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Points de vue - Page 323

  • Tous pourris ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une réflexion de Dominique Venner, cueillie sur son site et qui prend pour départ la crise politique déclenchée par l'affaire Cahuzac...

     

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    Tous pourris...

    L’exclamation est un peu facile sans doute, mais elle résume le sentiment d’écœurement nauséeux qui se répand ces temps-ci dans le beau pays de France. Tandis que s’alourdissaient les impôts en faveur de diverses clientèles électorales, explosaient les révélations sur la corruption du ministre chargé de faire rentrer de force ces impôts. Ce joli scandale s’ajoutait à la colère montante d’une large fraction de l’opinion devant une évidente volonté de détruire, dont témoignent la politique d’immigration massive ou le projet de mariage gay.

    La corruption et les malversations des gens de pouvoir, politiciens ou agents d’une administration pléthorique, n’est pas une nouveauté. Des bibliothèques entières ont été consacrées aux « affaires » des républiques successives, la Vème ayant cependant battu tous les records depuis sa fondation par le général de Gaulle, un homme intègre qui aimait s’entourer de coquins. Ce n’est pas seulement que les tentations étaient devenues plus nombreuses, alimentées par de nouveaux pouvoirs financiers accordés aux élus et par l’énorme pactole des administrations, syndicats et associations d’aide à ceci ou à cela. Non, il y avait autre chose.

    Les raisons de la corruption publique sont multiples. Certaines sont historiques. Il m’est arrivé de rappeler que, lors des procès d’épuration en Haute Cour, après 1945, à l’encontre des ministres de l’État français, autrement appelé régime de Vichy, il fut impossible de relever un seul cas d’enrichissement frauduleux ou de corruption, en dépit des efforts d’enquêteurs acharnés (1). Les hommes qui ont alors exercé le pouvoir  étaient certainement critiquables à de multiples égards, mais, dans l’ensemble, ils étaient imprégnés par une idée presque militaire du devoir à l’égard de leur pays prisonnier d’une situation d’extrême détresse. Sans doute savaient-ils aussi qu’ils étaient surveillés par les grands corps de l’État restés en place. L’idée du devoir s’est ensuite évaporée chez beaucoup de leurs successeurs qui entendaient sans doute rentabiliser les périls réels ou supposés des années de guerre.

    Mais, puisque je viens d’invoquer les mentalités, autrement dit les “représentations” que chacun se fait de l’existence et qui conditionnent la façon de se comporter, il faut certainement creuser plus loin encore.

    En Europe, depuis l’Antiquité la plus ancienne, avait toujours dominé l’idée que chaque individu était inséparable de sa communauté, clan, tribu, peuple, cité, empire, à laquelle il était lié par un lien plus sacré que la vie elle-même. Cette conscience indiscutée, dont l’Iliade offre la plus ancienne et poétique expression, prenait des formes diverses. On songe au culte des ancêtres à qui la cité devait son existence, ou encore à la loyauté pour le prince qui en était l’expression visible. Une première menace fut introduite par l’individualisme du christianisme primitif. L’idée d’un dieu personnel permettait de s’émanciper de l’autorité jusque-là indiscutée des dieux ethniques de la cité. Pourtant, imposée par l’Église, la conviction se reconstitua qu’aucune volonté particulière ne pouvait ordonner les choses à son gré.

    Pourtant le germe d’une révolution spirituelle avait été semé. Il réapparut de façon imprévue avec l’individualisme religieux de la Réforme. Au siècle suivant, se développa l’idée rationaliste d’un individualisme absolu développée avec force par Descartes (« je pense donc je suis »). Le philosophe faisait sienne également l’ancienne idée biblique de l’homme possesseur et maître de la nature. Sans doute, dans la pensée cartésienne, l’homme était-il soumis aux lois de Dieu, mais ce dernier avait donné un fort mauvais exemple. Contrairement aux dieux antiques, il n’était dépendant d’aucun ordre naturel antérieur et supérieur à lui. Il était l’unique créateur tout puissant et arbitraire de toute chose, de la vie et de la nature elle-même, selon son seul vouloir. Si ce Dieu avait été le créateur affranchi de toute limite, pourquoi les hommes, à son image, ne le seraient-ils pas à leur tour ?

    Mise en mouvement par la révolution scientifique des XVIIe et XVIIIe siècle, cette idée n’a plus connu de bornes. C’est en elle que réside ce que nous appelons la « modernité ». Cette idée postule que les hommes sont les auteurs d’eux-mêmes et qu’ils peuvent recommencer le monde à leur gré. Il n’y a d’autre principe que la volonté et le bon plaisir de chaque individu. Par voie de conséquence, la légitimité d’une société n’est pas dépendante de sa conformité avec les lois éternelles de l’ethnos. Elle ne dépend que du consentement momentané des volontés individuelles. Autrement dit, n’est légitime qu’une société contractuelle, résultant d’un libre accord entre des parties qui y trouvent chacune leur avantage (2).

