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chine - Page 20

  • L'idéal de l'Empire de Prométhée à Epiméthée

    Nous reproduisons ci-dessous un texte intéressant du philosophe et homme politique italien, Massimo Cacciari, cueilli sur le site du quotidien Libération. Massimo Cacciari est l'auteur de nombreux essais et une partie de son oeuvre est traduite en français. Les éditions de l'Eclat ont ainsi publié en 2011 un texte intitulé Le Jésus de Nietzsche

     

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    L'idéal de l'Empire de Prométhée à Epiméthée

    Incontestablement, la période qui va de l’écroulement du « socialisme réel » à la nouvelle « grande crise » que nous traversons actuellement peut être définie véritablement comme une époque. Le terme Epochè indique, en effet, l’arrêt, l’interruption, mais non pas comme s’il s’agissait d’un espace vide, d’un intervalle. Il signifie, au contraire, un resserrement dans le cours du temps, une abréviation extraordinaire, dans laquelle ses caractères essentiels s’expriment comme contractés les uns sur les autres et les uns contre les autres. L’époque, de ce point de vue, n’est donc nullement un « temps long », mais le concentré de ses significations dans un spasme, qui les révèle et peut aussi, en même temps, les dissoudre. De ce même point de vue, on peut définir comme « époque » la grande guerre civile qui a anéanti la centralité politique de l’Europe entre 1914 et 1944: trente ans seulement, à peine plus que « notre » 1989-2011. Dans l’époque, se précipitent évidemment des idées, des facteurs, des contradictions mûries dans le « temps long » – et c’est pourquoi il est impossible de la comprendre de manière isolée. Mais elle assume toutefois une valeur révélatrice et déploie les mêmes éléments qui étaient déjà à l’œuvre selon des dimensions et des énergies nouvelles. Alors que, précisément, toute « normalité » est arrêtée, ce qui semblait à première vue normal et facilement prévisible dans ses développements s’exprime désormais selon des formes inattendues et inquiétantes. Dans un certain sens, l’époque assume toujours une valeur « apocalyptique ». Conséquence évidente de cet état de choses : l’affirmation d’une extraordinaire porosité des mots. Leur puissance « apophantique » décroît redoutablement. Le rapport entre les mots et les choses qu’ils devraient désigner se fait dans la plus grande insécurité. Que signifient aujourd’hui les mots démocratie ? marché ? paix ? Ou encore : nous avons fait l’unité européenne – mais que signifie l’Europe ? l’Occident ? Ainsi, le terme époque résume aussi en soi sa profonde signification sceptique : toute époque authentique se révèle également en tant que doute radical sur son propre passé et ne s’ouvre au futur que de manière hasardeuse.

    À la veille d’une telle « époque », les signes qui permettent de la lire restent cachés. Les temps semblent même favoriser des prévisions contraires. La veille d’une époque se caractérise par un certain bavardage sur notre capacité à « contrôler » l’avenir, tandis que l’époque qui suit semble « faite » pour démontrer la loi éternelle de l’hétérogenèse des fins. Ce fut le cas de l’anno mirabile 1989. La troisième guerre mondiale était terminée. Un seul Titan restait en scène, à la puissance inapprochable. Mais c’était un Titan qui, malgré son nom, se voulait non-violent. C’était un Prométhée bienfaiteur des misérables mortels, qui aurait travaillé et se serait volontiers sacrifié pour harmoniser et unifier leurs désaccords et leur assurer justice et bien-être. Comme Prométhée, il avait en réserve, pour nous, le don le plus précieux: la raison, le nombre, la capacité de calculer et de transformer. L’affirmation de son modèle de rationalité aurait été le fondement de la sécurité et de la paix.

    Aube ou crépuscule ? L’époque rapproche les couleurs jusqu’à les confondre. Mais tous ou presque obéirent à cette Annonce, comme à l’aube d’un Nouveau Commencement. Le tragique vingtième siècle de la « tyrannie des valeurs » déclinait enfin et surgissait l’âge de la concorde entre science, technique, marché, démocratie et « droits de l’homme ». Qu’il y ait pu y avoir une symbiose inavouable entre les deux Titans (à partir d’une origine commune !) – qu’ils n’aient pu régner qu’ensemble – et que, donc, la fin de l’un ait pu représenter une menace mortelle pour l’autre – tout cela ne fut même pas suspecté. Tout au plus les traditionnels adversaires du vainqueur s’exercèrent à en dénigrer la puissance solitaire – justifiés en cela par l’indécente jubilation de ses vassaux.

