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Points de vue - Page 377

  • "Tout le monde se fout de notre sort"...

    Nous reproduisons ci-dessous un article cueilli dans le quotidien Le Monde, daté du 7 décembre 2011, et consacré au sentiment d'abandon qui envahit les Français des nouvelles classes populaires, qui subissent au quotidien les effets de l'immigration et de l'insécurité...

     

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    M. Jean, dans une cité de la région parisienne : "Tout le monde se fout de notre sort"

    C'est une cité sans renommée, dans une petite ville de la banlieue parisienne. Des immeubles proprets, de quatre ou cinq étages, pas plus. Il y a un arrêt de bus où les bus s'arrêtent encore. Il y a quelques commerces de proximité, un centre social et un poste de la police municipale. Le centre-ville est à 300 mètres à peine, mais c'est déjà un autre monde. "Ici, monsieur, nous vivons dans une bulle. Nous sommes abandonnés à nous-mêmes."

    M. Jean, 75 ans, et Mme Françoise, 64 ans, habitent à quelques numéros l'un de l'autre. Une fois obtenue la promesse de ne pas être reconnus ("Ça peut être risqué pour nous"), la parole se débonde en un flot ininterrompu, pendant plusieurs heures.

    M. Jean, un ancien photograveur, est arrivé ici, avec sa femme et son enfant, à la fin des années 1960. La construction des immeubles n'était pas encore achevée. Les voisins étaient alors des fonctionnaires de La Poste ou d'autres administrations, des militaires, des ouvriers de l'usine voisine. "Tout le monde travaillait. On se connaissait. On laissait la porte ouverte." "On causait les uns avec les autres", poursuit Mme Françoise, employée trente-huit ans dans un grand magasin et qui a emménagé en 1986.

    "ENTASSÉS DANS DES F3"

    Quand tout cela a-t-il commencé à déraper ? "C'est difficile à dire. Quand on s'aperçoit des choses, c'est trop tard." M. Jean situe tout de même le basculement dans les années 1980. La cité a commencé à accueillir des familles délogées des squats de Paris qui entravaient les projets immobiliers de prestige dans la capitale. "Elles ont commencé à s'installer à un bout de la rue et puis ont remonté à chaque appartement libéré. On mettait quatre personnes dans un logement et on en voyait d'autres arriver avec des valises d'on ne sait où. Très vite, les gens se sont entassés dans des F3."

    Quand il s'agit de décrire les nouveaux venus, le discours s'embarrasse un peu, les mots deviennent encombrants, le vocabulaire forcément connoté. Alors on cherche, on change : les étrangers, les immigrés, les Noirs, les Africains, les Arabes, les Maghrébins. Les anciens habitants, eux, sont partis, appartement après appartement.

    Autres circonvolutions, contorsions de langage pour décrire cette population en fuite : les Français, les Gaulois, les Blancs. Mme Françoise et M. Jean sont restés.

    L'ancien photograveur décrit la paupérisation croissante du voisinage. "Plus personne ou presque ne travaille, décrit cet homme investi de fonctions associatives qui lui permettent de pousser les portes fermées. Quand on entre dans certains appartements, y compris ceux des Français qui restent, on voit des choses incroyables, des gens entassés, de la misère."

    DROGUE CACHÉE DERRIÈRE LES COMPTEURS

    Depuis les années 1990, les petits trafics ont gangrené le voisinage, les cambriolages n'ont cessé de se multiplier. "Je vois des jeunes circuler à bord de voitures comme jamais je ne pourrais en avoir alors qu'ils sont officiellement au RSA. Ici, c'est tout petit. On connaît la situation de chacun." Mme Françoise dit retrouver régulièrement de la drogue cachée derrière les compteurs. Elle ne descend plus seule dans sa cave. Même si sa cité a été épargnée par les émeutes de 2005, elle voit régulièrement de ses fenêtres des voitures brûler sur le parking, notamment au Jour de l'an.

    "Grande gueule", comme elle se décrit elle-même, Mme Françoise n'a jamais hésité à expulser les jeunes qui investissaient le hall. Cela lui vaut des déboires. Il y a un mois, sa guimbarde, vieille de 20 ans, a été vandalisée. En mai, elle a été agressée en bas de chez elle, s'est retrouvée avec des points de suture à la tête. "Régulièrement, je me fais insulter."

    "Les gamins jouent en toute impunité à des choses qu'ils voient à la télévision ou entendent avec le rap, explique M. Jean. Ils refont l'histoire. Pour eux, on reste les colons. Chez les parents, c'est la loi du silence. Ils n'osent rien dire. Ils ont peur de leurs enfants ou peur de la police parce qu'ils sont en situation irrégulière."

    Il y a peu, les deux témoins voient également la religion musulmane prendre la rue. "Depuis un an ou deux, les femmes sortent maintenant avec le voile. La fille de ma voisine s'est mise à le porter, il y a six mois. Ça m'a fait un choc. Les hommes se laissent pousser la barbe et s'habillent à la pakistanaise." Une salle de prière devrait bientôt ouvrir dans la cité.

