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Points de vue - Page 337

  • A qui profite le déclassement de l'économie française ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de C. Martin, cueilli sur Voxnr et consacré à la dégradation de la "note " de la France par l'agence de notation américaine Standard & Poor's...

      

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    A qui profite le déclassement de l'économie française par Standard & Poor's ?

    L’usure internationale ne désarme pas, et c’est désormais au tour de la France, deuxième économie européenne, d’en faire les frais. L’agence privée étasunienne Standard & Poor’s a ainsi confirmé la dégradation des notes à long terme AA+ et à court terme A-1+ de la France. Cette décision intervient quatre jours à peine après le déclassement opéré par Moddy’s, une autre agence de notation. « Après la stagnation de 2012, a déclaré Standard & Poor’s, nous nous attendons à ce que la croissance de l’économie française ne dépasse pas 0,4% en 2013 ».

    Après avoir durement frappé les économies de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie, de l’Irlande et du Portugal, les financiers britanniques et étasuniens s’en prennent aujourd’hui à la France. Et ce, dans la continuité de la une de l’hebdomadaire The Economist du samedi 17 novembre (sept baguettes de pain entourées d’un ruban tricolore, reliées à une mèche allumée telles des bâtons de dynamite), pour lequel « la France pourrait devenir le plus grand danger pour la monnaie unique européenne »… La « perfide Albion » aura pour le coup été parfaite dans son rôle de soutien à l’Oncle Sam, toujours ravi de voir les ennemis du dollar se prendre les pieds dans le tapis.

    La première des conséquences de la parte du triple A, c’est l’augmentation du taux d’intérêt exigé par les créanciers. Dans le contexte actuel, la France sera ainsi obligée d’emprunter moyennant des taux d’intérêt encore plus élevés. Quand on sait qu’environ 70 % des créances sur les dettes publiques sont possédés par les 10 % les plus riches de la population (qui touchent de facto 70 % des intérêts), on comprend aisément que le système de la dette publique enrichit les plus riches au détriment des plus pauvres.

    Par effet domino, la note des entreprises nationales, des banques et surtout des collectivités territoriales sera remise en cause. Les collectivités dépendant en grande partie des transferts financiers de l’État, elles ne peuvent pas bénéficier d’une meilleure note que lui. Or, une fois leur note dégradée, elles devraient faire face à des créanciers plus méfiants, qui leur réclameraient des taux d’intérêt plus élevés. Cela alourdirait le coût de leur dette et apporterait fort opportunément de l’eau au moulin des thuriféraires du démantèlement des politiques publiques.

    Enfin, si les marchés continuent à imposer à la France des taux d’intérêt toujours plus élevés, alors des répercussions en chaîne sont à redouter, des finances de l’État jusqu’au porte-monnaie du consommateur.

    Au moment où notre ministre de l’économie et des finances se transforme en VRP du pacte de compétitivité devant des chefs d’entreprises, il est probable qu’un nouveau tour de vis fiscal, voire une baisse sensible des dépenses de l’État, soit nécessaire afin de rassurer les marchés et les emprunteurs.

    Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas prêts de voir le bout du tunnel. La crise semble totale et s’accompagne d’une exigence de destruction de tout ce qui entrave la concentration des richesses par les grands possédants. Ils appellent cela « déréglementation », « privatisation » ou « libéralisation ».

    L’idée selon laquelle il pourrait y avoir sortie de crise sans sortie du système qui l’engendre est une hérésie. Autant vouloir soigner une grippe sans tuer son virus. Cette chimère ne vise, une nouvelle fois, qu’à berner le peuple en lui faisant croire que l’avenir sera meilleur s’il accepte de nouvelles mesures antisociales. Souvenons-nous toutefois que l’histoire a montré que les révolutions ne sont pas prévues dans les calendriers électoraux de la bourgeoisie.

    C. Martin (Voxnr, 1er décembre 2012)

     

     

     

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  • La Russie, incarnation du rêve gaulliste au 21ème siècle ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexandre Latsa, cueilli sur le site de l'agence de presse russe Ria Novosti et consacrée à la politique souverainiste de la Russie de Vladimir Poutine...

     

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    La Russie : incarnation du rêve gaulliste au 21ème siècle ?

