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Points de vue - Page 310

  • Aujourd'hui, la décroissance ?...

    Vous pouvez lire ci-dessous un texte stimulant cueilli sur le blog A moy que chault ! et consacré à la décroissance...

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    Aujourd'hui, la décroissance

    La croissance et son culte constituent désormais la seule religion occidentale quasi-unanimement partagée. A l'inverse du catholicisme, jamais elle ne s'est si bien portée ni n'a compté autant d'adeptes. De l'extrême-droite à l'extrême-gauche, personne ne remet en cause le dogme sacré sous peine d'être exclu du cercle des « gens sérieux ». Le débat se borne donc aux choix des méthodes pour atteindre ce graal productif puis aux modalités de redistribution et de partage de ses mirifiques bienfaits. Toute pensée véritablement révolutionnaire est donc exclue de facto puisque les oppositions et confrontations se font exclusivement dans le cadre d'une même pensée et d'un même horizon indépassable. Hors la croissance, point de salut !

    Sans celle-ci, il n'y aurait pas de bonheur possible pour les nations. C'est l'accroissement productiviste et l'accumulation des biens qui mèneraient à la grandeur des Etats et à la prospérité des populations. Il n'y a pourtant qu'à voir dans quel état de décrépitude physique et morale se trouvent les européens après à peine trois siècles de ce régime de « croissance » pour s'interroger sur l'infaillibilité de ce présupposé qu'on nous rabâche comme s'il s'agissait d'une vérité révélée. Ou encore de regarder du côté de la Chine qui fait fantasmer et saliver d'envie les économistes de tous poils avec sa croissance à deux chiffres mais qui est en train d'empoisonner son sol et ses eaux, de détruire ses structures ancestrales, de perdre son identité et de vendre son âme au profit d'une pâle imitation occidentaliste !

    Mais le dogme se défend bien, toute personne osant le remettre en cause – ou même simplement l'interroger- étant immédiatement mis au ban de la communauté, interdit de médias et fermement ghettoïsé.

    La décroissance. Aucune pensée politique – à l'exception du fascisme – suscite des réactions aussi virulentes, aussi violentes, des dénonciations et des condamnations aussi radicales, simplistes et définitives, venants de tous les horizons du système... Peu de personnalités sont autant moquées, calomniées, caricaturées et hystériquement dénoncées que celles qui tentent de défendre et de promouvoir cette idée de « décroissance », c'est à dire de changement radical de paradigme sociétal. « Hippies, rétrogrades, obscurantistes, allumés, khmers verts, écolo-fascistes, utopistes, beatniks, doux dingues, réacs... » tous les anathèmes sont bons pour discréditer sans débat cette pensée véritablement iconoclaste qui sape le fondement même du règne de la quantité et du pognon.

    On voudrait faire passer la décroissance pour une volonté de « retour à la bougie et à la traction animale », bref pour un passéisme. C'est au contraire une pensée innovante refusant le formatage du monde par le seul imaginaire capitaliste. La décroissance ce n'est pas refuser la technologie, c'est combattre le primat de la Technique, ce n'est pas refuser les innovations, c'est faire le tri entre elles, ne pas considérer qu'une nouveauté est bonne « par nature » et écarter celles dont les conséquences sont néfastes, ce n'est pas déifier ni sacraliser la nature, c'est avoir conscience de notre interdépendance avec l'environnement et défendre le patrimoine biologico-écologique des générations futures, ce n'est pas refuser le confort, c'est rejeter le superflu, ce n'est pas souhaiter la pauvreté mais la sobriété, ce n'est pas idéaliser « antan », c'est se nourrir de notre plus longue mémoire pour privilégier le temps long et la stabilité sur le zapping et le bougisme...

    A titre d'exemple, l'agriculture biologique est une démarche de type décroissante, puisqu'elle réduit les rendements et la productivité. Il n'en reste pas moins qu'en permettant d'obtenir des fruits et légumes plus sains et goûteux et en assurant la prolongation de la fertilité des sols, elle représente un « progrès ». Pas pour l'industrie agro-alimentaire certes, mais pour l'homme oui. Dans un autre domaine, se passer de télévision – c'est à dire d'une lobotomie quotidienne – est-il un recul ou un progrès ? Poser la question, c'est y répondre.