    EN DÉCALAGE

    Alors, Mme Françoise et M. Jean ont commencé à se sentir en décalage, pour ne pas dire esseulés. "Nous nous retrouvons enfermés dans un ghetto", résume M. Jean. Ils se sentent intrus dans "leur" cité. "On me conseille de partir, on me dit que je n'ai pas à occuper seule un appartement de 60 m2, dit Mme Françoise, qui a perdu son mari. Je ne demande pas mieux que de me barrer mais je n'en ai pas les moyens."

    La veuve dont la retraite est de 1 250 euros, paye 506,95 euros de loyer pour son F4. "Je ne pourrais jamais trouver ça ailleurs avec mes revenus." M. Jean touche 2 100 euros de retraite avec sa femme, et paye un loyer de 652 euros pour un appartement de 82 m2. " Si je pouvais partir, pensez bien que je le ferais. Mais j'ai passé l'âge d'acheter." Alors M. Jean a fait une demande de logement social dans le Var qu'il renouvelle chaque année, sans grand espoir.

    "Tout le monde se fout de notre sort", estime M. Jean. C'est sans doute le plus cruel. "La police nous dit qu'elle n'ose pas intervenir car elle craint de mettre le feu aux poudres." Le bailleur social, lui, a ses bureaux dans les beaux quartiers de Paris. "Quand vous vous retrouvez autour d'une table avec ces gens-là, vous sentez que vous n'êtes rien." Un constat amer que ne confirment pas exactement les importants travaux de rénovation entrepris par le bailleur et la municipalité ces dernières années.

    "LES POLITIQUES NOUS ONT OUBLIÉS"

    Quant aux hommes politiques... Mme Françoise explose d'un rire sardonique. "Ils nous ont oubliés. La cité ne vote pas. La participation atteint à peine 30 %. Alors nous n'intéressons personne." Les deux voisins avaient choisi Nicolas Sarkozy en 2007. "J'y ai vraiment cru", assure M. Jean. Il éprouve aujourd'hui plus que de la déception, de la révulsion pour "cet homme qui nous a trompés, qui a dit qu'il s'occuperait de nous et qui ne s'est occupé que de ses amis les riches".

    Aujourd'hui, affirme Mme Françoise, "ce qui se passe à la télé, ce qu'il dit à l'Elysée, on s'en balance, ça ne nous concerne plus". Ils iront quand même voter puisqu'ils l'ont toujours fait. Mme Françoise a arrêté son choix : "Sarkozy ? Il n'y a pas de risque que je me fasse avoir à nouveau. A gauche, il n'y a personne qui puisse vraiment changer les choses. Alors, pour moi, je vous le dis tout net, ce sera Marine Le Pen et tant pis si ça pète."

    M. Jean, ancien syndicaliste chrétien, ne peut se résoudre à ce choix. "C'est contraire à mes convictions. Je ne me suis pas encore fixé. Je regrette que le vote blanc ne soit pas comptabilisé." Il soupire. "Pourquoi ces gens-là ne sentent-ils pas que nous n'en pouvons plus ?"

    Benoît Hopquin (Le Monde , 6 décembre 2007)

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  • L'avertissement aux criminels...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du directeur de B.I. Infos, Louis Dalmas, cueilli sur Enquête&Débat et consacré à la nécessaire révolte des peuples contre les oligarchies criminelles qui les dominent... 

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    L'avertissement aux criminels

    Comment faire entendre la voix des peuples ? Pour pouvoir écouter cette voix, il faut avoir une idée de ce qu’elle peut dénoncer, c’est-à-dire l’état de notre monde occidental actuel. Quel est cet état ? C’est simple. C’est un espace en trompe l’œil dirigé par des criminels qui ont recours au mensonge pour maintenir leur domination.

    Les mots peuvent vous paraître durs. Ils correspondent pourtant à une réalité. Je vais essayer de les justifier en les reprenant un à un..

    Un espace en trompe-l’œil. Nous vivons dans un monde de fausseté. Les prêcheurs de vertu sont de faux innocents, les engagements électoraux sont de fausses promesses, les stars “pipoles” sont de fausses idoles, les soi-disant philosophes sont de faux sages, l’érotisme médiatique est une fausse sexualité, la publicité est une fausse documentation, les nouvelles de journaux sont une fausse connaissance, les copies d’objets de luxe sont de fausses richesses. Tout,cela, on le voit tous les jours. Mais il y a beaucoup plus grave. Dans trois domaines.

    1) Un des deux ressorts les plus importants de l’activité humaine – l’autre étant le sexe – est l’argent. Or l’argent n’existe pratiquement plus sous une forme tangible. Sa représentation concrète – la monnaie – s’est peu à peu déréalisée. L’objet monnaie est devenu d’abord une image, avec les divers billets de la monnaie fiduciaire, puis un simple jeu d’écritures, l’enregistrement sur des machines de la monnaie scripturale, qui assure aujourd’hui 90 % des transactions dans le monde. L’argent n’a plus de présence matérielle : il alimente un formidable monde virtuel, qui est en lui-même une aliénation totale de l’instrument de nos échanges en société. Ce monde virtuel, qui ressemble à celui d’Alice derrière le miroir ou aux univers parallèles de la science-fiction, s’est gonflé en une sorte d’énorme cancer financier ayant perdu tout contact avec la réalité de la production et du travail.

