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crise - Page 11

  • L'année du chaos ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Joris Karl, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la violente aggravation de la crise que pourrait nous réserver l'année 2013... A titre de mise en bouche, vous pourrez découvrir le scénario noir de 2013, imaginé par France 2 dans son journal de 20 heures du 20 décembre 2012 et évoqué dans l'article.

     


    2013, l'année du chaos ?

    Le Français moyen pense que ça n’arrivera jamais, comme en 1937 il ne pensait pas que 1940 fut possible. Mais la catastrophe approche, inexorablement, mathématiquement. On peut la humer à distance, comme une bête sauvage aux relents de malheurs, qui se faufilerait dans les sous-bois économiques. Les branches craquent dans la nuit, on l’entend toujours plus près, mais on préfère se blottir au fond du lit, en espérant que tout cela n’est qu’une légende. Et pourtant…

    Les médias ne peuvent plus cacher la réalité, c’est à cela qu’on voit ce qui se prépare. Nous avions déjà le président Hollande qui annonçait une année 2013 durant laquelle le chômage ne cesserait d’augmenter, ce qui, pour un homme au pouvoir, était une première assez couillue !

    Nous avions cet étrange docu-fiction de France 2 qui jouait à nous faire peur : « 2013, le scénario noir »

    Et puis, le réveillon à peine digéré, ce dossier paru dans Le Parisien, évidemment repris à la télé (France 3) : les véritables chiffres du chômage enfin dévoilés. Une bombe atomique qui a explosé à l’heure où, personnellement, je sortais mes lentilles du micro-ondes.

    « 9 Millions de chômeurs en France à ce jour ». Je n’osais pas en croire mes oreilles. Même un dur à cuire du FN n’aurait pas osé ce chiffre de malade. Dire que je passais pour un néo-nazi quand j’annonçais cinq millions de chômeurs dans les dîners en ville…

    La réalité éclaboussait tout. Aux 3 millions et quelques d’inscrits métropolitains à Pôle Emploi, on ajoutait ceux de l’Outre-mer. On atteignait alors 5 millions et demi de sans emploi ou en activité (très) réduite. Pour une fois inspirés, les journalistes avaient la terrible idée de continuer l’addition maudite. Et vlan, encore 1 300 000 bénéficiaires du RSA ; et vlan, 1 500 000 personnes « en temps partiel subi » qui vivotent au gré de CDD au rabais. Et bang, encore 830 000 « découragés » qui ont abandonné toute démarche. Sale décompte, sale total. Au pourcentage de la population active, cela fait donc… 30 % de sans emplois. Un chiffre ahurissant, digne des heures sombres de la République de Weimar !

    Pour corser le tout — j’avais tout juste fini d’avaler mes lentilles —, une jolie présentatrice enfonçait le clou : le secteur automobile français obtenait son pire résultat depuis 1997 avec moins 14 % de vente en 2012.

    Après six mois de plans sociaux à répétitions, la France peut regarder avec terreur ses voisins s’enfoncer. De l’Espagne à la Grèce, c’est à qui plongera le premier. « Ils » pourront multiplier les réunions de la dernière chance pour sauver l’euro, remonter les cours de la bourse au cric, au bout d’un moment, l’étincelle jaillira. On ne sait pas où, pas quand. Peut-être en mars, peut-être en septembre. En tout cas, la machine infernale de l’immigration (300 à 500 000 personnes qui débarquent chaque année en France) ne va pas ralentir, au contraire.

    Préparez-vous.

    Le chaos, c’est demain.

    Joris Karl (Boulevard Voltaire, 4 janvier 2013)

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  • 2013 : la France paupérisée...

    Nous reproduisons ci-dessous un article, malheureusement parfaitement juste, de Cathy Cardaillac, cueilli sur Polémia et consacré à la paupérisation galopante qui gagne notre pays...

    sdf métro.jpg


    Il pleut dans les couloirs du RER

    La France d'aujourd'hui, c'est la Pologne des années 1980


    Il y a la pauvreté d’abord. La récente « conférence contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » s’en est inquiétée, débouchant sur un « pacte de solidarité » annoncé par le premier ministre. Autant de jolis mots qui masquent très mal la terrible réalité : 9 millions de personnes, soit 14% de la population, vivent en dessous du seuil de pauvreté (fixé à 964 euros par mois pour une personne seule). La réalité crue de la pauvreté nous saute de plus en plus violemment à la figure. Les bidonvilles ont refait leur apparition tout le long du périphérique, le bois de Vincennes est investi été comme hiver par des sans-abris vivant sous la tente, les marchés de biffins permettent à ces pauvres de gagner 5 euros par jour en vendant de la nourriture périmée à d’autres pauvres. A côté de cette misère – très souvent d’importation –, il y a aussi la pauvreté petite bourgeoise, celle de ces Français qui vous demandent discrètement un euro ou deux pour manger, ou qui renoncent à chauffer leur logement. Ce n’est pas l’augmentation prévue du RSA qui va remédier au problème. Si le choix politique de l’assistanat marchait, ça se saurait. La préférence française pour l’assistanat est, au contraire, le terreau de la pauvreté, notamment parce qu’il encourage son importation.

     

    Il pleut dans le RER

     

    La pauvreté n’est pas qu’individuelle. En témoigne l’indigence des infrastructures. Certes, le TGV est formidable, mais de moins en moins de gens le prennent car son prix a explosé. L’usage d’une voiture, et même sa simple possession, étant devenu un luxe, nombreux sont ceux qui sont de fait assignés à résidence, comme l’étaient les malheureux Polonais que nous regardions avec pitié dans les années 1980.