    On nous rétorquera que la « décroissance » est antinomique de la « puissance » d'un Etat ou d'un peuple. Pour cela il faut déjà raisonner en termes géopolitiques alors que l'on peut penser qu'on est aujourd'hui plutôt au stade de la simple survie. Mais même en admettant cette dialectique, encore faudrait-il s'entendre sur ce qu'est la puissance. La santé, mentale et physique, d'un peuple, sa démographie, ses arts et lettres, sa conscience nationale, son aptitude à produire du sens ne sont-ils pas des éléments fondamentaux de la puissance ? Or ces domaines ont été totalement sacrifiés, saccagés, par la société de la croissance, du primat de la pensée matérialiste et productiviste.

    Par ailleurs, que nous importent que la France, l'Italie ou l'Europe soient « puissantes », s'il n'y a plus de français, d'italiens et d'européens ? Si ces « entités administratives » ne sont plus peuplées que de zombies consuméristes, des clones hyperconnectés et réduits à leurs seules fonctions de production et de consommation, accrocs aux shopping, bourrés de médicaments, des non-êtres interchangeables ne levant la tête de leur Iphone que pour se traîner devant un quelconque écran de télé ou d'ordinateur pour y ingurgiter du porno et des séries américaines ? Nous y sommes déjà presque...

    Alors répétons-le, aucun changement économico-politique majeur ne pourra avoir lieu tant que l'on ne sera pas sorti de cette vénération de la croissance qui représente une aliénation totale du monde à l'imaginaire de la technique et de l'avoir.

    (A moy que chault ! , 15 août 2013)

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  • De la Commission européenne...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique percutante d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 27 septembre 2013 et consacrée à la Commission européenne et à sa politique folle...

     


    Viviane Reding dirige-t-elle la France ? par rtl-fr

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  • La victoire de la Russie...

    Nous vous livrons ci-dessous l'excellente analyse de Jacques Sapir, cueillie sur son blog RussEurope et consacrée à la victoire diplomatique de la Russie dans l'affaire syrienne...

     

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    La victoire de la Russie

    Le vote par le Conseil de sécurité des Nations Unies, dans la nuit de vendredi 27 au samedi 28 septembre de la résolution sur les armes chimiques en Syrie, co-présentée par la Russie et les Etats-Unis, a été un moment important dans la reconstruction d’un ordre international. Ce vote, obtenu à l’unanimité des 15 membres du Conseil de sécurité, présente plusieurs points qui appellent des commentaires :

    • (i)            Il fait obligation à toutes les parties en présence en Syrie de remettre les armes chimiques qu’elles détiennent aux Nations Unies à fin de destruction. Il enjoint à toutes les parties en présence de cesser la production ou le transfert de ces armes.
    • (ii)           Il réaffirme solennellement que la prolifération des armes de destruction massive est une menace pour la paix et la sécurité.
    • (iii)         Il réaffirme la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie.
    • (iv)         Il précise qu’en cas de violation par l’une des parties de l’accord, le « chapitre VII » de la charte s’appliquera, soit qu’il y aura une nouvelle réunion du Conseil de sécurité et qu’il faudra un nouveau vote avant l’engagement de la force armée.

    Ce vote est incontestablement une victoire pour la Russie, comme le soulignent tous les observateurs. Toutes les parties impliquées dans la crise Syrienne, à commencer par la France et les Etats-Unis, ont dû accepter de se plier à la légalité des Nations Unies. Il ne peut, dans ces conditions, y avoir de frappes «décidées unilatéralement. Cette victoire de la Russie est aussi, et surtout, une victoire du Droit International. Mais, c’est aussi une victoire pour la Russie car la résolution reconnaît le gouvernement légal de la Syrie comme son interlocuteur et le désigne comme tel dans la tenue d’une conférence de paix qui doit se tenir à Genève. Dès lors, il ne saurait y avoir de préalable, et en particulier le départ de Bachar el-Assad. De fait, les Etats-Unis et la France ont été isolés, non seulement face à la Russie mais aussi face aux « BRICS » et à une grande majorité de pays, et ont dû accepter la logique de la position russe.

    Cette victoire de la Russie est historique. Elle signe tant la cohérence de sa politique étrangère, mise en œuvre par son Président Vladimir Poutine et par son Ministre des affaires étrangères M. Serguey Lavrov et qui a fait de la défense de la légalité internationale sa pierre angulaire, que le changement de rapport de force international. Mais, cette victoire confère de nouvelles responsabilités à la Russie. Désormais on attendra d’elle non pas tant une position réactive qu’une position pro-active sur les différentes crises internationales.

