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Points de vue - Page 181

  • Du tsunami migratoire au séisme politique....

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Camille Galic, cueilli sur Polémia et consacré aux résultats des élections législatives en Italie.

     

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    Italie. Du tsunami migratoire au séisme politique

    S’il est un pays où le “dégagisme” (des partis institutionnels) a pris tout son sens malgré l’adoption par ces partis, Forza Italia de Silvio Berlusconi et le Parti démocrate du sémillant Premier ministre sortant Matteo Renzi, d’un mode de scrutin ajoutant à la traditionnelle proportionnelle une dose de scrutin majoritaire censé préserver leurs fiefs et leur hégémonie, c’est bien l’Italie où les forces anti système et largement anti-immigration pour certaines d’entre elles ont obtenu une écrasante majorité.

    Un tournant anti-européen

    A l’heure où nous écrivons, Forza Italia ne compte plus à la Chambre des députés que 102 députés et le PD 105 (contre 178 auparavant !) quand la Ligue du Nord fédéralisée en Liga et le protestataire 5 étoiles comptent respectivement 127 et 231 élus (soit pour le second le tiers des sièges), avec 5,7 millions de suffrages pour la Liga et 10,7 millions pour 5 étoiles.
    Quelle humiliation pour Renzi qui, aux élections européennes de mai 2014, avait raflé plus de 40% des voix ! Mais aussi pour l’ancien président du Conseil italien et ancien président de la Commission européenne Romano Prodi qui patronnait la coalition Ensemble réunissant le PS et les Verts : avec seulement 196 000 voix, deux fois moins que le sulfureux et très identitaire mouvement Casapound, Ensemble n’obtient pas un seul siège.

    Déception aussi, alors que la Démocratie chrétienne naguère toute puissante est laminée, pour la liste Plus d’Europe menée par l’ex-commissaire européenne Emma Bonino, qui ne doit son unique siège que grâce au vote des Italiens de l’étranger, quand le parti des Frères italiens, structure d’accueil eurosceptique et anti-immigration pour beaucoup d’anciens militants du MSI (mouvement torpillé et finalement anéanti par l’arrivisme dédiabolisateur du renégat Gianfranco Fini), a réussi à décrocher 32 sièges malgré une presse très hostile hurlant au retour du « fascisme noir ».

    Longtemps, les Italiens comptèrent parmi les plus europhiles des Européens. Mais la chute de Muammar Kadhafi, avec lequel Berlusconi avait conclu un pacte pour éviter la submersion de la Sicile par des Africains, a tout changé. Certes, nos voisins n’entendent nullement quitter l’Union européenne mais il y a désamour. A bon droit, ils reprochent à la France de Sarkozy aux ordres de Bernard-Henri Lévy d’avoir œuvré à la chute — et peut-être à l’assassinat — du raïs libyen, et à Bruxelles de les avoir laissé envahir par 190 000 migrants par an depuis 2013 sans lever le petit doigt, faisant au contraire pression sur Rome pour que la marine nationale italienne secoure les naufragés et achemine à bon port (italien) ces malheureux sur lesquels les médias font pleurer Margot.

    Où était le « crime abject » ? Bobard par omission

    Le résultat, ce sont des villes sinistrées par une présence allogène obsédante, une délinquance galopante, et une population excédée par la saleté, la morgue, les incivilités et trop souvent les crimes des pseudo réfugiés.
    Ancien candidat sur une liste de la Ligue du Nord, Luca Traini a cédé à l’exaspération. Le 3 février dernier, drapé dans les plis du drapeau italien, il vidait deux chargeurs sur des Africains croisés au hasard dans la ville de Macerata, dans la région des Marches, et en blessait six, avant de se laisser interpeller sans résistance devant le monument aux Morts en criant « L’Italie aux Italiens ».

