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démocratie - Page 12

  • La gouvernance contre la démocratie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la menace que fait peser la gouvernance sur la souveraineté du peuple.

     

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    La gouvernance contre la démocratie

    L’ordre politique européen s’est forgé au cours de l’histoire autour de différents principes que l’on nomme aujourd’hui « démocratie » pour faire court, mais qui sont en réalité beaucoup plus anciens :

    • - le respect de la souveraineté des Etats et aussi de la personne des gouvernants, même en cas de guerre ;
    • - le consentement des citoyens à la guerre ;
    • - la définition d’un ordre judiciaire propre, découlant des législations adoptées par les citoyens et fondé progressivement sur l’égalité juridique des citoyens ;
    • - le consentement aux dépenses de l’exécutif, et par conséquent à l’impôt qui les finance, par ceux qui y sont soumis.

    Ces principes sont aujourd’hui – et de plus en plus – bafoués au sein de la prétendue Union européenne (UE). En d’autres termes, nous ne vivons plus en démocratie telle que la concevaient les Européens jusqu’alors.

    Aux ordres de l’OTAN

    Le consentement à la guerre n’existe plus aujourd’hui. C’est l’OTAN et donc en réalité les Etats-Unis qui décident à notre place. Les Européens ne font que suivre.

    La Constitution de 1958 prévoyait que la déclaration de guerre devait être autorisée par le Parlement au-delà d’un certain délai. Cette disposition répondait, bien sûr, au souci de la mise en œuvre immédiate de la dissuasion nucléaire, qui s’accommodait mal d’un débat parlementaire. Mais l’exception est devenue la règle.

    Les multiples aventures militaires dans lesquelles nous avons été impliqués depuis le dernier quart du XXe siècle, que ce soit dans les Balkans ou pour « protéger le peuple libyen », ont été imposées par les exécutifs et, en outre, sans déclaration de guerre en bonne et due forme. « L’UE c’est la paix » mais on fait quand même la guerre aux autres sans le reconnaître.

    Le fait que les forces armées soient de plus en plus, en Europe, constituées de soldats de métier ne change rien à la chose : les nations sont mises devant le fait accompli. D’ailleurs l’exemple de la Belgique est caricatural : alors que ce pays n’avait plus de gouvernement, il s’est trouvé engagé dans une « coalition » pour aller guerroyer en Afghanistan ou ailleurs. La guerre est l’ « ultima ratio regum », comme il était écrit sur l’artillerie de Louis XIV, c'est-à-dire le « dernier argument des rois », l’expression suprême de la souveraineté. Le fait qu’un pays sans gouvernement parte en guerre démontre que son peuple a en réalité perdu toute souveraineté et qu’il ne joue plus que le rôle de valet d’armes au service des puissants.

    Il n’y a plus de souveraineté des Etats ni de statut spécial de leurs dirigeants

    Aujourd’hui les soldats européens sont de plus en plus requis pour imposer par la force des changements politiques à des Etats souverains, sous des motifs les plus divers mais en général présentés comme « humanitaires », que ce soit sous l’égide de l’OTAN ou de « coalitions » de rencontre. Il s’agit d’imposer aux Serbes la partition du Kossovo, de faire partir Saddam Hussein ou Kadhafi, voire demain d’imposer à la Syrie ou à l’Iran de changer de gouvernement.

    Le principe « d’ingérence humanitaire » et le « devoir de protéger », forgés pour la circonstance, servent de justification médiatico-politique à ces aventures. Mais ces dernières violent en réalité un principe jusque-là essentiel : celui de la non-ingérence dans les affaires des Etats, justement, principe dont la France s’était pourtant faite le champion au XXe siècle. Or l’ingérence tue la démocratie, au lieu de la promouvoir comme voudrait nous le faire croire l’oligarchie. Elle introduit la violence dans la politique. Cette utilisation de la force contre des Etats souverains qui ne nous menacent point aboutit à banaliser l’idée que l’on n’a plus à respecter la souveraineté d’autrui. Or la souveraineté n’est que l’acception politique du mot liberté, pourtant aujourd’hui si galvaudé.