    Cette victoire de la Russie doit aussi être mise en parallèle avec l’effacement de l’Europe et l’échec de la France. Cet échec est humiliant. La France s’est retrouvée isolée, et n’a pas été partie aux négociations de Genève entre la Russie et les Etats-Unis, négociations qui ont rendu possible le vote de cette résolution. Cet échec est celui, en profondeur, de la politique étrangère suivie par notre pays. Échec qui est le prix de l’incohérence : comment concilier l’action au Mali au début de cette année (dont on oublie trop vite qu’elle a été rendue possible par la mise à la disposition d’avions-cargos russes pour assurer la logistique) avec la position sur la Syrie. Échec qui est le prix d’une absence de doctrine, ou plus précisément de la montée du moralisme à la place d’une pensée politique réelle. Échec, enfin, dans la capacité à unir l’Union Européenne sur nos positions. Jamais l’Union Européenne n’est apparue autant divisée et sans position dans l’arène internationale. La France à cru beaucoup sacrifier à la construction européenne dans l’espoir qu’elle en tirerait avantage sur le plan international et que sa position en ressortirait renforcée. Elle doit aujourd’hui déchanter. Les sacrifices de souveraineté n’ont pas abouti à la constitution d’une position unifiée de l’Union Européenne. Ils ont par contre redonné une légitimité à l’Allemagne comme grande puissance.

    De cet échec, il faudra impérativement en tirer les leçons et faire le bilan de vingt années de « construction européenne ». Mais il faut aussi que M. Laurent Fabius tire personnellement le bilan du vote de cette nuit au Conseil de Sécurité, au vu de son activité et de son activisme des mois derniers, et qu’il assume sa responsabilité dans cet échec en démissionnant.

    Jacques Sapir (RussEurope, 28 septembre 2013)

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  • Bienvenue dans un monde sans frontière...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Romaric Sangars, cueilli sur Causeur et consacré à l'attaque par des djihadistes d'un centre commercial de Nairobi...

    Romaric Sangars anime avec Olivier Maulin le Cercle Cosaque.

     

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    Prise d’otages de Nairobi : la Charia contre le Marché

    Si le XXème siècle a été traversé par une grande « guerre civile européenne » (selon l’expression d’Ersnt Nolte), en deux phases, mutant ensuite en une guerre mondiale Est-Ouest verrouillée par le feu nucléaire, le XXIème siècle est entré dans une phase de guerre civile mondialisée, et les récents événements au Kenya en sont un symptôme extraordinairement révélateur. Dans un supermarché – métaphore assez littérale de ce que la planète est en passe de devenir -, des civils européens ont été abattus par des jihadistes européens au nom d’une idéologie politico-religieuse d’origine arabo-musulmane, au sein d’un pays d’Afrique noire qui représentait un lieu de tourisme pour certaines victimes, de terrorisme pour les bourreaux, l’assaut ayant été relayé en temps réel sur Twitter, afin que son écho médiatique soit mondial. Comment résumer plus éloquemment la nature du conflit où nous sommes sommés jetés ?

    Ce massacre doit être au moins l’occasion du procès d’un certain nombre de lieux communs débiles qui pourrissent depuis trop longtemps dans la pensée dominante. Cette pensée est manichéenne, simpliste, benoîtement optimiste, bref : criminelle. Elle supposait, avec une naïveté touchante, que la relativisation ou la disparition des frontières nationales, signifierait mécaniquement la fin des guerres sous l’égide bienveillante de l’ONU. Résultat : la guerre ne se déroule presque plus entre nations – peut-on appeler « guerre » au sens classique les opérations de gendarmerie menées par les Occidentaux ? -, non, la guerre est civile et elle est mondiale. On chantait les bienfaits de la circulation accélérée des individus sur toute la planète et des nombreux échanges rendus possibles grâce au réseau Internet. Oui, mais cela signifie également la potentielle omniprésence fantôme de l’ennemi, et la diffusion exponentielle des haines. On se pâmait devant la symbolique du métissage, en tant que dissolution des différences par la grâce de l’amour. Le couple mixte qu’a formé la « Veuve blanche » avec son djihadiste de mari, l’a mené à assassiner ses compatriotes, sans distinction de races, au nom de l’universalisme islamique. United colors of total war.