    Immédiatement, le grand quotidien romain La Repubblica (créé en 1976 sur la modèle du Monde)et toutes les chaînes de la RAI matraquaient sur « ce crime abject ». En occultant ce qui en avait été le détonateur : le viol et l’assassinat à Macerata justement d’une Romaine de 18 ans par le demandeur d’asile nigérian Innocent Oseghale qui avait ensuite dépecé le cadavre, entreposé dans deux valises découvertes à son domicile. Pis, l’autopsie des pauvres restes ayant démontré que l’adolescente avait été éviscérée, les enquêteurs se demandent si ce drôle d’Innocent ne s’est pas aussi « livré à des rites vaudou ou à des actes de cannibalisme ».

    Par la violence des réactions qu’il avait suscitées dans les médias, le geste désespéré de Luca Traini obligea les mêmes médias à s’intéresser enfin, sous la pression de l’opinion, à la victime du Nigérian et aux agissements de ce dernier qui, en attendant d’obtenir l’asile politique, s’était fait trafiquant de drogue et avait, de ce fait, été plusieurs fois interpellé puis élargi par une justice débordée ou complice.
    Ce fut le véritable tournant de la campagne électorale — comme l’avait été en France, lors de la présidentielle de 2002 où Jean-Marie Le Pen dépassa le premier ministre Jospin pour affronter Chirac au second tour, la sauvage agression d’un fragile retraité, Papy Voise, par de jeunes Maghrébins.

    La Ligue, pionnier dans la lutte contre l’immigration

    Tout en condamnant les tirs sur les immigrés, Matteo Salvini, le patron de la Ligue à laquelle il avait adhéré adolescent, prit la défense de Luca Traini dont il dit « comprendre » les motivations. Pour lui, « la responsabilité morale de la fusillade incombe à ceux qui ont rempli le pays de réfugiés »et il a promis que s’il parvenait à la présidence du Conseil, il renverrait « 500 000 migrants » au cours des cinq prochaines années. Serment fait le 2 mars à Milan sur « les très saints évangiles ».
    C’est ce langage, et la longue tradition de son parti dans la lutte contre l’immigration, qui lui ont permis de dépasser dans les urnes, avec 18,5% des voix, son allié Silvio Berlusconi (13,5%) et donc de se porter désormais candidat à la conduite du gouvernement avec l’aval de Berlusconi.

    L’extrême droite raciste au pouvoir ! La perspective horrifie les médias, qui ont appris avec consternation que le premier sénateur noir de l’histoire italienne est un fervent soutien de Salvini, l’ingénieur originaire du Nigeria Tony Iwobi, catholique et adhérent depuis 1994 de la Ligue où il est responsable du dossier immigration. Pour le nouveau sénateur, les choses sont claires. « L’intégration est faite aussi de devoirs, pas seulement de droits » et « Matteo Salvini et la Ligue représentent une barrière importante contre le racisme. La discrimination naît justement quand prolifère l’immigration clandestine, qui est l’antichambre de l’injustice sociale et de l’insécurité. »

    Mais si Matteo Salvini estime que si le résultat obtenu par la coalition que forme son parti avec ForzaItalia et I Fratelli d’Italia lui donnent « le droit et le devoir de gouverner », un obstacle redoutable se dresse sur sa route : 5 étoiles, fort de sa razzia de sièges et dont le nouveau leader lui aussi très jeune, Luigi Di Maio, est également très ambitieux. Au point – les positions idéologiques de 5 étoiles étant, au-delà de sa posture antisystème, assez fluctuantes, voire contradictoires, sur l’immigration comme sur l’Europe – de faire alliance avec un Parti démocrate si démonétisé qu’il n’a plus grand chose à perdre ?

