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bien-pensance - Page 4

  • A propos de la censure et des censeurs...

    « Dans la mesure où l'on cherche à modifier ce que pensent les personnes à l'âge adulte, soit par des lois limitant leur liberté d'expression,qui sont parfois présentées comme ayant une valeur pédagogique, soit par des campagnes faites par des associations subventionnées par les pouvoirs publics, on entre dans une sorte de totalitarisme mou, ce qu'on pourrait appeler le stalinisme bobo. »

     

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Jean Bricmont à Kontre Kulture à l'occasion de la sortie de son livre La République des censeurs (L'Herne, 2014). Chercheur et professeur en physique théorique, Jean Bricmont est un disciple de Noam Chomsky et un défenseur de la liberté d'expression. Il s'est fait connaître dans le monde des idées par un livre, Impostures intellectuelles (Odile Jacob, 1997), écrit avec Alan Sokal dans lequel il étrillait quelques pontes (Gilles Deleuze, Julia Kristeva, Bruno Latour...) de la pensée socio-philosophique française...

     


    Jean Bricmont sur son livre "La République des... par kontrekultureA

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  • « Libération », du maoïsme au moralisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer, cueilli sur Le nouvel Économiste et consacré à la ligne éditoriale du quotidien Libération dont les ventes en kiosque sont en constante diminution et ne sont plus en mesure d'assurer sa survie...

     

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    « Libération », du maoïsme au moralisme

     

    De leur passé gauchiste, les bourgeois-bohèmes de Libé conservent cependant la phobie de la sécurité et de l’ordre

    D’abord, le doute : doit-on tirer sur une ambulance ? Peut-on courir le risque d’attenter à la liberté de la presse ? Puis le sens du réel l’emporte : ces vingt années écoulées, Libération a tant soutenu les pires lubies de la “culture de l’excuse”, tant déversé de moralisme et d’“antiracisme” monochrome sur les criminologues fermes face au crime, que la crise vécue par ce quotidien tourne à la bonne nouvelle pour la liberté de penser.

    Remontons d’abord aux origines : en 1973, Libé est fondé par des gauchistes idolâtrant Mao Tsé-Toung, (les “Maos”), au moment même où leur dieu vient de présider, coup sur coup, à deux des pires génocides du XXe siècle, dont la funeste “Révolution culturelle” et ses millions de morts – une “catastrophe nationale” pour le pouvoir communiste chinois d’aujourd’hui.

    Mais bien pire encore et même méconnu, ce “Grand bond en avant” (1958-1962) dont le “Soljenitsyne chinois” Yang Jisheng, communiste lui-même, a établi qu’il avait provoqué 36 millions de morts (bien plus que la première Guerre mondiale… 450 fois le nombre de victimes du bombardement atomique de Nagazaki !).

    Ce “génocide le plus épouvantable de toute l’histoire humaine” (New York Times, 7/12/2012) trouve son origine dans le pur fanatisme communiste d’un Mao alors divinisé, en pleine paix, hors de tout désastre naturel et dans une orgie d’horreurs : cadavres jonchant les routes, cannibalisme et nécrophagie familiales, etc.

    Extrait des archives du PC chinois, ces rapports, parmi des milliers d’autres : un paysan exhume quatre cadavres pour les dévorer… une fillette abandonnée tue son petit frère de quatre ans pour le manger… Traversant en bus une province ravagée par la disette, un journaliste de l’agence officielle Xinhua confesse : “Je voyais un cadavre après l’autre au bord de la route, mais nul dans le bus n’osait parler de la famine…”

    Quelques brèves années après ces tragiques crimes contre l’humanité, de jeunes bourgeois gauchistes français s’entichent de Mao et du maoïsme.

    Mais précisons d’abord le concept de “crime contre l’humanité” : la Cour pénale internationale y prévoit clairement l’extermination : “Le fait d’imposer intentionnellement des conditions de vie telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population.” S’agissant aujourd’hui de la Syrie, cette définition est encore renforcée par la voix autorisée du prix Nobel de la paix Elie Wiesel, qui martèle : “Lorsqu’on tue ses propres citoyens en nombre, cela s’appelle un crime contre l’humanité.” (AFP, 23/2/2014.)