    Oui, décidément, il y a quelque chose de pourri dans le village global. Nous qui ne sommes pas bêtement « progressistes » nous nous doutions bien qu’un phénomène – comme celui de la mondialisation -, n’est jamais innocent, et porte toujours son revers, et que là où un certain Bien semble s’affirmer, le mal mute. Aussi ne sommes-nous pas tellement étonnés. Mais permettez tout de même que nous expliquions aux mondialistes béats que si cette guerre présente gagne en intensité, alors sans doute nous n’aurons plus d’armée aux frontières, pas la moindre ligne Maginot, non, mais un flic ou une caméra dans chaque rue et un ennemi dans chaque immeuble. S’il n’y a plus de front, le front est partout. Si nous sommes tous « citoyens du monde », cela implique que désormais, toute guerre sera civile. C’est-à-dire, selon Pascal : le pire des maux.

    Moi qui ne suis pas un « citoyen du monde » au sens où ils emploient cette expression, mais un Français héritier de 2000 ans d’Histoire, c’est avec un dédain parfaitement aristocratique que j’observe les bannières des camps en présence, m’interrogeant seulement : « Reste-t-il une voie entre la Charia et le Marché ? » Les deux idéologies sont des hérésies en miroir. La seconde adore un argent devenu bien trop abstrait, la première un esprit franchement lourd, si temporel, tellement littéral. J’ai la nostalgie d’une âme dans un corps. Une culture singulière au sein d’une géographie définie. J’ai la nostalgie de la forme nationale, parce qu’elle est à taille humaine, parce qu’elle est une grande personne avec son tempérament propre, son passé, ses drames, parce qu’on peut la voir, la cerner, parce qu’elle est plus facilement bridée dans ses volontés hégémoniques. Bien entendu, défendre aujourd’hui la forme nationale ne pourrait se faire qu’à condition de s’adapter au paradigme actuel, de viser une sorte d’Internationale des peuples souverains et des cultures, tel que Dominique de Roux voulut le faire avec son « gaullisme révolutionnaire » auquel les gaullistes de son temps n’ont pas compris grand-chose. La France pourrait justement, dans cette optique, jouer un rôle de premier ordre, en tant que modèle, par excellence, de la « vieille nation historique ». Oui, mais pour cela, il faudrait déjà qu’elle se souvienne qu’elle existe.

    Romaric Sangars (Causeur, 27 septembre 2013)

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  • Quand les émergents disent non aux "guerres du Bien"...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Ollivier, cueilli sur Atlantico et consacré à l'échec occidental dans l'affaire syrienne, qui est le signe d'un basculement géopolitique majeur...

     

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    L'Occident mis en échec : quand les émergents disent non aux "guerres du Bien"

    Les relations internationales se limitent-elles au combat manichéen entre le Bien et le Mal que les dirigeants occidentaux, sous la férule des Etats-Unis, vendent à l’opinion publique depuis la première guerre du Golfe ? A cette dynamique binaire, les puissances émergentes opposent systématiquement une vision géopolitique plus traditionnelle (et plus cohérente) axée autour de leurs intérêts stratégiques et de notions-clés telles que alliés/ennemis, grands équilibres, menaces,…

    Mais, des interventions en Irak ou en Lybie, en passant par l’Afghanistan ou le Mali, les protestations des émergents étaient jusque-là restées bien vaines face aux visées bellicistes de l’Occident. Les menaces de veto régulièrement brandies (et parfois exercées) par la Chine ou la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU ne faisaient que retarder les projets des guerres civilisatrices de l’axe américano-européen.

    Comment comprendre dès lors l’impressionnant recul américain (et français) sur la question syrienne ? La défiance des opinions publiques nationales des deux pays est certes un élément de réponse, mais la fermeté de la diplomatie russe, associée au front commun anti-guerre des principales puissances émergentes (du Brésil à l’Inde en passant par la quasi-totalité du continent africain) est sans nul doute l’élément décisif qui a fait reculer Barack Obama.

    Pourquoi les Etats-Unis ont-il pour la première fois plié sous la pression des émergents ? L’administration américaine est consciente que le monde a profondément changé et que l’ère de la super-puissance hégémonique US est terminée. Dans un monde multipolaire et globalisé, les Etats-Unis doivent composer avec des partenaires qui ne sont pas toujours des alliés… et accepter d’avaler quelques couleuvres.