    Comme le montre aussi le livre d’Etienne Dubuis L’Assassinat des dirigeants étrangers par les Etats-Unis (Favre, 2011), ces opérations militaires camouflées n’hésitent plus à frapper directement les dirigeants et leurs familles. En rupture, là aussi, avec une tradition européenne séculaire.

    Elles créent un fâcheux précédent, enfin. Car qui nous dit que demain on ne mobilisera pas la force pour chasser du pouvoir un gouvernement européen qui déplairait aux autres ? Ou qui provoquerait une prétendue « urgence humanitaire » en voulant, par exemple, rétablir l’ordre des banlieues en proie aux violences ethniques ?

    La mise en tutelle des législateurs

    L’ordre juridique n’est plus défini par les législateurs mais par les juges. C’est ce que l’on nomme en novlangue « l’état de droit » ; traduisez par : souveraineté des juges et plus précisément de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

    Au nom de cet « état de droit », les lois votées par les parlements ne sont valides que si elles sont conformes à l’idéologie dont la CEDH se veut le farouche gardien en dernier ressort ; en particulier si elles se conforment à l’idéologie des droits de l’homme et au fameux principe de « non discrimination ». Les législations doivent aussi passer le premier filtre du contrôle de constitutionnalité (le Conseil constitutionnel en France) qui remplit au niveau des Etats la même fonction. Une pyramide d’engagements internationaux achève de boucler le dispositif. Cela signifie, en fin de compte, que des juges inamovibles se font juges des lois votées par les parlements qui, eux, sont élus.

    De fait les parlements ont vu leurs attributions législatives se réduire de plus en plus : pour l’essentiel ils se bornent à traduire en droit national (on dit « transposer ») des directives élaborées ailleurs, par les fonctionnaires de l’Union européenne. L’initiative des lois est, en outre, désormais avant tout dans les mains des exécutifs. En clair : ce ne sont plus les « représentants du peuple » qui font les lois mais l’oligarchie de ceux qui ne sont pas élus par le peuple. L’absence de referendum d’initiative populaire renforce évidemment cette évolution oligarchique du système politique.

    La destruction de la citoyenneté

    Cette prise du pouvoir par les juges s’est traduite non par un progrès, comme voudrait nous le faire croire la propagande de l’oligarchie, mais par une profonde régression politique : elle signe en effet la destruction de la conception européenne de la citoyenneté.

    La citoyenneté reposait, en effet, sur une logique de préférence, principalement nationale et donc territoriale. La mise en œuvre du principe de « non-discrimination », sur lequel se fonde la jurisprudence des juges « européens », détruit cette logique. En fait, il détruit tout ordre politique et c’est d’ailleurs bien sa fonction dernière puisque l’UE veut détruire les Etats et les nations. Ce principe n’est en effet que le reflet, dans l’ordre juridique, de la théorie du laisser faire laisser passer économique : il sert à détruire les protections culturelles et politiques créées par les sociétés humaines.

    Selon le principe de non-discrimination, les étrangers sont appelés à avoir en tout les mêmes droits que les nationaux, que les autochtones. « Les étrangers sont chez nous, chez eux » disait François Mitterrand. Il n’y a donc plus de limite à l’espace politique et la citoyenneté se trouve dévalorisée. Les débats récurrents sur le droit de vote des étrangers s’inscrivent dans cette logique perverse : le droit de suffrage, qui est pourtant un droit politique essentiel puisqu’il détermine soit le choix des représentants, soit, en cas de référendum, une décision directe, est ainsi en passe d’être galvaudé. N’importe qui, dès lors qu’il est présent sur un territoire, devrait avoir les mêmes droits politiques que les citoyens qui y résident d’une façon permanente. En outre les gouvernements, par crainte de « discriminer » et d’être sanctionnés par les juges, en viennent à se préoccuper prioritairement des « minorités » et à délaisser la majorité de la population.