    L’époque qui s’est ouverte alors a fait justice de cette antiquaille, nous rappelant le célèbre dit romain : vae victoribus ! « Malheur aux vainqueurs ! » On ne remporte pas la victoire dans la guerre tant qu’on n’a pas remporté la victoire dans la paix. Prométhée pouvait-il vaincre ? Ce Titan pouvait-il mener à terme l’ordinatio ad unum, cette « aspiration à l’unité » de cette planète toujours plus étriquée et plus pauvre, pour laquelle il se sentait depuis longtemps appelé? Certes, il représentait le courant spirituel et politique le plus fort d’Occident, la seule puissance hégémonique qui avait survécu au suicide d’Europe, profondément enracinée dans une grande culture populaire, forte de valeurs partagées. Mais là aussi résidait sa faiblesse. Sa propre puissance créait l’illusion que le monde pouvait être guidé depuis les sommets du Capitole. Il l’avait déjà été péniblement au cours des décennies précédentes à travers le foedus, l’«alliance», toujours incertaine, mais aussi toujours opérante, entre Empire d’Occident et Empire d’Orient. L’écroulement de ce dernier ébranlait de manière automatique des régions tout entières, stratégiques d’un point de vue géopolitique et sur lesquelles le vainqueur n’avait quasiment aucune prise : il «  libérait » des énergies auparavant contrôlées de quelque manière et contraintes à jouer toujours, en tout cas à l’intérieur de la « guerre mondiale » ; il brisait le conflit, en le rendant illisible pour celui qui avait été formé à calculer selon les paramètres « universalistes » de cette guerre.

    L’époque a mis à l’ordre du jour, impérieusement, l’idée d’Empire – et tout aussi impérieusement elle l’a démantelée. Voici un exemple éclatant de cette morsure du temps qu’une époque représente. L’occasion impériale s’avérait presque comme nécessaire à la proclamation de la victoire. Les vassaux européens suivaient, en applaudissant, son char. Mais les adversaires en faisaient tout autant. Aucune apologie de l’Empire ne fut plus convaincante, concernant le destin qu’il aurait dû représenter, que les critiques de ses détracteurs. Mais Prométhée n’est pas intrinsèquement capable d’Empire. Il ne sait pas le concevoir ex nationibus ; il n’a aucune idée du pluralisme (idéologique, religieux, culturel) qui est immanent à son concept; par conséquent, il ne parvient pas à donner naissance à des formes de gouvernements authentiquement « impériales ». La guerre – que, tout au long des années 60 et 70, le vainqueur s’était déjà montré incapable de conduire efficacement en dehors des schémas de la rationalité militaire, fondés sur le concept de justus hostis – n’était que la poursuite de la faillite de la politique par d’autres moyens. L’Empire dure jusqu’au 11 septembre. Puis l’époque en consume l’écroulement.

    Le 11 septembre crée l’illusion d’une relance en grandes pompes de l’idée impériale ; en réalité, elle en marque la fin. Les désastreuses guerres de Bush junior en poursuivent le fantôme, tandis qu’elles essaient de masquer les causes aussi matérielles qui en décrètent la faillite.

    Il s’est avéré, toujours lors de ce temps bref, dans le dialogue tout aussi bref de l’époque, que le nouvel Empire avait construit une grande partie de son hégémonie en étendant sa dette ; il s’est avéré que son peuple, même en se fondant sur la foi en sa propre mission, s’est caractérisé par une épargne négative. Il s’est avéré que les politiques de l’aspirant Empire ont donné libre cours à la plus glorieuse période de dérégulation que l’histoire du capitalisme ait peut-être jamais connue et à l’écroulement de toute forme de contrôle sur les activités économiques et financières. Il s’est avéré que tout cela portait le vainqueur à dépendre tout d’abord du Japon, puis de la Chine pour le financement de sa propre dette. Il s’est avéré encore que ce financement impliquait la « reddition » à la Chine sur des questions fondamentales, comme son entrée dans l'OMC en tant qu’économie de marché (sic !) et le maintien de sa monnaie à des niveaux incroyablement bas. Il s’avère maintenant que l’Empire est dans une situation de « souveraineté limitée », comme n’importe quel Etat de la vieille Europe.