    Comment la raison vient à Macron

    Tout est possible, y compris un retour aux urnes si la situation est bloquée, dans ce paysage totalement chamboulé, loin de l’ordre harmonieux de la Toscane.
    Reste, comme en est convenu Emmanuel Macron lui-même le 5 mars dans une tardive prise de conscience, que le résultat des élections chez notre petite sœur latine est « indéniablement » la conséquence de « la très forte pression migratoire dans laquelle les Italiens vivent depuis des mois et des mois », et que nous, Français, « devons aussi garder cela en tête pour ce qui nous concerne ». Et le chef de l’Etat de « prendre note que, dans le monde où nous vivons, on peut défendre des belles idées mais on ne peut pas les défendre en faisant abstraction de la brutalité du contexte ». Entend-il donc mettre fin au délétère activisme des associations immigrationnistes, et d’abord en leur coupant les vivres ? Wait and see…

    En Allemagne, les viols de masse de la Saint-Sylvestre 2016 à Cologne et dans plusieurs autres métropoles ont irrémédiablement abîmé l’image protectrice de « MuttiMerkel » et favorisé au contraire l’émergence de l’AfD. En Italie, la boucherie de Macerata a fait déborder la coupe des souffrances endurées par les occupés. Emmanuel Macron a raison de s’inquiéter. Le dégagisme dont il a bénéficié en 2017 pourrait se retourner contre lui si, en France, malgré l’omerta des médias, était révélée l’ampleur des dommages causés par une immigration incontrôlée, dont le djihadisme n’est que la conséquence la plus spectaculaire.

    Camille Galic (Polémia, 7 mars 2018)

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  • Des médias audiovisuels peuplés de clones journalistiques...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Ansar, cueilli sur Metamag et consacré à la polémique déclenchée par les propos de Jean-Luc Mélenchon à propos du "parti médiatique". Jean Ansar est journaliste.

     

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    Quelques clones de la chaîne France info

     

    Le parti médiatique existe, je l’ai rencontré. L’audiovisuel est peuplé de clones journalistiques

    Dire qu’il n’y a pas de parti médiatique en France en se référant à l’existence d’une diversité d’opinions représenté notamment par Valeurs actuelles face à l’ Obs est une Fake News évidente.

    Quand on parle de parti médiatique, on se réfère à l’audiovisuel qui manipule en prétendant l’informer, 80 % de la population. Ce parti existe.
    Les rédactions des radios et télévisions sont constituées de journalistes ayant la même sensibilité à plus de 80 % et les autres se taisent. Ils sortent d’écoles syndicalisées au niveau très disparate mais à l’endoctrinement uniforme. Il suffit d être dans le moule pour devenir journaliste. La compétence et la culture sont des critères moins décisifs.

    La carte de presse ne prouve plus rien depuis longtemps dans la plupart des cas.

    Ce n’est plus un certificat de compétence professionnelle. On peut ne rien savoir sur rien, devenir journaliste et être propulsé spécialiste selon les besoins du paracétamol ou du Kosovo.
    Ces journalistes clonés qui dans les chaines d’infos en continue se multiplient à une vitesse aussi effrénée que la profession se féminise, pensent tous la même chose. Leur modèle c’est en gros Libération, Le Monde, un zeste d’Obs et une pointe de Canard Enchaîné. De temps en temps un éditorialiste de droite est là pour donner le change.
    Ces journalistes pensent avoir la noble tache non pas d’informer mais de former et ce n’est pas la même chose. Ils se sentent investi de la mission de protéger la démocratie. Tous résistants contre la bête immonde dont le ventre est encore fécond.

    Il y a un parti médiatique sinon pourquoi aurait-on, dans toutes les chaines audiovisuelles, les mêmes sujets dans la même hiérarchie et au même moment avec les mêmes points de vues.
    La diversité de l’information audiovisuelle est un mensonge. La multiplication des médias disant la même chose est le contraire de la diversité des opinions, qui seule prouve la liberté de la presse. La liberté d’opinion et faites pour toutes les opinions surtout celles qui contestent le système dominant.
    Car quelle différence entre des médias d’un régime autoritaire disant tous la même chose et les médias d’une soi-disant démocratie disant tous la même chose ? Aucune !

    Quelle est donc la ligne politique du parti médiatique.