    Le vieux principe européen qui voulait que la politique soit déterminée par l’accord de la majorité, qui remonte au moins aux cités grecques, est aujourd’hui foulé aux pieds. Les majorités ne sont plus seulement « silencieuses » : elles sont muselées.

    La fin de la démocratie financière

    L’Union européenne, et tout particulièrement la zone euro, s’est construite par la destruction de la souveraineté monétaire et douanière des Etats et sur l’encadrement de leur souveraineté budgétaire. Le principe du consentement à l’impôt par les citoyens était donc déjà un peu encadré par les exigences du pacte de stabilité et de la mise en place de l’euro.

    Mais la crise des dettes souveraines nous fait franchir une nouvelle étape, celle de la mise en place progressive d’une « gouvernance financière » : en clair, de la mise en place d’une tutelle des Etats par les marchés.

    L’exemple de la Grèce est éclairant. Les ministres des Finances de la zone euro lui ont non seulement imposé des plans de rigueur à répétition, impliquant notamment une hausse des impôts sans demander leur avis aux citoyens grecs, mais, en outre, quand le premier ministre a envisagé de soumettre ces mesures à référendum, on l’a menacé de suspendre l’aide à la Grèce. Enfin la Commission européenne, la BCE et le FMI ont exigé, le 7 novembre, pour verser la 6e tranche de l’aide, que les partis qui soutiennent le gouvernement prennent l’engagement par écrit de respecter les mesures réclamées par les bailleurs européens et le FMI.

    C’est la première fois que l’on prend ainsi en otage les partis d’un pays : en clair, en Grèce, la politique des partis de gouvernement n’est plus définie par leurs adhérents ni leurs dirigeants mais par les banques et les marchés.

    Par ailleurs, lorsqu’a été évoquée l’éventualité d’une sortie de la Grèce de la zone euro, la Commission européenne a tenu à rappeler que cette éventualité n’était nullement prévue par les traités : l’euro serait donc un choix irréversible ? C’est une contradiction dans les termes…

    Les changements de gouvernement dans la zone euro, que ce soit en Grèce, en Italie ou en Espagne doivent maintenant complaire plus aux financiers internationaux qui constituent les fameux « marchés » qu’aux électeurs.

    Mais ce n’est évidemment pas fini. La Commission européenne vient de proposer un renforcement de son rôle et un contrôle plus strict des budgets nationaux, avec la possibilité de recommander des amendements en cours d’exécution, car il convient, a souligné M. Barroso, de « rendre les parlements nationaux plus conscients des règles européennes »… sic ! (le Bulletin quotidien du 17 novembre 2011). Traduisez par : plus obéissants !

    Le président de l’Union européenne, H. Van Rompuy, a pour sa part été plus loin le 16 novembre en proposant de retirer le droit de vote aux pays jugés « laxistes » en matière de finances publiques. Sa position a sa logique, tant il est vrai que celui qui perd la maîtrise de ses finances perd sa souveraineté tout court ! Mais cela confirme que le législateur budgétaire est appelé à devenir un législateur croupion au sein de l’UE, avant tout soumis à la Commission et au diktat des marchés, et, d’une façon beaucoup plus épisodique, aux électeurs.

    La gouvernance contre les peuples

    Il est manifeste que l’oligarchie entend profiter de la crise des dettes souveraines – qu’elle a pourtant provoquée et qui constitue de ce fait un échec manifeste de sa part – pour renforcer sa domination sur les peuples européens.

    Dans le paradis de l’UE, les frontières sont des passoires, les délinquants sont multirécidivistes, on a instauré la préférence immigrée, on fait la guerre chez les autres et le chômage progresse. Car les marchés exercent la véritable souveraineté et mettent les peuples en sujétion.