    Un ami m’a récemment confié sa déception face au renvoi de Nicole Bricq par le nouveau président François Hollande. Celui-ci, m’a-t-il dit, aurait à ses yeux cédé aux pressions du lobby économique et énergétique.

    Cet ami en tirait la conclusion que le monde politique français n’a finalement plus les moyens de résister, face à l’influence d’un lobby économique.

    Cette discussion a eu lieu il y a quelques semaines et récemment, un débat très intéressant a eu lieu dans l’émission ce soir ou jamais de Frédéric Taddei m’a rappelé cette discussion que j’avais eue dans un petit café près de la place Troubnaia.

    L’une des invitées de l’émission en question était Marie France Garaud, gaulliste historique. Elle a expliqué à sa manière la brève histoire politique française de l’après guerre. Son explication avait sans doute de quoi étonner les jeunes générations. D’après elle les notions modernes de droite et gauche actuelles n’existent que depuis peu de temps. Avant, il y avait d’une part le parti du président (l’union de tous les français qui faisaient confiance au général De Gaulle), et d’autre part un certain nombre de nostalgiques des petits partis de la 4° république.

    Plus tard, la scène politique s’est scindée entre partisans et adversaires de l’économie marxiste sous Pompidou notamment puis encore sous Giscard. Le patriotisme gaulliste s’est lentement estompé, au fur et à mesure de la construction de l’Union Européenne. C’est en 1981 avec l’élection de François Mitterrand que l’idée d’un rassemblement des gauches marxistes et post marxistes est apparue, le parti communiste ayant entre temps renié l’héritage soviétique lors du congrès de 1972 et fortement baissé électoralement. L’émergence d’un bloc de gauche va en conséquence directe entraîner l’ancrage d’un bloc de droite, rassemblé autour du rassemblement pour la République, le RPR, qui deviendra en 2002 l’union pour la majorité présidentielle, ou UMP.

    Le bipartisme droite / gauche qui est apparu va dès le début se fonder sur une simplification quasi unique: la gauche serait ouvrière et populaire tandis que la droite serait bourgeoise et conservatrice. Pourtant dès 1999, l’évidente trahison de l’héritage Gaulliste via le bradage de la souveraineté française notamment par l’intégration dans l’Europe, va entraîner des premiers couacs. Une nouvelle ligne de fracture est apparue, et elle fractionne la droite aussi bien que la gauche. Dans chacun des deux blocs, il existe un courant européiste majoritaire, et un courant souverainiste minoritaire qui cohabitent chaotiquement.

    Les souverainistes, de droite comme de gauche, s’expriment en gros de la même manière: Un bipartisme institutionnel de convenance, permettant une alternance totalement factice (les leaders des principaux partis de droite et de gauche étant d’accord sur presque tout) s’est mis en place pendant que les transferts de souveraineté de l’état français, se sont accentués en direction des instances communautaires, que ce soit sur un plan politique, économique, financier ou encore de contrôle des frontières. Tout cela a contribué à ce que la France d’aujourd’hui ne puisse finalement plus être considérée comme une nation, tant elle est désormais totalement dépourvue de souveraineté, et ce alors que la souveraineté est l’attribut le plus essentiel de l’état. Peut-on imaginer une nation souveraine sans état souverain?

    La France de De Gaulle avait pourtant parfaitement traduit la parfaite et réalisable alchimie entre le maintien de la souveraineté nationale et la constitution d’une Europe forte: l’Europe des nations et des états. Le Général souhaitait une Europe des patries centrée sur le couple franco-allemand et tournée vers la Russie et non pas vers le binôme Anglo-saxon, Amérique / Angleterre. L’idée de De Gaulle était simple : l’Europe devait se baser sur la coopération et sans organe supranational et reposer sur la totale souveraineté des états, en clair l’opposé absolu du processus fédéral d’intégration en cours via l’Union Européenne.

