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chine - Page 16

  • Tour d'horizon... (136)

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    Au sommaire cette semaine :

     - sur Infoguerre, Léo Coqueblin présente les enjeux du projet porté par la Chine des nouvelles routes de la soie...

    Les enjeux géoéconomiques des nouvelles routes de la soie

    Routes de la soie.jpg

    - sur Geopolitika, Alexandre Douguine montre l'intérêt des analyses de Carl Schmitt pour la Russie...

    Les cinq leçons de Carl Schmitt pour la Russie

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  • Le nationalisme économique américain...

    Les éditions VA Press viennent de publier un essai de Christian Harbulot intitulé Le nationalisme économique américain. Introducteur en France, au début des années 90, de l'intelligence économique et fondateur de l’École de Guerre Économique, Christian Harbulot a récemment  publié Fabricants d'intox (Lemieux, 2016).

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    " Le nationalisme économique était considéré jusqu’à présent comme une pensée archaïque en voie de disparition. Donald Trump a relancé le débat en dénonçant les excès commis par des pays concurrents comme la Chine, le Japon ou l’Allemagne. Le Président des Etats-Unis prône un recours au protectionnisme pour protéger le maintien de l’emploi sur le territoire américain. La remise en cause des traités commerciaux ouvre une nouvelle ère de la mondialisation des échanges. La guerre économique n’est plus à exclure dans les confrontations économiques du XXIe siècle. Afin de mieux cerner ce renversement de situation, l’Ecole de Guerre Economique a retracé le cheminement de la pratique du nationalisme économique dans l’Histoire de la nation américaine. Il apparaît clairement que le libéralisme est d’abord un discours et non une ligne de conduite permanente qui différencie les partisans du libre-échange des souverainistes de tout bord. Les pouvoirs exécutifs qui se sont succédé à la Main Blanche ont eu comme priorité absolue de bâtir une économie en adéquation avec leur recherche de puissance sur la scène internationale.

    Cet ouvrage est une grille de lecture des décisions politiques prises par les Etats-Unis dans l’optique d’un accroissement de leur puissance par le biais économique."

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  • L’Orient est-il toujours rouge ?...

    Les Editions des Livres Noirs font paraître une brochure de David L’Epée intitulée Socialismes asiatiques : l’Orient est-il toujours rouge ? qui réunit quelques textes de l’auteur consacrés aux modèles socialistes chinois et nord-coréen. Passionné par l’histoire des idées et les sciences politiques, David L'Epée collabore régulièrement aux revues Eléments et Rébellion.

    Cette brochure d'une soixantaine de pages est en vente sur les sites des revues Krisis et Rébellion.

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    Entretien de la revue Rébellion avec David L'Epée

    Quelle a été la genèse de la publication de cette brochure ?

    Ayant ces dernières années publié plusieurs articles courts consacrés à la Corée du Nord1, j’avais commencé de travailler sur un article de fond, plus fourni, sur l’histoire de ce pays hors du commun et notamment l’histoire de son modèle économique très particulier. Un article que je souhaitais proposer à Rébellion car, comme le savent bien certains de nos collaborateurs – je pense notamment à notre ami Thibault Isabel qui, comme moi, use et abuse de ce privilège ! – cette revue a sur les autres l’avantage d’offrir de larges plages d’expression à ses contributeurs, ce qui permet de publier des articles longs, prenant le temps d’aller au fond des choses et de faire des analyses poussées qui seraient impossibles sur le modèle court d’une chronique d’une ou deux pages. Seulement, il s’est avéré que cet article, même découpé en parties, n’était pas publiable en l’état dans la revue, que j’avais cette fois vraiment dépassé les bornes… C’est pourquoi Olivier Gnutti et Louis Alexandre m’ont proposé de publier ce texte sous forme de brochure (un peu sur le même modèle que celle qu’ils avaient fait paraître quelques années auparavant sur Costanzo Preve2), additionné de deux autres textes consacrés, eux, au socialisme chinois.