    Si l’intérêt personnel est le seul fondement du pacte social, on ne voit pas ce qui interdirait à chacun d’en profiter au mieux de ses intérêts et de ses appétits, donc de se remplir les poches si l’occasion lui est offerte par sa position. Cela d’autant plus que le discours de la société marchande, par le truchement de la publicité, fait à chacun l’obligation de jouir, plus exactement de n’exister que pour jouir.

    Longtemps, en dépit de cette logique individualiste et matérialiste, le lien communautaire de la naissance et de la patrie s’était maintenu, avec toutes les obligations qui en découlent. Ce lien a été progressivement détruit un peu partout en Europe dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, alors que triomphait la société de consommation venue des États-Unis. À l’instar des autres pays d’Europe, la France a donc cessé peu à peu d’être une nation (fondée sur la natio, la naissance commune) pour devenir un agrégat d’individus rassemblés par leur bon plaisir ou l’idée qu’ils se font de leur intérêt. L’ancienne obligation de « servir » a donc été remplacée par la tentation générale de « se servir ». Telle est la conséquence logique du principe qui fonde la société sur les seuls droits de l’homme, donc sur l’intérêt de chacun.

    Et voilà que, sous nos yeux, cette répugnante logique se heurte à une révolte qui vient des profondeurs. Nous assistons à l’éveil inattendu de tous ceux qui, par réflexe atavique, sentent au fond d’eux-mêmes que l’appartenance ancestrale indiscutée est ce qui fonde un clan, un peuple ou une nation.

    Dominique Venner (Blog de Dominique Venner, 9 avril 2013)

     

    Notes :

    1. J’ai rappelé le fait, références à l’appui, dans mon Histoire de la Collaboration (Pygmalion, 2002).
    2. Rousseau avait compris que telle était la faille du contrat social. Il prétendit y remédier en justifiant l’usage de la force pour contraindre les récalcitrants à se soumettre à une problématique « volonté générale »
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  • Crise politique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur son blog RussEurope et consacré à la crise politique déclenchée par l'affaire Cahuzac...

     

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    Crise politique

    La crise politique, que l’on avait annoncé dans une note publiée il y a un mois1, est désormais une réalité. Elle n’attendait qu’un détonateur pour exploser, et ce dernier a été fourni par la funeste « affaire Cahuzac ». Notons qu’entre temps les nouvelles, mauvaises pour ce gouvernement, se sont accumulées. Le rejet par la cour constitutionnelle portugaise d’une partie du plan d’austérité2, mais aussi l’annonce officielle de la chute de la consommation en France pour le mois de février3, sont venues apporter de l’eau à notre moulin. La politique suivie par le gouvernement français est aujourd’hui dans une dramatique impasse. Plus il persistera à la poursuivre et plus grave sera la situation. Il est d’ailleurs exemplaire, et très symbolique, qu’elle soit survenue au moment même où était discuté à l’assemblée le projet de loi sur l’Accord National Interprofessionnel, dit ANI, accord signé à la sauvette par trois syndicats et le MEDEF. Ce scandale, car c’en est un pour un gouvernement qui se prétend « de gauche » que de faire passer dans la loi un train de mesures dont certaines sont en réalité contraires au droit européen et international du travail, pour moins spectaculaire qu’il soit, valait bien en réalité l’affaire Cahuzac.

    L’affaire Cahuzac et ses conséquences

    Cette affaire est en réalité fort simple. Elle démarre par des accusations portées sur le site de Médiapart le 4 décembre 2012. Elle combine une fraude fiscale sur des montants visiblement bien plus grands que ce que Jérôme Cahuzac a reconnu, car l’on parle désormais de 15 millions et non plus de 650 000 euros4 et un mensonge politique. Le ministre Cahuzac ayant publiquement, et en séance de l’Assemblée Nationale, affirmé qu’il ne détenait pas de compte en Suisse. Le second aspect de cette affaire est, bien entendu, le plus révoltant. On notera cependant, à propos du premier aspect de cette affaire, que la banque Julius Baer avait exigé de Cahuzac une déclaration fiscale, redoutant un problème, et que ce dernier avait fourni un faux. Il pourrait dès lors être passible de poursuites en Suisse. Ajoutons que la Julius Baer, qui est une banque de gestion de patrimoine, n’a pas dans ses habitudes d’accepter des clients pour moins de 2 à 5 millions d’Euros suivant les opérations. Ceci réduit à néant l’affirmation de Cahuzac de n’avoir « que » 650 000 euros sur ce compte.