    On aurait donc pu s’attendre à un peu de modestie de la part de ceux qui sont responsables du naufrage. Mais c’est mal les connaître !

    Pour l’oligarchie, les peuples européens, qui sont perçus non comme des compatriotes mais comme une simple ressource au service des marchés, doivent désormais filer budgétairement et économiquement droit, comme ils doivent obéir au politiquement correct et comme ils ne doivent voter que pour les seuls candidats intronisés par le système. Tout se tient.

    C’est d’ailleurs pourquoi tout s’effondrera en même temps : l’économie financière, le politiquement correct et le pouvoir de l’oligarchie !

    Michel Geoffroy (Polémia, 30 novembre 2011)

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  • Décivilisation ?...

    Les éditions Fayard viennent de publier Décivilisation,  un essai de Renaud Camus, dans lequel il réfléchit à la question de la transmission dans notre société. Il poursuit dans ce livre certaines des analyses qu'il a précédemment développé dans La Grande Déculturation (Fayard, 2008).

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    "Décilivilisation est le livre frère de La Grande Déculturation. Comme il faut espérer que tous les lecteurs du nouveau volume n'auront pas lu le précédent, il commence par le reprendre, sous des angles nouveaux, avant de le prolonger, mais vers l'amont, si l'on peut dire, d'aller en deçà, de s'interroger sur des problèmes qui sont antérieurs et, si l'on veut, plus fondamentaux encore que ceux qui étaient abordés dans le premier de ces deux essais. 
    Si La Grande Déculturation se penchait sur les questions relatives à l'école, Décivilisation fait porter la réflexion sur un amont de l'école, sur l'éternelle distinction entre instruction et éducation, sur les obstacles à la transmission — des connaissances, mais aussi des aptitudes à la vie en société — tels qu'ils se manifestent dans les nouveaux rapports entre les générations, à l'intérieur des familles, au sein d'une société où l'exigence d'égalité, s'étant imposée entre les sexes, prétend triompher aussi entre les âges, à présent, entre les niveaux d'expériences, entre ce qui surgit et ce qui est consacré par le temps (et du coup ne l'est plus). 
    Y a-t-il des limites à l'égalité, y a-t-il des champs où la démocratie soit hors-champ, et, si oui, lesquels : la famille, la culture, l'art, l'art de vivre ? et, si non, quelle société nous est promise ?"

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  • L'hyperclasse mondiale à l'assaut de la démocratie ?...

    Les éditions de Paris viennent de publier 2013 : l'apocalypse économique - L'hyperclasse mondiale à l'assaut de l'économie et de la démocratie, un essai de Jean-Michel Groven préfacé par l'économiste "dissident" Jean-luc Gréau. Diplômé de Sciences-po Paris, Jean-Michel Groven est attaché parlementaire.

     

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    "Croissance économique au plus bas, crise financière sans précédent: deux grands symptômes des dysfonctionnements qui marquent notre siècle. Mais quelles personnes se cachent derrière ces bouleversements économiques et sociaux ? Et si cela s'aggravait demain, quelles en seraient les conséquences ? Une hyperclasse mondiale est arrivée à pleine maturité. Parfaitement intégrée au système de la mondialisation qu'elle a conçue, elle profite de l'ouverture des échanges pour s'enrichir tout en étant protégée dans sa tour d'ivoire. L'avènement de cette nouvelle classe mondiale est le fruit d'un long processus qui prend racine dans les années suivant les manifestations de mai 1968. Tout en s'érigeant en juge-arbitre face aux problèmes gangrenant nos sociétés (inégalités, insécurité), elle n'est, en réalité, guidée que par l'individualisme. Créer des conflits au sein de la société devient sa spécialité et lui apparaît comme un moyen de s'auto-légitimer et de diffuser une nouvelle mentalité bien-pensante et politiquement correcte accroissant le repli sur soi et les réactions communautaristes. Ce phénomène provoque un désenchantement pour la démocratie qui subsiste seulement comme apparence, et il constitue surtout un prétexte au renforcement des élites de la nouvelle classe sociale plus que jamais attachée à défendre ses intérêts. Les jours de la démocratie sont-ils comptés ? Et le système économique mondial en sortira-t-il indemne ? Telles sont les interrogations qui se posent au sujet de l'émergence d'une post-démocratie."

