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  • Sortir de l'Euro pour sortir de la crise ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'économiste Jacques Sapir, cueilli sur Causeur et consacré à la sortie de l'euro comme mesure nécessaire à la sortie de la crise...

     

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    Pour sortir de la crise, sortons de l'euro

    Depuis la fin du printemps, un concert de « bonnes nouvelles » nous vient des pays d’Europe du Sud. La croissance reviendrait au Portugal et en Espagne, et même en Grèce. Les taux se maintiennent à un niveau considéré comme « raisonnable ». En bref, la crise de la zone Euro serait derrière nous. Pourtant, à mieux y regarder, on peut sérieusement douter de la réalité de ces affirmations.

    Sommes-nous sortis de la Crise ?

    Il y a beaucoup de manipulations, mais un peu de vérité dans ces affirmations. Commençons par le peu de vérité qu’elles contiennent. Oui, la crise est en train d’atteindre un plancher. C’est évident en Espagne où le chômage semble désormais stabilisé, quoiqu’à un niveau très élevé (25% de la population active). La crise ne semble plus s’aggraver ces derniers mois, mais ceci est loin d’être équivalent avec une sortie de crise. Ajoutons que des nuages plus que noirs s’accumulent à l’horizon : le crédit est toujours en train de se contracter (en particulier en Italie et en France), l’investissement se réduit toujours (et avec lui les perspectives de croissance future). Rien ne permet de dire que les pays d’Europe du Sud vont trouver dans les prochains mois le ressort d’une croissance leur permettant d’effacer la crise qu’ils connaissent. La perspective d’une nouvelle crise politique en Italie, venant s’ajouter aux difficultés économiques (notamment la montée des impayés dans le bilan des banques, indicateur très sûr d’une économie fragile), est une forte probabilité.

    On peut d’ailleurs estimer que l’amélioration de la balance commerciale dans ce pays est liée à la chute des importations et non à une hausse des exportations. Compte tenu de l’importance de l’économie italienne, qui est la troisième économie de la zone Euro, il est donc clair que la zone Euro est loin, très loin, d’être tirée d’affaires.

    Au mieux, la crise va durer au même niveau qu’aujourd’hui. Au pire, et c’est ce que l’on peut craindre quand on regarde l’évolution du crédit et de l’investissement, après cette pause provisoire, les résultats devraient recommencer à se dégrader dès la seconde moitié de 2014. D’ores et déjà, il est clair qu’il faudra un nouveau plan de sauvetage pour la Grèce d’ici la fin de 2013.

    Ceci nous conduit aux manipulations, largement évidentes dans nombre de médias. On ne parle plus que de la « reprise » alors que l’ensemble des indicateurs reste très inquiétant. Il y a un consensus dans une partie de la presse, essentiellement pour des raisons politiques, qui conduit à proclamer ce retour à la croissance alors que tout le dément. On a eu un exemple de ces pratiques à propos des statistiques du chômage en France. Ceci est instructif, tant quant à l’état de certains médias en France que du point de vue plus général de l’attitude des élites sur ce problème. Alors que l’on continue de discuter de la crise de l’euro en Allemagne, en Italie et en Espagne, le thème semble avoir disparu en France.

    La crise en perspective.

    La zone Euro a souffert de plusieurs maux : l’absence de flux financiers massifs pour égaliser les structures économiques des pays membres ; une Banque Centrale indépendante calée sur une politique inopérante ; et une politique de déflation salariale initiée par l’Allemagne, s’apparentant à une politique de « passager clandestin »– aussi qualifiée « d’opportuniste » ou de « non-coopérative » – qui a exacerbé les tendances préexistantes aux évolutions inégales des salaires et de la productivité.

    Il faut ici rappeler que la crise de la zone Euro ne date pas des années 2010-2011, mais qu’elle a des racines bien plus anciennes. L’introduction de l’Euro impliquait aussi une politique monétaire unique pour les pays de la zone. Or, tant les conjonctures économiques que les déterminants structurels de l’inflation –les problèmes de répartition des revenus, mais aussi la présence de chaînes logistiques plus ou moins sensibles à des hausses de prix susceptibles de se reporter – entraînent des taux d’inflation structurelle différents selon les pays. Cette situation résulte de la présence de rigidités importantes dans l’économie, qui invalident la thèse d’une « neutralité » de la monnaie.

    Cependant, dans le cadre d’une monnaie unique, les divergences d’inflation ne peuvent être trop importantes en raison des problèmes de compétitivité interne à la zone. Un certain nombre de pays ont alors dû avoir une inflation inférieure à leur niveau structurel. Cela les a, par suite, conduits à avoir un taux de croissance inférieur à leur taux de croissance optimal (Italie, Portugal). De fait, ces pays ont perdu sur les deux tableaux : en compétitivité et en niveau de croissance.

    Si l’économie européenne va de langueur en récession depuis 2000, c’est bien à cause de l’Euro. Le fait que l’Allemagne ait tiré son épingle du jeu confirme cela, tant en raison des avantages comparatifs spécifiques de ce pays que de la politique qui y a été menée depuis 2002 (les « réformes » Harz-IV). L’Euro est au cœur du problème de l’Europe. Il condamne la majorité des pays l’ayant adopté à la récession ou à la crise, comme en Europe du Sud. L’Allemagne a « exporté » vers ces autres pays entre 4 et 5 millions de chômeurs.

    L’option d’un fédéralisme européen, outre les problèmes politiques qu’elle introduit, se heurte à l’ampleur des flux de transferts que l’Allemagne devrait consentir au bénéfice des pays de l’Europe du Sud. L’Allemagne supporterait en effet 90% du financement de la somme de ces transferts nets, soit entre 220 et 232 milliards d’euros par an (ce qui équivaut à 2200 à 2320 milliards sur dix ans), entre 8% et 9% de son PIB. D’autres estimations donnent des niveaux encore plus élevés, atteignant 12,7% du PIB. Il convient donc d’en tirer toutes les conséquences : le fédéralisme n’apparait pas comme une option réaliste pour les pays de l’Europe du Nord et en premier lieu pour l’Allemagne. Il est sans objet de la présenter comme une possible solution.

    La dissolution, seul horizon raisonnable ?