    Mais, cette affaire prend désormais une nouvelle dimension. Les affirmations de M. Pierre Moscovici, Ministre des Finances, selon lesquelles il aurait tout ignoré de la situation litigieuse de son ancien ministre délégué ne sont, hélas, absolument pas crédibles. Il est aujourd’hui avéré qu’il a évoqué le « cas » Cahuzac lors du Forum de Davos, en janvier 2013, comme l’a révélé un journaliste de la RTS helvétique, Darius Rochebin [Voir ici la vidéo]. Cela pose un nouveau problème politique. Pierre Moscovici prétend avoir fait « tout ce qu’il devait, tout ce qu’il pouvait »5. Il se refuse, pour l’instant, de communiquer à la presse française les informations qu’il aurait reçues de la part des autorités suisses, un doute justifié sur  l’authenticité de ses déclarations existe. En fait, ce doute porte sur la réalité de ces informations, qui avaient permis à certains journaux d’affirmer, fort imprudemment, que « Cahuzac était blanchi »6. Il ne semble pas, en réalité, qu’il y ait eu une demande officielle auprès des autorités judiciaires suisses7. Dans ces conditions, on est en droit de s’interroger. Quel fut le contenu de la discussion qu’eurent à Davos Pierre Moscovici et son homologue suisse ? Pourquoi avoir évoqué l’affaire Cahuzac alors, si rien d’inquiétant n’était connu par Pierre Moscovici ? Il est hélas plus probable que Pierre Moscovici a couvert, soit en connaissance de cause soit en refusant de mettre en œuvre les moyens de savoir, son confrère Jérôme Cahuzac. Dans les deux cas, il est coupable soit d’une complicité dans une affaire de fraude fiscale soit d’une incompétence rare que l’on peut assumer à un abandon de poste. Le simple sentiment de la dignité de la fonction qu’il occupe devrait alors le pousser à la démission au lieu d’attendre que s’accumulent les révélations qui le contraindront, en fin de compte, à démissionner. L’intérêt de l’État voudrait que le Premier Ministre et le Président le rappellent à son devoir.

    Car, au-delà, se pose la question de la légitimité du gouvernement et du Président. Ni l’un ni l’autre ne peuvent prétendre être indemnes de l’affaire Cahuzac et de ses conséquences. Pourtant, réduire à cette affaire le discrédit qui les frappe aujourd’hui, et le Président vient de connaître une nouvelle chute dans les sondages, serait une erreur. L’affaire Cahuzac n’est pas le premier scandale qui frappe la République, même s’il faut bien admettre qu’il s’agit d’un scandale majeur. Ce scandale, à lui seul, ne pourrait créer l’émotion politique justifiée qu’il a produit. Il y a plus ; il y a pire.

    Ce discrédit date de cet été, de l’entêtement avec lequel tant le Président que le gouvernement poursuivent une politique inefficace et dangereuse, de l’indifférence coupable montrée, à l’exception d’un ministre, dans la gestion des crises sociales tant à Florange qu’ailleurs, du reniement sur la question du TSCG qui apparaît, rétrospectivement, comme le pêché originel de cette Présidence. Ce discrédit est désormais en passe de devenir une véritable crise de légitimité qui conduira tant le gouvernement que le Président à la paralysie.

    Les réactions possibles

    Faisons, alors, le tour des réactions à cette situation que peut envisager le Président. La première réaction serait de prendre, en un sens, les Français au mot. Parce qu’ils veulent aujourd’hui une république irréprochable, parce que, après tout, ce fut une des promesses de la campagne présidentielle, qu’on la leur donne. Sauf que c’est plus facile à dire qu’à faire. La corruption, petite ou grande, est endémique depuis les années Mitterrand, depuis que les socialistes ne sont plus socialistes et que la Droite aime toujours autant l’argent. Concrètement, on pourra faire voter de nouvelles lois sur les déclarations fiscales des députés, des sénateurs et des ministres ; cela ne remplacera pas la probité et le sens de l’État. Or d’État, il n’y en a plus guère, dépecé entre les multitudes d’empiètements européens et la voracité des élites locales. Quant à la probité, il faudra revenir sur plus de trente ans de promotion de l’argent et de la fortune personnelle. Vaste programme, et pas quelque chose que l’on met en place en quelques années. Donc, ces lois de moralisation que l’on nous promet ne régleront pas le problème, même si elles peuvent apporter un petit mieux en certains domaines. Surtout, ces lois ne sont pas une réponse à la question posée. Les Français, oui, veulent une république irréprochable, mais ils veulent d’abord et avant tout des emplois et une autre politique économique. À se tromper dans les priorités, on s’exposerait à des déconvenues d’importance. Rien ne serait pire que de faire apparaître ces mesures pour une nouvelle opération de communication. Les Français ont soupé de cela. Cette communication ne nourrit pas son homme (ni sa femme), et ventre creux n’a plus d’oreilles.