    2) Deuxième domaine en trompe-l’œil : la représentation démocratique. La soi-disant “démocratie“ occidentale, sans cesse brandie comme garantie de civilisation, n’est qu’un leurre. Son exercice est réservé aux individus riches ou aux organisations puissantes, capables de financer des campagnes électorales qui coûtent cher. Les résultats de consultations populaires, comme des référendums, sont remis en question jusqu’à ce que le peuple vote dans le bon sens. Les principales instances de direction européenne ne sont pas élues. L’ONU et les parlements nationaux sont ignorés quand il s’agit de faire la guerre. La démocratie parlementaire n’est qu’un alibi servant à justifier l’existence d’une caste de politiciens professionnels plus soucieux de leurs carrières que des intérêts de la nation.

    3) Troisième domaine en trompe-l’œil : la démagogie faussement morale des “droits de l’homme“, de la “protection des civils“ (qui consiste à les bombarder) et du “devoir d’ingérence“, utilisée pour agresser les Etats manifestant des velléités d’indépendance.  Cette gigantesque fabrication morale, destinée à faire croire aux peuples que leurs gouvernements se battent pour la vertu contre le vice, pour le bien contre le mal, ne sert qu’à dissimuler les véritables buts économiques et pétroliers de la nouvelle colonisation impériale.

    Ce monde en trompe-l’œil est dirigé par des criminels. Un mélange de faux monnayeurs et d’assassins. Les faux monnayeurs – le terme n’est pas de moi, il est du prix Nobel français d’économie Maurice Allais – sont les banques qui ont volé aux établissements nationaux le pouvoir de création de la monnaie, qui ont remplacé les gouvernements à la tête des grands pays industrialisés et qui étranglent les Etats par les intérêts des dettes souveraines qu’ils les ont obligés à contracter.

    Leurs hommes, à l’image de ceux de Goldman Sachs par exemple, ont carrément pris le contrôle de pays entiers comme la Grèce, l’Italie et l’Espagne.

    Les assassins sont les matamores de Washington, Londres ou Paris, et leurs complices, qui déclenchent des guerres et tuent leurs opposants. Cinq guerres en deux décennies – Yougoslavie, Irak, Afghanistan, Côte d’Ivoire, Libye ; des dizaines de milliers de victimes civiles ; des Etats rayés de la carte ; des économies détruites ; des régions ravagées. Des meurtres d’individus ciblés, par des drones téléguidés ou des commandos spéciaux, comme les savants iraniens ou Oussama ben Laden. Des chefs d’Etats éliminés, ou en voie de l’être. Milosevic, qu’on a laissé mourir. Castro et Chavez, objets de multiples tentatives d’assassinat. Ceaucescu et Kadhafi, lynchés. Saddam Hussein, exécuté après une parodie de procès. Gbagbo renversé et emprisonné.

    Il n’est pas question de porter un jugement sur ces hommes, encore moins de prendre aveuglément leur défense. Il s’agit simplement de souligner la méthode sanglante désormais utilisée ouvertement, qui remplace un monde de justice par un monde d‘assassins se servant de l’OTAN et de tueurs à gages pour supprimer par la violence toute velléité d’opposition.

    Des criminels qui ont recours au mensonge pour maintenir leur domination. Le pouvoir des banques et le retour politique à la barbarie s’appuient sur une impressionnante machinerie de propagande dont on a peine à imaginer la portée et l’efficacité. Cela va d’un déluge de dénigrement des soi-disant “dictateurs“ dont on veut se débarrasser aux campagnes de justification des guerres impériales, en passant par l’entretien de la terreur d’un effondrement économique nécessitant le sauvetage des banques, tout cela bien entendu fabriqué de toutes pièces à coups de calomnies,  d’affirmations trompeuses et de manipulations des médias.

    Le résultat est qu’un gouffre se creuse tous les jours davantage entre les peuples et leurs gouvernants. C’est sans doute un des phénomènes les plus spectaculaires de notre actualité. J’ai évoqué longuement ce gouffre dans mes deux livres “Le crépuscule des élites“ et “Le bal des aveugles“. La perte de confiance dans les dirigeants de la société se manifeste par un sentiment d’impuissance (le désintérêt pour la politique et les abstentions aux consultations électorales) ou la montée de la colère (les printemps arabes, les révoltes de la faim dans le Tiers monde, les manifestations publiques et la rage des indignés dans de nombreux pays européens, etc.) Des signes avant-coureurs d’un soulèvement encore balbutiant et inorganisé, mais qui s’oriente peu à peu vers une fracassante explosion.

    La voix des peuples commence à se faire entendre. Elle est multiforme : spontanée, provoquée et entretenue par les gens qui ont intérêt à la subversion, infiltrée par les maîtres qui cherchent à la contrôler, mais elle s’exprime de plus en plus. A nous de l’aider à se rendre consciente, c’est-à-dire à formuler ses objectifs. Ces objectifs me paraissent clairs, bien qu’aucun politicien ne les précise avec rigueur : refuser de payer les intérêts des dettes souveraines : annuler ces dettes ou tout au moins les renégocier ; abolir le pouvoir des banques en séparant celles de dépôt de celles de spéculation (comme l’avait fait jadis la loi Glass-Seagall) ; rendre la main aux Etats en leur permettant d’emprunter à leurs banques nationales ; rejeter les mesures d’austérité qui étranglent les peuples et ne font que creuser de nouveaux trous à boucher ; prendre l’argent où ils se trouve (et où il y en  beaucoup) en imposant fortement les grandes fortunes ; sortir de l’entreprise de destruction massive qu’est l’OTAN ; récupérer les sommes colossales dilapidées dans les opérations militaires ; rejeter l’emprise des marchés et du système économique néo-libéral ; se libérer des contraintes de l’hégémonie impérialiste américaine en retrouvant la souveraineté de la nation. Ce ne sont que quelques idées parmi d’autres. Mais elles ont le mérite de se distinguer franchement des rustines appliquées par la droite et la gauche au pneu crevé du capitalisme occidental.