    L’ampleur de la récession qui frappe de nombreux pays annonce un retour de la crise. La solvabilité des États n’est plus garantie. L’effondrement des ressources fiscales dans de nombreux pays constitue un accélérateur de la crise. Cette situation témoigne bien de la présence de défauts structurels dans la conception et dans la mise en œuvre de la monnaie unique. Ces derniers, trop longtemps niés ou minimisés, sont aujourd’hui en passe d’être reconnus

    Une dissolution de la zone Euro ne serait pas une « catastrophe » comme on le prétend souvent, mais au contraire une solution salvatrice pour l’Europe du Sud et la France. C’est ce que montre l’étude « Les Scénarii de Dissolution de l’Euro », publiée au début du mois de septembre. On peut y lire, suivant les différentes hypothèses étudiées, non seulement l’effet très bénéfique des dévaluations sur l’économie française, mais aussi sur celles des pays aujourd’hui ravagés par la crise, comme la Grèce, le Portugal ou l’Espagne. Bien entendu, suivant les hypothèses retenues, à la fois sur le caractère plus ou moins coopératif de cette dissolution mais aussi sur la politique économique suivie, les estimations de la croissance divergent. Au pire, il faut s’attendre à une croissance cumulée de 8% la troisième année après la fin de l’Euro et au mieux une croissance de 20%. Pour l’Europe du Sud, la croissance cumulée est en moyenne de 6% pour l’Espagne, de 11% pour le Portugal et de 15% pour la Grèce dans l’hypothèse la plus défavorable pour ces pays. Une première leçon s’impose alors : la dissolution de la zone Euro ramènerait la croissance dans TOUS les pays d’Europe du Sud et provoquerait une baisse massive et rapide du chômage. Pour la France, on peut estimer la baisse du nombre de chômeurs de 1,0 à 2,5 millions en trois ans. Par ailleurs, cela rétablirait l’équilibre des régimes de retraites et de protection sociale. Dans le cas de la France, ce retour à l’équilibre serait très rapide (en deux ans). Il aurait des effets importants sur les anticipations des ménages dont l’horizon serait dégagé des inquiétudes que font peser des réformes à répétition. La consommation augmenterait, et avec elle la croissance, même si on ne peut estimer cet effet. Cette dissolution redonnerait à l’Europe du Sud sa vitalité économique, mais serait aussi profitable à l’Allemagne, car une Europe du Sud en expansion continuerait de commercer avec son voisin du nord après un réajustement des compétitivités.

    Les inconvénients seraient très limités. Compte tenu des taxes, l’impact d’une dévaluation de 25% par rapport au Dollar sur les prix des carburants ne provoquerait qu’une hausse de 6% à 8% du produit « à la pompe ». L’Euro disparu, les dettes des différents États seraient re-libellées en monnaie nationale.

    Une telle politique imposerait aussi des contrôles des capitaux dans chaque pays. Notons que c’est déjà le cas à Chypre ! Ces contrôles, outre qu’ils contribueraient à définanciariser ces économies, limiteraient considérablement la spéculation et permettraient aux Banques Centrales de viser des objectifs de parité. Une fois ces parités atteintes, un système de fluctuations coordonnées des monnaies, comme du temps de l’ECU, pourrait être mis en place. Historiquement, ce qui a sonné le glas de ce système a été la spéculation monétaire. Celle-ci supprimée, ou fortement réduite, le système pourrait à nouveau fonctionner.

    De la « monnaie unique » à la « monnaie commune » ?

    Cette idée attire un certain nombre de personnalités politiques. Et elle est loin d’être absurde, bien au contraire. En fait, une monnaie commune aurait dû être adoptée dès le début.

    De quoi s’agit-il donc ? On peut imaginer que le système monétaire européen reconstitué que l’on aurait à la suite de la dissolution de l’Euro débouche sur une monnaie commune venant s’ajouter aux monnaies existantes, qui serait utilisée pour l’ensemble des transactions (biens et services mais aussi investissements) avec les autres pays.

    Cette dissolution de la zone Euro, si elle résulte d’un acte concerté de la part des pays membres, devrait donner naissance à un système monétaire européen (SME) chargé de garantir que la nécessaire flexibilité des changes ne tourne pas au chaos. Si un tel système est mis en place, il aurait nécessairement des conséquences importantes sur le système monétaire international.

    Ce système correspondrait en réalité à l’existence d’une monnaie conçue comme une unité de compte venant s’ajouter aux monnaies nationales existantes. Cette situation serait très propice à la résurrection de l’Euro, mais sous la forme d’une monnaie commune

    Ceci donnerait à l’Europe à la fois la flexibilité interne dont elle a besoin et la stabilité vis-à-vis du reste du monde. Un « panier de monnaie » étant intrinsèquement plus stable qu’une monnaie seule, cette monnaie commune pourrait devenir à terme un puissant instrument de réserve, correspondant aux désirs exprimés par les pays émergents des BRICS.

    La dissolution de l’Euro, dans ces conditions, signerait non pas la fin de l’Europe comme on le prétend mais bien au contraire son retour gagnant dans l’économie mondiale, et qui plus est un retour qui profiterait massivement, tant par la croissance que par l’émergence à terme d’un instrument de réserve, aux pays en développement d’Asie et d’Afrique.

    Jacques Sapir (Causeur, 18 septembre 2013)

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  • D'une crise à l'autre : vers un nouveau monde ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une conférence donnée par Hervé Juvin le 18 avril 2013, à l'Ecole militaire, devant le Cercle de stratégie, et mise en ligne sur le site de Theatrum Belli. Hervé Juvin évoque le « renversement du monde » qui vient...

     


    Conférence d'Hervé Juvin : D'une crise à l... par webtele-libre

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  • L'Europe au bord du gouffre...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur le site de l'agence de presse Ria Novosti et consacré à l'aggravation de la crise européenne...

     

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    L'Europe au bord du gouffre

    Alors que la Russie semble avoir trouvé en mars un nouveau souffle, la zone Euro quant à elle s’enfonce dans la crise. Le chômage a atteint les 12% de la population active, mais avec des pointes à plus de 25% en Espagne et en Grèce. L’activité continue de régresser en Espagne, Italie et Portugal et, désormais, c’est la consommation qui flanche en France, annonçant une nouvelle détérioration de la situation économique à court terme. En effet, deuxième pays de la zone Euro, la France, par la vigueur de sa consommation avait jusqu’à ces derniers mois, évité le pire pour la zone Euro. Si la consommation française continue de se contracter sur le rythme qu’elle suit depuis le mois de janvier, les conséquences seront importantes, tant en France que dans les pays voisins, et en premier lieu en Italie et en Espagne.

    Cette détérioration générale de la situation économique pose ouvertement le problème de l’austérité adoptée par l’ensemble des pays depuis 2011, à la suite de la Grèce puis du Portugal et de l’Espagne. Mais, la volonté allemande de poursuivre dans la voie de cette politique est indéniable. Pourquoi un tel entêtement ?