    Elle est antiraciste, féministe, contre toutes les discriminations et exclusions. C’est la soutane des gentils curés cathodiques contre les forces du mal.
    Les forces du ma,l ce sont ceux qui se référent aux valeurs qui ont fait les civilisations différenciés et qui n ont pas honte notamment d’être blanc, mâle et hétérosexuel .Le mâle blanc hétérosexuel, le voila l’ennemi du parti médiatique.

    Les médias sont pour le cannabis contre le vin rouge, pour tout ce qui est mondialiste et contre l’héritage des traditions.
    Pour le mariage homo contre les familles à la catholique, pour toutes les races qui n’existent pas sauf la blanche qui est raciste, pour l’avortement mais plus  en Europe qu’ailleurs, pour les droits de la femme et des minorités surtout musulmanes, pour les migrants et les immigrés contre ceux qui ont fait les nations.

    Le parti médiatique est un gauchisme sociétal audiovisuel.

    Son point faible est de vouloir assumer tout le monde. Il se retrouve dans la position du caméléon qui meurt à force de vouloir prendre toutes les couleurs de la couverture écossaise.
    Le parti médiatique ne cesse heureusement de se discréditer. C’est pourquoi il traque les faks news et à partir de cas particuliers pour interdire un traitement de l’information, déviant par rapport à des dogmes politiques et sociétaux.
    Le parti médiatique c’est croire informer en disant que Poutine est méchant sans rien connaitre ni comprendre l’âme russe. Et c’est cela pour tous les sujets. Il y a pire que la Fake news, il y a la désinformation dominante fille de l’inculture et du militantisme.

    Les lanceurs d’alerte et autres journalistes citoyens ou blogueurs de l’impossible sont la preuve de la bonne conscience politique d’ une profession qui a perdu le sens de sa vocation d’informer à charge et à décharge laissant aux éditorialistes le rôle de dire ce qu’ils pensent et à eux seuls.

    Chaque journaliste se croit aujourd’hui éditorialiste de ses propres préférences politiques. La carte de presse ne lui donne pas le droit de tenter d’imposer ses préférences. Il affirme ne pas être dans un Parti, mais il est partisan.

    Plus personne n’est dupe. Le dégagisme ne l’épargne plus. L’affolement d’une caste journalistique vis à vis de certaines attaques politiques est très dangereux pour ce qui reste dans les médias audiovisuels du droit de ne pas être d’accord avec l’idéologie dominante.

    Car si les medias ne sont pas un parti structuré, ils sont une idéologie.

    Jean Ansar (Metamag, 7 mars 201_)

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  • Parti médiatique : un gros mot ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Bilger, cueilli sur son blog Justice au singulier et consacré à la mise en cause des médias comme parti ou système diffusant une pensée unique... Ancien magistrat, Philippe Bilger est notamment l'auteur de récits ou d'essais comme 20 minutes pour la mort (Rocher, 2011) ou Contre la justice laxiste (L'Archipel, 2014).

     

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    Parti médiatique : un gros mot ? 

    Jean-Luc Mélenchon se doutait de ce qu'il allait déclencher en dénonçant "le parti médiatique" auquel il fallait s'opposer à tout prix. La coupe n'étant pas assez pleine, il a défendu sur son blog la liberté de parole de Laurent Wauquiez et fustigé des médias ennemis de la liberté d'expression.

    L'intéressant est que cette polémique et cette dénonciation, pour une fois, ont contraint les médias, tous genres confondus, à se défendre et à considérer que ces attaques, en gros, portaient atteinte à la démocratie dont ils auraient été les intercesseurs privilégiés.

    Cette joute dépassait de loin le seul cas de LFI puisqu'on mettait dans le même sac, pour la pourfendre, la coagulation critique à l'encontre du rôle des médias qui réunissait donc non seulement JLM et sa verve caustique mais Laurent Wauquiez chargeant, à la suite de son épisode lyonnais, l'indécence médiatique, Marine Le Pen et sa permanente mise en cause de la partialité médiatique et, enfin, le président de la République avec sa méfiance théorisée et maintenue à l'égard de médias trop corporatistes et peu doués pour appréhender la pensée complexe. J'ai conscience de l'hétérogénéité de cet inventaire mais il résulte d'un éditorial du Monde : Haro sur les médias !, tout à fait éclairant sur la conception orgueilleuse et clairement irréprochable que ce quotidien, qui les représente, donne d'eux-mêmes.