     

    Parlons donc des infrastructures que nous pouvons ou devons utiliser, celles du quotidien en région parisienne. Il pleut dans le RER. Non, j’exagère, il ne pleut pas encore sous terre, mais l’humidité suinte des murs et des plafonds lépreux et l’usager slalome entre les flaques et le troupeau. Le RER est plein toute la journée, mais aux heures de pointe, les gens sont traités comme du bétail. Pas comme des salers sur les pentes du massif Central, non, comme du bétail de batterie. En plus d’être inhumaines et dégradantes, les conditions de transport sont telles qu’elles sont dangereuses. Il y aura des morts un jour, et d’ailleurs il y en a déjà (agressions, « pousseurs »). Autre joie du transport, le défilé de mendiants de toute sorte qui énervent ou émeuvent (et dans le dernier cas finissent par coûter cher). Le métro de Moscou, au moins, était propre, beau et ordonné.

     

    « Vous avez vu leur tête ? »

     

    Et la profonde dépression qui se lit sur les visages… Où est la Parisienne des gravures de mode et celle que s’imaginent les étrangers ? Les femmes que l’on voit dans les transports en commun n’ont pas plus envie de s’habiller que les Polonaises des années 1980. Là, l’argent seul n’est pas en cause. C’est bien l’envie qui manque. L’envie de plaire, l’envie de se plaire, l’envie de se faire beau pour les autres, pour paraître en société.

     

    A quoi bon se faire beau dans une société aussi laide ? En haut, il y a les soi-disant « élites », en fait la nouvelle nomenklatura : footeux, mannequins, acteurs, chanteurs, politiques et « grands » journalistes, en vacances d’hiver à Marrakech en leur riad. Et en dessous il y a tous les autres – même ceux qui ne s’en rendent pas encore compte – voués à des autoroutes trop chères, à des routes saturées, à des transhumances annuelles et à des séjours touristiques de plus en plus brefs. Invités à se précipiter dans des magasins encore ouverts le 23 et le 24 décembre jusqu’à minuit pour pouvoir acheter leurs « derniers cadeaux ». Il y a la consommation pour les pauvres – les cadeaux made in China achetés dans la cohue – et celle pour les riches, l’équivalent français et actuel des magasins d’Etat soviétiques et des beriozka réservées aux possesseurs de devises. La malbouffe pour le grand nombre, et la gastronomie pour les riches. En région parisienne, voit-on encore des ouvriers manger dans des petits restos ? Non, les ouvriers vont à la boulangerie s’acheter une quiche qu’ils mangent dehors, comme les étudiants, comme les « profs » (on n’ose plus parler de professeurs), comme les employés de bureau dont les tickets restaurant couvrent non pas le prix d’un resto mais celui d’une quiche et d’une boisson gazeuse à la Défense.

     

    « C’est la débandade généralisée ! »

     

    La pauvreté collective, c’est aussi celle des services publics en déshérence. Hôpital, école, université, police, justice, armée, la paupérisation avancée gangrène tous ces secteurs. A la poste, vous avez de la chance si vos cartes de vœux ne mettent pas plus d’une semaine à arriver et si vos colis ne sont pas ouverts et pillés. Il est un domaine toutefois où l’Etat français sait encore être efficace : le recouvrement de l’impôt, surtout sur les classes moyennes.

     

    « Joyeuses fêtes ! »

     

    La pauvreté collective est aussi spirituelle. Haine de soi et démoralisation imposée aux Français, avec pour résultat une défrancisation massive, manifeste dans la langue de tous les jours, les prénoms, la disparition de l’histoire de France. La belle fête de Noël est réduite à la surconsommation alimentaire et matérielle, sans plus aucune référence chrétienne. D’ailleurs le mot même de Noël, pas assez « inclusif », tend à être remplacé par celui de « fêtes ».

     

    Big brother est partout

     

    Et pire que tout, le mensonge permanent dans lequel nous vivons, et l’autocensure. Car la police de la pensée rôde, certes, sans violence physique, mais après tout même la Stasi utilisait plus la contrainte psychologique que la violence physique. Est-on libre quand on risque son travail ou un contrôle fiscal pour penser et surtout vouloir faire savoir que l’immigration n’est pas forcément une chance pour la France, que l’avenir européen n’est pas radieux et/ou que le pays est dirigé de façon catastrophique et irresponsable depuis 30 ans ? Pierre Sautarel a été convoqué une quinzaine de fois au commissariat en un an par des autorités qui l’accusent d’être responsable du blog fdesouche. Pour l’affaire de la mosquée de Poitiers, quatre militants ont été mis en examen et contraints à se présenter chaque semaine au commissariat de Poitiers, même quand ils habitent à l’autre bout de la France. Leur porte-parole a été viré de son école et est convoqué au commissariat le 31 décembre au soir. L’arsenal répressif est riche, entre les lois liberticides et les intimidations et vexations de toute sorte.

     

    300 000 à 400 000 citoyens français vivent dans la capitale britannique

     

    Et puis, il y a l’exode de tous ceux qui le peuvent : les riches, mais aussi les jeunes, et ceux qui ont un diplôme vendable à l’étranger. Le phénomène est absolument massif et n’a pas encore fait l’objet de la prise de conscience qu’il mérite. La dette, la paupérisation, les bidonvilles, même, tout cela a fait l’objet ou est en train de faire l’objet d’une prise de conscience : même le JT de France 2 en parle ! Quand les médias parlent de l’émigration – qu’ils préfèrent d’ailleurs qualifier du nom euphémisant d’expatriation – c’est pour la présenter comme un phénomène positif, et non comme la véritable sécession à bas bruit qu’elle est souvent.

     

    La drogue, la recherche du bonheur ou le rejet de la débine ?

     

    Pour ceux qui ne peuvent pas changer de vie, il y a aussi la fuite dans la drogue ou dans les médicaments psychotropes. Les jeunes Français sont les plus gros consommateurs de cannabis et les Français (surtout les femmes) sont champions du monde de la consommation d’antidépresseurs, anxiolytiques et somnifères. Comme toujours, on accuse les médecins, qui prescrivent trop, paraît-il. Mais ne faudrait-il pas s’interroger plutôt sur le besoin auquel ces médecins répondent ?