    La plupart des droits souverains des états sont en voie de totale disparition en Europe. Lesquels? Tant celui de contrôler ses frontières, de battre monnaie, de rendre justice ou de décider de faire ou non la guerre. Malheureusement pour les peuples européens, leurs élites politiques se sont volontairement engagées dans un système politique où elles n’ont même plus la maîtrise de leurs budgets. On pourrait longuement discuter du pourquoi et comment en est-on arrivé la. De Gaulle avait pourtant résumé la situation, alors qu’à la fin de sa carrière ce bipartisme impuissant se profilait déjà. Il avait dit: "le drame de la France c’est que la gauche n’est plus populaire, et que la droite n’est plus nationale".

    Alors que l’intégration européenne s’est faite en dissolvant la souveraineté des états, la Russie depuis le début de ce siècle semble pour l’instant suivre une autre voix. On a beaucoup parlé dans les médias étrangers de la "méthode forte à la Russe", du non respect des droits de l’homme et aussi de la violence avec laquelle l’état a fait la guerre en Tchétchénie. Mais on a peu parlé du fait que cette guerre était avant un conflit interne et régional de restauration de la souveraineté fédérale pour écraser le risque séparatiste. Un risque séparatiste qui guette nombre d’états européens aujourd’hui. On parle également trop peu de la politique économique russe avec son refus obsessionnel de l’endettement extérieur, pourtant nul ne doute que les générations futures en Russie sauront remercier leurs élus politiques d’aujourd’hui, au moins à ce sujet.

    Quand aux hommes d’affaires emprisonnés pour des détournements (certains des fameux oligarques), ils illustrent un message assez clair: en Russie aujourd’hui, malgré tous les travers que cela peut engendrer, c’est le politique qui prime sur l’économie et non l’inverse. A ce titre, la leçon de Pikalevo de 2009 pourrait faire office de Jurisprudence. Les gigantesques plans de restructuration de l’armée ou le fait que les deux plus grosses compagnies énergétiques de la planète soient nationalisées traduisent du reste bien le fait que l’état russe souhaite rester entièrement souverain face aux capitalistes russes mais aussi face aux compagnies multinationales. Quand au "multipartisme à la russe", qui se traduit par la gouvernance d’une seule structure politique, trans-courants, mais que l’on pourrait appeler le parti de la majorité, on pourrait le comparer au parti Gaulliste en France, au moment de la fondation de la 5° république.

    Une comparaison qui n’est pas nouvelle, car le visionnaire Emmanuel Todd envisageait dès 2002 cette perspective d’un gaullisme à la russe dans son ouvrage Après l'empire: "A l’heure du débat sur la globalisation et l’interdépendance universelle, la Russie pourrait émerger, selon un scénario intégrant toutes les hypothèses les plus favorables, comme une démocratie immense, équilibrant ses comptes extérieurs et pourvue d’une autonomie énergétique, bref, dans un monde dominé par les États-Unis, l’incarnation d’un rêve gaulliste".

    Alexandre Latsa (Ria Novosti, 21 novembre 2012)


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  • Cohen et Péan plongent dans le ventre de la bête....

    "[...] le livre «Le Pen, une histoire française» est avant tout une tentative de célébration politique et de blanchiment idéologique du leader d'extrême droite." Maurice Szafran (Marianne, 24 au 30 novembre 2012)


    Les éditions Robert Laffont viennent de publier Le Pen, une histoire française, une enquête signée par Pierre Péan et Philippe Cohen. Les deux auteurs, qui ont cherché à traiter leur sujet avec objectivité, ont, bien évidemment, provoqué la colère des bien-pensants...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue sur ce livre de Jean-Claude Lauret, cueilli sur le site de Boulevard Voltaire.

     

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    Cohen et Péan plongent dans le ventre de la bête

    « Le diable de la République », tel est le titre d’un documentaire consacré à Jean-Marie Le Pen et diffusé en 2011 sur France 2. Les rayonnages des bibliothèques ploient sous le poids des ouvrages consacrés au président d’honneur du Front national. Certains sont de véritables hagiographies dues à des admirateurs zélés et militants et sont de ce fait des armes destinées au combat idéologique. A côté de ces textes engagés, on dénombre une multitude de livres dont les auteurs, encore plus militants, s’évertuent de dénoncer tous les méfaits et nuisances d’un « monstre » accusé de tous les péchés du monde. Pour tous ses détracteurs, Le Pen était tour à tour pétainiste, antisémite, tortionnaire… A les entendre, il fallait sans cesse dénoncer cet être malfaisant, véritable menace contre la démocratie. L’affaire était jugée. La sentence rendue. Le Pen était condamné et expédié en enfer. N’est-ce pas la place du Diable et de ses lieutenants ?