    L’Amérique omnipotente des Trente Glorieuses (tout comme l’Europe au demeurant) n’est plus qu’une vieille illusion. Avec un quart de sa dette souveraine détenue par la Chine et la grande majorité de ses outils de production délocalisés dans les pays émergents, les Etats-Unis ne disposent plus de beaucoup de leviers pour faire pression sur des pays avec lesquels ils sont intrinsèquement interdépendants.

    Et encore, à la différence de l’Europe (même si la France et la Grande-Bretagne font encore illusion), l’Amérique peut se prévaloir de sa puissance militaire. Indispensable mais insuffisant quand on prétend incarner l’ordre moral au niveau planétaire.

    La reculade du président Obama sur le dossier syrien démontre d’ailleurs que la suprématie militaire n’est plus suffisante face à des émergents qui prennent progressivement conscience de leur puissance. Et à regarder les courbes respectives de croissance en Occident et dans ces régions, il y a fort à parier que cette tendance ne fasse que s’accroître dans les années à venir.

    Le déclin des uns (Etats-Unis et Europe) et la montée en puissance d’autres puissances (Chine, Russie,…) perçues comme non interventionnistes, servent en réalité les intérêts des dirigeants attaqués qui sortent renforcés de leurs bras de fer avec l’Occident. Avant l’exemple syrien, Américains et Européens avaient déjà fait de Mugabe, Chavez ou Ahmadinejad des héros de l’anti-impérialisme.

    Mais pire encore, lorsque l’axe occidental intervient militairement… puis se retire aussitôt face à une opposition publique allergique à la guerre, ils abandonnent des pouvoirs fragiles qu’ils ont eux-mêmes "mis en place" ; réduisant à zéro leur légitimité et ouvrant la porte à des guerres civiles sans fin (Irak, Afghanistan, Lybie,…).

    Jean-Yves Ollivier (Atlantico, 25 septembre 2013)

    Les relations internationales se limitent-elles au combat manichéen entre le Bien et le Mal que les dirigeants occidentaux, sous la férule des Etats-Unis, vendent à l’opinion publique depuis la première guerre du Golfe ? A cette dynamique binaire, les puissances émergentes opposent systématiquement une vision géopolitique plus traditionnelle (et plus cohérente) axée autour de leurs intérêts stratégiques et de notions-clés telles que alliés/ennemis, grands équilibres, menaces,…

    Mais, des interventions en Irak ou en Lybie, en passant par l’Afghanistan ou le Mali, les protestations des émergents étaient jusque-là restées bien vaines face aux visées bellicistes de l’Occident. Les menaces de veto régulièrement brandies (et parfois exercées) par la Chine ou la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU ne faisaient que retarder les projets des guerres civilisatrices de l’axe américano-européen.

    Comment comprendre dès lors l’impressionnant recul américain (et français) sur la question syrienne ? La défiance des opinions publiques nationales des deux pays est certes un élément de réponse, mais la fermeté de la diplomatie russe, associée au front commun anti-guerre des principales puissances émergentes (du Brésil à l’Inde en passant par la quasi-totalité du continent africain) est sans nul doute l’élément décisif qui a fait reculer Barack Obama.

    Pourquoi les Etats-Unis ont-il pour la première fois plié sous la pression des émergents ? L’administration américaine est consciente que le monde a profondément changé et que l’ère de la super-puissance hégémonique US est terminée. Dans un monde multipolaire et globalisé, les Etats-Unis doivent composer avec des partenaires qui ne sont pas toujours des alliés… et accepter d’avaler quelques couleuvres.

    L’Amérique omnipotente des Trente Glorieuses (tout comme l’Europe au demeurant) n’est plus qu’une vieille illusion. Avec un quart de sa dette souveraine détenue par la Chine et la grande majorité de ses outils de production délocalisés dans les pays émergents, les Etats-Unis ne disposent plus de beaucoup de leviers pour faire pression sur des pays avec lesquels ils sont intrinsèquement interdépendants.

    Et encore, à la différence de l’Europe (même si la France et la Grande-Bretagne font encore illusion), l’Amérique peut se prévaloir de sa puissance militaire. Indispensable mais insuffisant quand on prétend incarner l’ordre moral au niveau planétaire.