    Nous vivons dans un Occident économiquement pourri, dirigé par des gangsters, avec des peuples dupés par leurs maîtres. Il est grand temps de réagir. On nous demande “comment faire entendre la voix des peuples“ ? Ce n’est pas compliqué. Il faut soutenir ceux qui, comme nous, comme notre journal, comme nos livres, comme nos amis, font écho à cette voix. Avec un message limpide :  il faut cesser de faire payer par les pauvres les méfaits des riches. Le système actuel ne peut pas durer. La croûte des dominants danse sur un volcan. Nous devons leur faire craindre d’être balayés par son éruption.

    Louis DALMAS (Enquête&Débat, 29 novembre 2011)

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  • Le droit de vote des immigrés, l'arbre qui cache la forêt des naturalisations !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Lorne, cueilli sur Polémia et consacré au droit de vote des étrangers et à la question des naturalisations...

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    Le droit de vote des immigrés, l'arbre qui cache la forêt des naturalisations

    C’est ce jeudi 8 décembre que le projet de loi sur le droit de vote des immigrés sera examiné — et sans doute voté — au Sénat par la nouvelle majorité socialiste. Avec d’autant plus d’enthousiasme que 61% des Français (soit 6% de plus par rapport à un précédent sondage, réalisé en janvier 2010) y seraient favorables selon une enquête BVA publiée le 28 novembre par Le Parisien. Le quotidien populaire note avec satisfaction que « l’acceptation du droit de vote des étrangers a tout particulièrement augmenté auprès des sympathisants de droite (+ 15 points), même si ceux-ci y restent majoritairement opposés ». Sans surprise, les électeurs du Front national y sont ainsi hostiles à 61% cependant que 58% des sympathisants du Nouveau Centre d’Hervé Morin seraient au contraire prêts à partager leur isoloir avec des étrangers.

    Du moins, selon BVA. Comme tous ses homologues sondagiques, cet organisme observe en effet une certaine rigueur en matière politique car les chiffres des enquêtes d’opinion doivent correspondre peu ou prou à ceux qui sortiront des urnes sous peine pour les instituts spécialisés de perdre toute crédibilité, mais se montre beaucoup plus laxiste quand il s’agit des questions de société, aucune sanction n’étant alors à craindre.

    Faux problème et gadget électoral

    1981-2011, voici donc trente ans que, d’élection en élection, resurgit le spectre du droit de vote aux élections locales des étrangers en situation régulière. Une mesure, allèguent ses partisans, déjà en vigueur dans plusieurs pays européens (Suède, Danemark ou encore Pays-Bas) dans lesquels, soutiennent ces bons apôtres, elle n’aurait apporté aucun bouleversement. Pourtant, un Marocain est devenu maire de Rotterdam, l’un des principaux ports européens, et tout indique que cette mesure aboutirait également chez nous, vu la concentration de certaines communautés, à  faire tomber dans l’escarcelle d’édiles musulmans, voire islamistes, une bonne partie des communes de la Seine-Saint-Denis, des villes du Nord comme Roubaix et plusieurs arrondissements marseillais. Pas moins !

    Le problème est donc très sérieux ; ce droit de vote démesurément élargi — dans le même temps où les autochtones se voient systématiquement retirer peu à peu tous leurs droits spécifiques, en raison de l’inique mise hors-la-loi de la préférence nationale — est pourtant un faux problème, ce qui ne l’empêche pas d’être régulièrement agité par des politiciens en mal de victoire.

    • à gauche, (où Mitterrand se garda bien d’inclure cette sensationnelle nouveauté dans la Constitution bien que les 110 Propositions du PS lui en aient fait obligation) parce que cela permet de se montrer « fidèle à sa mission humaniste » et ouvert aux (prétendus) exclus ;
    • à droite, parce qu’agiter ce chiffon rouge permet de rallier à son panache tricolore le bon peuple resté national et français toujours.

    Ainsi Nicolas Sarkozy qui, en 2005, dans une tribune du Monde, se disait, « sur la base de la réciprocité », favorable au vote des étrangers vivant depuis cinq ans sur notre territoire, affirmait solennellement le 23 novembre 2011 devant quelque trois mille maires réunis en congrès que « le droit de voter et le droit d’être élu dans nos territoires doit demeurer un droit attaché à la nationalité française ».

    2 millions de néo-Français de plus en 14 ans !

    Mais c’est justement en cela que le droit de vote des immigrés aux élections locales est un faux problème et un gadget électoral. Car, n’en déplaise à l’UMP et à M. Sarkozy lui-même, la nationalité française est bradée, avec plus de deux millions de néo-Français créés entre 1995 et 2009. Le chiffre a bondi, sous les deux dernières présidences, de 95.410 naturalisés en 1995 à 133.479 en 2009, avec un pic de 165.140 en 2004 ; M. Sarkozy était alors ministre de l’Intérieur.