    De la revue à la brochure on peut dire en quelque sorte que la boucle est bouclée car un de tes premiers articles publié dans Rébellion parlait, déjà, de la Chine.

    Il s’agissait en effet d’une série de réflexions que nous avions publiées sous le titre Chroniques chinoises3 et que j’avais écrites à mon retour d’un séjour d’un an dans l’Empire du milieu. J’étais revenu de ce long voyage avec le manuscrit d’un livre, Les Enfants de Yugong (sous-titré Comment la Chine déplace les montagnes), que j’avais présenté à plusieurs éditeurs – j’en profite ici pour remercier Slobodan Despot, des éditions Xénia, qui m’avait donné quelques bons conseils – mais qui n’est finalement pas sorti, du fait que j’étais alors pris par un certain nombre d’affaires (j’étais encore, je le confesse, en pleine période militante…). Au dire des deux éditeurs qui avaient manifesté de l’intérêt pour mon manuscrit, il avait le défaut de coller à une actualité trop précise, celle de la Chine du gouvernement Hu Jintao, plongée dans la préparation des Jeux Olympiques de 2008. C’était donc un livre à sortir immédiatement ou jamais, et je n’ai pas su réagir assez vite – ce qui ne m’attriste pas plus que ça car ce livre avait, je m’en rends compte en le relisant aujourd’hui, beaucoup de défauts, et si j’avais à le réécrire, j’en ferais quelque chose de bien différent. Je me souviens d’une phrase de Sartre, que m’avait cité un de ces deux éditeurs, qui dit que la littérature d’actualité, c’est comme les bananes : ça doit se manger sur l’arbre. Je suis assez d’accord avec ça.

    Y a-t-il un rapport avec ce manuscrit non publié et les deux textes de ta brochure consacrés au socialisme chinois ?

    Indirectement oui. Un de ces textes est la transcription partielle d’un entretien que j’ai donné à mon retour de Chine dans l’émission La Radio Vraiment Libre (RVL) au micro de mon ami Patrick Berger4 qui, si je ne m’abuse, occupait encore à l’époque des fonctions dans une cellule locale du PCF. Je m’en souviens très bien, nous avions enregistré l’émission à Saint-Ouen et j’avoue que, revenu depuis peu dans notre chère Europe multi-kulti, le contraste visuel entre Pékin et Saint-Ouen était assez frappant ! L’autre texte, qui est un texte de fond, et que j’ai intitulé Parti de rien, parti de tous (tout le monde n’a pas le talent du Canard enchaîné pour trouver des titres accrocheurs !), est la version réécrite d’un chapitre de mon livre consacré à la doctrine économique du Parti communiste chinois. Un texte qui n’est pas à consommer comme une banane hors saison mais plutôt comme une nature morte, une sorte d’arrêt sur image de l’état des forces et des divisions du Parti à un moment donné, celui de l’année 2006-2007, période durant laquelle j’ai pu constater sur place ce qu’il en était, faire mes propres recherches et rencontrer plusieurs acteurs du milieu politique, syndical et associatif. Ce recul temporel me donne maintenant davantage d’assurance dans les hypothèses que je posais alors (notamment celle des rapports stratégiques entre le développement social de la Chine et sa montée en puissance au sein de la mondialisation) et qui semblent s’être vérifiées grosso modo. Je serais par contre incapable de faire ce même type d’analyse pour la Chine actuelle, celle de la présidence Xi Jinping, c’est encore trop tôt et il me paraît vraiment difficile d’y voir clair pour le moment. Peut-être dans quelques années…

    Tu parles de la Chine en t’appuyant sur ta connaissance personnelle du pays mais tu ne peux pas en dire autant de la Corée du Nord…