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  • Tour d'horizon... (17)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Metamag, Jean Bonnevey analyse les rumeurs évoquant une prochaine attaque d'Israël contre l'Iran...

    Israël - Iran : vers la guerre de trop ?

    metamag, jean bonnevey, israël, iran, Benjamin Netanyahou, ehoud barak, mossad, guerre, attaque, sarkozy,

    - sur Presseurop, dans un article tiré du quotidien milanais Il sole 24 ore, le juriste italien Guido Rossi en appelle à un retour de la démocratie politique en Europe...

    La technocratie n'est pas la solution

    metamag, jean bonnevey, israël, iran, Benjamin Netanyahou, ehoud barak, mossad, guerre, attaque, sarkozy,

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  • Le doux monstre de Bruxelles...

    Les éditions Gallimard viennent de traduire un pamphlet de l'auteur allemand Hans Magnus Enzensberger intitulé Le doux monstre de Bruxelles ou L'Europe sous tutelle. Observateur critique et pessimiste de la société contemporaine, Hans Magnus Enzensberger est notamment l'auteur de Médiocrité et folie (Gallimard, 1991), Hammerstein ou l'intransigeance (Gallimard, 2010) ou Politique et crime (Gallimard, 2011).

     

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    "Dans ce bref pamphlet, Hans Magnus Enzensberger s'attaque frontalement à l'Europe. Une provocation supplémentaire de la part de cet Européen convaincu ? Non, un cri d'alarme contre la bureaucratie bruxelloise qui, sous prétexte d'harmoniser, détruit peu à peu l'idéal qui a présidé à la construction de l'Union. Absence de démocratie flagrante, organismes innombrables, langue sclérosée, l'Europe, Enzensberger en est convaincu, travaille aujourd'hui à sa perte. Une contribution argumentée et mordante au débat sur l'avenir de l'Europe."

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  • Les marchés et les oligarques n'aiment pas la démocratie !...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la crise grecque. A l'issue de ces quelques jours, on a bien compris que non seulement les oligarques n'aimaient pas la démocratie mais aussi qu'ils ne rechigneraient pas à la museler le cas échéant... Nous sommes plus si loin de la doctrine de la souveraineté limitée chère à Brejnev et aux dirigeants de l'Union Soviétique...

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    Les marchés et les oligarques n'aiment pas la démocratie

    Après des semaines de palabres et de sommets internationaux, les gouvernements avaient laborieusement mis au point un nouveau plan de sauvetage de la petite Grèce dont le risque de faillite menaçait, paraît-il, la survie de l’euro : un plan qui exigeait de nouveaux « efforts » de la part des Grecs. Les marchés retrouvaient déjà l’euphorie à l’annonce de ce succès magnifique ! Car les marchés aiment bien que ce soient les peuples qui fassent les sacrifices à leur place.

    Quelle audace !

    Mais voilà que le premier ministre grec annonce qu’il soumettra ce nouveau plan – c'est-à-dire les engagements qu’il a été contraint de prendre au nom de son pays – ainsi que le maintien de la Grèce dans la zone euro, à un prochain référendum.
    Panique dans les salles de marchés : la Bourse de Milan perd du coup 6,8%, celle de Paris 5,38% et New York 2,48% ! Quelle audace ! De quoi se mêle-t-il, celui-là ?