    La reculade du président Obama sur le dossier syrien démontre d’ailleurs que la suprématie militaire n’est plus suffisante face à des émergents qui prennent progressivement conscience de leur puissance. Et à regarder les courbes respectives de croissance en Occident et dans ces régions, il y a fort à parier que cette tendance ne fasse que s’accroître dans les années à venir.

    Le déclin des uns (Etats-Unis et Europe) et la montée en puissance d’autres puissances (Chine, Russie,…) perçues comme non interventionnistes, servent en réalité les intérêts des dirigeants attaqués qui sortent renforcés de leurs bras de fer avec l’Occident. Avant l’exemple syrien, Américains et Européens avaient déjà fait de Mugabe, Chavez ou Ahmadinejad des héros de l’anti-impérialisme.

    Mais pire encore, lorsque l’axe occidental intervient militairement… puis se retire aussitôt face à une opposition publique allergique à la guerre, ils abandonnent des pouvoirs fragiles qu’ils ont eux-mêmes "mis en place" ; réduisant à zéro leur légitimité et ouvrant la porte à des guerres civiles sans fin (Irak, Afghanistan, Lybie,…)


    Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/occident-mis-en-echec-quand-emergents-disent-non-aux-guerres-bien-jean-yves-ollivier-851513.html#Ek0QDuO69b9OCAES.99
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  • Les dissidents du XXIe siècle ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au nouvelles formes de dissidence en ce début de XXIe siècle...

     

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    France / Occident : les dissidents du XXIe siècle

    Honneur aux dissidents

    Les dissidents soviétiques avaient bonne presse en Occident dans les années 1970, car ils permettaient d’attaquer l’URSS sur les droits de l’homme – dont l’idéologie commençait à prendre sa forme moderne – et en particulier sur le droit d’émigrer (déjà…). Ils révélaient aussi la réalité cachée du communisme, même si en fait on savait déjà tout depuis Victor Kravtchenko (J’ai choisi la liberté, 1946) et même bien avant.

    On se souvient notamment de V. Boukovski, d’A. Zinoviev, d’A. Ginsburg, des frères Kopelev, ou Medvedev, de L. Pliouchtch et, bien sûr, d’A.Soljenitsyne.

    Les dissidents ont cependant commencé à moins intéresser l’Occident quand, ayant quitté l’URSS, ils ont commencé à déclarer que le « monde libre » n’était pas non plus le paradis. Et plus encore quand ils ont préféré revenir en Russie après la chute du communisme, comme Soljenitsyne, par exemple. Mais tant qu’il s’agissait de mettre en accusation l’Union soviétique, l’Occident souhaitait la bienvenue aux dissidents. Mais aujourd’hui les rôles se sont inversés.

    Le phénomène de dissidence marque l’usure d’un système

    L’apparition de la dissidence montre qu’un système touche à sa fin.

    Le phénomène de dissidence correspond au fait qu’un jour, et d’une façon imprévisible, des personnes du système décident de ne plus jouer le jeu en acceptant, en outre, d’en supporter personnellement les conséquences. Ce qui signifie qu’ils ne croient plus au système dans lequel ils vivent et qu’ils n’ont en outre plus peur de vouloir le changer.

    Ainsi, recrutés avant tout parmi les intellectuels et les chercheurs choyés par le régime, les dissidents soviétiques montraient que le mythe communiste ne faisait même plus rêver « l’avant-garde du prolétariat ». Comme le décrit A. Soljenitsyne dans son livre Le Chêne et le Veau, l’existence de la dissidence portait des coups de boutoir répétés sur le régime soviétique d’autant plus redoutables qu’elle provenait de l’intérieur du système lui-même. Comme un jeune veau têtu peut finir par abattre à la longue un vieux chêne.

    Ce phénomène s’est déjà produit dans l’histoire, notamment à la fin de l’Ancien Régime, quand une partie de la noblesse s’est ralliée aux « Lumières ».

    Les dissidents du XXIe siècle 

    La dissidence réapparaît aujourd’hui en Occident.

    Julian Assange, Bradley Manning et Edward Snowden sont en effet des dissidents du XXIe siècle. Et comme leurs homologues soviétiques, ils annoncent que le système occidental se fissure de l’intérieur.