     

    Conclusion : les Français sont pauvres et malheureux !

     

    Les Français vivent mal, les Français sont pauvres. Le Tiers-Monde sans le soleil, c’est ça la France d’aujourd’hui. Face à une telle dépression, il n’y a qu’une alternative : la renaissance ou le suicide. En Pologne, pendant l’Avent, il y a des chorales d’enfant, des crèches et des vendeurs de carpes à tous les coins de rue. Toute l’année, les ouvriers et les employés mangent au restaurant, dans des restaurants où la patronne fait la cuisine. Trouverons-nous notre Solidarnosc ?

     

    Cathy Cardaillac (Polémia, 26 décembre 2012)

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  • Un bilan de l'année 2012...

    Nous reproduisons ci-dessous le bilan de l'année 2012 dressé par Michel Geoffroy pour Polémia. A méditer avant de franchir le seuil de la nouvelle année...

     

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    Bilan 2012 : ethnicisation des clivages politiques et post-démocratie

    1/ L’ethnicisation des clivages politiques : l’immigration, boulet politique

    2012 a vu la réélection de B. Obama qui n’a recueilli aux Etats-Unis que 39% du vote des électeurs blancs ; par contre, il a mobilisé le vote des Afro-Américains et des Hispaniques. En France, F. Hollande a été élu alors qu’il ne rassemblait ni la majorité des inscrits ni celle des votants ; par contre, il a bénéficié à 86% du vote des électeurs musulmans et, à une majorité écrasante, des voix des électeurs outre-mer.

    La similitude des deux processus signifie que la grande substitution de population européenne initiée par l’oligarchie avec l’immigration de peuplement a commencé en 2012 à exercer des effets politiques nationaux d’envergure et manifestement durables.

    Aux Etats-Unis comme en France, l’élément fondateur de l’identité nationale –que ce soient les descendants des colons « wasp » ou les Français de souche – est en décroissance numérique, à la différence des « minorités » ethniques : cela commence à se traduire politiquement.

    En France, la gauche a misé sur l’immigration pour asseoir son assise électorale et elle entend exploiter au maximum ce filon ; d’où sa volonté de faire aboutir son projet d’ouverture des élections locales aux étrangers et, bien sûr, son attitude systématiquement laxiste sur la question des migrations.

    Les élus locaux « républicains » avaient déjà compris la nécessité de courtiser le vote musulman, ce qui s’est traduit notamment par leur attitude bienveillante vis-à-vis de la construction de mosquées. En retour, la France immigrée vote pour la gauche, c’est-à-dire pour plus d’immigrés.

    L’immigration n’est donc plus seulement un boulet économique et social. 2012 démontre qu’elle devient aussi un boulet politique dont le poids électoral ne se limite plus au niveau local mais pèse désormais sur les scrutins nationaux. Masse de manœuvre économique du patronat, l’immigration devient aussi la masse de manœuvre électorale de l’oligarchie pour contrer la révolte européenne qui vient.

    Bonne année 2012 aux Français de souche !

    2/ La progression de la menace islamiste

    Les assassinats commis en mars 2012 par Mohamed Merah à Toulouse ont porté sur la place publique une autre réalité que l’oligarchie s’efforçait de cacher : celle de la gravité de la menace islamiste en Europe.

    Dans le cas Merah, en effet, tout a été fait par le système médiatique pour brouiller la perception des choses.

    On a d’abord tenté d’orienter les esprits vers la piste de l’attentat raciste commis, bien sûr, par la terrible « extrême droite », jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de cacher le nom de l’assassin. Pas de chance ! Les médias nous ont alors dit, comme à l’habitude en pareil cas, qu’il ne fallait pas faire d’amalgame car il s’agissait du geste « incompréhensible » d’un isolé. Puis on nous a dit que Merah avait subi la mauvaise influence de son milieu familial. Puis on a découvert qu’il avait des contacts réguliers avec la mouvance islamique. On sait aujourd’hui que la sûreté française le surveillait, manifestement pas assez, pour cette raison. Bref, que le gentil garçon amateur de voitures rapides, était un terroriste potentiel qui est passé à l’acte.

    Le gouvernement Aznar avait lui aussi essayé de cacher l’identité des auteurs de l’attentat islamiste de Madrid de 2004 et il a perdu sa majorité pour cela. En France comme en Espagne, l’oligarchie qui ne cesse de prétendre que l’immigration est une chance et que la suppression des frontières est un progrès des droits de l’homme, s’efforce en contrepartie de dissimuler la réalité de l’islamisme qui en découle, comme la nuée porte l’orage. Mais les faits, comme Merah, sont têtus.

    Tout comme le sont les Printemps arabes, également salués par l’oligarchie qui y voyait le triomphe de ses « valeurs » et de la démocratie ; mais la fin des méchants « dictateurs », comme en Iran, signifie l’arrivée au pouvoir des islamistes, cette fois plus près de chez nous.

    Bonne année 2012 aux habitants de Toulouse et à tous les riverains de la Méditerranée !

    3/ La post-démocratie en marche

    2012 marque aussi une nouvelle progression vers l’instauration de la post-démocratie en France.

    Ce régime repose sur un credo simpliste et destructeur :

    • -les droits de l’homme comme le point de vue des minorités l’emportent en toute chose sur ceux des citoyens car il ne faut pas que la majorité les « discrimine » ;
    • -l’économie, c’est-à-dire le gouvernement des choses, doit succéder à la politique, c'est-à-dire au gouvernement des hommes ;
    • -le juge doit l’emporter sur le législateur.

    Ce qui signifie qu’en post-démocratie le verdict des banques, des médias et des juges importe plus que les préférences majoritaires des électeurs, a fortiori des électeurs autochtones.

    Cela induit un divorce de plus en plus profond entre le pays réel et le pays légal.