    La zone euro rapporte à l’Allemagne environ 3 points de PIB par an, que ce soit par le biais de l’excédent commercial, qui est réalisé à 60% au détriment de ses partenaires de la zone Euro ou par le biais des effets induits par les exportations. On peut parfaitement comprendre que, dans ses conditions, l’Allemagne tienne à l’existence de la zone Euro. Or, si Berlin voulait que la zone euro fonctionne, elle devrait accepter le passage à un fédéralisme budgétaire étendu et à une Union de transfert. C’est une évidence connue par les économistes, mais aussi au-delà. Au mois d’octobre 2012, dans le cadre du Club Valdaï, le Président Vladimir Poutine avait souligné que l’on ne pouvait pas faire fonctionner une union monétaire sur des pays aussi hétérogènes sans un puissant fédéralisme budgétaire. Mais, si l’Allemagne  devait accepter ce fédéralise, elle devrait alors accepter en conséquence de transférer une partie importante de sa richesse vers ses partenaires. Rien que pour l’Espagne, la Grèce, l’Italie et le Portugal, les transferts nécessaires à la remise à niveau de ces économies par rapport à l’Allemagne et la France représenteraient entre 245 et 260 milliards d’euros, soit entre 8 et 10 points de PIB par an et ce pour au moins dix ans. Des montants de ce niveau sont absolument exorbitants. L’Allemagne n’a pas les moyens de payer une telle somme sans mettre en péril son modèle économique et détruire son système de retraite. Elle souhaite donc conserver les avantages de la zone euro mais sans en payer le prix. C’est pourquoi elle a toujours, en réalité, refusé l’idée d’une « Union de transferts ». Au-delà, le problème n’est pas tant ce que l’Allemagne « veut » ou « ne veut pas » ; c’est ce qu’elle peut supporter qui importe. Et elle ne peut supporter un prélèvement de 8% à 10 de sa richesse. Cessons donc de penser que « l’Allemagne paiera », vieille antienne de la politique française qui date du traité de Versailles en 1919, et regardons la réalité en face.

    L’Allemagne a d’ores et déjà des réticences importantes sur l’Union bancaire, qu’elle avait acceptée à contre-cœur à l’automne 2012. Par la voix de son ministre des Finances, elle vient de déclarer qu’elle considérait qu’il faudrait modifier les traités existants pour que cette Union bancaire puisse voir le jour. Il est certes possible de modifier les textes fondateurs, mais tout le monde est conscient que cela prendra du temps. Autrement dit, l’Allemagne repousse en 2015 et plus probablement en 2016 l’entrée en vigueur de l’Union bancaire dont elle a de plus largement réduit le périmètre. On peut considérer que les arguments de l’Allemagne sur la « constitutionnalité » de l’Union Bancaire sont des prétextes. C’est peut-être le cas, mais Madame Merkel a quelques bonnes raisons de vouloir s’assurer de la parfaite légalité des textes.La création récente du nouveau parti eurosceptique « Alternative pour l’Allemagne », un parti que les sondages mettent actuellement à 24% des intentions de vote, constitue une menace crédible pour les équilibres politiques en Allemagne.

    Dans ces conditions, on comprend bien qu’il n’y a pas d’autre choix pour l’Allemagne que de défendre une politique d’austérité pour la zone Euro, en dépit des conséquences économiques et sociales absolument catastrophiques que cette politique engendre. Tous les pays, les uns après les autres, se lancent dans des politiques suicidaires de dévaluation interne, politiques qui sont les équivalents des politiques de déflation des années trente qui amenèrent Hitler au pouvoir. Ainsi en est-il en Espagne et en Grèce, ou le chômage dévaste la société. En France, si l’on veut absolument réduire le coût du travail il est clair qu’il faudra baisser les salaires et les prestations sociales. Dans ce cas, c’est la consommation qui se réduit déjà, qui s’effondrera. Inévitablement nous verrons les conséquences sur la croissance ; aujourd’hui les estimations les plus crédibles indiquent que pour l’économie française l’année 2013 se traduira au mieux par une stagnation et plus vraisemblablement par une contraction de -0,4% du PIB. Le résultat en sera une hausse importante du chômage. Si nous voulons faire baisser nos coûts de 20%, il nous faudra probablement augmenter le chômage de moitié, soit arriver à plus de 15% de la population active, ou 4,5 millions de chômeurs au sens de la catégorie « A » de la DARES et 7,5 millions pour les catégories A, B et C incluant toutes les catégories de chômeurs. De plus, dans la zone euro, l’Espagne et l’Italie concurrencent déjà la France par la déflation salariale. Il faudrait donc faire mieux que Madrid et Rome, quitte à atteindre non pas 15% mais alors 20% de chômage. Quel homme politique en assumera la responsabilité ? Quelles en seront les conséquences politiques ?

    Pour l’heure, nos dirigeants, et en particulier en France, font le gros dos. Le Président de la République, François Hollande, met tous ses espoirs dans une hypothétique reprise américaine pour alléger le poids du fardeau de l’austérité. Il a cependant déjà du admettre que ceci ne surviendrait pas au 2ème semestre 2013, comme il l’avait annoncé tout d’abord, et il a décalé sa prédiction au début de 2014. Mais, tel l’horizon qui s’enfuit devant le marcheur, la reprise américaine ne cesse de se décaler. C’est une illusion de croire que la demande extérieure viendra aujourd’hui nous sauver la mise. La croissance américaine est bien plus faible que prévue, et le FMI réduit à la baisse ses prévisions la concernant. Quant à la croissance chinoise, elle se ralentit de mois en mois. Hollande espère que nous serons sauvés par la cavalerie, mais la cavalerie ne viendra pas, ou alors, comme dans les tragiques journées de juin 1940 « trop peu, trot tard ».

    Plus que jamais, la question de la survie de la zone Euro est posée. Les tendances à son éclatement s’amplifient. On voit que les problèmes de pays aussi divers que la Grèce, l’Espagne le Portugal et l’Italie vont converger à court terme. Il est hautement probable que nous connaîtrons une crise violente durant l’été 2013, voire au tout début de l’automne. Il est temps de solder les comptes. L’Euro n’a pas induit la croissance espérée lors de sa création. Il est aujourd’hui un cancer qui ronge une partie de l’Europe. Si l’on veut sauver l’idée européenne tant qu’il en est encore temps, il faut rapidement prononcer la dissolution de la zone euro.

    Jacques Sapir (Ria Novosti, 20 avril 2013)

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  • France : liquidation totale ?...

    Nous reprioduisons ci-dessous un point de vue de Maurice Gendre, cueilli sur le site Scriptoblog et consacré à l'entreprise de démolition mise en oeuvre par les gouvernements successifs et, en particulier, par celui du catastrophique Monsieur Ayrault...