    C’est vrai, et cette inexpérience pratique est peut-être le talon d’Achille de cette brochure. J’ai beaucoup étudié la question du socialisme nord-coréen (« socialisme » auquel il faudrait dans l’idéal ajouter beaucoup de guillemets, comme le comprendront mes lecteurs) mais je n’ai de ce système très étrange qu’une connaissance théorique. Raison pour laquelle, comme journaliste, je proposerai bientôt à Rébellion un entretien avec quelqu’un qui s’est rendu il y a quelques mois en Corée du Nord, que j’ai rencontré récemment et qui a bien voulu me confier son témoignage – un témoignage assez étonnant comme vous le verrez. Cela étant dit, j’envisage de plus en plus sérieusement d’entamer les démarches nécessaires pour me rendre moi-même là-bas, dans des conditions qui restent à définir. Je ne suis ni un zélateur ni un ennemi du régime, juste un observateur curieux et donc forcément attiré par les zones troubles, ces espaces irréductiblement autres qui semblent à première vue échapper à ce qu’on nous présente comme l’histoire en marche. Mon tout premier article publié en Suisse à mon retour de Chine s’appelait d’ailleurs L’exotisme au cœur de la mondialisation5. Une sorte de quête personnelle à laquelle je reviens toujours…

    Note :

    1 Par exemple : Corée du Nord : derrière les mots de la propagande (dans le n°144 d’Eléments, juillet-septembre 2012) et Comprendre la Corée du Nord (dans le n°162 d’Eléments, septembre-octobre 2016)

    2 Hommage à Costanzo Preve : textes et entretiens, OSRE, 2014

    3 Article en deux parties paru dans les n°28 et 29 de Rébellion, entre janvier et avril 2008

    4 La Chine pour les nuls (RVL, février 2008) – l’émission, d’une durée de deux heures, est disponible sur YouTube.

    5 L’exotisme au cœur de la mondialisation, in. Le Cafignon, octobre 2007

     

     

     

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  • Des Chinois à Paris...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel et dans laquelle il évoque les manifestations de la communauté chinoise à Paris...

    Auteur de La confession négative (Gallimard, 2009) et de Tuer (Léo Scheer, 2015), Richard Millet vient de publier aux éditions Léo Scheer un roman intitulé Province.

     

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    Des Chinois à Paris

    Les émeutes ethniques qui ont suivi la mort d’un ressortissant de Chine populaire, à Paris, au cours d’une intervention de la police pour un « différend familial », montrent que la « communauté » chinoise n’a rien à envier à la racaille issue d’autres ethnies immigrées : même stratégie de victimisation, même violence urbaine, même refus de laisser la justice suivre son cours, même mise en accusation de la police. A croire que la police est profondément raciste et qu’elle dérange un ordre communautaire dont la transparence n’est pas l’apanage. Que Pékin ait soufflé sur les braises communautaires, c’est évident, selon la DGSI, tout comme pour Alger et d’autres capitales du Tiers-Monde qui vouent à la France une haine « historique » que la repentance officielle n’apaise pas. Après les Gitans, après Adama Traoré et le bon « Théo » (dont les familles sont d’ailleurs en délicatesse avec la justice), voici donc les Chinois, en attendant les Turcs, les Eskimos, les Papous, les crocodiles et je ne sais quelle ethnie minoritaire encore... La rue communautariste, soucieuse de préserver ses privilèges victimaires et ses trafics, dicte sa loi à un personnel politique incompétent, lâche, sourd au désarroi du vrai peuple. Un peuple souverainement méprisé dès lors que Macron fait l’éloge du multiculturalisme, et déclare qu’il n’existe pas de culture française ou que la Guyane est une île. Il en va de même quand un hologramme macronien, l’ineffable Pigasse, propriétaire des Inrockuptibles et du Monde, organes de conditionnement post-civilisationnel, acquiert un festival de rock. L’acquisition, qui est présentée comme un « événement culturel », ne saurait faire oublier que le rock est une arme particulièrement active de la dé-civilisation en cours, tout comme les émeutes ethniques, les prix littéraires, le mariage homosexuel, l’abandon de la grammaire, la prostitution de la langue à la « communication », et le terrorisme à quoi on s’habitue comme aux accidents de la route. Ainsi l’attentat du métro de Saint-Pétersbourg n’a-t-il pas suscité de grand spectacle lacrymal, avec interventions d’« experts », de « héros », de « témoins », d’amis de victimes : après tout, cela se passe en Russie, n’est-ce pas, le pays de Poutine, qui paie ainsi son soutien à Assad… Le mensonge règne ; c’est pourquoi il est tordant de voir le « monde de la culture » (c’est-à-dire une phalange de la boboïtude ordinaire) appeler à « faire barrage » à Marine Le Pen : qu’importe les signataires – interchangeables, increvables, insignifiants ; ils jouent leur rôle d’arroseurs arrosés par un peuple qu’ils passent leur temps à mépriser par leur absence de talent et leur prostitution au système.