    Philippe Cohen et Pierre Péan, peut-être agacés d’un tel déferlement de clichés et de caricatures, ont décidé de se pencher sérieusement sur ce satané bonhomme, objet de tant de haines. Il faut toujours se méfier lorsqu’on est confronté à la loi du lynch. L’un et l’autre sont le contraire d’apprentis journalistes. Ils ont derrière eux un long passé qui peut se caractériser par un regard iconoclaste et souvent bien acide sur notre société contemporaine. Par delà la diversité des thèmes, leurs textes se caractérisent par un constant souci de traquer au plus près la vérité. Nos deux compères en investigation se doutent naturellement de la levée de boucliers que leur ouvrage va susciter. Ils affrontent le diable. Ils l’interrogent. Ils expriment leurs doutes et ne manquent pas, devant cet inculpé accusé de toutes les turpitudes, de noter que Le Pen se dérobe, glisse dans le silence ou se livre à quelques pirouettes où il fait preuve d’une belle agilité. Lorsqu’une question le gêne, notent les auteurs, il nie, dément ou déclare ne plus se souvenir. La mémoire peut toujours connaître des éclipses, même à géométrie variable.

    Le Pen prend très vite la Corpo de la Fac de droit et en devient le président. Il est beau, a de la gueule, de la gouaille. Il aime la rhétorique et ne dédaigne pas bousculer ses adversaires, au besoin à coups de poing. Au Quartier latin, les empoignades sont tour à tour verbales et physiques. Le Pen n’est pas un trublion, c’est un ruffian, un corsaire et un réfractaire à toute autorité. Un chef de bande ou, mieux encore, un mâle dominant. Il règne sur sa bande.

    Narrant l’histoire de cet énergumène, Cohen et Péan ont le mérite de plonger leur lecteur dans l’ambiance d’une époque révolue. Au Quartier latin, en ces années de l’après-guerre, se déroule autour de la Fac de droit tout un folklore se voulant rabelaisien. On boit, on entonne des chansons paillardes, on se livre à de provocantes bacchanales, on bouffe du curé, on trousse allègrement les jupes des jeunes bourgeoises. Toutes ces frasques ne doivent pas occulter l’histoire. Le Parti communiste, fort de récolter lors des élections autour de 25 % des suffrages, se targuant d’être le parti des 75 000 fusillés, impose sa rugueuse et austère vision du monde. Deux univers se heurtent. Viscéralement anticommuniste, Le Pen attire autour de lui les réprouvés, sinon les damnés de la terre. Voici donc les parias au passé sulfureux : ils viennent de la LVF, de la Waffen SS, sont des collabos, d’anciens pétainistes, des barbares nostalgiques de Thulé et des Vikings. Ils sont bientôt rejoints par de fervents patriotes nostalgiques de la grandeur de l’Empire en train de se fracturer. Puis, au fil des ans, viendront les rescapés de l’Indo, des soldats perdus de l’Algérie, des insurgés du putsch, des membres de l’OAS, des pieds-noirs condamnés à devoir choisir entre la valise et le cercueil, des catholiques intégristes et des orphelins du Roi de France. Un inventaire à la Prévert.

    En suivant la longue histoire de cet histrion de la politique, Cohen et Péan racontent une histoire française qui fut souvent occultée pour des raisons partisanes et idéologiques. Suivant ce parcours chaotique, ils abordent des sujets extrêmement brûlants. Ils livrent sans complaisance leur analyse en explorant des dossiers aussi chauds que la torture, l’antisémitisme, les rapports de Le Pen avec sa fille Marine et sa petite-fille Marion…

    Cette biographie serrée, en dépit d’une certaine empathie pour ce diable d’homme, montre le côté obscur du personnage, véritable figure de notre histoire contemporaine. L’homme est violent, impulsif, parfois vulgaire, emporté par un ego démesuré. Il peut être injuste, vindicatif, et se laisser aller à des provocations inutiles. Lui qui a assisté, en y participant pleinement, à toutes les guerres de toutes les droites, peut se laisser embarquer en un méchant conflit familial quand un père prend trop d’ombrage du succès de sa fille et joue, par la bande, avec les conflits de génération. Ce faisant, les auteurs ne déboulonnent pas la statue d’un héros pour les uns, d’un monstre pour bien d’autres. Cette longue narration va sans aucun doute scandaliser des furieux qui ont la prétention d’être les champions du combat de la lumière contre les puissances du mal.