    Naturellement les ressources de Prométhée sont immenses. Mais il est évident que ses velléités d’unification ont échoué. Et elles ne pouvaient qu’échouer. La présidence d’Obama enregistre et administre cet échec. Ce sera un blasphème – et ça l’est certainement – mais on ne peut s’empêcher de le penser. Qui n’a pas salué comme un nouveau lever du jour la perestroïka de Gorbatchev ? Quelqu’un s’en souvient-il ? Mais Gorbatchev était, tragiquement, uniquement, rex destruens, « roi démolisseur ». Lourd destin – mais il revient toujours à quelqu’un dans l’Histoire de devoir défaire, de n’avoir rien d’autre à faire que défaire, sans même espérer pouvoir repartir de là. Il n’y a pas de feu sans cendres. Obama : nouvelle ère, nouveau siècle, et même : nouveau millénaire. Nouveau visage à tout point de vue – comme Gorbatchev, qui ne ressemblait certes pas aux vieux staliniens, ni au typique représentant du KGB, comme Poutine. Obama : voici la possibilité de relancer l’idée impériale selon le fil d’Ariane des « droits de l’homme » de l’évangile démocratique, de l’œcuménisme dialogique. Avec l’icône éternelle de JFK dans le dos. Mais il semble qu’il ne lui reste qu’à « démonter » les guerres des autres, qu’à traiter avec les « maudites » agences de notation, qui, après avoir réduit en poussière tout contrôle effectif dans les années de la grande bulle, désignent maintenant, comme des censeurs sévères, les victimes imminentes à la spéculation internationale ; qu’à essayer de donner une forme plausible à l’embrouillamini inextricable qui s’est formé entre économie américaine et République populaire chinoise.

    Il n’y a aucun Empire à la fin de l’époque, et moins encore quelque organisation multipolaire fondée sur d’authentiques alliances. Celui qui, il y a vingt ans, semblait pouvoir aspirer à servir de « cocher » global, arrive à peine aujourd’hui à se tenir debout. Celui qui remplit aujourd’hui une fonction économique et financière clé n’est nullement en mesure d’assumer une fonction politiquement hégémonique. Le premier pourra-t-il renaître ? Le second pourra-t-il se transformer en puissance politique globale ? Les anciennes et nouvelles puissances pourront-elles donner vie à une organisation commune, à partir des « fondamentaux » financiers, économiques et commerciaux ? L’époque suspend son jugement. Les Prométhée qui croient tout prévoir ne sont que ceux qui la projettent et la préparent. Finalement, on « calcule » comment ce qui est arrivé correspond à ce qui était attendu en moindre proportion – et l’on n’ose pas faire de prévision. L’époque commence avec Prométhée, le «  prévoyant », et s’achève avec Epiméthée, « celui qui réfléchit après coup ». De la modestie de son doute et du réalisme désenchanté de ses analyses, nous pourrons peut-être tirer quelque bénéfice.

    Massimo Cacciari (Libération, 30 juin 2012)

    Traduit de l'italien par Michel Valensi

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  • Une bombe à retardement ?...

    Les éditions Eyrolles publient sous la plume de Jean-Luc Buchalet et de Pierre Sabatier un essai intitulé La Chine, une bombe à retardement. Les deux auteurs sont ingénieurs agronomes et analystes financiers et ont fondé en 2009 un cabinet indépendant de recherche économique et financière qui vise à développer une méthode d'analyse basées sur une meilleure compréhension de la complexité des univers de la finance et de l’économie, en prenant notamment en compte les phénomènes d'interdépendance et de boucle de rétroaction...

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    "La réussite de la Chine est aussi fulgurante qu’inédite. Au rythme actuel, elle pourrait même devenir la première puissance économique mondiale dès 2022. Pourtant, les stigmates d’une croissance à marche forcée s’accumulent : des villes fantômes, des faillites en cascade, des révoltes de plus en plus fréquentes, des dérives issues de la politique de l’enfant unique, des scandales alimentaires à répétition, des aéroports paralysés par la pollution…À travers une analyse percutante, Jean-Luc Buchalet et Pierre Sabatier montrent que ces déséquilibres économiques, sociaux et environnementaux pourraient déboucher sur une crise majeure dans les années à venir. C’est toute l’économie mondiale qui serait alors entraînée dans le sillage du géant asiatique.Pour saisir la menace, les auteurs décrivent la spécificité du modèle de développement chinois, avec ses contradictions et ses zones d’ombre : un « socialisme de marché » qui mêle parti unique, capitalisme débridé, corruption, contrôle des prix, plan quinquennal, concurrence féroce… Reste à savoir si la crise de ce système sera simplement transitoire, ou mènera à son effondrement."