     

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    France : liquidation totale

    Ce gouvernement restera comme celui qui aura tenté de finir d'achever la France.
    Chaque jour Ayrault et son équipe, avec le soutien de François Hollande évidemment, donnent l'impression de vouloir terminer le travail entamé depuis (au moins) Pompidou.

    Pulvérisation de la famille
    Depuis une quarantaine d'années, individualisme hédoniste aidant et féminisme en délire triomphant, la famille avait déjà sérieusement du plomb dans l'aile : multiplication des divorces, accroissement des familles monoparentales, 200 000 avortements pratiqués chaque année depuis l'adoption de la loi Veil, démographie faible.
    La loi Taubira relative au mariage des duos homosexuels et lesbiens (en langue française un couple suppose l'altérité) et à l'adoption des enfants arrive donc telle la cerise sur le gâteau. 
    De plus, c'est un secret de polichinelle mais dès que le mot "mariage" sera prononcé, avec la jurisprudence européenne, cela ouvrira immédiatement droit à la PMA et à la GPA.
    La loi Taubira est donc le dernier clou dans le cercueil de la famille.

    Oraison funèbre pour la souveraineté nationale

    Hollande aura également échoué, comme c'était absolument prévisible, à renégocier le traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance (TSCG), ce super-Maastricht avec son lot d'atteinte insupportable à la souveraineté et principalement budgétaire à travers la "règle d'or" inscrite dès lors dans le marbre constitutionnel, un déficit autorisé qui ne doit pas excéder 0,5% du PIB et un mécanisme correctif automatique en cas de dépassement.
    En revanche, il n'aura pas hésité un instant à le faire ratifier par le Parlement.
    Consulter le peuple français par la voie référendaire sur un sujet aussi capital (comme le sujet précédent d'ailleurs), vous plaisantez cher Monsieur !
    La France ne maîtrisait déjà plus ses frontières et ne pouvait plus battre monnaie, son budget devra désormais passer sous les fourches caudines des eurocrates.

    Vers une citoyenneté au rabais
    Même si ce funeste projet semble pour le moment enterré, le droit de vote des étrangers aux élections locales finirait d'entamer le rapport qui devrait être indissociable entre citoyenneté et nationalité. Principe normalement intangible qui a déjà été mis à mal par les élections européennes ouvertes aux ressortissants communautaires.
    Mais ce n'est pas le seul élément qui met à mal le principe de citoyenneté.
    Le consentement à l'impôt est un élément constitutif du sentiment d'appartenance à la citoyenneté française. Or, depuis l'affaire Cahuzac ce consentement à l'impôt est  désormais beaucoup moins évident pour nombre de contribuables. Voir le ministre en charge du Budget (ou ce qu'il en reste, voir paragraphe précédent) et de la lutte contre l'évasion fiscale s'affranchir lui-même des règles communes, tricher et mentir ne va certainement pas aider à réconcilier les Français avec les Finances publiques.
    D'autant que l'agacement était déjà grand de voir une très grosse partie des prélèvements partir dans le tonneau des Danaïdes du remboursement d'une dette illégitime, dans l'aide médicale d'Etat (AME) réservée aux clandestins, dans des subventions accordées à des associations ne représentant qu'elles-mêmes ou encore dans le paiement de bombes que l'on vient déverser sur les populations libyennes.
    Alors que dans le même temps des hôpitaux ferment, des crèches n'ouvrent pas, des services publics sont supprimés dans les campagnes (et largement dans les villes désormais), des transports ne circulent plus par "souci de rentabilité" à partir de certaines heures etc.

    La fin d'un modèle social
    L'accord national interprofessionnel (ANI) signé par le MEDEF et les syndicats minoritaires (CFDT, CFE-CGC et CFTC),  syndicats qui n'ont rassemblé aux dernières élections prud’homales que 38,7% des voix, sera repris très probablement dans sa quasi-intégralité par la représentation abusivement qualifiée de "nationale".
    Ce texte met fin au CDI tel qu'il fut jusqu'alors. Un texte qui ferait presque passer le CPE de triste mémoire pour une mesure progressiste !
    Que contient ce texte ?
    Il sera désormais possible de baisser les salaires jusqu'au niveau du SMIC et d'allonger le temps de travail en cas de difficultés économiques dans l'entreprise (si accord d'entreprise il y a). En cas de refus : licenciement.
    La mobilité forcée d'un site à l'autre sans limitation dans le temps et dans l'espace est inscrite. En cas de refus : licenciement.
    Les licenciements sont facilités (contournement de la loi et de la justice prud'homale), les délais de recours sont réduits pour le non-respect du contrat de travail, la contestation de licenciement et les salaires impayés ou minorés.
    Mais cet accord c'est aussi l'extension du contrat à durée indéterminée intermittent.
    En clair : on vous embauche en durée indéterminée mais on vous fait travailler quand on en a besoin, les périodes non-travaillées ne donnant pas droit à l'allocation-chômage...
    Comme l'explique très bien notre ami Adrien Abauzit, l'ANI relève de tout sauf d'un hasard du calendrier. Il s'inscrit parfaitement dans le cadre du marché transatlantique prévu à l'horizon 2015 et si souvent évoqué par Pierre Hillard.
    Les conditions de travail des Français et plus largement des Européens devant s'aligner sur celles des travailleurs d'outre-Atlantique.
    Autre mesure marquée du sceau de la régression sociale : la baisse des allocations familiales. Outre que sur un plan symbolique cette décision est un vrai désastre, cette baisse des alloc' risque de peser fortement sur les naissances.
    Quel projet se cache derrière ce sale coup encore porté à la famille française ?
    Logique comptable court-termiste ou dessein beaucoup plus inavouable ?
    Et les retraites complémentaires dans tout ça ?
    Là aussi, il y a eu "accord" entre les partenaires sociaux. Avec le regard bienveillant et complice du gouvernement, qui ne s'est pas mêlé des discussions entre le MEDEF (décidément choyé et gâté comme jamais) et les syndicats. 
    Outre la CFDT, la CFTC et FO ont décidé de signer. Depuis le 1er avril, les retraites complémentaires sont moins revalorisées que l'inflation, ce qui amputera le pouvoir d'achat des 11 millions de retraités concernés. Les pensions seront ainsi augmentées de +0,8% pour l'Arrco (retraite complémentaire des salariés du privé) et +0,5% pour l'Agirc (retraite complémentaire des cadres du privé), alors que l'inflation a été revue à +1,2% par le gouvernement pour 2013. (1)

    Tropisme américano-anglophile éhonté

    Le projet de loi Peillon-Fioraso est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
    Ce projet de loi présenté en conseil des minsitres le 20 mars étend la possibilité de dispenser dans l'enseignement supérieur des cours en anglais plutôt qu'en français.
    Jusqu’ici, la loi Toubon de 1994 posait comme principe qu’en France, dans n’importe quelle école ou université publique ou privée, tous les enseignements devaient être dispensés en français, la langue de la République. A deux exceptions près : pour les cours de langues et lorsque l’enseignant est un intervenant étranger.
    Là encore il s'agit de fondre la France dans le magma du mondialisme americanomorphe.