    On plonge sans hésiter dans cette histoire d’une passion française. Voici le portrait d’un homme, rien que d’un homme. Une figure incontournable peut-être à l’image d’un monde qui a disparu.

    Jean-Claude Lauret (Boulevard Voltaire, 26 novembre 2012)

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  • Le désir et l'ordre...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue cueilli sur Idiocratie et consacré à la question du mariage des homosexuels et de ses conséquences, vue sous l'angle du droit.

     

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    Le désir et l'ordre

    Le mariage homosexuel provoque davantage de remous que ne l’escomptaient le président Hollande et son Premier ministre Ayrault. Ne s’agissait-il pas d’envelopper le tournant néo-libéral de la gauche dans une réforme sociétale en phase avec les progrès de l’histoire ? Et de montrer une fois de plus, s’il n’était besoin, que le diagnostic de Jean-Claude Michéa est entièrement vérifié : l’ouverture culturelle (libertaire) comme alibi et complément de l’ouverture économique (libéral), le tout se résolvant dans une marchandisation de tous les segments de la société et de l’être. 

    La réforme dite du mariage homosexuel appartient, bien sûr, à ce logiciel libéral-libertaire : promouvoir l’égalité de tous – comprendre l’arasement de tout ce qui dépasse de l’homo consumans – au nom d’une marchandisation généralisée de la société. Mais nous voudrions mettre l’accent sur un autre aspect de cette réforme : l’aspect strictement juridique. L’on sait que le Droit, depuis une dizaine d’années, a quasiment remplacé la Loi, puisqu’il vient souffler au législateur – faut-il rappeler que celui-ci est l’émanation du Peuple – les normes dont il doit se saisir. Et ce, en raison, des poussées sociétales qui contraignent l’organisation sociale et qui finissent par bousculer l’ordre étatique. L’Etat n’est plus ce « gros animal » ou ce « monstre froid », autrefois décrié par les philosophes, mais une machinerie informe dont les rouages s’étendent partout, sans âme directrice. 

    Revenons-en aux faits : quelle est la situation, aujourd’hui, en France ? Il existe déjà plusieurs couples homosexuels qui ont pratiqué des inséminations artificielles pour les femmes et des gestations pour autrui pour les hommes à l’étranger. Ils donneront, donc, naissance à un enfant ou le ramèneront en France pour l’adopter. Autrement dit, ces couples se mettent sciemment dans l’illégalité et produisent une situation de droit intenable : avoir un « enfant douteux » dont on ne sait pas si la filiation peut être prouvée ou non[1]. De deux choses l’une : ou l’Etat sanctionne une situation manifestement délictueuse et se voit dans l’obligation de retirer l’enfant aux dits couples en infraction, ou bien il modifie sa législation afin de mettre en conformité le droit avec la réalité sociale. Le problème est que la loi sur le mariage homosexuel ne règle rien : elle accorde un nouveau droit-créance à une catégorie de la population sans prévoir les conséquences de ce droit – situation inepte.           