    Au fond il n'y aurait pas de parti médiatique mais au contraire le service "d'une mission permanente à laquelle les médias s'emploient : informer scrupuleusement, enquêter solidement, raconter honnêtement, décrypter aussi intelligemment que possible la réalité au service de leurs lecteurs ou auditeurs. Bref transmettre la culture, nourrir la lucidité des citoyens".

    Quel magnifique programme mais qui malheureusement relève plus de l'autopersuasion que d'une vérité dont la pratique démontrerait la validité, aussi bien pour la presse écrite que pour l'audiovisuel, tant en matière politique que dans le domaine culturel où le clientélisme fait la loi !

    Certes Le Monde, confronté à ces assauts à la fois disparates mais impressionnants contre le "parti médiatique", laisse échapper, du bout de l'esprit, que "non que les médias soient au-dessus de tout reproche. Qui peut y prétendre ?". C'est tout et un peu court. Se réfugier derrière la noblesse d'une ambition sans approfondir plus avant les dysfonctionnements qui ne cessent de l'altérer manque pour le moins de lucidité.

    Je pourrais me contenter de justifier le concept de parti médiatique par la propension des médias, précisément, à fonctionner en vase clos, à se satisfaire trop souvent d'un processus où des journalistes parlent à des journalistes et se complaisent, malgré de corporatistes et feints antagonismes, à développer une homogénéité de points de vue et une approche peu ou prou similaire. Le parti médiatique domine les particularités idéologiques et appose une chape uniforme sur l'infinie diversité de la société et des courants qui l'irriguent ou l'affaiblissent.

    Cette appellation de parti médiatique et l'unité qu'elle suppose, que les médias soient de droite ou de gauche, les constitue d'abord comme un monde refusant toute critique sur ce qu'il est, toute interrogation sur son impartialité, son objectivité et la pauvreté de son pluralisme mais s'enivrant des hommages formels que de plus en plus il est le seul à s'adresser.

    La distinction fondamentale entre information et opinion a volé en éclats de même que la séparation, pourtant la base d'un journalisme de qualité, entre le réel correctement transmis et son commentaire. On peut dorénavant parler plutôt d'une infopinion ou d'une opininfo, un mélange qui fait perdre à l'information ce qu'elle doit avoir d'irréfutable et à l'opinion ce qu'elle a le droit d'afficher comme une subjectivité assumée.

    Surtout cet opprobre jeté sur "le parti médiatique" déchire le voile pudiquement jeté sur un univers qui a longtemps réussi à faire croire qu'il ne se trouvait pas impliqué dans la mêlée et le débat politiques ni gangrené par les solidarités professionnelles et culturelles mais, en quelque sorte, en surplomb, détaché, extérieur à la furie partisane, analyste froid et équitable. Pus du tout juge, totalement partie.

    On sait bien, et plus que jamais, que si cette période a peut-être existé dans sa pureté - on peut d'ailleurs en douter -, c'en est bien fini de ce simulacre, de cette fausse distance au bénéfice d'empoignades, de disputes et de contradictions où le journaliste est devenu un citoyen comme les autres.

    Ce qui a modifié radicalement la donne est le fait que la neutralité du questionnement n'est plus présumée mais se voit suspectée, soupçonnée par ceux qui répondent et qui hier demeuraient passifs.

    Qu'il y ait un "parti médiatique" dépassant et transcendant les frontières apparemment clivantes est une évidence. Ceci ne signifie pas que la mission d'informer vraiment et d'analyser honnêtement soit facile à accomplir. Les remous ayant accompagné le lancement et le développement du "Le Média" de LFI ont constitué une parfaite illustration de ce que la dénonciation des médias classiques est aisée mais que l'invention d'une communication exemplaire est épouvantablement difficile.