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  • Tout le monde réarme, sauf les Européens...

    Nous reproduisons ci-dessous un article d'Alain Frachon, cueilli dans le quotidien Le Monde, qui dresse un constat inquiétant et pose, au final, une question essentielle. On aimerait savoir ce qu'en pensent les candidats à l'élection présidentielle... 

     

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    Tout le monde réarme, sauf les Européens 

    La Russie réarme, à grande vitesse. La Chine pourrait doubler son budget de la défense d'ici à 2015. Les Etats-Unis entendent rester la première puissance militaire mondiale. Un seul continent désarme, comme s'il avait chassé la guerre de son horizon : l'Europe. Est-ce que c'est important ?

    Commençons par l'actualité la plus récente, celle des propos fracassants tenus par Vladimir Poutine au début de la semaine. A quelques jours de l'élection présidentielle du 4 mars, qu'il n'imagine pas perdre, M. Poutine a annoncé le plus gigantesque programme militaire russe depuis la fin de la guerre froide. L'une de ses priorités sera de moderniser et de transformer de fond en comble l'appareil militaire du pays, écrit-il dans le quotidien Rossiyskaya Gazeta.

    L'ennemi principal est désigné : l'Ouest. La plus grande menace qui pèse sur la Russie, celle qui peut rendre obsolète son arsenal de missiles, est le bouclier antimissile américain, poursuit le premier ministre. Ce système de défense antimissile, auquel Washington a proposé à Moscou de participer, est censé protéger l'Europe. Vladimir Poutine ne l'entend pas ainsi. "Nous devons contrer les efforts des Etats-Unis et de l'OTAN en matière de défense antimissile", assure-t-il. Pas question d'accepter l'offre de collaboration des Etats-Unis : "On ne saurait être trop patriotique dans cette affaire", dit l'ancien président ; la réponse de la Russie sera "de tenir en échec le projet américain, y compris sa composante européenne".

    Dans les dix années à venir, M. Poutine prévoit de passer pour 772 milliards de dollars (583 milliards d'euros) de commandes militaires. La liste des courses est éclectique : 400 nouveaux missiles balistiques intercontinentaux ; 2 300 blindés de la dernière génération ; 600 avions de combat ; 8 sous-marins porteurs de missiles nucléaires et 50 bâtiments de surface - sans compter une palanquée de matériels plus légers.

    A l'arrivée, en 2022, le poste défense dans les finances publiques russes représentera de 5 % à 6 % du produit intérieur brut (PIB) du pays.

    La plupart des experts s'accordent sur trois points. L'état de l'armée russe actuelle n'est pas brillant et justifie une politique de modernisation. Mais le programme de M. Poutine n'en est pas moins marqué par quelque chose qui relève de la paranoïa. Enfin, il est à peu près sûr que l'industrie de défense russe est incapable de fournir ce que lui demande le candidat.

    Le deuxième effort militaire le plus notable sur la planète est celui de la Chine. D'ici à 2015, son budget militaire aura doublé, estiment cette semaine les spécialistes de la revue Jane's Defence. Il devrait alors atteindre 238 milliards de dollars (180 milliards d'euros). Cela fait plus de vingt ans que son taux de progression est à deux chiffres.

    Jane's Defence juge que le total des dépenses militaires chinoises se montera à 120 milliards de dollars en 2012, soit plus que le budget militaire combiné des huit premiers membres de l'OTAN, à l'exception des Etats-Unis. Méfiants et très concernés, les Japonais assurent que les Chinois ne donnent pas les vrais chiffres de leurs dépenses militaires. Jane's Defence considère qu'elles ne sont pas disproportionnées : elles représenteraient 2 % du PIB de la deuxième économie mondiale.

    Qui est l'ennemi ? Cette fois encore, les Etats-Unis. Mais les analystes de la politique de défense chinoise disent que Pékin n'a aucunement l'intention d'égaler la puissance militaire américaine. Le premier objectif stratégique des Chinois est de protéger leur environnement maritime, ces 1 800 kilomètres de côtes qui s'étirent de la mer Jaune au nord à la mer de Chine méridionale. Voies d'eau essentielles qui acheminent une énorme partie de l'approvisionnement énergétique et alimentaire du pays.