    Bien qu’anglo-saxons, donc issus de la population dominant le système occidental, ces trois dissidents ont décidé un jour, et d’une façon imprévisible, de révéler au monde la réalité cachée de la politique américaine, en faisant la lumière sur les activités secrètes d’écoute des communications mondiales par la NSA auxquelles il participait, pour Snowden, ou en organisant la divulgation de documents diplomatiques ou militaires américains classifiés, pour Assange et Manning, via Wikileaks.

    Ces dissidents ne pouvaient ignorer les risques auxquels ils s’exposaient. Ils les ont pourtant assumés en démontrant par là même qu’ils plaçaient l’exigence de vérité plus haut que leur propre sécurité ou que leur loyauté vis-à-vis du système occidental.

    Leur dissidence porte aussi sur les télécommunications et l’internet : donc sur le cœur du réacteur occidental contemporain et sur le levier principal de sidération des populations.

    Tous les trois sont jeunes, enfin : ce qui montre que la contestation monte des profondeurs du système.

    Comme en URSS

    Le sort des dissidents occidentaux n’a rien à envier à celui des soviétiques. Les dissidents soviétiques ne trouvaient pas asile dans les pays du Pacte de Varsovie. Il en va de même pour les dissidents du XXIe siècle : aucun pays « libre » du bloc occidental – qui croule pourtant sous les « réfugiés » venus de toute la terre – n’a couru le risque de les accueillir et de mécontenter ainsi le « grand frère » américain. Y compris les pays espionnés par la NSA et qui se sont donc montrés pas très rancuniers ! L’oligarchie présente, bien sûr, les dissidents comme des délinquants et des hooligans, comme au temps de l’URSS.

    Manning, qui a déjà passé 1200 jours sous les barreaux, a été condamné à 35 ans de prison, même s’il a évité l’incrimination de « collusion avec l’ennemi » qui lui faisait courir le risque d’emprisonnement à vie. Manifestement, pour la justice militaire américaine le reste du monde s’assimile donc à un territoire ennemi, cela soit dit en passant. Peut-être le retrouvera-t-on un jour pendu dans sa cellule, comme cela arrive parfois en Occident ? Assange, réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres, se trouve sous le coup d’une demande d’extradition et de différentes accusations notamment d’abus sexuel. On a fait aussi circuler la rumeur qu’il se compromettait avec l’extrême droite (Le Monde du 23 août 2013), ce qui correspond en Occident au crime suprême de « contre-révolution » dans le bloc soviétique. Snowden, accusé d’espionnage, de vol et d’utilisation illégale de biens gouvernementaux, n’a pu obtenir que l’asile temporaire en Russie.

    Le goulag médiatique

    Les médias, habituellement si aimables avec les délinquants de toute sorte, n’ont cessé, avec un bel ensemble, de dévaloriser la portée de leurs gestes (ils n’auraient révélé qu’un secret de Polichinelle) ou leur personnalité.

    Manning, que l’on présentait ainsi comme un « jeune homme » un peu dépassé, en a d’ailleurs profité habilement devant le tribunal militaire pour faire adoucir sa peine ! Le goulag médiatique est, certes, plus soft que le goulag soviétique, mais il vise à produire les mêmes effets : réduire au silence et condamner à la mort sociale.

    L’Occident, URSS du XXIe siècle

    Les dissidents se multiplient en réalité en Occident, pour la même raison qu’en Union soviétique. Car on croit de moins en moins aux mensonges idéologiques sur lesquels repose le Système et ses résultats inspirent de plus en plus la défiance.

    Dissidents littéraires qui rejettent la médiocrité et le conformisme, artistes dissidents qui refusent l’art officiel cosmopolite déraciné, dissidents politiques qui ne croient plus aux partis institutionnels, dissidents médiatiques qui ne supportent plus les bobards, dissidents économiques qui préfèrent l’exil au fiscalisme, dissidents moraux qui manifestent contre le mariage homosexuel, dissidents scolaires qui fuient le naufrage de l’école publique, dissidence populaire qui ne fait plus confiance à l’oligarchie, dissidence identitaire contre le grand remplacement programmé des Européens, dissidents contre les fauteurs de guerre occidentaux.

    Malgré la police, malgré le goulag médiatique, malgré la menace économique, la dissidence progresse partout en Occident. Parce que le Système craque de toute part.

    Nous sommes tous des Assange, des Manning et des Snowden !

    Michel Geoffroy (Polémia, 15 septembre 2013)

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