    Les émeutes ethniques sont la version light des attentats. Elles révèlent à quel degré de décomposition politique est parvenue la France. Une décomposition en grande partie liée à la déchristianisation. Une forme de politique qui ne dit pas son nom, mais très active, pourtant, par le biais de l’indifférence. On le voit dans celle qui accueille le caillassage puis la tentative d’incendie d’une église évangélique arménienne, à Alfortville, la semaine dernière. Les Arméniens ? C’est quoi, ça ? Existent-ils en dehors d’Aznavour ? Le génocide de 1915 n’a pas réussi à faire entrer l’abomination turque  dans l’opinion publique : il est déjà oublié. Et puis on a assez de problèmes avec Erdogan. L’islamisme a de bien beaux jours devant lui. La presse officielle, si elle a fait état de ces agressions, s’est bien gardée d’établir des relations de cause à effet entre le discours d’un pasteur arménien sur le sort des chrétiens d’Orient et les musulmans « locaux », dont on sait l’amour qu’ils vouent au christianisme, en général et à celui d’Orient, en particulier. Le même type d’agression contre une mosquée eût engendré des émeutes communautaires qui eussent été considérées par la presse avec toute la bienveillance due à ses maîtres sunnites.

    Il est vrai que les chrétiens d’Orient n’intéressent pas même mes amis catholiques, lesquels participent donc, eux aussi, à la déchristianisation puisque, je suis las de le répéter, seuls les imbéciles et les traitres refusent de voir que notre destin de catholiques est lié à celui de nos frères d’Orient, et non aux évêques qui nous enjoignent d’accueillir favorablement les musulmans. Nous sommes las des musulmans en Europe, particulièrement en France. Nous sommes également las des hommes politiques qui leur permettent d’ériger le territoire en proto-califats.

     Je n’accepterai pas davantage de dire, désormais, selon la décision de l’Eglise, «  Ne nous laisse pas entrer dans la tentation » au lieu de « Ne nous laisse pas succomber à la tentation. » D’abord, je ne tutoie pas le Seigneur. Il n’est pas un pote. Ensuite il y a dans le verbe succomber quelque chose de plus fort, de plus subtil, navrant et profond que ce très laid « entrer en tentation », qui rappelle « entrer en conférence » ou « en lévitation », et qui suppose la souveraineté de l’homme face au Démon, donc la diminution de la puissance de ce dernier, voire sa disparition élocutoire au profit d’un psychologisme du mal, évidemment réducteur, et qui fait le jeu du Démon.

    « Entrer en tentation », c’est, par exemple, voter pour l’un des candidats à l’élection présidentielle. C’est se faire le zélote du pouvoir culturel et abdiquer toute forme de pensée, d’effort vers la vérité.  Lisons ou relisons donc Tertullien, que les éditions Les Belles Lettres publient, ces jours-ci, sans doute pour se faire pardonner la publication des œuvres complètes de Mitterrand dont la momie n’en finit décidément pas de puer.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 4 avril 2017)

     

     

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  • Tour d'horizon... (117)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur son site Bouger les lignes, la spécialiste de la géopolitique et des questions de défense, Caroline Galactéros, analyse la stratégie chinoise au Moyen-Orient...