    Or, ces 2 millions de néo-Français, très majoritairement originaires d’Afrique (62,7 % de l’ensemble, dont 41,2% de Maghrébins) et parents de millions d’enfants bientôt inscrits automatiquement sur les listes électorales, non seulement votent à toutes les élections, mais se font élire — ou nommer — aux postes les plus prestigieux. Ainsi, parmi quantité d’autres, on trouve les députés européens Fodé Sylla et Alina Boumedienne-Thierry ou la nouvelle vice-présidente du Sénat, l’Algérienne Bariza Khiari qui, depuis son arrivée au Palais du Luxembourg en 2004, a multiplié les propositions de lois favorables à ses congénères, par exemple pour leur faciliter l’accès aux professions libérales ou privées encore réglementées.

    Et des ministres, parlons-en :

    • le Togolais mitterrandien Kofi Yamgnane (plus tard candidat à la présidentielle dans son pays d’origine, ce qui en dit long sur son intégration !) ;
    • la Sénégalaise également socialiste puis sarkozyste Rama Yadé ;
    • l’Algéro-Marocaine Rachida Dati, titulaire de surcroît d’un ministère régalien, celui de la Justice ;
    • mieux ou pis encore : parmi les candidats déclarés à la présidentielle 2012 figurent deux naturalisés, le Béninois Patrick Lozès, président (en délicatesse avec la justice pour détournement de subventions publiques) du Conseil Représentatif des Associations Noires de France et dont le slogan « Ne votez plus blanc » s’adresse explicitement aux allochtones; et bien sûr la Norvégienne Eva Joly dont le conseiller très spécial Serge Coronado, fils de réfugiés chiliens anti-Pinochet, n’est français que depuis 1994.

    Paris, ville ouverte aux étrangers

    Or, répétons-le, ce mouvement-là si lourd de conséquences n’a cessé de s’accélérer sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Ce qui lui valait en 2009 les éloges du site marocain yabiladi.com : alors que « le Royaume-Uni et l'Allemagne ont diminué l'octroi de nationalités à hauteur de -21% et -16% respectivement (…) la France est le pays européen où le plus d'étrangers ont été naturalisés en 2008 : 137.000, contre 129.000 au Royaume-Uni et 94.000 en Allemagne », le Maroc arrivant « en tête des pays d'origine des nouveaux nationaux ». D’où le satisfecit, dont on se passerait bien, accordé par le site chérifien : « En termes absolus, la France est bien le pays le plus ouvert sur le plan des naturalisations », avec « 2,1 naturalisations sur 1000 citoyens ».

    « Les naturalisations explosent à Paris », titrait de son côté le quotidien Aujourd’hui en France le 3 mai 2010 en précisant que, grâce à « la récente simplification des démarches », le nombre des étrangers naturalisés français, 4000 au cours du seul premier trimestre 2010, « a doublé dans la capitale par rapport au premier trimestre 2009 ». Résultat, selon la préfecture de police de Paris, dans la seule capitale, « environ 16.000 ressortissants étrangers pourraient acquérir la nationalité française d'ici à la fin de l'année, soit une augmentation de 52% par rapport à l'année dernière ».

    Substitution de population, substitution d'électorat

    Cinquante-deux pour cent d'augmentation, voilà qui va changer toute la donne raciale, sociologique et politique dans la ville dont on chantait naguère « Paris, c’est une blonde » ! Et la cadence n’a pas fléchi depuis, la France ayant délivré en 2010 près de 200.000 autorisations de long séjour — une croissance de 9,7% par rapport à 2009 bien que l'immigration de travail n’ait quant à elle progressé que de 1,8% — dont les heureux bénéficiaires ont vocation à être naturalisés au plus vite.

    Ainsi s’opère en douce, sans que le citoyen ordinaire s’en doute puisque chaque préfecture fait sa petite cuisine sur son petit réchaud et qu’on ne dispose plus de chiffres globaux mais uniquement de données départementales, beaucoup plus difficiles à obtenir et à additionner, ce qu’il faut bien appeler une substitution de population, et donc d’électorat. Ainsi donc il n'est plus besoin pour ce faire de modifier la Constitution par voie de référendum, avec tous les aléas qu’une telle opération comporte. Qu’on se souvienne du « non » de mai 2005 au projet de nouvelle Constitution qu’avaient pourtant plébiscité sondés et partis politiques !

    Claude Lorne (Polémia , 3 décembre 2011) 

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  • Gare au clergé de l'idolâtrie financière !...

    Nous reproduisons ci-dessous un article du criminologue Xavier Raufer , cueilli sur le site du Nouvel Economiste et qui entend casser le discours uniforme et convenu produit par la caste des journalistes économiques et autres suppôts du libéralisme sur ces fameux marchés qui veulent imposer leur loi aux états...

     

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    Gare au clergé de l'idolâtrie financière

    “Les marchés par-ci… les marchés par-là…” : lisons, scrutons les médias – ou, devrait-on plutôt dire, suivons la grand-messe médiatique. “Les marchés” : la révérence prosternée de tant de journalistes, de droite ou de gauche d’ailleurs, tout pareil. Une foi d’autant plus brûlante que leur feuille de paye dépend quand même un peu de la ferveur des génuflexions, en un temps où, désormais, maints médias nationaux d’information appartiennent à des milliardaires.