    La Chine considère que cette zone maritime relève de sa tutelle. C'est là, et pas ailleurs, qu'elle entend afficher sa prépondérance. Les armes qu'elle développe - missiles anti-porte-avions, porte-avions, bombardiers furtifs - n'ont qu'un objectif : chasser les Etats-Unis du Pacifique occidental.

    Les Américains ne vont pas se laisser faire. Au contraire. Ils veulent rester une puissance militaire écrasante - plus de 40 % de l'effort militaire mondial à eux seuls. Avec plus de 700 milliards de dollars, leur budget de défense 2011 est à peine inférieur à ce que M. Poutine veut dépenser d'ici à 2022.

    L'Amérique sort de dix ans de guerre, en Irak et en Afghanistan, avec des résultats mitigés. Lancés par George W. Bush, qui a simultanément diminué les impôts, ces deux conflits ont fait exploser la dette américaine.

    Pour des raisons financières et stratégiques, Barack Obama veut dégager les Etats-Unis de ces engagements prolongés à l'étranger. Il a commencé à réduire le budget de la défense, un peu. L'objectif affiché est de passer en dix ans d'un volume de quelque 700 milliards de dollars annuels à un peu moins de 500. Ce qui devrait assurer aux Etats-Unis une domination militaire incontestée jusqu'au beau milieu du siècle...

    Mais M. Obama réoriente aussi les priorités stratégiques du pays. Il veut contrer le projet chinois : l'Amérique restera, dit-il, une puissance militaire du Pacifique. Elle y renforce ses alliances et en noue de nouvelles. Aucune coupe dans le budget de la défense ne concernera cette région. Le réalignement américain se fait aux dépens de l'Europe.

    Il n'y restera bientôt plus que 30 000 soldats américains, contre 100 000 encore à la fin de la guerre froide.

    L'Europe choisit ce moment précis pour désarmer. Massivement. Elle ne s'estime pas concernée par la course aux armements alentour. Ni par le retrait américain du Vieux Continent ou par les années de turbulences qui s'annoncent au Proche-Orient.

    A l'exception de la France et de la Grande-Bretagne, tous les pays européens taillent dans leur défense. Ils avancent qu'ils modernisent et rationalisent leurs armées. Mais l'argument cache mal la réalité : les Européens désarment. Renonceraient-ils à être l'un des acteurs du siècle ?

    Alain Frachon (Le Monde, 23 février 2012)

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  • Une solidarité européenne à sens unique...

    Nous reproduisons ci-dessous le point de vue de l'économiste dissident Jean-Luc Gréau sur le Mécanisme européen de stabilité. Les propos ont été recueillis par Gil Mihaely pour le site Causeur.

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    Gil Mihaely. Le 21 février, à la demande du gouvernement, l’Assemblée nationale a examiné en procédure d’urgence le projet de loi ratifiant le Mécanisme européen de stabilité (MES), sorte de Fonds monétaire européen. Son rôle : soutenir la stabilité d’un État membre dont les difficultés financières risquent de menacer la zone euro. Est-ce un bon outil pour résoudre les problèmes de la dette en Grèce ainsi qu’au Portugal et en Espagne ?

    Jean-Luc Gréau. Je ferai une double observation préliminaire : pourquoi faut-il sauver les pays que l’euro protégeait et favorisait et sauver en même temps cet euro qui paraissait bâti pour durer des siècles ? Pourquoi les dirigeants européens passent-ils désormais l’essentiel de leur temps en négociations interminables alors que leur présence et leur action sont réclamées par ailleurs (au train où vont les choses, ils seront en conclave européen permanent) ?
    Sur le Mécanisme européen de stabilité, nouvelle mouture du Fonds européen de stabilité financière (FESF), nous devons statuer : pouvons-nous sortir de la faillite grecque, irlandaise, portugaise, voire espagnole en surendettant un peu plus les voisins ? Je crois que c’est un contresens. Il fallait, dès mai 2010, accepter le défaut de paiement de la Grèce et sa sortie de l’euro.
    D’ailleurs, l’efficacité du MES sera mise à l’épreuve dès le 20 mars, jour où le Trésor grec devra lever plus de 14 milliards d’euros pour se refinancer, somme qui équivaut à 110 ou 120 milliards pour un pays comme la France ou l’Italie. Les prêteurs accepteront-ils de souscrire sur la base des garanties accordées par l’Europe ? Peut-être avec l’argent que la Banque Centrale Européenne leur prête à un taux d’1%. Mais ce n’est même pas sûr.
    Dans l’immédiat, la Grèce continue de s’enfoncer. Une entreprise sur quatre a mis la clef sous la porte. La moitié des entreprises restantes n’est pas en mesure de payer ses employés à l’échéance. Les salaires du privé ont baissé de 15% en moyenne, ceux du public de plus de 20%. Une économie de troc a commencé à s’installer, qui ne paie évidemment pas d’impôts. Les Grecs des villes commencent à retourner à la campagne pour exploiter des lopins de terre.