    Au Moyen-Orient, un jeu d’ombres chinoises

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    - sur Philitt, dans un entretien, Serge Latouche revient sur sa conception de la décroissance...

    Serge Latouche : « La décroissance veut retrouver le sens de la mesure »

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  • Les trois hégémonies et l’impuissance dramatique des Européens...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Dussouy, cueilli sur Metamag et consacré aux hégémonies qui menacent l'Europe. Professeur émérite à l'Université de Bordeaux, Gérard Dussouy est l'auteur d'un essai intitulé Contre l'Europe de Bruxelles - Fonder un Etat européen (Tatamis, 2013).

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    Les trois hégémonies et l’impuissance dramatique des Européens

    Le monde postmoderne, celui d’après la modernité occidentale finissante, entérine l’achèvement du cycle de l’État-nation européen (forme politique canonique de la dite modernité) commencé avec les traités de Westphalie (1648). En effet, avec la globalisation, à l’œuvre depuis la fin des années 1980, il apparaît de plus en plus clairement que la planète est entrée dans un nouveau cycle politique, identifié par Robert Gilpin comme étant celui État-continent efficacement structuré, met en présence, aujourd’hui, trois types d’hégémonies (en fonction des facteurs dominants respectifs) : l’hégémonie occidentale/américaine, l’hégémonie chinoise et l’hégémonisme musulman.

    Les deux grandes hégémonies concurrentes

    Dans la définition de l’hégémonie que retient Gilpin, la puissance étatique qui en est à l’origine est un agrégat cumulatif dans lequel le facteur économique voit sa contribution augmenter irrésistiblement (notamment au travers de ses groupes transnationaux). A partir de lui, elle étend son influence dans le monde entier et elle s’ingénie à créer des institutions internationales grâce auxquelles la force du plus fort, c’est-à-dire la sienne, se transforme en droit (Cf. le FMI, l’OMC, et une kyrielle d’institutions régionales relais).

    C’est ainsi que depuis 1945, et plus encore depuis l’effacement de l’Union soviétique, l’État-continent US, sûr de sa suprématie militaire, a imposé ses normes tant en ce qui concerne l’organisation et les règles de l’agir économique, qu’en ce qu’il en va de la vie sociale et des changements sociétaux. Mais depuis quelques décennies, cette hégémonie occidentale, qui recouvre toute l’Europe, jusqu’aux portes de la Russie, doit compter avec la prétention à l’hégémonie d’un autre État-continent, la Chine. De fait, celle-ci inonde le monde de toutes ses productions, jusqu’à saturer tous les marchés, se répand dans tous les continents (et ce n’est pas qu’une image quand on considère la géographie des diasporas chinoises), de l’Asie à l’Europe, et de l’Amérique à l’Afrique (où elle met la main sur tout ce qu’elle peut), joue un rôle de plus en plus important dans les institutions internationales, accumule les devises et entend accueillir bientôt le nouveau marché de l’or ! Dans la mesure où on ne sait pas encore de quel côté la balance va pencher, on est bien dans une phase de « transition hégémonique » qui se joue, de part et d’autre du Pacifique, nouveau centre de l’arène mondiale, entre les États-Unis et la Chine. Les Européens, eux, sont au balcon ! Mais ils sont également les jouets de la compétition en cours. Ils subissent, sans réagir, les offensives commerciales et patrimoniales chinoises, et les étouffantes et très intéressées attentions d’une puissance américaine sur la défensive.