    Identique révérence, notons-le, chez nombre de politiciens. “Les marchés” en Dieu jaloux, en Sauveur suprême ! Leur gloire, leur terrible majesté… leur implacable justice. Tels sont, au quotidien, les élans d’une néo-bigoterie médiatique à faire rougir un curé intégriste. Mais au fait, ces fameux “marchés” sont-ils une force, au sens de la physique d’Aristote ? Rappel : on ne perçoit jamais une force, on ne voit que ses effets : le vent et les branches qui bougent, les courants marins et les épaves dérivant même par calme plat, etc.

    Non, les marchés ne sont en rien une force : celle-ci est naturelle, indifférente à l’homme – on ne manipule pas un séisme, on ne spécule pas sur un ouragan. Les marchés sont bien plutôt – on rougit de devoir le rappeler – une pure quantité métaphysique, d’essence ni plus ni moins religieuse que “le bon Dieu” ou “la Révolution”. Un de ces phénomènes para-religieux qu’au XVIIIe siècle les libres-penseurs, marquis de Sade en tête, qualifiaient crûment de “dégoûtant fantôme” ou de “superstition gothique”. Or comme tout culte, secte ou religion, une abstraction de type “les marchés”, “le bon Dieu” ou “la Révolution” ne fonctionne que quand on y croit. En son temps, l’Inquisition parlait d’“acte de foi” (autodafé).

    Croire, ici au sens d’une crédulité toujours attisée ici-bas par des intercesseurs, par un clergé qui parle aux dieux, interprète leurs décrets ou colporte leurs messages – mais surtout, qui sait les apaiser.

    Et là, avertit le criminologue, attention aux brebis galeuses. Dans le champ du religieux, cela va du gourou escroc à l’imam fraudeur, en passant par le rabbin receleur ou le curé pédophile. Certes, des minorités parmi bien de braves gens – des saints, parfois. Mais assez nombreux ces temps-ci pour que cela fasse désordre.

    Dans le champ de l’idolâtrie financière, gare au Veau d’or ! Gare à Wall Street, temple dans le genre coupe-gorge. Nous avons récemment abordé ce sujet ici et donc, n’y revenons pas. Au-delà, gare au culte de la DGSI (Davos-Goldman-Sachs-Idéologie) mais surtout, gare à son clergé. Attention, aussi bien à ses grands prêtres à la Madoff qu’à sa prêtraille financière ou médiatique, préposée aux conversions boursières ou à l’agit-prop-encensoir.

    Dès 2007, ce clergé-DGSI a montré combien il savait commettre, ou couvrir, les pires fraudes. Depuis lors, la fiévreuse avidité qui ronge ces dangereux zombies n’a pas diminué, au contraire. Ni leur addiction au dollar, d’autant plus maniaque qu’elle est sans doute l’unique antidote à leur vacuité intérieure.

    Avidité ? Incontrôlable déferlement ? Qu’on en juge, au vu des récents exploits des prédateurs de Wall Street :

    - Encore et de plus belle (International Herald Tribune, novembre 2011) : suite à maintes acrobaties, la société de Bourse MF Global s’effondre ce mois-ci. Les syndics de faillite découvrent alors la “disparition” de 600 millions de dollars de dépôts de ses clients, du fait d’une comptabilité interne “bâclée”. Mais à quoi bon faire soigneux, quand la justice est aux abonnés absents ?

    - Impunité (New York Review of Books, novembre 2011) : “Jusqu’à ce jour, les agences fédérales [de répression] n’ont sérieusement inquiété aucun des principaux acteurs de l’effondrement et nul dirigeant de grande banque n’a été inculpé pour fraude criminelle.”

    - Incorrigibles (New York Times, novembre 2011) : ces 15 dernières années, 19 grands établissements de Wall Street (Citibank, Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Morgan Stanley, plus une quinzaine d’autres) ont été condamnés pour malversations financières. Et ont dû jurer devant la justice qu’ils ne violeraient désormais plus les lois financières fédérales de leur pays. Ils ont juré avec effusion – pour copieusement récidiver dans la foulée, 51 serments suivis d’autant de fraudes, de 1995 à 2010.

    - Nouveaux territoires de prédation. En novembre 2011 toujours, Paul Volcker, ancien ministre des Finances des Etats-Unis et ex-président de la Réserve fédérale, s’inquiète fort de l’existence d’un “soi-disant ‘système bancaire fantôme’, banques d’affaires, hedge funds, assureurs, marchés monétaires et autres entités peu ou pas réglementées, qui explose vers l’an 2000 et égale en taille, dès juin 2008, le système bancaire traditionnel”.

    Cependant, en matière d’aveuglement financier, le pire survient en Europe. Où, alors que perdure la prédation de Wall Street, les dirigeants de Bruxelles décident de confier au loup-DGSI les clés de la bergerie.

    Plutôt prudent en matière financière, Le Monde en vient à dénoncer une “franc-maçonnerie de relations” : “Le nouveau président de la Banque centrale européenne, le président du Conseil italien et le nouveau Premier ministre grec”, sont tous des “anciens de chez Goldman Sachs”. On apprend ainsi l’existence d’un “maillage serré, souterrain comme public” d’hommes-liges de la DGSI, qui “cachent cette affiliation quand ils doivent donner une interview ou mènent une mission officielle”. Entre deux entourloupes financières, les mêmes trouvent le temps de se coopter aux postes dirigeants de la “Trilatérale, un des plus prestigieux cénacles de l’élite internationale”.