    Mais il est certain que les médias ne se sortiront pas de la nasse critique d'aujourd'hui en se contentant de traiter avec mépris et condescendance ce "haro sur eux". Il convient qu'ils s'interrogent et qu'ils en tirent des leçons. Le temps de la révérence par principe et de l'impunité par crainte est révolu.

    S'ils ne constituent pas un parti médiatique, qu'ils démontrent alors qu'ils sont authentiquement une chance - concrète, quotidienne, irréfutable et donc respectée - pour la démocratie.

    Philippe Bilger (Justice au singulier, 4 mars 2018)

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  • La France est-elle encore un pays de haute civilisation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel et dans laquelle il commente une information qui illustre l'état de notre pays...

    Auteur de La confession négative (Gallimard, 2009) et de Tuer (Léo Scheer, 2015), Richard Millet a publié cet automne aux éditions Léo Scheer un roman intitulé La nouvelle Dolorès et, tout dernièrement, son Journal de l'année 1971 à l'année 1994.

     

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    France, pays de haute civilisation

    Cinq mois après la mise en service de ses vélos, la société chinoise Gobee.bike a décidé de se retirer de France : 1000 vélos volés, 3200 dégradés, non seulement à Paris mais aussi en province (et à Bruxelles, où on imite Paris, dans la délinquance comme dans le jihad). La société Gobee.bike déplore sa décision en un langage typique de notre époque, où il s’agit de dire sans désigner ni « stigmatiser » personne. Elle n’en révèle par moins que ses vélos avaient fini par faire l’objet d’un saccage systématique de la part d’individus dont c’était devenu le passe-temps : les mêmes que ceux qui, pour marquer leur attachement indéfectible à la France, brûlent des voitures par centaines, à la Saint-Sylvestre et au 14 juillet, quand ils ne le font pas pour maquiller leurs méfaits, comme on le voit dans l’affaire du bon Théo, lequel n’a donc pas été violé par la police, la preuve de son mensonge ne mobilisant cependant pas ses « défenseurs » ni la presse qui s’était empressée de dénoncer les « brutalités policières »…

    Le « concept » de Gobee.bike était pourtant séduisant : alors que les Vélibs ont besoin de bornes et d’un port d’attache, les vélos de Gobee.bike, eux, nécessitaient simplement, pour débloquer l’antivol, un téléphone et un code à barre ; et le vélo pouvait être laissé là où l’utilisateur avait cessé d’en avoir l’utilité. Un progrès ? Certes ; mais cette liberté d’utilisation s’est heurtée à l’abjection française – à l’archaïsme d’une société ravagée par la délinquance et le désastre migratoire. À l’heure où les femmes balancent leurs porcs, il est impossible de rien réformer en France : ni la SNCF ni l’éducation nationale, encore moins les mœurs qui, elles, se partagent entre le « progrès » du « mariage pour tous », de la GPA, de la PMA, du clonage, du trans-humanisme, et l’accroissement de l’ignorance et de la violence « gratuite » – celle-ci ne se mesurant pas seulement aux agressions physiques mais aussi aux « incivilités », hypocrite euphémisme désignant une délinquance sans limite, car devenue une manière d’être d’une grande partie de la population. On peut le comprendre à partir de l’idée de « gratuité » elle-même, qui a partie liée à l’irresponsabilité, donc à l’impunité : cela va des crachats et déjections canines sur les trottoirs au fait de laisser sur place le relief de ce qu’on a consommé : journaux « gratuits », gobelets de café, canettes de bière, bouteilles d’eau, mégots, chewing gum, emballages de kebab... Après tout, se dit le petit individu post-civilisationnel, il existe des services de ramassage d’ordures comme il existe un Samu social pour les « SDF » et des associations pour défendre les Roms. Le zombi post-moderne, petite monade inculte et sans éducation, mais sûre de ses droits, surtout si elle appartient à une « minorité » étrangère, réalise le programme de Mai 68 : jouir de tout, et tout de suite – sans se préoccuper d’autrui, instaurant donc une forme minimale de guerre de tous contre tous, qui se radicalise avec l’islam et la privatisation de l’espace public. Ainsi le dernier wagon des trains du RER est-il de plus en plus souvent privatisé par des fumeurs de tabac ou de cannabis. Ainsi se croit-on libre d’écouter sa musique non plus avec des écouteurs mais en en faisant profiter tout le monde. Que la plupart de ces propagateurs d’incivilités soient le fait de gens d’origine immigrée doit être bien sûr passé sous silence : il n’y a rien à voir, donc rien à dire.