    Ce gouvernement est donc bel et bien un gouvernement de destruction nationale.
    Il s'est donné pour unique tâche de "réussir" là où les précédents gouvernements avaient "échoué". Et le moins qu'on puisse dire c'est que pour le moment il y parvient parfaitement.
    Les Français font aujourd'hui face à un gouvernement composé d'extrémistes et d'idéologues fanatiques (Taubira, Vallaud-Belkacem, Peillon...) accompagnés de carriéristes sans foi ni loi (Valls) et de bateleurs d'estrade prêts à renier toutes leurs convictions dans l'espoir de conserver leur portefeuille ministériel (Montebourg).
    Jusqu'où ce gouvernement pourrait-il aller ?
    A voir la façon dont des enfants, des personnes âgées et des familles ont été aspergés de gaz lacrymogènes lors de la manif pour tous du 24 mars dernier, les Français ont un début de réponse.


    Maurice Gendre
    (Scriptoblog, 13 avril 2013)


    (1) Par ailleurs, les taux des cotisations, acquittées à 60% par les entreprises et à 40% par les salariés, seront augmentés de 0,1 point en 2014, comme en 2015.

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  • Crise politique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur son blog RussEurope et consacré à la crise politique déclenchée par l'affaire Cahuzac...

     

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    Crise politique

    La crise politique, que l’on avait annoncé dans une note publiée il y a un mois1, est désormais une réalité. Elle n’attendait qu’un détonateur pour exploser, et ce dernier a été fourni par la funeste « affaire Cahuzac ». Notons qu’entre temps les nouvelles, mauvaises pour ce gouvernement, se sont accumulées. Le rejet par la cour constitutionnelle portugaise d’une partie du plan d’austérité2, mais aussi l’annonce officielle de la chute de la consommation en France pour le mois de février3, sont venues apporter de l’eau à notre moulin. La politique suivie par le gouvernement français est aujourd’hui dans une dramatique impasse. Plus il persistera à la poursuivre et plus grave sera la situation. Il est d’ailleurs exemplaire, et très symbolique, qu’elle soit survenue au moment même où était discuté à l’assemblée le projet de loi sur l’Accord National Interprofessionnel, dit ANI, accord signé à la sauvette par trois syndicats et le MEDEF. Ce scandale, car c’en est un pour un gouvernement qui se prétend « de gauche » que de faire passer dans la loi un train de mesures dont certaines sont en réalité contraires au droit européen et international du travail, pour moins spectaculaire qu’il soit, valait bien en réalité l’affaire Cahuzac.

    L’affaire Cahuzac et ses conséquences

    Cette affaire est en réalité fort simple. Elle démarre par des accusations portées sur le site de Médiapart le 4 décembre 2012. Elle combine une fraude fiscale sur des montants visiblement bien plus grands que ce que Jérôme Cahuzac a reconnu, car l’on parle désormais de 15 millions et non plus de 650 000 euros4 et un mensonge politique. Le ministre Cahuzac ayant publiquement, et en séance de l’Assemblée Nationale, affirmé qu’il ne détenait pas de compte en Suisse. Le second aspect de cette affaire est, bien entendu, le plus révoltant. On notera cependant, à propos du premier aspect de cette affaire, que la banque Julius Baer avait exigé de Cahuzac une déclaration fiscale, redoutant un problème, et que ce dernier avait fourni un faux. Il pourrait dès lors être passible de poursuites en Suisse. Ajoutons que la Julius Baer, qui est une banque de gestion de patrimoine, n’a pas dans ses habitudes d’accepter des clients pour moins de 2 à 5 millions d’Euros suivant les opérations. Ceci réduit à néant l’affirmation de Cahuzac de n’avoir « que » 650 000 euros sur ce compte.

    Mais, cette affaire prend désormais une nouvelle dimension. Les affirmations de M. Pierre Moscovici, Ministre des Finances, selon lesquelles il aurait tout ignoré de la situation litigieuse de son ancien ministre délégué ne sont, hélas, absolument pas crédibles. Il est aujourd’hui avéré qu’il a évoqué le « cas » Cahuzac lors du Forum de Davos, en janvier 2013, comme l’a révélé un journaliste de la RTS helvétique, Darius Rochebin [Voir ici la vidéo]. Cela pose un nouveau problème politique. Pierre Moscovici prétend avoir fait « tout ce qu’il devait, tout ce qu’il pouvait »5. Il se refuse, pour l’instant, de communiquer à la presse française les informations qu’il aurait reçues de la part des autorités suisses, un doute justifié sur  l’authenticité de ses déclarations existe. En fait, ce doute porte sur la réalité de ces informations, qui avaient permis à certains journaux d’affirmer, fort imprudemment, que « Cahuzac était blanchi »6. Il ne semble pas, en réalité, qu’il y ait eu une demande officielle auprès des autorités judiciaires suisses7. Dans ces conditions, on est en droit de s’interroger. Quel fut le contenu de la discussion qu’eurent à Davos Pierre Moscovici et son homologue suisse ? Pourquoi avoir évoqué l’affaire Cahuzac alors, si rien d’inquiétant n’était connu par Pierre Moscovici ? Il est hélas plus probable que Pierre Moscovici a couvert, soit en connaissance de cause soit en refusant de mettre en œuvre les moyens de savoir, son confrère Jérôme Cahuzac. Dans les deux cas, il est coupable soit d’une complicité dans une affaire de fraude fiscale soit d’une incompétence rare que l’on peut assumer à un abandon de poste. Le simple sentiment de la dignité de la fonction qu’il occupe devrait alors le pousser à la démission au lieu d’attendre que s’accumulent les révélations qui le contraindront, en fin de compte, à démissionner. L’intérêt de l’État voudrait que le Premier Ministre et le Président le rappellent à son devoir.

    Car, au-delà, se pose la question de la légitimité du gouvernement et du Président. Ni l’un ni l’autre ne peuvent prétendre être indemnes de l’affaire Cahuzac et de ses conséquences. Pourtant, réduire à cette affaire le discrédit qui les frappe aujourd’hui, et le Président vient de connaître une nouvelle chute dans les sondages, serait une erreur. L’affaire Cahuzac n’est pas le premier scandale qui frappe la République, même s’il faut bien admettre qu’il s’agit d’un scandale majeur. Ce scandale, à lui seul, ne pourrait créer l’émotion politique justifiée qu’il a produit. Il y a plus ; il y a pire.