    On l’aura compris, l’enjeu d’importance n’est pas le mariage, mais la modification du droit de la famille pour ce qui concerne la filiation : doit-elle rester attachée au couple biologique (avec l’exception consentie à l’adoption) ou doit-elle devenir l’effet d’une volonté ? Le débat pourra peut-être avoir lieu, mais sa conclusion semble déjà écrite : comment imaginer, en effet, que l’Etat retire aux couples homosexuels des enfants illégalement conçus ? Et si tel était le cas, la Cour européenne des droits de l’homme mettrait en demeure les autorités concernées de mettre fin à ce qui serait perçu comme une intolérable atteinte au bonheur personnel.  Ce qui entraîne deux séries de conséquences. D’un point de vue juridique, il sera désormais permis à des individus de contrevenir aux règles sociales (bien commun) pour satisfaire leurs désirs personnels, justifiés ou non. Autrement dit, le droit aura pour mission de consacrer, avec l’appui du législateur, des situations de fait. D’un point de vue politique, cela signifie que la chère volonté générale n’est plus de mise dans nos sociétés démocratiques sectorisées. Il n’appartient plus, en effet, aux représentants du peuple de dessiner les contours de l’organisation sociale à travers l’adoption de lois. C’est au contraire les multiples segments de la société, plus ou moins organisés en groupes d’intérêt, qui imposent à l’Etat son calendrier politique. Cela s’appelle tout simplement du management : le gouvernement répond à la loi de l’offre et de la demande en optimisant, au maximum, son retour sur investissement politique. Mais de démocratie, « le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple », il n’en est plus question. Mariage homosexuel ou pas. 

    Les idiots (Idiocratie, 26 novembre 2012)

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  • Autonomie ou indépendance ?...

    "L’autonomie, il faut le souligner, est quelque chose de tout à fait différent de l’indépendance. L’autonomie n’est pas plus une indépendance « inachevée » que l’indépendance n’est le point d’aboutissement logique de la marche vers l’autonomie. L’indépendance suppose la capacité d’un individu ou d’une collectivité, d’un « je » ou d’un « nous », à vivre de manière totalement autosuffisante, sans rien devoir aux autres. C’est ici que l’on retrouve l’idéal libéral de l’individu « séparé ». L’autonomie, au contraire, organise le rapport aux autres d’une manière plus souple, plus organique. On pourrait dire qu’elle n’appelle pas l’indépendance, mais plutôt l’interdépendance." Alain de Benoist (2003)

     

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Javier R. Portella, cueilli sur Polémia et consacré aux élections en Catalalogne, qui pourraient déboucher à terme sur un référendum sur l'indépendance de cette région. Javier R. Portella, qui est l'auteur de l'essai intitulé Les esclaves heureux de la liberté (David Reinharc, 2012), nous rappelle que la solutions des problèmes de l'Europe ne passe sans doute pas par la multiplication des micro-nationalismes mais plutôt par la capacité des Européens à construire une identité forte articulée sur trois niveaux de réalité : celui des patries charnelles, celui des états-nations et celui de la civilisation commune...

     

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    La sécession en Catalogne ou les maux du nationalisme chauvin

    J’écris ces lignes le soir même du dimanche 25 novembre, jour des élections en Catalogne qui étaient censées produire un raz-de-marée sécessionniste en faveur de l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne. Le raz-de-marée ne s’est pourtant pas produit, les électeurs s’étant bornés à préférer « l’original », Esquerra Republicana, le parti le plus radicalement sécessionniste, qui est passé de 10 à 21 sièges, à « la copie », le CiU, parti qui avait convoqué les élections, qui est tombé de 62 à 50 sièges. Bref, un simple transfert de voix au sein des sécessionnistes qui, ensemble, représentent toujours 64% des électeurs, face à 36% pour les forces non séparatistes.

    Le désastre du nationalisme chauvin

    Mais oublions la petite cuisine électorale. Essayons de cerner les questions qui vraiment importent. Que se passe-t-il, que se joue-t-il en Catalogne (et il faudrait ajouter : et dans le Pays basque) ? La question est d’autant plus importante que la mouvance identitaire (du moins en France), portée sans doute par le rejet on ne peut plus légitime du jacobinisme, fait preuve souvent d’une grande incompréhension du phénomène national en Espagne, en même temps qu’elle manifeste des sympathies à l’égard de forces dont la victoire nous mènerait tout simplement à la catastrophe : au désastre du nationalisme chauvin que l’Europe a déjà suffisamment souffert jadis dans ses chairs.