    Á ces deux acteurs hégémoniques, tout compte fait classiques parce qu’ils mobilisent en priorité les moyens économiques et les ressources militaires, bien qu’ils soient les premiers dans l’histoire, et la Chine autrement plus que les Etats-Unis, à s’appuyer sur un potentiel démographique considérable, s’agrège maintenant l’aspiration à l’hégémonie de l’Islam.

    L’hégémonisme musulman

    L’hégémonisme musulman repose sur l’expansionnisme démographique et le prosélytisme religieux avant tout, et sur la puissance financière de manière auxiliaire. Néanmoins, il n’a pas de puissance chef de file, de centre directeur et émetteur de la dimension des deux autres. Il est polycentrique et démotique. La croissance démographique élevée de la plupart des pays musulmans conforte la religion du Livre dans un rôle international inattendu par son ampleur pour un phénomène culturel. Elle alimente des flux migratoires qui ne cessent de renforcer les diasporas installées, assez récemment, à la périphérie des espaces d’origine de l’Islam, comme en Europe où son influence augmente. Tant et si bien que la conjonction de la dynamique démographique et de l’irréductibilité religieuse des nouveaux habitants (démontrée tous les jours dans les actes civils) disloque et transforme les sociétés européennes investies. Et cela avec d’autant plus de résultats que les systèmes juridiques européens en place, et les valeurs qui les sous-tendent, sont dépassés et contre-productifs (puisqu’ils permettent à l’Islam d’imposer ses croyances) dans un contexte nouveau qui est celui d’une quasi guerre culturelle. Cette transformation est de type démotique, parce qu’elle agit par imprégnation à l’occasion d’une substitution progressive des populations immigrées à des populations autochtones qui vieillissent et qui sont frappées par la crise de la dénatalité. Elle est la conséquence du nombre qui stimule la résistance aux valeurs et aux traditions des pays d’accueil.

    Enfin, ce processus spontané d’islamisation, au moins partielle, de l’Europe, présente une dimension stratégique parce qu’il est aussi encouragé par plusieurs États musulmans, au potentiel politico-militaire généralement limité, sauf la Turquie, mais qui disposent de ressources financières impressionnantes qui autorisent des acquisitions patrimoniales considérables et des soutiens généreux aux acteurs musulmans en mission.

    La voie de salut de l’État européen

    Toujours sous l’emprise d’une vision occidentalo-universaliste du monde qui se retourne contre eux, et sous la tutelle politique et stratégique des États-Unis, mais en même temps déstabilisés, au plan économique et donc social, par les offensives multiples et répétées de la Chine, les Européens sont confrontés aux vagues migratoires venues du sud et porteuses d’une croyance religieuse le plus souvent intolérante et parfois totalitaire.

    Incapables de répondre à ce triple défi hégémonique tant qu’ils ne seront pas politiquement unis, parce que leurs États respectifs sont devenus trop faibles, ils sont directement affectés dans leurs conditions de vie, dans leurs coutumes et leurs rapports au monde, dans leurs identités. Le drame est que sans être parvenus à se débarrasser de l’hégémonie américaine, les Européens subissent déjà les deux autres, et que leur situation va empirer.
    Leur seule réponse appropriée à un tel contexte est celle de l’Etat européen parce qu’il est l’unique outil politique de combat adapté aux immenses épreuves que, tous azimuts, les Européens commencent, tout juste, à entrevoir. En effet, l’Etat supranational est le seul en mesure de réunir les ressources humaines, matérielles et immatérielles, de disposer de budgets conséquents, et de fixer des stratégies à long terme, choses indispensables pour éviter le pire.

    Dans ce but, les Européens actifs, et conscients de ce qui vient, doivent s’emparer de l’Union européenne et la transformer dans l’optique qui précède. La dispersion et le repli national seraient mortels. Les Anglais regrettent déjà, sans l’avouer, leur référendum (qui, il faut le souligner, parce que cela est d’importance pour la suite, ne comporte aucune obligation constitutionnelle). On peut parier qu’ils feront tout pour que le Brexit ne soit pas effectif, même s’il devait être officialisé. Les solutions de raccroc ne manquent pas.