    On peut, ensuite, penser à un remaniement ministériel. Il est demandé par de nombreux observateurs, et constituerait à l’évidence une manière élégante de se débarrasser de Moscovici. Il faut aussi compter avec la curiosité des médias qui s’intéresseront aux nouvelles têtes de ce gouvernement. Mais, sur le fond, un remaniement pour quoi faire ? Si l’idée est de continuer la même politique avec des habits différents, ce n’est guère une bonne idée. Elle fera gagner trois mois au Président, guère plus. Elle le privera d’un pareil recours par la suite ou du moins en affaiblira la portée symbolique. Cela revient à un « coup » de communication, et l’on a dit que l’époque où l’on pouvait croire faire de la politique par ces derniers était révolue.

    Un remaniement ne fait sens que s’il met en scène une réelle inflexion de la politique conduite depuis mai dernier. Mais est-ce possible tant que nous restons dans le cadre de contraintes qui est le nôtre depuis ces derniers mois et même ces dernières années ? En fait, si l’on regarde bien des mesures prises, on voit qu’elles découlent directement du pacte budgétaire européen, officiellement appelé Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Même l’ANI est une tentative de réponse à la crise de compétitivité qui frappe la France dans le cadre de l’Euro. C’est bien parce que nous nous sommes liés les mains en matière de dévaluation que nous sommes contraints d’appliquer ce genre de mesure. Tant que nous serons connivents, par la voix de nos gouvernements, à notre propre malheur, il n’y a rien à espérer.

    Il reste l’hypothèse d’une dissolution. C’est d’ailleurs celle qui a, aujourd’hui, la préférence d’une majorité des Français. En fait, un sondage d’OpinionWay, pour Le Figaro et LCI, diffusé le dimanche 7 avril montre que 33% des personnes interrogées sont pour une dissolution, 28% pour un remaniement total du gouvernement, 10% pour un remaniement partiel tandis que 28% seulement souhaitent que rien ne bouge8. Mais une dissolution, compte tenu du mode de scrutin actuellement en vigueur, n’apporterait que peu de changements. Peut-être impliquerait-il une nouvelle cohabitation. Mais ceci est une réponse très inférieure à ce qu’attendent les Français.

    Quelle sortie de crise ?

    Nous en sommes là aujourd’hui. Le Président ne voulant pas changer de politique, il devra affronter la crise qui s’est levée et qui ne manquera pas de s’amplifier tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il verra chacune de ses actions manquer son but, chacun de ses efforts se perdre dans la tourmente, tant il est vrai que la défaite appelle la défaite. Il aura beau dire « j’ai essayé », nul ne lui en saura gré. S’il s’intéressait à la stratégie militaire, il saurait que c’est dans une situation de ce type qu’il faut surprendre. En refusant le renoncement, en renversant la table tant qu’il en est encore temps, en renouvelant son équipe, il peut sortir par le haut de cette crise. Mais pour cela, il faudra qu’il sacrifie ce qui lui tient le plus à cœur, c’est-à-dire l’Euro.

    Jacques Sapir (RussEurope, 7 avril 2013)

     

    Notes :

    1. Jacques Sapir, “Vers une crise de régime ?”, billet publié sur le carnet Russeurope le 09/03/2013, URL: http://russeurope.hypotheses.org/1007 []
    2. Boursier.com, « Le Portugal au pied d’un mur d’austérité », le 7 avril 2013, URL : http://www.boursier.com/actualites/economie/le-portugal-au-pied-d-un-mur-d-austerite-19293.html []
    3. Voir Eurostat, « Le volume des ventes du commerce de détail en baisse de 0,3% dans la zone euro », communiqué du 5 avril 2013, 53/2013. []
    4. AFP, « Jérôme Cahuzac a menti à une banque suisse, selon un quotidien », le 6 avril 2013, URL : http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5iAnzOdPras . Ces informations confirment ce qu’affirme Edwy Plenel, le directeur de Mediapart. []
    5. Le Monde.fr, « Pierre Moscovici assure avoir fait “tout ce qu’il devait », le 7 avril 2013, URL : http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/04/07/pierre-moscovici-assure-avoir-fait-tout-ce-qu-il-devait_3155520_823448.html []
    6. Voir Le Figaro du 10 février 2013, URL : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/02/10/97001-20130210FILWWW00015-cahuzac-blanchi-par-le-fisc-suisse.php []
    7. http://blogs.mediapart.fr/blog/jolemanique/070413/scandaleux-moscovici-semble-mentir-la-republique-la-representation-nationale-et-aux-citoyens-selon []
    8. A. Zennou, « Le fossé se creuse entre les Français et les politiques », 7/04/2013, http://www.lefigaro.fr/politique/2013/04/07/01002-20130407ARTFIG00141-le-fosse-se-creuse-entre-les-francais-et-les-politiques.php []
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  • Regard las sur la République Française...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Grasset, cueilli sur son site De Defensa et consacré au lent déclin de notre pays...