    Retour aux “Maos” : hors du prolétariat qu’ils fantasment, point de salut ! Leur idéal : “Servir le peuple”, défendre la “Cause du peuple”. C’est l’époque où un chœur de gosses de riches chante sans rire : “Ecoutez-les nos voix, qui montent des usines…”

    Dans la foulée, Libération est créé. Sa charte d’origine est claire : il doit “donner la parole au peuple”. Mais la désillusion vient vite : les vrais prolétaires rejettent leur indigeste cocktail Mao-Althusser-Lacan. Les maoïstes et leur journal virent alors à l’anarchisme bohème, au libéralisme libertaire ; le contenu du quotidien passant, lui, du journalisme à l’exorcisme et de l’information à l’inquisition.

    Pour les ex-Maos devenus bobos, ces ouvriers qui les ont dédaignés deviennent ensuite objet de mépris, puis de haine : de “Servir le peuple” à salir le peuple… Le 24 novembre 2011, à l’issue de cette trajectoire de trahison, un article de Libé intitulé “Debout les autodamnés d’Angleterre”, vomit une culture ouvrière – de fait éloignée des Gay Prides – marquée par “l’obsession de la masculinité … imprégnée par un violent racisme et sexisme”, avec le risque “d’interprétations réactionnaires et fascistes”.

    Alors, des damnés de la Terre, les prolos ? Pas du tout : ces proto-fachos n’ont que ce qu’ils méritent.

    De leur passé gauchiste, les bourgeois-bohèmes de Libé conservent cependant la phobie de la sécurité et de l’ordre. Dans ses articles et dans les colloques qu’il organise, Libé pourfend toute mesure d’ordre, assurant que l’insécurité est un fantasme et les pires voyous, des victimes de l’exclusion et du racisme. Ceux qui prônent la sécurité ? Des fascistes et rien d’autre.

    En février 2013, son colloque “Prise d’élans pour la ville”, consacré aux “quartiers populaires” et banlieues, ne pipe mot du crime ni des bandes – Libé ou l’art d’ignorer l’éléphant dans la pièce…

    Le 4 octobre dernier encore, entre les tirs de kalachnikov et le pillage des campagnes, Pierre Marcelle, Bobo-en-chef de Libé, ironise lourdement sur “le maxi délinquant de 14 ans déjà épinglé quatorze fois pour vols de Carambars, racket de tickets de métro et tapage nocturne à Mobylette”.

    Résultat : outrés par cet aveuglement et par ces anathèmes, des lecteurs se détournent. Les ventes s’effondrent : moins 40 % de 2012 à 2013. Et même, Libé aurait déjà disparu, sans les millions d’euros de subventions de l’Etat et les dotations de ses actionnaires. Et quels actionnaires pour un journal naguère gauchiste ! Un “promoteur”, une “société foncière” une “banque d’affaires”… Un “capitaliste italien”…

    Cette déroute ramènera-t-elle Libé à la raison ? A exposer la réalité criminelle ? A ne plus ironiser sur le martyre que vivent les habitants de HLM dont les couloirs sont occupés par des racailles ; ou les usagers du RER détroussés par des voyous ?

    A ne plus s’indigner par pleines pages de l’antisémitisme de Martin Heidegger, en occultant totalement celui, pire encore, de Karl Marx ? A abandonner son sectarisme aveugle ?

    Bref, Libé, qui exalte la “diversité”, comprendra-t-il un jour que ce concept peut dépasser la couleur de l’épiderme pour atteindre celui de sa ligne éditoriale ?

    Qu’il se reprenne ainsi et Libé verra à coup sûr ses ventes augmenter. Une renaissance qui serait alors, et tout ensemble, bénéfique à la liberté de la presse, comme à celle de penser librement.

    Xavier Raufer (Le Nouvel Économiste, 21 mars 2014)

     

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  • A propos des nouveaux bien-pensants...

    Le 4 mars dernier, Pascal Esseyric et Patrick Péhèle, les animateurs de la revue Eléments, recevaient Michel Maffesoli et Hélène Strohl dans leur émission de Radio Courtoisie, Les Chroniques de la vieille Europe, à l'occasion de la sortie aux éditions du Moment de leur essai Les nouveau bien-pensants.

    Vous pouvez écouter ci-dessous cette émission.

