.

    Selon le principe de non-discrimination, les étrangers sont appelés à avoir en tout les mêmes droits que les nationaux, que les autochtones. « Les étrangers sont chez nous, chez eux » disait François Mitterrand. Il n’y a donc plus de limite à l’espace politique et la citoyenneté se trouve dévalorisée. Les débats récurrents sur le droit de vote des étrangers s’inscrivent dans cette logique perverse : le droit de suffrage, qui est pourtant un droit politique essentiel puisqu’il détermine soit le choix des représentants, soit, en cas de référendum, une décision directe, est ainsi en passe d’être galvaudé. N’importe qui, dès lors qu’il est présent sur un territoire, devrait avoir les mêmes droits politiques que les citoyens qui y résident d’une façon permanente. En outre les gouvernements, par crainte de « discriminer » et d’être sanctionnés par les juges, en viennent à se préoccuper prioritairement des « minorités » et à délaisser la majorité de la population.

    Le vieux principe européen qui voulait que la politique soit déterminée par l’accord de la majorité, qui remonte au moins aux cités grecques, est aujourd’hui foulé aux pieds. Les majorités ne sont plus seulement « silencieuses » : elles sont muselées.

    La fin de la démocratie financière

    L’Union européenne, et tout particulièrement la zone euro, s’est construite par la destruction de la souveraineté monétaire et douanière des Etats et sur l’encadrement de leur souveraineté budgétaire. Le principe du consentement à l’impôt par les citoyens était donc déjà un peu encadré par les exigences du pacte de stabilité et de la mise en place de l’euro.

    Mais la crise des dettes souveraines nous fait franchir une nouvelle étape, celle de la mise en place progressive d’une « gouvernance financière » : en clair, de la mise en place d’une tutelle des Etats par les marchés.

    L’exemple de la Grèce est éclairant. Les ministres des Finances de la zone euro lui ont non seulement imposé des plans de rigueur à répétition, impliquant notamment une hausse des impôts sans demander leur avis aux citoyens grecs, mais, en outre, quand le premier ministre a envisagé de soumettre ces mesures à référendum, on l’a menacé de suspendre l’aide à la Grèce. Enfin la Commission européenne, la BCE et le FMI ont exigé, le 7 novembre, pour verser la 6e tranche de l’aide, que les partis qui soutiennent le gouvernement prennent l’engagement par écrit de respecter les mesures réclamées par les bailleurs européens et le FMI.

    C’est la première fois que l’on prend ainsi en otage les partis d’un pays : en clair, en Grèce, la politique des partis de gouvernement n’est plus définie par leurs adhérents ni leurs dirigeants mais par les banques et les marchés.

    Par ailleurs, lorsqu’a été évoquée l’éventualité d’une sortie de la Grèce de la zone euro, la Commission européenne a tenu à rappeler que cette éventualité n’était nullement prévue par les traités : l’euro serait donc un choix irréversible ? C’est une contradiction dans les termes…

    Les changements de gouvernement dans la zone euro, que ce soit en Grèce, en Italie ou en Espagne doivent maintenant complaire plus aux financiers internationaux qui constituent les fameux « marchés » qu’aux électeurs.

    Mais ce n’est évidemment pas fini. La Commission européenne vient de proposer un renforcement de son rôle et un contrôle plus strict des budgets nationaux, avec la possibilité de recommander des amendements en cours d’exécution, car il convient, a souligné M. Barroso, de « rendre les parlements nationaux plus conscients des règles européennes »… sic ! (le Bulletin quotidien du 17 novembre 2011). Traduisez par : plus obéissants !

    Le président de l’Union européenne, H. Van Rompuy, a pour sa part été plus loin le 16 novembre en proposant de retirer le droit de vote aux pays jugés « laxistes » en matière de finances publiques. Sa position a sa logique, tant il est vrai que celui qui perd la maîtrise de ses finances perd sa souveraineté tout court ! Mais cela confirme que le législateur budgétaire est appelé à devenir un législateur croupion au sein de l’UE, avant tout soumis à la Commission et au diktat des marchés, et, d’une façon beaucoup plus épisodique, aux électeurs.

    La gouvernance contre les peuples

    Il est manifeste que l’oligarchie entend profiter de la crise des dettes souveraines – qu’elle a pourtant provoquée et qui constitue de ce fait un échec manifeste de sa part – pour renforcer sa domination sur les peuples européens.

    Dans le paradis de l’UE, les frontières sont des passoires, les délinquants sont multirécidivistes, on a instauré la préférence immigrée, on fait la guerre chez les autres et le chômage progresse. Car les marchés exercent la véritable souveraineté et mettent les peuples en sujétion.

    On aurait donc pu s’attendre à un peu de modestie de la part de ceux qui sont responsables du naufrage. Mais c’est mal les connaître !

    Pour l’oligarchie, les peuples européens, qui sont perçus non comme des compatriotes mais comme une simple ressource au service des marchés, doivent désormais filer budgétairement et économiquement droit, comme ils doivent obéir au politiquement correct et comme ils ne doivent voter que pour les seuls candidats intronisés par le système. Tout se tient.

    C’est d’ailleurs pourquoi tout s’effondrera en même temps : l’économie financière, le politiquement correct et le pouvoir de l’oligarchie !

    Michel Geoffroy (Polémia, 30 novembre 2011)

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  • Décivilisation ?...

    Les éditions Fayard viennent de publier Décivilisation,  un essai de Renaud Camus, dans lequel il réfléchit à la question de la transmission dans notre société. Il poursuit dans ce livre certaines des analyses qu'il a précédemment développé dans La Grande Déculturation (Fayard, 2008).

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    "Décilivilisation est le livre frère de La Grande Déculturation. Comme il faut espérer que tous les lecteurs du nouveau volume n'auront pas lu le précédent, il commence par le reprendre, sous des angles nouveaux, avant de le prolonger, mais vers l'amont, si l'on peut dire, d'aller en deçà, de s'interroger sur des problèmes qui sont antérieurs et, si l'on veut, plus fondamentaux encore que ceux qui étaient abordés dans le premier de ces deux essais. 
    Si La Grande Déculturation se penchait sur les questions relatives à l'école, Décivilisation fait porter la réflexion sur un amont de l'école, sur l'éternelle distinction entre instruction et éducation, sur les obstacles à la transmission — des connaissances, mais aussi des aptitudes à la vie en société — tels qu'ils se manifestent dans les nouveaux rapports entre les générations, à l'intérieur des familles, au sein d'une société où l'exigence d'égalité, s'étant imposée entre les sexes, prétend triompher aussi entre les âges, à présent, entre les niveaux d'expériences, entre ce qui surgit et ce qui est consacré par le temps (et du coup ne l'est plus). 
    Y a-t-il des limites à l'égalité, y a-t-il des champs où la démocratie soit hors-champ, et, si oui, lesquels : la famille, la culture, l'art, l'art de vivre ? et, si non, quelle société nous est promise ?"

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