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    Regard las sur la République Française

    Ils pourraient parodier leur mot fameux du temps du sang contaminé et nous dire, comme on présente son coupe-file : “Irresponsables, pas coupables”. Cela sonnerait juste, parce que la France du temps présent, dans le chef de ses élites et de sa direction politique, n’en finit pas de s’effondrer avec une certaine lenteur épuisée, avec contrition proclamée, dénégations, impuissance, soupirs réformistes et discours chantonnant le rythme “sociétal”, les jambes trop courtes pour se retenir de toucher le fond, le souffle si court qu’elle se noierait avant de se noyer.

    On dit bien “la France”, et pas Cahuzac, Ayraud, Hollande & Tartempion, ou bien Libé, Le Grand Journal & Le Figaro, ou bien Copé, Sarko & Compagnie… Il n’y en a pas un pour accrocher le regard et faire naître le goût de la malédiction, pour susciter des réflexions hautes, pour vous plonger dans un abîme de méditation grave et insondable sur la décadence des grandes choses, sur la façon dont les civilisations abandonnent leur histoire, sur le sens de cette civilisation-là devenue contre-civilisation. Il n’y en a pas un qui soit à la hauteur de leur chute et de la Chute.

    On aurait pu écrire ces mots sans nécessité de l’incident du jour, sans l’entraînement du brouhaha absolument indigné de la panique pressante et présente, de toutes ces vertus outragées et soudain érigées en guillotines postmodernes, le verbe moralisant au bout du poing, mais il se trouve que le larron fait l’occasion. Le Cahuzac arrogant et portant beau, brillant et insupportable, et magouilleur en son temps comme il faut, et soudain plongé dans un abîme de désespoir effondré, devenu malheureux homme jusqu’à l’abandon de soi, et pour la vie duquel les rares amis qui lui restent expriment toutes les craintes possibles, c’est bien la triste occasion. Qu’on ne compte pas sur le chroniqueur qui sait ce que mission veut dire pour pilonner le coupable, car ce n’était qu’un irresponsable comme eux tous, qui est aujourd’hui un homme traqué par lui-même, et soumis à sa torture intime. L’indignation qui s’élève, à la hauteur d’une Bastille encore debout et sur les mannes d’une Révolution dont ils ne finissent pas de se parer de la vertu supposée, c’est celle de la panique générale qui s’empare d’eux ; ce que Cahuzac a fait, affichant le soi-disant “mensonge d’État” comme manière d’être, – ce qui supposerait que l’État existe encore, – c’est témoigner symboliquement que le roi devenu République est nu, en symbolisant pour eux tous ce qu’est devenu leur monde.

    Ils ne sont pas “tous pourris”, ce serait leur faire bien de l’honneur et bien mal les considérer, et faussement sans nul doute. Ils sont absolument de leur temps présent, de la même matière folle et médiocre, sans rien qui dépasse, bien en rang, “bien pliés” comme ils disent. Je me demande même s’ils sont aussi vils qu’ils le paraissent, et bien entendu je ne le crois pas une seule seconde. Ils sont aussi bien affreusement prisonniers que médiocres profiteurs, autant absolument angoissés de leur sort qu’avec l’illusion futile de l’impunité du pouvoir. Simplement, ils ont perdu leur colonne vertébrale et ils ont fourré le fameux éclair au chocolat de Teddy Roosevelt à la place.

    Ils n’osent dire tout haut ce qu’ils n’osent même pas savoir avant que le monde le leur fasse connaître. “Je ne savais pas que la crise allait durer si longtemps”, disait ce Président après tout plein de bonnes et vaines intentions, quelques jours avant la crise du jour. Son étonnement discrètement interloqué nous cloue sur notre chaise et suspend un instant notre plume : lui et moi, parlons-nous du même monde ? Il lui a fallu une élection et quelques mois d’exercice de ce pouvoir qu’ils nomment “suprême” pour saisir au vol cette évidence qui écrase notre temps ?

    Le jeune Emile Michel Cioran écrivait en 1941, et peut-être pour la dernière fois en roumain avant de passer au français, un texte court et fulgurant (*) qui est un paradoxe même pour le jugement courant, mais qui est si évident pour qui mêle l’intuition à l’intelligence ; un texte débordant d’amour et d’estime haute pour la France, et d’un accablement désolé et irrépressible de devoir éprouver un tel mépris désespéré pour la France, – en un seul souffle, en une seule émotion, ceci et cela… Le jeune Cioran mesure avec minutie et sans ciller bien que les larmes ne soient pas loin, ce qui fut et ce qui est. Auparavant dans son texte, avant la citation qui nous importe, il avait observé que l’un des deux Moments de la France, où la Gloire de la grande Nation fut la plus haute, se trouvait dans cette «époque de la construction des cathédrales», ce que Georges Duby nomma le “Temps des cathédrales” ; il y revient indirectement plus loin, au constat de la désolation de la France, et du monde avec elle. (…Puisque la France reste exemplaire dans la décadence et l’effondrement, même inspiratrice de cela pour les autres, et Cioran en lui lançant cette terrible accusation du déclin ultime scellait en même temps son amour nouveau et désormais irréfragable pour elle, – vous voyez bien qu’il ne faut jamais désespérer d’elle, même dans le paradoxe de la gloire et de la chute mêlées. Disant “pays avancé” dans l’extrait ci-dessous, Cioran disait “avancé dans la civilisation”, très développé et longtemps considéré comme la référence de cette civilisation, “avancé” jusqu’au-delà de la civilisation, jusqu’à représenter la décadence terrible de cette civilisation, quand toutes les amarres sont rompues...) :