    Ce discrédit date de cet été, de l’entêtement avec lequel tant le Président que le gouvernement poursuivent une politique inefficace et dangereuse, de l’indifférence coupable montrée, à l’exception d’un ministre, dans la gestion des crises sociales tant à Florange qu’ailleurs, du reniement sur la question du TSCG qui apparaît, rétrospectivement, comme le pêché originel de cette Présidence. Ce discrédit est désormais en passe de devenir une véritable crise de légitimité qui conduira tant le gouvernement que le Président à la paralysie.

    Les réactions possibles

    Faisons, alors, le tour des réactions à cette situation que peut envisager le Président. La première réaction serait de prendre, en un sens, les Français au mot. Parce qu’ils veulent aujourd’hui une république irréprochable, parce que, après tout, ce fut une des promesses de la campagne présidentielle, qu’on la leur donne. Sauf que c’est plus facile à dire qu’à faire. La corruption, petite ou grande, est endémique depuis les années Mitterrand, depuis que les socialistes ne sont plus socialistes et que la Droite aime toujours autant l’argent. Concrètement, on pourra faire voter de nouvelles lois sur les déclarations fiscales des députés, des sénateurs et des ministres ; cela ne remplacera pas la probité et le sens de l’État. Or d’État, il n’y en a plus guère, dépecé entre les multitudes d’empiètements européens et la voracité des élites locales. Quant à la probité, il faudra revenir sur plus de trente ans de promotion de l’argent et de la fortune personnelle. Vaste programme, et pas quelque chose que l’on met en place en quelques années. Donc, ces lois de moralisation que l’on nous promet ne régleront pas le problème, même si elles peuvent apporter un petit mieux en certains domaines. Surtout, ces lois ne sont pas une réponse à la question posée. Les Français, oui, veulent une république irréprochable, mais ils veulent d’abord et avant tout des emplois et une autre politique économique. À se tromper dans les priorités, on s’exposerait à des déconvenues d’importance. Rien ne serait pire que de faire apparaître ces mesures pour une nouvelle opération de communication. Les Français ont soupé de cela. Cette communication ne nourrit pas son homme (ni sa femme), et ventre creux n’a plus d’oreilles.

    On peut, ensuite, penser à un remaniement ministériel. Il est demandé par de nombreux observateurs, et constituerait à l’évidence une manière élégante de se débarrasser de Moscovici. Il faut aussi compter avec la curiosité des médias qui s’intéresseront aux nouvelles têtes de ce gouvernement. Mais, sur le fond, un remaniement pour quoi faire ? Si l’idée est de continuer la même politique avec des habits différents, ce n’est guère une bonne idée. Elle fera gagner trois mois au Président, guère plus. Elle le privera d’un pareil recours par la suite ou du moins en affaiblira la portée symbolique. Cela revient à un « coup » de communication, et l’on a dit que l’époque où l’on pouvait croire faire de la politique par ces derniers était révolue.

    Un remaniement ne fait sens que s’il met en scène une réelle inflexion de la politique conduite depuis mai dernier. Mais est-ce possible tant que nous restons dans le cadre de contraintes qui est le nôtre depuis ces derniers mois et même ces dernières années ? En fait, si l’on regarde bien des mesures prises, on voit qu’elles découlent directement du pacte budgétaire européen, officiellement appelé Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Même l’ANI est une tentative de réponse à la crise de compétitivité qui frappe la France dans le cadre de l’Euro. C’est bien parce que nous nous sommes liés les mains en matière de dévaluation que nous sommes contraints d’appliquer ce genre de mesure. Tant que nous serons connivents, par la voix de nos gouvernements, à notre propre malheur, il n’y a rien à espérer.

    Il reste l’hypothèse d’une dissolution. C’est d’ailleurs celle qui a, aujourd’hui, la préférence d’une majorité des Français. En fait, un sondage d’OpinionWay, pour Le Figaro et LCI, diffusé le dimanche 7 avril montre que 33% des personnes interrogées sont pour une dissolution, 28% pour un remaniement total du gouvernement, 10% pour un remaniement partiel tandis que 28% seulement souhaitent que rien ne bouge8. Mais une dissolution, compte tenu du mode de scrutin actuellement en vigueur, n’apporterait que peu de changements. Peut-être impliquerait-il une nouvelle cohabitation. Mais ceci est une réponse très inférieure à ce qu’attendent les Français.

    Quelle sortie de crise ?

    Nous en sommes là aujourd’hui. Le Président ne voulant pas changer de politique, il devra affronter la crise qui s’est levée et qui ne manquera pas de s’amplifier tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il verra chacune de ses actions manquer son but, chacun de ses efforts se perdre dans la tourmente, tant il est vrai que la défaite appelle la défaite. Il aura beau dire « j’ai essayé », nul ne lui en saura gré. S’il s’intéressait à la stratégie militaire, il saurait que c’est dans une situation de ce type qu’il faut surprendre. En refusant le renoncement, en renversant la table tant qu’il en est encore temps, en renouvelant son équipe, il peut sortir par le haut de cette crise. Mais pour cela, il faudra qu’il sacrifie ce qui lui tient le plus à cœur, c’est-à-dire l’Euro.

    Jacques Sapir (RussEurope, 7 avril 2013)

     

    Notes :

    1. Jacques Sapir, “Vers une crise de régime ?”, billet publié sur le carnet Russeurope le 09/03/2013, URL: http://russeurope.hypotheses.org/1007 []
    2. Boursier.com, « Le Portugal au pied d’un mur d’austérité », le 7 avril 2013, URL : http://www.boursier.com/actualites/economie/le-portugal-au-pied-d-un-mur-d-austerite-19293.html []
    3. Voir Eurostat, « Le volume des ventes du commerce de détail en baisse de 0,3% dans la zone euro », communiqué du 5 avril 2013, 53/2013. []
    4. AFP, « Jérôme Cahuzac a menti à une banque suisse, selon un quotidien », le 6 avril 2013, URL : http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5iAnzOdPras . Ces informations confirment ce qu’affirme Edwy Plenel, le directeur de Mediapart. []
    5. Le Monde.fr, « Pierre Moscovici assure avoir fait “tout ce qu’il devait », le 7 avril 2013, URL : http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/04/07/pierre-moscovici-assure-avoir-fait-tout-ce-qu-il-devait_3155520_823448.html []
    6. Voir Le Figaro du 10 février 2013, URL : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/02/10/97001-20130210FILWWW00015-cahuzac-blanchi-par-le-fisc-suisse.php []
    7. http://blogs.mediapart.fr/blog/jolemanique/070413/scandaleux-moscovici-semble-mentir-la-republique-la-representation-nationale-et-aux-citoyens-selon []
    8. A. Zennou, « Le fossé se creuse entre les Français et les politiques », 7/04/2013, http://www.lefigaro.fr/politique/2013/04/07/01002-20130407ARTFIG00141-le-fosse-se-creuse-entre-les-francais-et-les-politiques.php []
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  • Vers une crise de régime ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'économitse hétérodoxe Jacques Sapir, cueilli sur son blog RussEurope et consacré à la crise qui d'économique devient politique...