    C’est pourquoi les initiatives de la nouvelle « majorité » socialiste heurtent de front l’opinion majoritaire des autochtones : fiscalisme, écologisme, mariage et adoption homosexuels, droit de vote des étrangers aux élections locales, laxisme pénal, mesures en faveur des Roms et des immigrants, etc. Car ces initiatives, qui s’analysent comme une violence faite au corps social, répondent aux souhaits des minorités actives et de l’oligarchie financière, mais pas de la majorité du peuple français. Car en post-démocratie les minorités font la loi.

    Pendant longtemps les Français sont restés passifs face à l’avènement de la post-démocratie, parce que la société de consommation rendait celle-ci aimable. Mais aujourd’hui que la pénurie et la précarité s’installent avec la non-croissance et le chômage structurel, il en va autrement. On ne rit plus et la révolte, lentement, se propage dans le corps social.

    Pas étonnant que l’image de l’exécutif se dégrade encore plus rapidement que sous la présidence Sarkozy !

    Un nombre croissant d’intellectuels qui n’hésitent pas à courir le risque de la diabolisation marquent aussi leurs distances vis-à-vis d’un tel système. Cela veut dire que la glaciation idéologique qui accompagnait la mise en place du système oligarchique a cessé. Comme en URSS autrefois, le système ne fait plus rêver : il ne repose plus que sur la contrainte pour le plus grand nombre et sur l’intérêt pour une petite minorité qui est aux commandes de l’appareil.

    On sait qu’une telle combinaison dure rarement.

    Bonne année 2012 à tous les démocrates !

    4/ L’incroyable nullité de la droite française

    La gauche française doit sa victoire cataclysmique de 2012 au rejet de la personne de N. Sarkozy et au fait que la droite se trouve coupée artificiellement en deux : entre une droite qui se prétend « républicaine » et une droite populiste et diabolisée par le système. Alors que la gauche s’unit toujours le temps des élections.

    Comme l’a bien montré le débat sur la reconnaissance du vote blanc, la « majorité » gouvernementale socialiste est en réalité minoritaire en voix dans le pays. Alors que l’opinion des Français autochtones évolue de plus en plus à droite, ce qu’illustre d’ailleurs le succès de la motion de la Droite forte à l’UMP (28% des suffrages), la gauche cumule finalement tous les pouvoirs politiques en France aujourd’hui. Et F. Hollande, personnalité peu charismatique, qui se targuait d’ailleurs significativement lors de la campagne de 2012 de sa « normalité », se trouve donc élu président de la République.

    On aurait pu penser que l’échec de 2012 aurait donné à réfléchir au sein des appareils de la droite « républicaine ». Hélas, non contente de s’en tenir à une tactique digne du sapeur Camember – qui se jetait à l’eau pour éviter la pluie – consistant à diaboliser le Front national tout en prétendant séduire ses électeurs par des promesses verbales, l’UMP vient au surplus de se diviser elle-même. Car à droite la division est une seconde nature.

    L’année 2012 restera marquée par une incroyable guerre des chefs à l’UMP. En quelques jours et en direct, tout un personnel politique qui tenait le haut des médias a laissé apparaître son triste visage : des politiciens attachés à leurs places, incapables de faire passer l’intérêt général avant leurs ambitions, incapables de s’entendre sur une stratégie.

    Mais, au-delà du spectaculaire, cette implosion exprime la volonté obtuse des états-majors de la droite de tout faire pour empêcher la constitution d’une large union incluant la droite populiste, qui serait seule capable de battre la gauche.

    La crise de l’UMP illustre enfin le divorce croissant entre les états-majors des partis du système, les militants et les électeurs de droite. Le divorce tient au fait que les états-majors refusent ce que la base réclame de plus en plus ouvertement. Il provient aussi du fait que les électeurs de droite en ont assez de voter pour des hommes qui se prétendent de droite et qui en réalité pratiquent une politique de gauche.

    Bonne année 2012 aux gentils électeurs de droite qui votent pour ces gens-là !

    5/  Pendant le spectacle, la zone euro s’enfonce dans la crise

    Les psychodrames politico-médiatiques, ou l’agitation autour des réformes « sociétales » du gouvernement Ayrault, peinent de plus en plus à occulter que la crise économique et financière continue de plus belle. A la différence des années Sarkozy, on continue de couler, mais cette fois dans un épais silence « normal ».

    On a une fois de plus consenti de gros efforts pour sauver la zone euro, c’est-à-dire la zone mark, comme si la monnaie unique constituait une fin en soi. Pour l’oligarchie sans doute, mais pas pour les peuples européens !

    Car la zone euro reste un espace économique hétérogène, donc fragile, caractérisé par une faible croissance et un fort taux de chômage en tout cas dans sa partie sud, car tout a été sacrifié à la stabilité des prix et à l’ouverture des frontières économiques. Parce que le système économique occidental s’organise désormais au bénéfice des prêteurs, donc des banques, alors qu’auparavant il bénéficiait aux emprunteurs, ce qui a favorisé la croissance dans la seconde moitié du XXe siècle.

    Or les prêteurs tiennent à ce que les Etats remboursent leurs prêts : voilà ce que recouvre en réalité la question des « dettes souveraines »: les banques veulent faire rendre gorge aux Etats à qui on a interdit, par dogmatisme, de monétiser leur dette, c'est-à-dire de faire évoluer son prix. Ce système fait désormais mentir le vieil adage européen « Qui paye ses dettes s’enrichit ». Nos ancêtres tenaient les prêteurs en suspicion et ils avaient bien raison !

    Le sort tragique de la Grèce ne doit pas faire oublier que le taux de chômage atteint 25% au 3e trimestre en Espagne, que celui de la France ne diminue pas ou qu’un changement de premier ministre en Italie fait trembler les marchés, c'est-à-dire l’euro, et que cela fait maintenant cinq ans que les responsables politiques déclarent « sauver » l’euro tous les trois mois : c’est fou comme cette monnaie nous rend plus forts !