    « Un pays avancé ne souffre d’aucune complicité avec un quelconque idéal. Il rassemble en lui tout ce qui pourrait constituer une négation du gothique, c’est-à-dire de l’élan, de la transcendance, de la hauteur. Son énergie ne tend pas vers le haut, elle penche. La France est Notre-Dame reflétée dans la Seine – une cathédrale refusant le ciel. »

    L’argument péremptoire et terrible de ce pamphlet d’amour désespéré de Cioran, c’était “la France abaissée, humiliée” de la défaite et de la capitulation. Sa réelle portée transcendante fait que c’est aussi, et même bien plus encore, la France de notre temps. Un autre poète embastillé avant d’être fusillé pour avoir été du parti de cette “France abaissée, humiliée” et s’en être trouvé satisfait jusqu’à l’outrecuidance et l’inhumanité, disait du fond de sa cellule de Fresnes, et montrant en cela qu’il restait d’une humaine nature, revenu de sa faiblesse coupable pour affronter le martyre : «Mon pays m’a fait mal.» C’est qu’il faut savoir souffrir pour lui, selon ce que l’on fut et selon ce que l’on fit. On ne parle pas ici de la justice des hommes, on parle de la tragédie de l’Histoire et de la transcendance du monde.

    La question qui nous dévore devant cette France du temps présent, cette France des restes de ce qu’elle fut, est bien celle-ci : tous, ceux-là qui manigancent, qui discourent, qui paniquent, qui moralisent, qui s’égaient, qui s’affolent, qui se tordent les mains d’une angoisse soudaine, soudain horrifiés et dérangés dans leurs discours quotidiens, tous ceux-là savent-ils encore souffrir avec et pour leur pays et savent-ils encore ce qu’est la souffrance du monde ? … Cioran écrit “une cathédrale refusant le ciel” ; pour épouser notre temps courant et parce que 2013 n’est pas 1941, l’on dirait plutôt mais bien plus lourdement, mais logiquement cette lourdeur certes, – Notre-Dame “embrassant le ciel faussaire reflété dans la Seine par l’illusion de l’inversion”. Sauront-ils, en même temps que découvrir la souffrance du monde, en même temps que leur propre souffrance, sauront-ils déchirer le voile qui les bâillonne, qui les aveugle, qui les subvertit et les invertit, et qui les emprisonne ? Questions sans réponse, tout cela, ce qui n’est même pas façon de répondre, ce qui est suspendre le temps et son vol, – et attendre le verdict…

    Que dire encore ? Le Sénat continue à travailler sur le mariage pour tous. La République fonctionne, que diable ; la dérision lui répond en écho : au travail la belle, et plus soft sera la chute vertigineuse… Pas si sûr d’ailleurs, car l’on annonce que le vote sera si serré qu’on n’est plus sûr du tout qu’il soit acquis ; et certains de dire, dans ces temps du soupçon, que cela répercute à la façon démocratique et postmoderne ce qui semblerait finalement bien être une crise ; parce qu’un échec même temporaire du vote sur le mariage pour tous, voyez-vous, ce serait pour tous ces gens un symbole terrible et le signe ultime dans le ciel vertueux de la République laïque. Pas si soft, finalement, la chute ? Ces temps-là sont sans pitié...

     

    Philippe Grasset (De Defensa, 5 avril 2013)

     

    Note

    (*) De la France, republié à L’Herne en 2009.

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  • Faut-il renoncer à la démocratie ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue d'Alexandre Latsa, cueilli sur le site de La Voix de la Russie et consacré aux projets de l'oligarchie tels qu'ils sont présentés par le doucereux Jacques Attali, un de ses porte-parole...

     

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    Faut-il renoncer à la démocratie ?

    « Faut-il supprimer la démocratie » est une citation du « sage et démocrate » Jacques Attali. Celui-ci a en effet le 18 mars dernier signé un article absolument incroyable où il pose la question de l’opportunité de songer à appuyer, aider et compléter les structures et institutions démocratiques afin de pérenniser leur efficacité.

    Jacques Attali prend l’exemple de l’élection verticale et à vie du pape, puis de l'élection de la nouvelle présidence chinoise pour 10 ans, en remarquant que les deux fonctionnent selon le principe du parti unique, en portant au pouvoir quelqu'un du sérail sans consulter le peuple. Ensuite, il constate les échecs du système démocratique italien incapable de permettre l’émergence d’un gouvernement stable après les élections législatives du mois dernier. L’Italie serait d’après lui l’exemple type de l’échec du fonctionnement des systèmes démocratiques, le politique étant contraint de sacrifier l’avenir à long terme du pays (en aggravant la situation économique) pour assurer sa réélection.