    GM. Le MES n’aura de comptes à rendre ni au Parlement européen ni aux parlements nationaux. Et pour avoir accès aux aides du MES, un État devra avoir accepté toutes les dispositions sur l’austérité budgétaire inclues dans le traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance dans l’Union économique et monétaire (TSCG). La solution à l’actuelle crise de l’euro est-elle d’accélérer l’intégration européenne et de renoncer à la maîtrise de notre budget national ainsi qu’à une part importante de notre souveraineté ?

    JLG. Le lien politique entre le MES et le traité de discipline budgétaire crée un imbroglio. Le traité vaut pour tous, même pour les Etats dont la dette n’a pas encore été menacée, c’est-à-dire que même la France devrait faire approuver son budget national par cette instance. Ce point devrait être, avec l’euro et les institutions européennes, au cœur de la campagne électorale. Son absence démontre la faiblesse des politiques. Peut-on croire un seul instant que François Hollande fera amender le traité ?
    Quant à la « gouvernance » européenne, cette question pose un problème technique : sur quels critères apprécier la situation d’un pays ? Il y a quatre ans, l’Irlande affichait une dette publique de 25% du PIB et un excédent budgétaire. L’Espagne, une dette de 40% du PIB et un excédent budgétaire. Y avait-il de quoi les mettre sous surveillance ? Non, mais le problème se situait ailleurs, dans l’immobilier et le crédit bancaire.

    GM. Cette question n’est pas technique mais éminemment politique… Les élections d’avril, mai et juin gardent-elles encore un quelconque intérêt lorsque quand les questions les plus importantes ne sont pas à l’ordre du jour ?

    JLG. Vous avez raison et j’allais y venir. L’autre face de la question de la gouvernance européenne est évidemment politique : si, effectivement, le nombre d’ambassades, de lycées français à l’étranger, d’avions de chasse de la France doit être fixé à Bruxelles, nous n’avons guère de raison de voter. La Grèce et l’Italie sont aujourd’hui gouvernées par des banquiers nommément désignés pour appliquer des programmes « européens » de redressement de leur pays. La démocratie est au bord du gouffre. J’ajoute un point sur lequel nos politiques et nos journalistes sont muets. La Grèce et l’Irlande se sont proclamées « portes d’entrée de la Chine en Europe » pour attirer les capitaux chinois. Or, nous avons subventionné ces deux chevaux de Troie par le biais des fonds structurels européens puis engagé le crédit de la France, de l’Allemagne et des Pays-Bas (entre autres) pour éviter leur défaut de paiement instantané. Pourquoi la solidarité joue-t-elle dans un sens et pas dans l’autre ?

    Jean-Luc Gréau (Causeur, 23 février 2012)

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  • Les snipers de la semaine... (36)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur son blog Confitures de culture, Pierre Jourde flingue les sectateurs de l'autofiction...

    Autofiction, le retour

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    - sur Les Influences, Emmanuel Amar mouche gentiment les médias français et leur absence de sens critique dans l'affaire des pandas géants...

    Les doudous de la propagande chinoise

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  • Tour d'horizon... (18)

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     Au sommaire cette semaine :

    - sur Books, l'historien Tzvetan Todorov met en lumière les manipulations de l'information qui ont permis de justifier le déclenchement de la guerre en Libye...

    La guerre de Libye : les faits et leur représentation

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     - sur Monsieur le Président, l'animateur du site, candidat virtuel à la présidentielle et porte-drapeau de l'intelligence économique et stratégique, pose une vraie question !

    Et si on disait merde à la Chine ?

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