    Les dettes publiques proviennent aussi du fait que les finances des Etats explosent sous le poids des dépenses sociales, lesquelles ont deux sources principales : le chômage et l’immigration de peuplement. Or sur ces deux causes les gouvernements ne peuvent agir, par dogmatisme néo-libéral et à cause du politiquement correct.

    La zone euro se trouve donc contrainte de mener une politique déflationniste qui ne dit pas son nom : diminuer les dépenses publiques, limiter les salaires et les pensions, augmenter les impôts sur les ménages pour « redresser les comptes publics » mais les diminuer sur les entreprises pour assurer leur « compétitivité » dans une économie sans frontières.

    On sait qu’une telle politique, au demeurant contradictoire et qui ne s’attaque pas aux causes mais seulement aux effets, produit rarement de bons résultats. Ce fut justement la politique conduite par les démocraties dans les années 1930 en Europe.

    Bonne année 2012 à tous les banquiers et à leurs employés : politiciens, publicitaires, journalistes !

    Michel Geoffroy (Polémia, 29 décembre 2012)

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  • Zone euro : que réserve l'année 2013 ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur le site de l'agence de presse russe Ria Novosti et consacré à l'avenir de la zone euro en 2013...

     

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    Zone euro : que réserve l'année 2013 ?

    La zone Euro a connu d’intenses bouleversements durant l’année 2012. Les attaques spéculatives se sont multipliées durant une partie de l’année, tandis que les fondamentaux économiques  continuaient de se dégrader.

    Et pourtant, un sentiment de soulagement était perceptible chez les dirigeants politiques dès le début du mois de novembre. Le Président Français, M. François Hollande, pouvait affirmer que, selon lui, la crise de l’Euro touchait à sa fin. C’est donc à une situation plus que paradoxale que l’on est confrontée en cette fin d’année 2012. En effet, si les déclarations des uns et des autre se veulent rassurantes, en réalité la zone Euro est actuellement en récession, et devrait le rester en 2013 pour le moins.

    Face à la situation désastreuse de la fin du premier semestre 2012, trois changements majeurs ont été annoncés.
    Le premier fut l’annonce par Mario Draghi, le Président de la Banque Centrale Européenne de défendre « à tout prix » l’Euro. Dans la foulée, la BCE annonçait sa disponibilité à racheter des dettes souveraines des pays en difficultés.

    Tout le monde poussa un gros soupir de soulagement, et certains journalistes allèrent jusqu’à prétendre que l’Euro était sauvé (1) . Mais, la réalité fut bien moins flamboyante que ce qui était annoncé. En fait, la BCE s’engage à racheter des dettes d’une maturité inférieure à 3 ans (ce qui va obligé les pays à déformer leur structure d’endettement) et sous la condition de ne pas rajouter de la monnaie dans la zone Euro (2).

    C’est ce que l’on appelle le principe de « stérilisation », dont un de mes meilleurs collègues russes, l’académicien V.V. Ivanter dit qu’il est plus adapté aux petits chats qu’à l’économie ! Dans les faits cela implique qu’à chaque fois que la BCE voudra racheter des obligations souveraines, elle devra soit vendre des obligations qu’elle détient déjà pour un montant équivalent, soit réduire fortement ses prêts aux banques. On voit immédiatement que la déclaration de Mario Draghi est en fait une coquille à demi-vide.

    Le second changement fut l’annonce d’une « union bancaire », dont la négociation se révéla en fait très difficile. La question de l’Union bancaire est effectivement importante car elle devrait conduire, en théorie, à des règles communes pour l’ensemble des banques de la zone Euro. Mais d’une part, elle se heurte à l’opposition de très nombreux pays dans sa forme la plus efficace (au sommet de Nicosie la France et l’Espagne ont été isolées sur des positions raisonnables mais considérées comme « maximalistes » par les Allemands et leurs alliés) et d’autre part ce projet aurait été important il y a dix ans mais il est en réalité secondaire aujourd’hui.

    En effet, si une telle supervision avait existé e 2002, elle aurait peut-être pu empêcher les banques espagnoles, irlandaises et portugaises de faire des folies. Aujourd’hui, cela revient à fermer la porte de l’écurie quand le cheval s’est échappé. Au final, l’Union Bancaire ne verra le jour qu’au premier trimestre 2014, et ne concernera que 200 banques au total, alors qu’il y a plusieurs milliers de banques qui devraient être concernées. Les « banques des Länders » en Allemagne échapperont ainsi à cette supervision européenne.

    Les deux annonces majeures du second semestre 2012 se sont donc traduites par des réalités bien décevantes. La troisième annonce a une portée bien plus grande, mais potentiellement désastreuse. C’est le traité dit « TSCG » ou Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (3)  qui va emprisonner les budgets nationaux dans un corset de fer européen et qui va conduire l’ensemble de la Zone Euro vers une logique de déflation. Il a été dénoncé par de nombreux économistes, mais imposé par le gouvernement.Les gouvernements vont ainsi perdre toute flexibilité par rapport à une situation économique qui ne cesse de se dégrader.

    Car il faut ici rappeler que la « crise de l’euro » dans laquelle nous nous enfonçons est d’abord une crise de compétitivité relative entre les économies de la zone aggravée par l’atonie de la croissance que l’Euro a engendré sur les pays qui y sont soumis depuis maintenant plus de dix ans. L’Euro fut vendu aux peuples européens comme un instrument de croissance (4) .

    Or, on constate que la consommation privée a donc été sensiblement plus faible dans la zone Euro sur la période 1999-2011 que pour l’ensemble des pays développés, à l’exception de la Suisse, jusqu’en 2008. Ceci montre l’influence très négative d’une politique monétaire unique qui n’est pas à même de s’adapter aux structures de chacun des pays de la zone.