    Ne nous trompons pas. L’enjeu, aujourd’hui en Catalogne (il faudrait préciser : en Catalogne espagnole, car il y a aussi une Catalogne française), ce n’est nullement la défense d’un petit peuple à la langue, à la culture, à l’identité et aux droits politiques brimés par l’oppression d’un autre peuple ou d’un quelconque pouvoir central. Si brimades il y a eu, elles ont plus que disparu depuis plus de trente ans, l’Espagne s’étant constituée en fait dans une sorte d’Etat fédéral dont les parties constitutives, appelées « Communautés autonomes », jouissent même de plus de droits que bien des Etats fédéraux.

    Le catalan, l’anglais et l’espagnol

    Soyons clairs. Si une langue, une culture, une histoire est aujourd’hui brimée et vilipendée en Catalogne, cette langue, cette culture, cette histoire n’est nullement celle de la Catalogne : c’est celle de l’Espagne, dont la langue – un exemple parmi mille – tient dans l’enseignement une place plus réduite que celle accordée à l’anglais. La fin du discours que pour clôturer la campagne électorale Artur Mas, président de la Catalogne, a prononcé en… anglais en constitue d’ailleurs la preuve éclatante et symbolique. Puisque le catalan est une langue minoritaire, était-il signifié, et puisqu’il nous faut bien une langue universelle dans ce monde heureusement globalisé que nous aimons tellement… alors, que cette langue soit donc l’anglais plutôt que l’espagnol que nous exécrons mais dont nous ne savons pas quoi faire pour nous en passer !

    La négation d’un passé millénaire

    C’est là toute la question. Lorsque la haine nationale, ou, si l’on préfère un mot moins fort, lorsque l’animadversion chauvine déverse son fiel dans le cœur d’un peuple (comme elle le déversa jadis dans le cœur, par exemple, des Français et des Allemands), toutes les autres questions deviennent parfaitement secondaires. Posons celle qui est sans doute la plus importante : Faut-il en finir avec « l’Etat-nation » pour créer, au sein de l’Europe, un autre modèle d’organisation politique de nos peuples ? Sans doute. C’est même tout à fait légitime de le revendiquer ou, tout au moins, de poser la question. Or, toute revendication devient illégitime, toute question devient là-dessus nulle et non avenue dès lors que le mouvement premier qui porte un tel élan consiste dans la négation de l’Autre : dans la négation, en l’occurrence, d’un passé millénaire où la langue, les institutions, la culture, l’être même de la Catalogne ont été indissociables – avec autant de particularités que l’on voudra – de la langue, des institutions, de la culture, de l’être même de l’Espagne.

    La vraie question de l’identité collective de nos peuples

    Il faut, certes, poser et défendre, face à l’individualisme qui nous accable, la question de l’identité collective de nos peuples. C’est là, il faut bien le reconnaître (*), le grand (et seul) mérite des mouvements nationalistes catalan et basque (tout le problème est qu’ils prétendent que leur identité est une, alors qu’elle est double !). Le phénomène est d’autant plus paradoxal que, face à ce grand élan identitaire, il s’étale, dans le reste de l’Espagne, une sorte de néant d’identité où l’individualisme le plus forcené, ayant écarté toute mémoire, tout enracinement, toute tradition, a gagné la partie.

    Il faut poser, disais-je, la question de l’identité collective de nos peuples. Mais il est absurde (outre ce qui vient d’être dit) de poser une telle question dans les termes de ces nationalistes catalans (et basques) qui, tout en ayant constamment le mot « identité » à la bouche, s’empressent d’accueillir, les bras grands ouverts, les masses extra-européennes dont l’immigration de peuplement met en danger notre identité à nous tous, à commencer par la leur.

    Javier R. Portella (Polémia, 25 novembre 2012)

    (*) Je l’ai explicitement reconnu et développé, par exemple, dans mon livre España no es una cáscara [L’Espagne n’est pas une coquille], Áltera, Barcelone, 2000.

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  • Délinquance : l'autre héritage de mai 68 ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Nicolas Gauthier, ancien rédacteur en chef de Flash,cueilli sur le site de Boulevard Voltaire et consacré au développement d'une délinquance violente qui ne reconnaît aucune limite...

     

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    Délinquance, l'autre héritage de mai 68

    Les faits divers se suivent et se ressemblent. Tous plus sordides les uns que les autres. À une cadence de plus en plus serrée. Buraliste abattu à Marseille pour un butin se montant à quelques dizaines d’euros. Fillette sciemment poussée sous un train à Yerres. Fusillade dans un restaurant d’Orly, un mort et plusieurs blessés graves. Et on ne compte plus les malheureux tabassés à mort pour un regard de travers ou une cigarette qu’ils n’ont pas voulu donner.