     

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    Vers une crise de régime

    Les sondages indiquent un effondrement de la popularité du Président, mais aussi du Premier Ministre et des ministres du gouvernement. Moins d’un an après l’élection présidentielle, et les élections législatives, c’est un phénomène très rare de désaffection massive1, qui conduit certains commentateurs à parler d’« enfer ». François Hollande se retrouve avec seulement 33% de réponses lui accordant leur confiance pour résoudre les problèmes du pays. Il est au plus bas d’un Président dans l’année suivant l’élection2. Jean-Marc Ayrault, avec pour sa part 30% d’opinions favorables, enregistre un record absolu. De manière significative, la chute des opinions favorables est la plus forte chez les ouvriers et les employés ainsi que chez les jeunes (avec 30%), et la plus faible chez les cadres. Notons enfin le faible nombre de réponses « ne se prononce pas » avec 5% de l’échantillon. Les résultats du sondage sont donc représentatifs de l’opinion des Français. Des résultats à peu près similaires avaient été obtenus dans un sondage IFOP-Paris Match réalisés quelques jours auparavant3. On dira que ce gouvernement et ce Président l’ont bien cherché. Rarement a-t-on vu en aussi peu de temps autant de promesses se transformer en leurs contraires. Rarement aussi aura-t-on vu s’établir, dans le cadre d’une supposée alternance politique, une telle continuité avec la politique du précédent gouvernement, politique qui avait été rejetée tant aux élections présidentielle que législatives du printemps dernier. Ceci explique sans doute la chute de François Hollande dans les sondages, chute à la hauteur des espérances qui s’étaient portées sur sa personne. À cela ajoutons un style de gouvernement quelque peu déroutant. Et l’on sait bien que « le style c’est l’homme » (ou la femme).

    L’effondrement de la popularité du pouvoir et ses conséquences

    Le problème posé par cet effondrement de la cote de popularité tant du Président que du gouvernement est qu’a priori ceci ne devrait pas avoir de conséquences. Les prochaines échéances électorales sont en 2014. Et c’est l’un des raisons pour lesquelles le pouvoir fait actuellement le dos rond, espérant qu’une amélioration de la situation économique se produira entre la fin de cette année et le début de l’année prochaine. On a déjà, et à plusieurs reprises, expliqué pourquoi une telle hypothèse avait très peu de chance de se réaliser. La France s’enfoncera progressivement dans la récession, à moins qu’un effondrement de la consommation des ménages ne provoque un basculement de la récession vers la dépression, et une accélération brutale de la progression du chômage (Chômage, la marée noire qui nous menace). Les implications politiques de la trajectoire économique doivent donc être étudiées avec attention.

    Au mieux, les élections prévues en 2014 se transformeront en un vote sanction qui sera d’autant plus massif que les enjeux électoraux sont limités. Car en matière d’élections, nous serons servis pour 2014. Tout d’abord nous aurons en mars 2014 des élections municipales, les élections cantonales et régionales devant être repoussées à 2015. Dans des élections municipales, le facteur « local » a traditionnellement une grande importance. C’est ce qui explique qu’à l’heure actuelle on ne prévoit pas de grands déplacements de voix4. Mais, ceci pourrait changer d’ici aux élections. Dans le contexte probable qui dominera en France, il n’est pas impossible qu’elles puissent prendre l’allure d’un test national. Puis, en juin 2014, se tiendront les élections européennes. Ces élections prendront, elles, naturellement la dimension d’un test national. Mais elles auront aussi des enjeux limités, compte tenu des faibles pouvoirs du Parlement européen. Il est donc probable que le message envoyé par les électeurs soit très clair, mais qu’il soit ignoré par le pouvoir et les états-majors politiques. On voit très bien qu’il n’est pas impossible que le Front National, ou l’un de ses avatars, se hisse à plus de 30% des suffrages dans une élection marquée par ailleurs par une faible participation. Ce serait un coup de tonnerre dans la vie politique française, mais un coup de tonnerre que les médias n’auraient de cesse de transformer en coup de cymbales. Tout sera mis en œuvre pour que les leçons d’un tel scrutin ne soient pas entendues, et nous continuerons, en brinquebalant, à aller jusqu’à l’élection présidentielle de 2017. Tel est, fondamentalement, le scénario dans lequel François Hollande met ses espérances, comptant bien être réélu, en dépit de tout ce qu’il a fait et n’a pas fait, s’il devait affronter au deuxième tour Marine Le Pen. Ce pari est risqué ; bien des choses peuvent changer d’ici 2017. Cependant, convenons qu’il est tentable. Il est en tout cas dans la logique « mitterrandienne » qui inspire aujourd’hui François Hollande.

    Mais une autre hypothèse, tout aussi et même plus probable, est aujourd’hui parfaitement possible. Elle représente le pire, du point de vue du pouvoir actuel, et ne doit pas être écartée à la légère. Si l’économie française connaît une chute brutale d’activité dans le cours de 2013, la perte de crédibilité du gouvernement et du Président se transformera en une perte de légitimité. Cette crise de légitimité pourrait survenir de la conjonction de trois mouvements dont on sent dès aujourd’hui la montée dans la société : une colère politique, une colère sociale, une colère issue d’un sentiment de la perte d’identité. C’est là l’hypothèse la plus sérieuse sur laquelle il convient de réfléchir, car la crise de légitimité implique une crise de régime.