    Ces écarts sont d’autant plus parlants que, dans la période 1987-1997, les pays devant constituer la « future » zone Euro avaient connu une croissance  relativement plus forte de la consommation privée, dépassant les résultats de pays comme la Suède et la Suisse, et avec un
    écart sensiblement plus faible que pour la période 1998-2011 avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. par rapport à des prédictions annonçant que le seul fait d’avoir une monnaie unique doperait la croissance de 1% par an, la réalité montre ex-post un tableau bien différent.

    La croissance de la zone Euro n’a pas été uniquement plus faible que celle des autres pays développés (à l’exception du Japon) mais l’écart de croissance (entre croissance potentielle et croissance vérifiée) y a été largement supérieur de manière cumulée à ce qu’il fut dans les autres pays.

    Tous ces facteurs, convergent vers le problème d’une politique monétaire unique appliquée à des économies aux structures très hétérogènes. Ils ont engendré cette situation de très faible croissance. Dans un certain nombre de pays, c’est par la hausse de l’endettement, qu’il soit public (France, Italie, Grèce) ou privé (Irlande, Espagne, Portugal) que les gouvernements ont cherché à desserrer cette contrainte issue de l’unicité de la politique monétaire. Le résultat en fut une dérive de la dette publique et un problème de solvabilité des agents privés qui obligea les États à transférer une partie de la dette privée vers la dette publique.

    La crise d’endettement que la zone Euro connaît y trouve alors une de ces sources. Par ailleurs, les écarts de compétitivité entre pays ne pouvant plus se résoudre par des dévaluations, le déficit commercial s’est progressivement aggravé et la désindustrialisation à fait des ravages, que ce soit en Grèce, en Espagne, au Portugal ou en France (5).

    Les politiques d’ajustement fiscal et budgétaires qui ont été imposées dans les pays d’Europe du Sud ont désormais des conséquences dramatiques. Le taux de chômage dépasse les 25% de la population active en Grèce et en Espagne, et il est au-dessus de 16%au Portugal et en Irlande. Le chômage continue par ailleurs de progresser rapidement en Italie ainsi qu’en France, ou le nombre de chômeurs augmente de 1500 personnes par jour actuellement.

    Ces politiques ne pourront être poursuivies indéfiniment. D’ores et déjà, de nombreux analystes discernent l’émergence d’un « risque politique » qui devrait donner le « la » dans la zone Euro pour 2013 (6). La côte de popularité du Premier-Ministre espagnol, M. M. Rajoy, est tombée à 7%. La Grèce est secouée par des mouvements sociaux qui peuvent à tout moment prendre des dimensions insurrectionnelles. L’Italie elle-même est entrée dans un cycle électoral, et le Premier-Ministre démissionnaire, M. Mario Monti est rejeté par plus de 60% des Italiens. Or, qui dit risque politique dit risque financier. Car, s’il y a une chose que les marchés détestent, c’est bien l’incertitude politique.

    L’Euro semble aujourd’hui en relative bonne santé. Mais il ne faut pas se laisser prendre par les apparences. La totalité des problèmes qui ont engendré la crise demeurent, et aucune solution de fond n’y a été apportée. On s’est contenté de parer au plus pressé. La montée du risque politique dans les pays d’Europe du Sud et même en France constituera un nouveau test décisif pour l’Euro en 2013.

    Jacques Sapir (Ria Novosti, 29 décembre 2012)

    Notes :

    (1) Jacques Sapir , “À propos d’un article de Sabine Syfuss-Arnaud dans Challenges”, billet publié sur le carnet Russeurope le 30/09/2012, URL: http://russeurope.hypotheses.org/224

    (2) Jacques Sapir, “Sur le TSCG”, RusseEurope. Le Carnet de Jacques Sapir sur la Russie et l’Europe (Hypotheses.org), 23 septembre 2012. [En ligne] http://russeurope.hypotheses.org/133.

    (3) Jacques Sapir, Mythes et préjugés entourant  la création et l’existence de la  monnaie unique, Note de synthèse, Centre d’études des modes d’industrialisation (CEMI), EHESS, 14 septembre 2012. Sur RussEurope,URL: http://russeurope.hypotheses.org/126

    (4) Jacques Sapir, “Et si le problème de l’industrie c’était… l’Euro ?”, billet publié sur le carnet Russeurope le 13/11/2012, URL: http://russeurope.hypotheses.org/472

    (5) Patrick Artus, « ll devient urgent que la stratégie mise en place dans la zone euro donne des résultats positifs, mais ce n'est pas le cas et le risque politique grandit », Flash-Économie, Natixis, n° 872, 18 décembre 2012.

    (6) Florange : une occasion manquée de collaboration entre la France et la Russie

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  • Qu'est-ce que la démondialisation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'entretien avec Jacques Sapir, cueilli sur son blog Russeurop et consacré à la question de la démondialisation. Jacques Sapir, économiste hétérodoxe est l'auteur d'un essai intitulé La démondialisation (Seuil, 2011) qui vient d'être réédité en format de poche dans la collection Point.

     

     

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    Qu'est-ce que la démondialisation ?