    La propagande de l’oligarchie financière

    Nicolas Sarkozy s’est immédiatement fendu d’un communiqué indiquant que « si donner la parole au peuple est toujours légitime » il convenait néanmoins que chaque pays fasse les efforts requis par la solidarité européenne. En d’autres termes, les Grecs seraient autorisés à voter, mais seulement pour adopter les sacrifices requis par les « grands argentiers ». Le peuple grec, qui souffre depuis quatre ans d’une cascade de mesures de rigueur sans précédent en Europe, ne doit surtout pas s’inviter à la table des négociations. La survie de l’euro est une chose trop grave pour la confier à ces Grecs mafieux, feignants et vivant sur la bête européenne comme tend à nous le faire croire une propagande insidieuse au service de l’oligarchie financière depuis quelques mois.

    L’hypocrite communiqué de Nicolas Sarkozy prend toute sa saveur dans la bouche de celui qui a refusé de tenir compte des résultats négatifs en France du référendum sur la prétendue constitution européenne et qui s’est empressé de l’imposer par la voie détournée de la ratification parlementaire du Traité de Lisbonne.

    Les marchés n’aiment pas les peuples

    Car les marchés n’aiment pas les peuples souverains et fiers d’eux-mêmes. Ils préfèrent avoir affaire à des foules solitaires manipulées, à des consommateurs endettés et à une docile ressource humaine, sommée de s’adapter en permanence à leurs exigences changeantes.

    La démocratie qu’ils souhaitent est une démocratie domestiquée : domestiquée par le politiquement correct, par les médias, par le chantage économique, le cas échéant. Et peut-être un jour par la guerre. Les Irlandais ont été priés de revoter jusqu’à ce qu’ils approuvent le traité constitutionnel : pour les y contraindre les grandes entreprises transnationales ont menacé de remettre leurs projets d’investissement et donc de frapper directement l’emploi des Irlandais. Vous avez dit « Etat de droit» ?

    Un déni permanent de démocratie

    Toute la construction européenne repose ainsi sur un déni permanent de démocratie : elle se résume, en effet, à la mise en place d’un ordre oligarchique qui repose sur trois piliers : la Commission, c'est-à-dire les bureaucraties bruxelloises, les juges de la Cour de justice européenne et, enfin, l’indépendance de la Banque centrale européenne ; trois entités qui ont justement pour caractéristique d’être irresponsables devant les peuples dont ils façonnent pourtant chaque jour un peu plus le destin. L’Union européenne repose sur la déconstruction de la souveraineté des Etats, c'est-à-dire de la souveraineté des peuples européens. Elle repose aussi sur le refus d’assumer et de protéger ses frontières, que l’on a cherché au contraire à détruire avec constance car derrière les frontières il y a l’identité européenne. Mais l’oligarchie européenne ne rêve que d’une Europe ouverte à tous les vents, composée surtout d’immigrés, car elle ne veut surtout pas que notre continent soit un « club chrétien ».

    Les peuples européens n’ont été nullement consultés directement sur cette dérive oligarchique et totalitaire des institutions européennes, que le prétendu « parlement européen » a toujours revêtu de son onction.

    Quand on croyait encore à la croissance tout allait bien. Mais maintenant que vient l’heure des comptes et des sacrifices, on commence à s’interroger sur les belles promesses dont on nous a bercés. L’euro nous rend plus forts ? Mais ce n’est manifestement pas le cas dans les pays du sud de l’Union. Et comment se fait-il que la croissance stagne justement dans la zone euro ? La BCE nous protège de l’inflation ? Oui mais pas des déficits ni du chômage ! Et pourquoi faut-il que le contribuable renfloue les banques ?

    Qui t’a fait roi, disent désormais de plus en plus fort les peuples « indignés » à l’encontre de l’oligarchie européenne.

    Vive la Grèce !

    Quel symbole : la petite Grèce, patrie historique de la démocratie sur notre continent, mère des sciences et des arts et qui a su se libérer du joug ottoman, menace le diktat des marchés. L’ombre de quelques bulletins de vote fait trembler Wall Street ! Tout n’est donc pas perdu. La Grèce nous ouvre une porte.

    Michel Geoffroy (Polémia, 2 novembre 2011)

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