    Les trois colères

    La colère politique est facile à prévoir. Elle s’enracine sur un mécontentement allant s’approfondissant et sur le fait que ce dernier ne peut, en théorie, trouver de solution d’ici 2017. Ce mécontentement est redoublé du fait qu’une partie des électeurs qui font partie du socle traditionnel de la gauche s’estime flouée par la politique actuelle du Président et du gouvernement. Ceci est visible dans les sondages récents où le recul de François Hollande est le plus important dans les catégories qui l’ont le plus soutenu : les ouvriers, les employés, les professions intermédiaires et les jeunes. Une partie des responsables du Parti Socialiste s’en inquiète d’ailleurs. Cette déception pourrait, si elle s’enracinait d’ici les prochains mois, se transformer en un mouvement d’abstention massif lors des élections de mars 2014, modifiant ainsi brutalement les rapports de force. Mais, il convient immédiatement de dire que la droite traditionnelle n’est pas une alternative, et qu’elle est encore très peu audible sur les préoccupations de cet électorat. Voilà qui incite à penser que cette colère politique pourrait s’exprimer hors du cadre électoral, ou s’incarner dans tout mouvement rejetant d’emblée les partis traditionnels.

    La colère sociale est elle aussi facilement prévisible. Elle s’exprime à la fois dans la montée de la violence sur des sites qui sont devenus emblématiques de la crise (PSA-Aulnay, Continental-Amiens) et dans une désespérance très sensible dans des milliers de petits sites où, à une échelle plus réduite, se rejoue le même drame. L’échec relatif de la mobilisation syndicale contre le projet d’accord ANI entre le MEDEF et quelques syndicats minoritaires ne doit pas faire illusion. Il n’y a eu échec que parce que l’on a proposé à des gens en colère et désespérés des formes bien trop traditionnelles d’expression de leur colère et de leur désespérance. Cet échec est avant tout celui des formes classiques de mobilisation syndicale. Notons déjà que la conjonction de la colère politique et de la colère sociale est redoutable. Le potentiel d’une explosion massive ne fait donc que se renforcer, mais cette explosion suivra des voies différentes de celles qui ont été tracées par les syndicats. Seuls ceux qui sauront s’y adapter y survivront. Cette explosion sera, selon toute vraisemblance, violente. Elle confrontera directement les organes du maintien de l’ordre (Police et Gendarmerie) au choc frontal avec cette colère. Comme ces organismes sont eux aussi travaillés, pour des raisons générales mais aussi des raisons particulières, par un fort mécontentement, nul ne peut dire quelle sera l’issue de ce choc. Si le gouvernement met en œuvre une politique directement répressive, il risque d’aggraver dans des proportions considérables la fracture politique qui se dessine. S’il tergiverse, il peut être emporté par une succession de mouvements se renforçant l’un l’autre.

    La colère issue du sentiment de perte de l’identité est un phénomène encore plus complexe à décrypter. Elle a, bien entendu, une dimension politique, qui s’enracine dans le déni de démocratie auquel on a assisté en 2005 lors du référendum sur le projet de constitution européenne. Les partisans du « non », largement victorieux, ont été dépossédés de leur victoire, une manœuvre à laquelle François Hollande a été connivent. Les Français ont eu, à ce moment, le sentiment d’être dépossédés de la démocratie, de leur démocratie. Les gouvernants et une partie de l’opposition ont cru que ce sentiment serait passager. C’était oublier le lien très profond, enraciné dans l’histoire, qui unit en France le peuple avec le principe de la démocratie (et non nécessairement ses formes). De là date une fracture symbolique5. Cette fracture s’est transformée en une facture qu’il faudra bien solder. Il n’est pas sans une certaine ironie que cette facture retombe sur François Hollande qui, en tant que dirigeant du Parti Socialiste, a beaucoup fait pour l’existence de cette fracture et de cette facture. Cette colère a aussi une dimension sociale, en ceci que le mouvement de désindustrialisation qui s’accélère aujourd’hui nous confronte à l’image d’une France qui n’est plus celle que nous connaissions, ou que nous pensions connaître : un pays fier de ses réalisations industrielles. Une partie importante de la population, qui excède de loin le nombre des simples ouvriers d’industrie, est très profondément attachée à cette image de la France. C’est ce qui explique le succès initial du Ministère du « Redressement productif ». Mais la maîtrise du verbe ne masque qu’un instant les réalités. L’importance de ce sentiment de perte de l’identité, qui peut s’incarner passagèrement dans un rejet de l’« autre », tient en ce que s’articulant avec la colère politique et la colère sociale, il va provoquer provoquer une délégitimation massive du pouvoir.

    Vers la guerre civile ?

    La crise qui s’annonce va faire voler en éclats l’idée d’une « démocratie apaisée ». D’une part, cette expression est une contradiction dans les termes. Les intérêts qui divisent une société ne sont pas de ceux qui peuvent se régler dans le calme feutré des cénacles privés. Leur exposition au grand jour, qui est l’une des conditions nécessaires à l’existence d’une véritable démocratie, implique un degré d’affrontement qui rend illusoire toute idée d’apaisement. D’autre part, quand les conditions d’exercice de la démocratie sont à ce point fautives que des colères convergentes ne trouveront pas de formes institutionnelles d’expression, il est illusoire de chercher à s’abriter derrière l’idée d’une « démocratie apaisée ». Il faut d’ailleurs remarquer que, de ce point de vue, la France n’est nullement une exception. C’est à un phénomène du même ordre que l’on a assisté lors des récentes élections italiennes.

    Dès lors, le pouvoir actuel a devant lui trois options. Il peut rester « droit dans ses bottes », et supporter la totalité du choc de ces trois colères. Il est possible qu’il y survive, mais au prix d’une répression qui le fera changer de nature et se transformer en Tyrannie. Il est aussi possible, et c’est l’hypothèse la plus probable, qu’il soit brisé par cet affrontement, ouvrant alors une période d’incertitudes politiques et institutionnelles comme la France n’en a pas connues depuis 1958. Il peut chercher à dévier la lame de fond qui monte, en organisant des élections anticipées, donnant ainsi une forme d’expression dans le cadre institutionnel actuel à ces trois colères. Mais, le système électoral français est ici mal adapté. Rien ne serait pire que l’élection d’un nouveau Parlement qui ne soit pas à l’unisson des sentiments de la majorité de la population. Il peut, enfin, chercher à anticiper sur ces événements et changer radicalement de politique, apaisant ainsi la colère sociale et la colère identitaire. C’est la voie de la logique et de la raison, chose dit-on la plus mal partagée au monde…

    Jacques Sapir (RussEurope, 9 mars 2013)

     

    Notes

    1. La cote de Hollande au plus bas, Les échos, 07/03/2013 []
    2. Nicolas Sarkozy était tombé à 38% d’opinions favorables en mars 2008. []
    3. Sondage: François Hollande toujours en baisse, 20 minutes, 05/03/2013 []
    4. Municipales : premier sondage avant le scrutin, Le Figaro, 08/03/2013 []
    5. J. Sapir, La Fin de l’eurolibéralisme, Paris, Le Seuil, 2006. []
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