    Serait-il tombé sous le charme des partis uniques parce que la démocratie montre ses limites?

    Pas du tout, il propose une troisième voie. Construire (en parallèle des institutions démocratiques) de nouvelles assemblées consultatives, composées de gens choisis, qui nommeraient des responsables à des niveaux plus élevés, ces derniers constitueraient une assemblée consultative nationale, en charge de conseiller les pouvoirs démocratiques. Ces assemblées seraient toujours selon lui destinées à équilibrer des pouvoirs politiques qui seraient mieux en mesure d’exécuter leur mission: la gestion de la « cité ».

    Il ajoute qu'il y a urgence à ce que des gens (des « sages » n’en doutons pas NDLR) prennent le relai des politiques élus car les risques seraient réels puisque « les multiples fondamentalismes sont présents et ils rodent autour du lit de la démocratie ». Il conclut: « Si on veut sauver l’essentiel de la démocratie, c’est à de telles audaces qu’il faut commencer à réfléchir ».

    Il faut peut-être lire entre les lignes et traduire: Nous (l’oligarchie) allons devoir un peu plus confisquer la démocratie et permettre à des gens mieux « choisis » de diriger nos pays.

    Utopie? Usine à gaz avec de nouvelles assemblées commissions et comités divers salariés par les états démocratiques ? Il faut prendre très au sérieux les « audaces » proposées par Jacques Attali, parce qu'il existe déjà des comités qui pensent et décident à la place des élus du monde occidental.

    Le 29 mars 2013, le président de Goldman Sachs a confirmé que le problème principal de l’UE était non pas Chypre (ou un pays comme la Grèce dans lequel le peuple est simplement en train de mourir NRDL) mais l’Italie d’aujourd’hui avec le facteur Grillo. Le troublant italien, sorte de Coluche politique, empêcherait en effet l’honnête establishment financier international d’achever sa prise de contrôle des états en faillite. Un processus qui comme on peut le voir ici est pourtant bien entamé et démontre, s’il le fallait, que c'est un comité d'anciens employés de la banque Goldman Sachs qui a pris les commandes des centres de décision du monde de la finance en Europe. Est-ce la meilleure des solutions pour l’Europe? Le pauvre Beppe Grillo avait même eu droit au début de ce mois à un billet corrosif à son égard sur le blog de notre « sage » dans lequel il était montré du doigt comme un danger pour l’avenir de l’Europe.

    Etonnante similarité de point de vue, non?

    Il y a pourtant, en dehors de la troisième voie proposée par Jacques Attali, une autre solution que la confiscation des élections par des « sages », au cœur de social démocraties dont les élites appartiennent à des corporations financières étrangères, et dont les politiciens sacrifient leurs peuples et leurs pays au nom de futiles réélections.

    Dans des pays comme par exemple la Chine de Jintao et Jinping, la Russie de Poutine, la Turquie d’Erdogan ou le Venezuela de Chavez, des élites « d’un autre genre » jouissent majoritairement du soutien de leurs peuples pour accomplir la mission qui est la leur: faire de leurs pays des états puissants et souverains, capables de résister tant aux déstabilisations financières que militaires tout en poursuivant et assurant leur développement économique.

    La solution en Europe n’est sans doute pas la confiscation d’une démocratie déjà en phase terminale, mais sans doute plutôt de procéder démocratiquement à un changement radical d’élites, afin de sortir d’un système d’exploitation qui ne fonctionne manifestement plus et de pouvoir enfin rendre aux peuples d’Europe ce qui leur a été confisqué : le pouvoir de décider de leur propre destin.
    Alexandre Latsa (La Voix de la Russie, 1er avril 2013)
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  • Sommes-nous devenus américains ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 5 avril 2013,  dans laquelle il nous livre son point de vue sur l'affaire Cahuzac...

     


    "La Chronique d'Eric Zemmour" : sommes-nous... par rtl-fr

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  • Américains et Européens : deux mondes séparés ?...

    Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial de Dominique Venner, tiré du dernier numéro paru de La Nouvelle revue d'histoire (n°65, mars-avril 2013) et consacré à la différence de vision du monde entre les Européens et les Américains.

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    Américains et Européens : deux mondes séparés

    Longtemps, le regard des Européens sur les États-Unis a dépendu de la guerre froide (1947-1975), de l’occupation soviétique d’une moitié de l’Europe et des menaces très réelles planant sur l’autre moitié. Durant une bonne partie de cette période, les Etats-Unis ont été perçus comme le rempart de notre liberté face à une Armée rouge surpuissante. Ces années-là ont enfanté plusieurs mythes reposant sur une réalité biaisée, le mythe du « monde libre » face au communisme, celui encore d’un « Occident » qui n’était plus celui de Spengler, et qui se confondait avec la puissance américaine.