     

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  • Décryptage des médias sur TV libertés...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la première d'I-Média sur TV libertés, une émission hebdomadaire consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia. La chasse à la désinformation, aux manipulations et au politiquement correct est ouverte !...

     

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  • Lettre aux Norvégiens...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier un essai de Richard Millet intitulé Lettre aux Norvégiens sur la littérature et les victimes. Il revient à cette occasion sur son Eloge littéraire d'Anders Breivik qui avait suscité une violente polémique et lui avait valu une mise au ban du monde littéraire.

     

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    " [...] Depuis qu'il tut contraint de démissionner du comité de lecture de Gallimard en septembre 2012, l’écrivain, en faveur duquel nulle pétition ne circula, est un homme seul, assigné à résidence, lecteur intermittent de quelques manuscrits de second choix, et qui ne participe à aucune décision éditoriale. Gallimard continuera-t-il à publier ses romans ? Rien n'est moins sûr, tant le courage est une vertu rare dans le petit milieu littéraire. Lui demeure acquise la fidélité d'un jeune éditeur, Pierre-Guillaume de Roux, qui n'est pas en vain le fils du réfractaire que fut Dominique de Roux, et de quelques journalistes, parmi lesquels, inattendu, Franz-Olivier Giesbert, qui lui a ouvert les colonnes du Point. Sans compter la cohorte de ses lecteurs anciens et les nouveaux, venus à lui dans le sillage du scandale et de la conjuration des "indignés" professionnels.

    Son orgueilleux refus de la repentance aggravera la vindicte à son égard. «Échec, opprobre, solitude: j'en ai toujours fait mon sel, écrit l'auteur dans sa Lettre ouverte aux Norvégiens... C'est pourquoi je ne prétends pas plus au martyre qu'à la pitié, non plus qu'à la condescendance moralisante ou psychologisante par laquelle on m'incite parfois à regretter, chez moi, je ne sais quelles dispositions à la provocation, voire au masochisme. »

    Revenant sur le réquisitoire prononcé à son encontre par de vertueux censeurs qui, pour la plupart, n'avaient lu que le titre de son essai, Éloge littéraire d'Anders Breivik, par lequel le scandale était advenu, Millet récuse les principaux griefs de ses juges: il n'a jamais fait l'apologie d'un tueur de masse, mais seulement vu en lui le produit
    pervers, le choc en retour, d'une politique iréniste ; il n'a pas voulu dire que ses victimes, complices d'un système néfaste, méritaient de mourir, et s'il n'a pas manifesté de compassion pour elles, alors qu'il se sent depuis toujours solidaire de tous les vaincus de l'Histoire, c'est que le silence lui paraissait le seul signe de respect, voire de compassion, qui n'a pas besoin d'être ostentatoire.

    Est-il nécessaire de souligner que cette défense orgueilleuse ne convaincra pas plus ses critiques qu'elle ne désarmera la haine à son endroit : car bien loin de se présenter en coupable repentant, nu-pieds sur le chemin de Canossa, Millet ne renie pas ses propos sur les menaces que le multiculturalisme et l'immigration extraeuropéenne font courir à l'identité européenne.

    Ni raciste, ni nationaliste, ni fasciste, ni xénophobe, ni provocateur, il se pose en victime émissaire et revendique son « innocence d'écrivain solitaire», refusant le déni de réalité et la décadence de la littérature, et « cherchant dans la langue une voie qui est celle de la vérité». Condamné à l'infamie et à la damnatio memoriae, banni de la scène publique - comme l'a montré, après qu'il ait été accepté et loué,
    le soudain refus du livret que Luc Bondy lui avait demandé pour un opéra de Marc-André Dalbavie, Charlotte Salomon —, il sait que les conséquences de "l'affaire Millet" se feront sentir longtemps encore et que seules, peut-être, les générations à venir rendront
    justice à son œuvre. «Je suis toujours en guerre, conclut-il. Encore plus étranger au bruit de la foule, aux fausses valeurs, aux mots d'ordre du Bien, je continue à écrire : j'apprends à être seul, j'accouche de moi-même, je tente de me défaire du rapport de moi à soi qui définit le narcissisme littéraire [...]. Et je m'éloigne, cherchant l'absolu d'une rupture qui ne se confonde pas avec le nihilisme...»