    En tout état de cause, il est clair qu’il ne faut pas fuir l’Europe, parce qu’elle est la voie de salut. Il faut comprendre que si un État est fondé sur des éléments physiques (territoire, population et organisation bureaucratique), il est aussi, et c’est essentiel, l’idée que l’on s’en fait. C’est donc aux Européens eux-mêmes de faire de l’Union (qui, telle qu’elle est, sert de prétexte à tous ceux qui rejettent l’Europe sous quelque forme que ce soit) l’État qui leur convient, qui les défend, qui porte leurs aspirations.

    Les raisons d’y croire

    Pour y parvenir, deux types d’acteurs existent et qui sont compatibles parce qu’ils peuvent converger dans leurs actions : les États existant et les mouvements citoyens. En effet, parmi les États, certains peuvent, ou pourraient compter bientôt, des gouvernants qui ont pris acte de toutes les dérives de l’Union européenne, de toutes ses orientations politiques nocives pour les peuples européens, de l’insignifiance ou de l’indifférence à la cause européenne de ceux qui la dirigent, et qui ont décidé de changer le cours des choses.

    Ces États, bien qu’ils puissent être de dimension moyenne, pourraient alors se constituer en bloc, au sein de l’Union, pour arrêter les politiques actuelles et en exiger d’autres conformes aux intérêts des Européens (les États du groupe dit de Višegrad se concertent, ces derniers temps, pour essayer de poser les bases d’une armée européenne), aussi bien qu’ils pourraient obtenir des réformes profondes en faveur de la représentation des peuples et de leur participation au processus de décision communautaire. Agissant ainsi, ces États seraient en mesure d’en entraîner d’autres, et des plus puissants, par le biais des opinions publiques.

    Cela n’est pas là qu’une hypothèse d’école, quand on pense à ce qui pourrait se passer en Europe centrale et de l’est si des États comme la Hongrie, l’Autriche et quelques autres, conscients de l’impasse que représente le repli national, s’entendaient pour changer, de l’intérieur, l’Union européenne. Il n’est peut-être pas anodin qu’à la suite de son premier échec, le candidat nationaliste à l’élection présidentielle autrichienne, Norbert Hofer, ait déclaré qu’il entendait améliorer et changer l’Union européenne, et surtout ne pas la quitter (« Ich möchte eine bessere EU und keine Austrittswelle »), sauf en cas d’une adhésion imposée de la Turquie. La prise de conscience qu’il existe un intérêt européen susceptible de transcender les égoïsmes nationaux et de trouver des règlements aux vieux différents, territoriaux ou autres, semble se dessiner, et elle devrait se confirmer compte tenu de la montée certaine du stress extérieur (invasions continues à travers les Balkans et l’Italie) et de l’imminence de la crise financière.

    L’action de ces États rédempteurs, ceux à l’origine du renouveau européen, s’avèrera d’autant plus efficace qu’elle entrera en phase avec les mouvements citoyens qui commencent à émerger, ici et là, en Europe, et à constituer des fronts communs sur des résistances et des revendications variées. A partir de ceux-ci, pourra se former une opinion publique européenne, avec en son sein, la conviction selon laquelle, plus que jamais, l’Europe est le destin commun de tous ses peuples originaires, et l’État européen l’instrument de leur survie et de leur liberté. Au plan pratique, cela pourrait conduire des forces politiques à s’organiser à l’échelon supranational avec l’objectif, parmi d’autres, de faire en sorte qu’un jour le Parlement européen porte, enfin, et si l’on peut rêver dès 2019, la voix de la souveraineté populaire.

    Á ce compte là, tout n’est pas perdu !

    Gérard Dussouy (Metamag, 12 septembre 2016)

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