    Minables maniaques de la conspiration ! Pauvres collectionneurs de complots ! Aujourd’hui, en matière de finance pousse-au-crime, les paranoïaques les plus échevelés sont quand même largement au-dessous de la vérité, telle qu’elle s’étale chaque jour dans la presse.

    Xavier Raufer (Le nouvel Economiste, 25 novembre 2011)

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  • Une colère sourde...

    Nous reproduisons ci-dessous un article particulièrement éclairant, publié dans le quotidien le Monde daté du 7 décembre 2011 et consacré à la colère des classes moyennes qui sont frappées de plein fouet par la crise et l'insécurité...

     

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    La colère sourde des français "invisibles"

    Les politologues sont convaincus que la clé de l'élection de 2012 est détenue par une population rurale et périurbaine. Exposée à la mondialisation et abandonnée par la démocratie.
     
    La société française se fissure, une partie fait le constat d'un " abandon démocratique ".
    C'est la " France des invisibles ", la " France d'à côté ", celle qu'on n'entend pas, dont on ne relaie pas les colères et qui se sent de moins en moins représentée. Avec des outils d'analyse différents, des sociologues, des géographes, des politologues et des spécialistes de l'opinion travaillant pour des institutions différentes et parfois concurrentes arrivent au même diagnostic. A cinq mois de l'élection présidentielle, ils partagent la même conviction : la clé de l'élection se trouve dans la réponse que les candidats sauront apporter à cette partie de l'électorat, de plus en plus nombreuse, qui oscille entre colère sourde et résignation rageuse.
    " Une rupture d'ordre existentiel  s'est produite ", affirme le sociologue et sondeur François Miquet-Marty, qui vient de publier Les Oubliés de la démocratie (Michalon, 304 p.). Des franges de plus en plus larges de la population ont le sentiment que ce qu'elles vivent n'est relayé par personne. Alain Mergier fait le même constat. En 2006, cet ancien professeur de sémiologie avait publié, avec le sociologue Philippe Guibert, une enquête sur les milieux populaires dont le titre avait marqué les esprits : Le Descenseur social (Plon, Fondation Jean-Jaurès). Cinq ans plus tard, le regard qu'il porte sur la société française est beaucoup plus inquiétant. Plus que jamais, explique-t-il, s'est installée l'idée que " deux France suivent des chemins opposés ".
    L'image n'est plus, comme il y a encore quelques années, celle d'une " société à deux vitesses ", dont une partie profiterait plus que l'autre des fruits de la croissance. Désormais, " une partie de la société a le sentiment qu'elle fait marche arrière parce que l'autre fait marche avant ", explique M. Mergier. Comme si le bonheur des uns ne pouvait passer que par le malheur des autres.
    Ce sentiment de " faire marche arrière ", combien sont-ils au juste à le partager ? " Jusqu'au milieu des années 2000, on pouvait dire que c'était l'apanage des milieux populaires ", répond M. Mergier. Grosso modo la France du " non ", celle qui avait voté non aux référendums européens de 1992 et 2005, parce qu'elle se sentait perdante dans la mondialisation. " Aujourd'hui, une partie des classes moyennes est touchée ", ajoute-t-il, tout en convenant qu'une définition socio-économique est insuffisante.
    Plus encore que le niveau de revenu en tant que tel, c'est l'image que se font les individus de leur place dans la société qui importe. " La puissance des marchés a engendré un malaise existentiel et diffusMême certains cadres sont touchés : ils ont le sentiment de subir aujourd'hui une perte de leur valeur personnelle, car l'obligation de rentabilité à court terme remet en cause leur travail ", explique M. Mergier.
    Pour cerner les contours de cette société hantée par la perte d'identité et la crainte du déclassement, Christophe Guilluy dessine des cartes. Coauteur d'un Atlas des nouvelles fractures sociales (Autrement, 2004), ce géographe distingue deux France. La première est celle des " 25 grandes métropoles qui profitent de la dynamique de la mondialisation ". Elles vivent un double phénomène d'embourgeoisement et d'immigration. La seconde France inclut l'essentiel du monde rural et périurbain, mais aussi de très nombreuses villes moyennes, touchées par la désindustrialisation et les plans sociaux à répétition.
    Selon M. Guilly, cette " France périphérique ", caractérisée par " une part plus importante des ouvriers et des employés dans la population, un taux de chômage et d'emploi partiel supérieur à la moyenne nationale et un revenu moyen inférieur au revenu médian ", concentrerait environ 65 % de la population. Elle accueille des natifs, mais aussi des migrants qui n'ont pu trouver leur place dans les grandes métropoles.
    L'Ouest, par exemple, a connu récemment d'importants mouvements de population, mais " c'est une géographie qui va se figer, car les logiques foncières sont très fortes : une fois que vous avez quitté la ville, vous n'y revenez plus ", explique le géographe. C'est la raison pour laquelle il ne croit plus à la notion de classes moyennes. " On assiste à la réémergence des classes populaires, à qui on répète depuis vingt-cinq ans qu'elles vont profiter de la mondialisation et qui, en réalité, sont en situation de précarité sociale, éloignées des endroits importants et de l'offre scolaire la plus qualifiée. Si l'usine du coin ferme, elles dégringolent. La crise valide leur crainte de la mondialisation ", ajoute Christophe Guilly qui, comme Alain Mergier, fait partie des auteurs du récent Plaidoyer pour une gauche populaire (sous la direction de Laurent Baumel et François Kalfon, Le Bord de l'eau, 118 p.).