    Mes écrits témoigneront pour moi, veut croire l'écrivain qui, à dessein, use du futur, sachant qu'il n'a pas été lu, et l'eût-il été, qu'il n'eût pas été compris, ni entendu de bonne foi. À rebours de la foule des tâcherons de la plume pour qui la littérature n'est qu'un divertissement profane et participe de l'échange banal des marchandises, Millet la reconnaît pour ce qu'elle doit être, une aventure spirituelle, un style de vie, un exorcisme des démons, démons personnels et démons du siècle. Une confrontation permanente avec le risque, celui, pour citer Michel Leiris, du contact avec la corne du taureau. [...] "

    Bruno de Cessole (Valeurs actuelles, 3 février 2014)

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  • Le nez de De Gaulle et son identité...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christian Combaz, cueilli sur son site personnel et consacré à la question de l'identité...

     

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    Le nez de De Gaulle et son identité

    A l'époque de mon enfance , dans la France du Général de Gaulle, on caractérisait volontiers les gens par leur aspect. On disait par exemple ( comme on aurait pu dire de De Gaulle lui-même) « c'était un type à grandes oreilles, une voix qui commençait comme un barrissement, par de curieux aigus, et une silhouette voûtée, dont les épaules semblaient avoir un temps de retard sur les mouvements de la marche ».

    Cette habitude du portrait instantané résultait de cinq ou six siècles de littérature. De Montaigne à Marcel Proust, en passant par Balzac et Dumas, on avait coutume de croquer les gens en permanence.

    Cinquante ans plus tard, la pratique sociale a tellement changé qu'il n'est plus question de désigner quelqu'un par sa taille, le volume de son nez, l'angle de ses oreilles ou, évidemment, la couleur de sa peau.

    Pourquoi ? Parce que l'individu ne doit plus être décrit et qu'il est interdit de dire que l'Oncle Marcel a un drôle de pif . Parce que, si on commence dans ce registre, c'est la porte ouverte à la description raciale, donc à la discrimination. On dira donc plutôt de l'Oncle Marcel qu'il est très attentif aux autres, qu'il a une grande capacité d'écoute. Ou le contraire. Mais quant à savoir à quoi il ressemble, plus question de le réduire à son apparence. Ce serait une offense à ceux qui n'aiment pas la leur. Pire, les surnoms dont les groupes gratifiaient autrefois leurs membres, le genre « patte-folle », « le tondu », « la pipelette », etc, tout cela est relégué au rang des habitudes réductionnistes, fascistes, au nombre desquelles la simple différenciation entre les êtres sera probablement classée un jour.

    Or quand on y réfléchit et c'est l'objet de ce tour de piste, l'identité d'un être est justement, très souvent, forgée par la façon dont on le désigne. En ce sens, ceux qui, aujourd'hui condamnent toute forme de désignation d'autrui dès l'enfance par ses traits les plus immédiats croient faire œuvre pie. En empêchant un petit garçon de se percevoir comme masculin, une petite fille de Brest de se regarder comme féminine, comme bretonne, comme française, en se gardant de désigner les origines, les dons, les prédispositions d'un enfant, les parents militants et les professeurs pénibles, qui sont souvent les mêmes, croient agir pour une société idéale, délivrée de tout préjugé, de tout déterminisme, de tout rejet de l'autre, or ils font exactement le contraire.

    Voyons en quoi ce que nous avons vécu était conforme aux règles qui président à la construction d'une identité et voyons en quoi ce que nous vivons y contrevient gravement . Et surtout voyons quelles en sont les conséquences. 

    L'identité se forge dès l'enfance par l'adoption d'un rôle, d'une image, d'une spécialité reconnue, d'une préférence affichée. La différence entre garçons et filles, qui semble la première, est délibérément brouillée aujourd'hui dès l'attribution des rôles, et il est probable qu'elle sera un jour conjurée par le vêtement unisexe. L'école de la République post-gaullienne prétend en outre demeurer généraliste afin de ne pas fermer à l'enfant des portes trop tôt mais l'expérience prouve, après cinquante ans, que les portes restées ouvertes mènent à une impasse, celle de l' indéfinition. Le «je ne sais pas quoi faire » de l'élève de Terminale admet un corollaire, « je ne sais pas qui je suis » - jusqu'à ce que le marché de l'emploi me le dise, mais une identité forgée par Pôle-Emploi est-elle vraiment conforme à l'idéal de Jean-Jacques Rousseau, selon qui l'éducation a pour objet de faire un homme, et pour qui il n'est pas de métier plus urgent  ? Ce n'est pas certain.