    1. Si vous deviez définir la démondialisation simplement, comment la définiriez-vous?

    La mondialisation résulte de la conjugaison de la libéralisation financière, qui s’est fortement développée depuis les années 1980 et de l’extension des pratiques de libre-échange, consolidées désormais par l’Organisation Mondiale du Commerce. Cette conjugaison permet une libre circulation des capitaux, qui est désormais jugée, même au FMI, comme très déstabilisatrice, et une mise en compétition des systèmes sociaux (protection sociale, santé, retraite) des différents pays à travers la concurrence entre les biens produits. La démondialisation peut se définir comme la conjugaison d’un retour à de fortes réglementations financières, pénalisant en particulier les mouvements de capitaux à court et très court terme, et de règles assurant que la concurrence se produise non entre systèmes sociaux différents mais entre systèmes sociaux comparables. La clé étant ici le rapport entre la productivité horaire du travail dans un pays et l’ensemble du salaire et des revenus de prestations auxquels ont droit les travailleurs. Tout pays ayant une très forte productivité mais des salaires et prestations très faibles sera ainsi pénalisé par l’introduction de droits de douane automatiques. Un mécanisme identique devrait exister entre le niveau de productivité du travail dans une activité donnée et le niveau de pollution de cette activité. Ici aussi, des taxes devraient rétablir une juste concurrence. La démondialisation n’est pas la condamnation du système financier international, mais sa réglementation afin de limiter le plus possible les phénomènes de contamination d’un pays à l’autre en cas de crise. Elle ne signifie pas non plus l’arrêt du commerce international mais sa réorganisation afin de promouvoir spontanément des règles sociales et environnementales toujours plus avancées. Il est cependant clair que la part du commerce international dans une économie sera plus faible que ce que l’on observe aujourd’hui.

    2. Est ce que la crise financière mondiale de l’année 2008 et crise dans la zone Euro ont eu pour cause la mondialisation? Si c’est le cas, comment argumentez vous cela ?

    La crise financière internationale est très directement liée à la mondialisation. Aux Etats-Unis, où elle a trouvé naissance, les salaires médians dans différentes activités ont eu tendance à baisser du fait de la concurrence exercée par des pays où les coûts de production étaient très faibles. Le gouvernement américain a cherché à contrer cette évolution par un relâchement des règles concernant le crédit. Il en a résulté une énorme bulle immobilière, qui pendant un temps (de 2000 à 2007)  a masqué la baisse des revenus d’une grande partie de la population. Quand cette bulle a explosé, ce que l’on appelle la « crise des subprimes », la liberté de circulation des capitaux a permis une contamination des principaux marchés financiers mondiaux. C’est pourquoi ce qui n’aurait du être logiquement qu’une crise américaine s’est transformée en une crise mondiale.

    Pour la crise de la zone Euro, le lien avec la mondialisation est plus complexe. D’une part, il y avait dans la zone Euro des facteurs de crises endogènes. Si vous créez une monnaie unique entre des économies fortement hétérogènes sans mécanismes importants de transfert financier – et il est notoire que ces mécanismes n’existent pas dans la zone Euro – la crise est inévitable. Mais, d’autre part la mondialisation a joué son rôle, en particulier en forçant l’Allemagne, économie dominante de la zone Euro, à réaliser la majorité de ses excédents commerciaux au sein de la zone Euro. Le déséquilibre induit par ce que l’on peut considérer comme une politique mercantiliste de la part de l’Allemagne trouve son origine dans les phénomènes de mondialisation, et ce déséquilibre a accéléré l’émergence de la crise au sein de la zone Euro.

    3. Est que la démondialisation est la solution pour ces crises?

    Pour la crise financière mondiale, qui est aujourd’hui loin d’être résorbée, la réponse est « oui ». Il est clair que des mesures protectionnistes, fondées de la manière que j’ai décrite, sont désormais indispensable si l’on veut que l’économie mondiale retrouve une trajectoire stable de croissance. Dans le cas de la crise de la zone Euro, ces mesures protectionnistes aideraient incontestablement un certain nombre de pays qui aujourd’hui connaissent de grandes difficultés économiques. Mais, elles n’apporteraient pas en tout état de cause de réponses aux causes endogènes de la crise de la zone Euro.

    4. Vous avez révélé dans votre livre, que l’Euro est un échec. Trouvez vous que le retour aux monnaies nationales est mieux? Ou au contraire prônez vous un retour au ‘gold exchange standard’?

    Le problème actuel de la zone Euro réside dans la combinaison de deux crises, distinctes mais liées. Il y a, à la base, une crise majeure de compétitivité interne à la zone dans les économies du « sud » de la zone Euro. Cette crise provient du fait que leurs structures économiques sont trop divergentes de celles de l’Allemagne, et qu’elles ont besoin d’un taux d’inflation très supérieur à cette dernière. Comme ces pays ne pouvaient résoudre cette crise de compétitivité faute d’une dévaluation, on a laissé se développer un important endettement, tant public que privé. Ceci introduit la seconde crise, qui est une crise de la dette souveraine. Mais il faut se rendre compte que cette crise de la dette est surdéterminée par la première crise, celle de la compétitivité. Depuis 2010, c’est essentiellement la crise de la dette qui a monopolisé l’attention des gouvernements. Mais on se rend compte à regarder la situation actuelle en Grèce, en Espagne et au Portugal, que chercher à résoudre cette crise de la dette sans prendre en compte la crise de compétitivité est un horrible échec. La seule solution désormais consiste à permettre à ces pays de dévaluer. C’est pourquoi le retour aux monnaies nationales est inéluctable. Le plus vite prendre-t-on cette décision le mieux ce sera pour les populations.

    La question d’un retour au « Gold exchange standard » est en réalité celle de l’avenir du système monétaire international. L’étalon Or n’est pas une solution à la crise actuelle.

    5. Quelle est la solution idéale à la crise de la zone Euro?

    Dans l’idéal, si nos gouvernements faisaient preuve de clairvoyance et de courage, hypothèse peu probable en l’état, ils décideraient une dissolution concertée de la zone Euro. Cette solution d’une dissolution concertée de la monnaie unique permettrait en effet de présenter cette décision comme une décision européenne et non comme un retour à des politiques nationalistes. Elle éviterait une dissolution progressive et désordonnée de la zone qui devient désormais une réelle possibilité si on tarde trop à procéder à cette dissolution. C’est cette solution qui est en effet la plus probable si rien n’est fait. Elle confronterait les pays européens à des sorties individuelles (Grèce, Portugal, Espagne puis Italie et enfin France) qui plongeraient en raison de leur nature non coordonnée rapidement l’Europe dans le chaos. Une décision coordonnée permettrait de définir des niveaux de dévaluation et de réévaluation raisonnables, et de se doter des mécanismes régulateurs (modification du mandat de la BCE, utilisation des fonds prévus pour le MES afin de stabiliser les pays les plus exposés, contrôles concertés des capitaux pour éviter des mouvements spéculatifs) susceptibles de contrôler les mouvements de ces nouvelles parités.