    Que fera, en 2012, cette " France qui se sent reléguée, à tous les sens du terme " ? Pour qui voteront ces quelque 40 % d'électeurs qui affirment aujourd'hui ne se reconnaître ni dans la gauche ni dans la droite ? Le vivier est stratégique : si elles ne sont pas reconquises, ces quelque 16 millions de voix peuvent se réfugier dans l'abstention ou le vote Front national. Anne Muxel, chercheuse au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), rappelle que les cinq dernières élections - législatives de 2007, municipales de 2008, européennes de 2009, régionales de 2010 et cantonales de 2011 - ont enregistré des records d'abstention. Bouder les urnes devient de plus en plus une façon de sanctionner l'offre politique.
    Cependant, depuis le choc du 21 avril 2002, plus personne ne sous-estime le pouvoir d'attraction du Front national dans l'électorat populaire. Son haut niveau aux cantonales de mars - y compris dans certains secteurs de cette France de l'Ouest où le FN était jusque-là inexistant - est souligné par tous les observateurs. " Politiquement, il s'est produit quelque chose dans cet électorat, un point de rupture ", soulignent Alain Mergier et Jérôme Fourquet qui, par des chemins différents, en sont arrivés à la même conclusion : pour une partie de l'électorat populaire, le vote FN n'est plus un vote de sanction ou d'avertissement mais un vote d'adhésion (Le Point de rupture, Fondation Jean-Jaurès, 86 p.)
    C'est que la crise de la dette a un effet ravageur : elle sape la légitimité des gouvernants qui semblent courir derrière les marchés. Elle n'est pas appréhendée par le biais des discours politiques mais à travers l'expérience personnelle du surendettement. " L'idée prévaut que c'est une dette pharaonique, qui ne peut trouver de solution dans le cadre économique actuel.  Pour rompre le noeud, il faut trancher. Pour beaucoup, cela passe par la sortie de l'euro ", observe M. Mergier. Chez les ouvriers et les employés, plus de la moitié des électeurs souhaite la disparition de la monnaie unique, alors que ce sentiment n'est partagé que par un tiers de l'ensemble de l'électorat.
    Des entretiens réalisés par Alain Mergier, mais aussi de la récente enquête publiée par François Miquet-Marty, un mot surnage : l'insécurité. Physique, économique, identitaire, liée au vécu et, tout aussi important, à la conviction qu'il s'est produit une rupture dans les règles du jeu. " Quand vous n'avez pas de réseaux, la notion de règle du jeu est vitale, explique M. Mergier. Elle renvoie à la question des habitudes qui, lorsqu'elles sont brisées, induisent la menace de l'imprévisible. "
    C'est parce qu'ils ont l'impression que les règles du jeu sont faussées que " les milieux populaires  détestent  les profiteurs du bas, ceux qui trichent avec les prestations sociales et qui travaillent au noir ", explique le chercheur. Et c'est parce qu'ils ont l'impression de subir un processus de destruction des règles de vie commune que " le terme le plus porteur dans leur discours est celui d'islamisation, qui renvoie à la peur d'une hégémonie ", assure M. Mergier. " Les milieux populaires sont ceux qui ont été les plus exposés à la mondialisation et au multiculturalisme. Or on ne les a pas armés pour ", confirme M. Guilluy.
    Pour les candidats qui veulent reconquérir l'électorat populaire, la conjugaison de la question identitaire et de la question sociale est redoutable, car celle qui fait le lien entre les deux problématiques est précisément Marine Le Pen. " Elle colle à la demande. Elle a calé son programme sur la nouvelle sociologie du FN. Elle est passée du libéralisme à l'étatisme ", constate M. Guilluy. Dans la revue Etudes, Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique (proche de l'UMP) et auteur du livre Populismes, la pente fatale (Plon, 280 p.), qualifie le discours de la présidente du FN d'" ethno-socialiste ".
    " La question de l'extrême droite n'est pas seulement une question politique posée à la droite, c'est aussi une question sociale posée à la gauche ", confirme Pascal Perrineau, directeur du Cevipof, qui insiste sur le parallélisme avec l'évolution des extrêmes droites européennes. " Le protectionnisme culturel s'est prolongé d'un ralliement au protectionnisme économique et d'une remise en cause du credo néolibéral du début ", dit-il. Pour M. Miquet-Marty, " le grand danger de la période a un nom : le populisme ".

    Françoise Fressoz et Thomas Wieder ( Le Monde, 7 décembre 2011)
     
     
     
       
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  • "Marre des phobies à répétition !"...

    Vous pouvez visionner ci-dessous la chronique matinale d'Eric Zemmour sur RTL, datée du 6 décembre 2011 et consacrée aux méthodes de diabolisation des adversaires de la pensée unique et du consensus mou... Tout est dit !

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