    L'identité est forgée, aussi, par référence à celle de l'autre, mais comme on interdit aux enfants de dessiner leurs voisins dans leurs caractéristiques les plus évidentes , il ne savent plus se dessiner eux-mêmes. L'identité est un autoportrait auquel, de temps en temps, votre voisin de classe, votre entourage, votre hiérarchie vient apporter sa touche, or depuis trente ans tout le monde a reçu la consigne de déposer les pinceaux. Ceux qui ne veulent pas qu'on dessine leur portrait, sans doute parce qu'ils ne s'aiment pas, comme ces rombières qui ne veulent pas être prises en photo, ont gagné la partie. Les enfants, faute de pouvoir adopter leur portrait, sont voués aux formes géométriques, à l'abstraction d'autrui, à l'abstraction d'eux-mêmes et aux mathématiques.

    L'identité est reliée au temps. Elle est construction, elle a un rapport avec l'avant et l'après, les âges historiques, les âges de la vie. On mesure hélas chaque jour à quel point l'éducation comme la société font abstraction de l'Histoire, des origines, et même de l'âge des protagonistes du jeu social, . Depuis les années 70 on voit apparaître non seulement un type humain indéfinissable par son aspect physique, mais par son âge lui-même et par ses origines. On l'affuble d'un déguisement de jeune adulte dès l'adolescence. Il le garde jusqu'au seuil de la vieillesse. L'histoire de sa famille est volontairement brouillée par le système. Il devient obligatoire, en tout cas il est très chic de confesser son appartenance à trois ou quatre mondes culturels différents dont on ignore tout, à l'américaine.Combien de fois les Californiens nous ont-ils fait le coup du « je crois que j'ai des ancêtres ukrainiens, c'est un état de Russie n'est-ce pas? ». Et la chose qu'on entend le plus souvent dans les jeux télévisés, est, en réponse à une question sur Napoléon III : je ne connais pas la réponse, parce que je n'étais pas né.

    L'identité entretient, enfin, un rapport intime avec le langage qui classe, différencie, permet le refus de ce qui n'est pas soi, permet de définir ce que sont les autres. Le contrôle du langage est donc parmi les plus féroces priorités que s'est fixé le XXème siècle. En 1950, on disait à ses adversaires ou à ses élèves :" je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites", on dit, désormais, "vous n'avez pas le droit de le dire" - ce qui interdit de se forger une conviction par confrontation avec celles des autres, puisque certaines ne sont même plus exprimables. De même certains mots ne sont plus prononçables. Pire, certains autres n'ont plus le même sens pour tout le monde , ce qui interdit d'opposer à autrui une parole compréhensible à tous puisque le sens des mots dépend de celui qui écoute. Si c'est le gouvernement français qui écoute, il peut vous imputer à crime tout qu'il trouve dans votre courrier électronique - avant de téléphoner à Washington pour savoir ce qu'il doit en faire .

    Du langage, nous passons donc au sens, ultime cercle de l'éviction de l'identité. Quand un langage cesse de désigner le réel, quand il n'est plus l'expression de quelqu'un, il est l'expression de quelque chose. Ce n'est plus vous qui parlez, vous ne savez plus ce que vous dites: ça parle en vous.

    Nous voilà dans le monde de l'inadvertance, du non-dit, du signifié par défaut. L'identité ne saurait-être niée davantage. On vous tient pour le pitoyable instrument de quelque chose qui vous dépasse. Vous proférez des choses qui ne vous appartiennent pas, comme dans les pièces de Ionesco ou certaines scènes du dramaturge Jean-Luc Lagarce. 