    Les vélos de la société Gobee.bike n’avaient aucune chance de prospérer dans un pays tel que la France, notamment à Paris, ville poubelle où l’individu post-moderne tue le temps comme il peut, en attendant le revenu universel, la libéralisation du cannabis, son clonage narcissique, tout ça sur les ruines d’une langue qui importune plus qu’elle ne sert, puisque ce n’est pas de l’ « américain ».

    Certes, l’État compte sur la « compréhension » et la bienveillance de « citoyens » chargés de promouvoir le « vivre ensemble » républicain, c’est-à-dire d’entretenir l’illusion que la France est un pays de civilisation. Il n’est plus, en vérité, qu’une parodie de civilisation, comme tout ce que le « village global » propose au nom même de la « civilisation ».

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 27 février 2018)

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  • L’utopie totalitaire de la Silicon Valley...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré à l’utopie technolibertarienne des gourous de la Silicon Valley.

     

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    L’utopie totalitaire de la Silicon Valley

    Au rêve californien des hippies a succédé l’utopie technolibertarienne diffusée par les gourous de la Silicon Valley. Incontestablement séduisante, la promesse d’une humanité formée d’individus connectés aux choses et aux êtres repose en fait sur l’exploitation de nouvelles classes ouvrières et nous entraîne vers un totalitarisme doux, qui privera l’homme de sa liberté essentielle. Ce mouvement paraît irrésistible. Est-il possible de s’y opposer ?

     Cinquante ans après la grande vague contestataire qui s’épanouit aux Etats-Unis à la fin des années soixante et qui explose en mai 1968 dans notre pays, on voit que les ruses de l’histoire furent cruelles pour ceux qui avaient cru aux « grands récits ». Beaucoup attendaient la révolution, mais ce fut en France comme ailleurs « l’été de la Saint-Martin » du marxisme selon la formule de Maurice Clavel. Puis on assista à la jonction de l’esprit libertaire et de l’idéologie libérale dans un capitalisme renouvelé, toujours plus radical et dominateur. Certains s’en étonnent encore mais nous n’avons plus le loisir d’y revenir car nous sommes maintenant confrontés à une rencontre fusionnelle entre les nouvelles technologies et l’utopie libertaire. Il en résulte un processus qui est en train de bouleverser les rapports entre les hommes, et les rapports entre les hommes et le monde.

    Ecrivain et philosophe, Eric Sadin fait magistralement l’histoire de ces mutations dans un livre (1) qui prolonge sa remarquable « critique de la raison numérique » (2). Cette histoire commence et se poursuit en Californie, ce qui ne saurait guère étonner les lecteurs de Lucien Sfez qui nous avait expliqué que les Etats-Unis sont le pays de l’utopie technicienne (3). La Californie des Sixties avait conquis l’Amérique. C’est maintenant la Silicon Valley qui est en train de conquérir le monde en réalisant le vieux rêve soixante-huitard : changer la vie. Ce changement est rendu possible par le développement prodigieux de nouvelles technologies : accumulation massive de données, générales puis personnelles grâce aux traces laissées sur Internet ; avènement des réseaux sociaux en ligne dans l’esprit communautaire de la contre-culture des années soixante ; puis développement de « l’administration robotisée des choses » et, à partir de 2007 avec la diffusion des téléphones intelligents, progression fulgurante des services à la personnes sous forme d’applications inventées par des startups.