    Le Système Monétaire Européen serait reconstitué à titre provisoire pour garantir des fluctuations communes aux parités. Il serait cependant différent du SME originel en ceci qu’il s’accompagnerait de mesures de contrôle des mouvements de capitaux pour prévenir toute attaque spéculative. Il est possible qu’un ou plusieurs pays refusent ces conditions, et le SME reconstitué pourrait ne commencer à fonctionner que sur un groupe plus restreint de pays que l’Euro aujourd’hui. Cependant, les avantages en matière de stabilité de ce SME reconstitué devraient être suffisant pour attirer vers lui progressivement plus de monnaies. Ce système monétaire européen aurait pour logique d’évoluer vers une monnaie commune, s’ajoutant aux monnaies nationales et utilisées pour l’ensemble des transactions tant commerciales que financières avec les autres pays.

    6. Vous soutenez que la mondialisation a des mauvais effets sur la croissance. Est-ce le cas pour les pays d’Asie?

    Un certain nombre de pays d’Asie ont connu une croissance ces vingt dernières années. Compte tenu de leur état de départ, il en aurait été ainsi sans la mondialisation. La véritable question qui vaut d’être posée est de savoir si leur croissance est équilibrée et si elle peut s’avérer durable. Les problèmes sociaux et environnementaux qui s’accumulent dans un certain nombre de ces pays permettent de douter qu’une croissance essentiellement tirée par les exportations soit durable. Par ailleurs, le cas le plus spectaculaire, celui de la Chine, montre l’importance de maintenir des contrôles importants sur les mouvements de capitaux. Dans le cas de l’Inde, on voit les tensions sociales devenir aujourd’hui de plus en plus fortes, en particulier dans le monde rural. Enfin, certains pays de l’Asie du Sud-est commencent à se faire une concurrence impitoyable. C’est le cas du Vietnam qui joue de ses très bas salaires pour concurrencer la Chine. Au total, l’une des caractéristiques de la mondialisation c’est qu’elle sélectionne, par une processus darwinien de concurrence, des « mauvais » modèles de croissance, marqués par des déséquilibres sociaux et environnementaux extrêmement importants.

    7. La Corée du sud a survécu la crise de l’année 1997 en adoptant le néoliberalisme. Dans le cas de Corée, il semble que la mondialisation n’ait pas été tout à fait mauvaise. Qu’est ce que vous pensez sur cela?

    La Corée connaît une forte croissance depuis le milieu des années 1960. Elle ne date pas de 1997. Les bases de cette croissance reposent, aujourd’hui encore, sur une intervention explicite ou implicite importante de la puissance publique. Il ne faut pas confondre la prégnance d’une idéologie avec les institutions économiques qui restent largement influencées par la période de l’avant-1997. Cette croissance a été, et reste en partie, déséquilibrée. Le modèle actuel semble convenir au développement du pays. Mais, à y regarder de plus près, on constate que l’économie coréenne est aujourd’hui extrêmement vulnérable à la conjoncture tant mondiale que régionale. Une telle situation n’est pas saine, et ceci sans même parler des problèmes sociaux importants qui existent dans le pays. En cas de nouvelle crise mondiale ou même régionale, l’économie de la Corée serait durement touchée.

    8. L’organisation mondiale de commerce organise le libre-échange. Les institutions mondiales comme l’OMC, doivent-elles changer?

    La réponse est très clairement oui. L’OMC devrait inclure des clauses de protection sociale et écologique, en fonction du niveau de productivité du travail dans chaque branche afin de parvenir à un échange juste. De plus, elle devrait intégrer de manière contraignante la totalité des recommandations de l’Organisation Internationale du Travail dans ses travaux. Légalement, ceci pourrait avoir lieu en faisant basculer l’OMC sous le contrôle des Nations Unies.

    Par ailleurs, on peut noter que le FMI admet depuis 2010 la nature profondément déstabilisatrice des flux de capitaux à court et très court terme. Une réglementation internationale serait certes difficile à mettre en œuvre, mais du moins devrait-on cesser de jeter l’opprobre sur les pays qui adoptent des cadres réglementaires contraignants, sous réserves que ces cadres ne soient pas discriminatoires.

    9. Quels seront les effets secondaires de la démondialisation?

    Une démondialisation concertée, au moins à l’échelle de régions et de grands pays aura pour effet immédiat de redonner la stabilité qui manque aujourd’hui à l’économie mondiale. Il serait illusoire de prétendre que l’on réglera d’un coup tous les problèmes. Certains ne sont qu’indirectement liés à la mondialisation. Mais, du moins, éviterait-on cette sélection pseudo-naturelle de modèles de croissance qui ne sont ni durables ni efficients. La démondialisation est, dans les faits, d’ores et déjà en marche. Il convient cependant qu’elle soit réalisée dans un cadre concerté et organisé afin d’en étendre les effets bénéfiques.

    Jacques Sapir, interview donné au quotidien coréen Chosun Daily (Russeurop, 4 décembre 2012)

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  • Enjeux géopolitiques pour l'avenir...

    Dans un entretien donné à Avant-garde économique, "Michel Drac analyse les principales tendances géopolitiques pour les prochaines années : l'impasse politique de la zone Euro, la montée en puissance de la Chine et de la Russie, et le nécessaire redressement industriel des Etats-Unis.
    Il nous expose également les problématiques énergétiques à venir, et les solutions possibles pour s'en émanciper."

     

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