    Quelles en sont les conséquences ? Nous les mesurons dans tous les films de science-fiction, mais dans ce domaine et pour paraphraser le génie de ceux qui nous gouvernent, demain c'est maintenant. Le film est en train de se rembobiner à toute allure : la parole, c'est à dire le langage qui dit quelque chose, qui exprime une volonté, une préférence, un refus, qui a un auteur, s'apprête à resurgir, à retentir de nouveau. Naturellement, le corps social militant, associatif, normatif, essaie de discréditer cette renaissance du verbe individuel, en essayant de montrer une fois de plus que ça parle en vous. Si vous refusez de pratiquer le fétichisme du sens obligatoire, du discours fléché, vous offensez les Dieux. Mais ce discours ne marche plus.

    Rembobinons le film par le langage. On voit bien, et nous avons vu récemment, qu'on ne peut pas lutter durablement contre l'usage des mots. Et que lorsque certains mots sont interdits par décret, certains gestes criminalisés, il suffit de les remplacer par d'autres. La conséquence de la réglementation est donc le contraire de ce que l'on croit : l'infection se répand. Aucun antibiotique n'est efficace. Quand le mot quenelle sera interdit sur les boîtes de conserve, un autre deviendra à la mode. La jeunesse saura toujours inventer de quoi défier le pouvoir, lequel, en attendant, se discrédite en courant après les mots comme n'importe quelle dictature d'opérette. 

    Remontons encore le film mais cette fois par l'Histoire.

    Elle est en train d'enfler dans les profondeurs comme un tsunami encore ignoré. Le tremblement de terre a déjà eu lieu au milieu de l'Océan, désormais la vague géante est presque formée. Elle déferlera très vite. Les groupes humains qu'on a voulu priver de leur mémoire , de leur territoire, les retrouvent inopinément. Chacun est à la recherche d'une définition de soi, les uns en analysant de manière compulsive l'histoire de la colonisation ou des croisades, les autres en nous parlant de Celtes et des Teutons. Fâcheuse victoire. Le communautarisme à l'américaine, qui ne peut pas avoir d'équivalent chez nous parce que nous sommes des pays étroits, c'est Babel dans une cage d'escalier . C'est votre voisin qui vous reproche la conduite de vos ancêtres. C'est la religion qu'on arbore comme une cartouchière. Là encore, on aimerait que les fourriers de l'indifférenciation  soient placés  face aux conséquences de leurs actes, et obligés de vivre avec ceux qu'on n'a plus le droit de regarder dans la rue. A présent ces derniers se désignent eux-mêmes à notre attention à tout propos et nous parlent de leur fierté. Leur fierté n'est pas agressive, non : sauf qu'elle défile deux fois par an en vous faisant un bras d'honneur en maillot de cuir, qu'elle envahit les églises sans soutien-gorge, ou qu'elle porte des vêtements traditionnels au supermarché.

    Remontons enfin le film identitaire jusqu'à l'Individu, et observons le résultat de l'angélisme des maîtresses d'école qui cherchent à conjurer depuis dix ans la vocation, le genre, la différenciation physique, la répartition des rôles chez les enfants : désormais les caractères sexuels les plus provocants sont apparents dès l'âge de douze ans et demi, surtout en milieu populaire. Les adolescents sont couverts de tatouages tellement nombreux et compliqués qu'ils ressemblent aux guerriers des bandes dessinées, aux mercenaires des jeux vidéo. On a prétendu les dresser à respecter leurs camarades c'est à dire à ignorer leurs différences dès la maternelle, ils n'ont que l'invective et l'insulte raciale à la bouche. Encore merci aux éducateurs et aux parents.On les voulait citoyens, ils ne connaissent que leur bande. On voulait qu'ils réfléchissent par eux-mêmes, ils pratiquent la loi de la meute. On ne voulait pas les contraindre, ils contraignent leurs parents et leurs maîtres. A la recherche de quoi ? De ce dont les bons apôtres les ont privés : une définition. Quand on sait qui on est, on n'a besoin d'affronter personne.

    Ils ont besoin d'affronter tout le monde.

    A présent il reste aux coupables à affronter la vérité. Peut-être qu'enfin, ils trouveront de quoi se reconnaître dans la glace à cinquante-huit ans. Mais quelle indulgence nourrissent, à leur égard, leurs enfants et leurs petits enfants devant ce monde qu'ils ont rendu dangereux par tant de généreuse niaiserie ?

    Christian Combaz (Site de Christian Combaz, 22 janvier 2014)

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