    C’est quoi ce monde devenu fou ?

    Bien sûr, le crime est aussi vieux que le monde en question. Bien sûr, il y a toujours eu des dingues en circulation. Mais sans jouer au ronchon réactionnaire estimant que c’était mieux avant, il n’est pas incongru que de constater que cela ne s’est pas arrangé depuis. Ainsi, pardonnez le « je » haïssable, mais l’auteur de ces lignes peut s’enorgueillir d’avoir, objectivement en vain, sonné le tocsin, plus d’un quart de siècle durant, dans la presse dissidente, ou « d’extrême droite » pour aller court. Et, quand à l’aube des années 80 du siècle dernier, nous tentions d’alerter nos concitoyens sur les ravages déjà visibles de la mentalité dominante issue de mai 68, on nous riait au nez. Il ne fallait pourtant pas être grand clerc pour comprendre qu’un professeur acceptant de se laisser tutoyer par ses élèves savonnait la planche à ses successeurs qui se font aujourd’hui casser la gueule par ces pères ulcérés que leur cher petit trésor, leur enfant roi, ait pu être tutoyé ou verbalement rudoyé par un de ces profs débordés parce que n’ayant jamais appris dans les IUFM que, pour être respecté, il faut être respectable, c’est-à-dire, bien rasé, pas vêtus de pulls aux manches trouées et si possible parler du haut d’une estrade. Merci Mai 68 ! Les enseignants se sont mis au niveau de leurs élèves. Distance idéale pour se prendre des baffes. Finalement pas toujours imméritées…

    Et puis, l’immigration et les enfants d’icelle. Comme on disait chez nous, dans la banlieue de Montgeron (91), tous les Noirs et les Arabes ne sont pas des voyous, il se trouve seulement que tous les voyous sont des Noirs et des Arabes… Mon Dieu, quelle horreur ! Comment ose-t-on ! Ah, les têtes de rosières effarouchées de l’époque… Et pourtant c’était vrai et ça l’est globalement toujours.

    Mais dans cette presse dissidente plus haut évoquée, nous nous interrogions déjà sur le thème : pourquoi des gens issus de sociétés patriarcales, formatée par des religions d’ordre, islam comme christianisme, dans lesquelles le peu de délinquance qu’il y a se règle à coups de bâtons et les incivilités à coups de beignes se conduisent-ils, une fois la Méditerranée franchie, comme les pires des sauvageons ?

    Un camarade médecin qui exerçait ses talents en milieu carcéral nous avait de suite éclairés : « Le déracinement lié à l’immigration suscite des pathologies particulières. Oubli de la culture d’origine, incompréhension de celle d’accueil, sentiment de perte d’identité doublé par celui de n’être nulle part à sa place et les plus fragiles dérapent… » Plutôt bien vu. Diagnostic qui peut encore être complété par cette autre résultante de l’esprit soixante-huitard : après la culture du laxisme, celle du consumérisme effréné, assez paradoxale pour des gosses de bourgeois qui entendaient lutter contre la société de consommation et brandissaient la figure tutélaire d’un Guy Debord qu’ils avaient manifestement lu de travers. Bref, pour « être », il faut « avoir ». Les fringues de marque qu’il faut et tout le toutim. Cette société est une machine à créer de la frustration. Et le problème, c’est que les « frustrés » sont de grands gaillards ne connaissant plus limites ni morale, abrutis de sous-culture, de jeux vidéos dans lesquels la mort n’est que mascarade. Et quand il y a mort pour de vrai, flics et gendarmes vous le diront, les assassins en herbe n’ont même plus conscience de la portée de leurs gestes.

    Il n’est pas question ici d’excuses, mais d’explications : ce monde qui schlingue de plus en plus a enfanté des monstres. Les siens. Qu’il a de plus abandonnés. « Un homme, ça s’empêche », assurait le père d’Albert Camus. Rien à ajouter.

    Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 26 novembre 2012)

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