    Tout en étant fort conscient des menaces de guerre dans les années 1950, le général de Gaulle commença de donner quelques coups de canif dans l’américanophilie de la France non communiste. Mais c’est le soudain basculement du monde après 1990 et la volatilisation de l’URSS, puis l’affirmation de l’hégémonie américaine, qui ont changé notre regard sur les Etats-Unis. Ils apparurent alors pour ce qu’ils étaient, un impérialisme idéologique, politique, militaire et financier qui s’était construit sur le rejet fondamental de l’Europe. Une Europe déjà célébrée comme une entité spécifique par Voltaire en 1751 dans son introduction au Siècle de Louis XIV(1).

    La réélection récente du président Barack Obama est venue nous rappeler que les États-Unis, ce mystère, pèsent sur notre destin d’Européens, depuis que, par notre faute, nous sommes devenus dépendants  soumis et modelés. Cette puissance étrange est issue de nous comme un bâtard enrichi et renégat. Un immense paradoxe historique a voulu que les États-Unis aient été à la fois le prolongement de l’Europe et sa négation. Une partie (pas tous) des premiers immigrants du XVIIe siècle, victimes de persécutions religieuses, fuyaient l’Europe et s’en détournaient. Ce sont eux, à la fin du XIXe siècle, après la guerre de Sécession, qui ont fini par imposer aux autres leur “vision du monde”. À cette époque, de nouvelles vagues d’immigrants fuyaient également l’Europe : Juifs victimes des pogroms russes, catholiques irlandais, anarchistes allemands et miséreux de tout le continent qui répondaient aux promesses du nouveau monde.

    « Tout Américain est un orphelin », proclamait l’écrivain John Barth. Un orphelin volontaire aurait-il dû préciser, c’est-à-dire un parricide. La plupart des Américains se voient comme le produit d’une rupture avec le passé européen, libres de mener la quête du bonheur matériel qui est, selon la Déclaration de 1776, l’un des droits naturels de l’homme. Cette quête de bonheur au sens matérialiste du mot, par le confort et les dollars, a suscité les sarcasmes de nombreux Européens, comme Stendhal ou Kipling. Mais cette idée du bonheur faisait partie du bagage des Lumières, donc d’une part de la culture européenne. L’Amérique est également redevable à l’Angleterre de sa langue, bien sûr, mais aussi de l’importance sociale attribuée au contrat, aux libertés et à l’équilibre des pouvoirs, en un mot des fondements de son modèle politique et économique. On voit donc que la prétention américaine à refuser le legs de l’Europe est excessive. Pourtant, la rupture est indiscutable.

    Cette rupture s’est faite dès l’origine. Les fondateurs des colonies de la Nouvelle Angleterre étaient des puritains extrémistes fuyant l’Europe, Bible en main. La rupture a été favorisée par la longue traversée de l’Atlantique, assimilée par les puritains du Mayflower à celle de la mer Rouge par les Hébreux fuyant l’Egypte avant d’aborder la Terre promise. Dans leur identification au peuple de la Bible, les Pères Pèlerins et leurs successeurs étaient persuadés que l’Amérique était la nouvelle Terre promise, un espace vide et riche, offert par Dieu à ses enfants préférés. Ils revendiquaient à leur profit la prétention hébraïque d’être les « élus » choisis par Dieu.

    Les premiers arrivants s’émerveillèrent de ce monde vide qui s’offrait à eux telle une page blanche. Monde vide, la formule est un peu rapide. Elle fait peu de cas des Indiens qui occupaient, de façon éparse le territoire, et qui furent génocidés sans complexe. Les Français et les Espagnols, ces autres Européens qui prétendaient à l’héritage commun, furent également évincés à la suite de guerres acharnées. En 1853, le territoire des États-Unis était définitivement constitué. Hors l’Alaska et Hawaii, ses limites ne changeront plus. Vastes espaces, fécondité des sols dans les Grandes Plaines, richesse en matières premières. Un Eldorado !

    Cet espace immense, vierge et riche répondait aux attentes de ceux qui voulaient fonder un monde nouveau échappant aux perversions supposées de la vieille Europe. L’espace apparemment vierge de l’Amérique était le paradis de l’innocence que le péché n’avait pas contaminé. Il portait la marque simplificatrice du Dieu biblique. On était donc à l’opposé de l’esprit de conquête et d’aventure des colonisateurs grecs et romains de l’Antiquité ou même des colonisateurs européens de l’époque moderne qui assumaient leur héritage. Cette différence décisive, avec toutes ses conséquences anthropologiques, pèse aujourd’hui sur nous.

    Dominique Venner (La Nouvelle revue d'histoire n°65, mars-avril 2013)


    Note :

    1 J’ai cité les propos de Voltaire à la première page de mon livre Le Siècle de 1914 (Pygmalion, 2006).

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