    Sous l’égide de Google, Microsoft, Amazon et autres géants étatsuniens, nous avons l’impression que la vie sera de plus en plus facile et passionnante : nous participons désormais à toutes sortes d’échanges planétaires grâce à des techniques ludiques conçues par les bons génies de la Silicon Valley. Cette impression, largement partagée dans les sociétés modernes, favorise la croissance de l’écosystème numérique mais elle ne procède pas d’observations spontanées. Nous ne faisons que reprendre les formules d’un nouveau Grand Récit fort bien décortiqué par Eric Sadin. A l’origine, en 1938, il y a la création par William H. Hewlett et David Packard d’un audio-oscillateur dans un garage de Palo Alto. Tel est le geste de la rébellion originelle. Quant au garage, il devient le mythe fondateur de la création d’un prototype par des aventuriers du capitalisme. Ces individus géniaux développent leur propre vision, qui est en rupture avec le cadre industriel existant – mais en harmonie avec le rêve américain de la réalisation de soi-même par l’effort.

    Dans les années soixante-dix, la Silicon Valley fut le théâtre de débats entre deux philosophies de la technique : l’une rationaliste, centralisée et fonctionnaliste, l’autre souple et émancipatrice dans la ligne de la sociologie contestataire. En 1972, Steward Brands, fondateur de l’une des plus anciennes communautés virtuelles, décrit l’ordinateur comme un nouveau LSD et explique que cette machine est fabriquée par des révolutionnaires qui veulent « désinstitutionnaliser la société et donner le pouvoir aux individus ». On voit alors apparaître la figure de l’entrepreneur libertaire qui se présente comme un génie visionnaire dont la puissance inventive va libérer l’humanité. Avec Steve Jobs et Apple, c’est cependant le thème de la créativité individuelle qui domina dans les années quatre-vingt mais, au tournant du siècle, la perspective de l’interconnexion générale se fit sous la double impulsion libertaire et libérale : grâce aux réseaux, on allait enfin connaître la fin de l’histoire et l’harmonie universelle ! Dix ans plus tard, l’utopie culturelle de l’émancipation par les réseaux fait place à place à une nouvelle utopie, économique et financière : « la duplication numérique du monde, écrit Eric Sadin, a fait émerger un horizon de profits intarissables qui, sous le couvert des bonnes intentions déclarées visant à améliorer le sort de l’humanité, excite toutes sortes de convoitises et de désirs ».

    Le modèle de la Silicon Valley est devenu mondial. Tous les pays cherchent à imiter le système industriel et financier californien – de l’Amérique latine à la Chine en passant par l’Europe. Emmanuel Macron est manifestement happé par cette silicolonisation à base de startups inventives et de magiciens de l’intelligence artificielle. Ce nouveau monde n’est pas soumis à des processus techniques irrésistibles. Toute technique est une techno-logie : un discours qui porte une vision générale de l’homme et du monde, idéologique ou utopique (4). L’esprit de la Silicon Valley, tel que l’analyse Eric Sadin, mêle l’idée américaine de la perfectibilité infinie de l’homme, l’apologie de la rationalité scientifique qui serait capable de résoudre toutes les anomalies sociales et toutes les erreurs de jugement individuelles et le culte libertarien de l’individu qui s’auto-réalise hors de toute hiérarchie. Paradoxalement, l’intelligence artificielle vise à éliminer l’humain qui pèche par inattention, qui fait des erreurs de calcul, qui a des croyances inadéquates. Avec l’ordinateur, les fautes d’orthographe sont réparées, avec la voiture Google sans chauffeur il n’y a plus d’accidents… mais ces éléments positifs portent en eux la négation de l’être humain. L’homme est dépossédé de sa faculté de juger par une machine qui sait mieux que lui comment interpréter le monde et comment s’y conformer pour en tirer le maximum de plaisirs.

    L’utopie technolibertarienne nie la liberté humaine et récuse le politique en tant que tel. Elle est tout à fait compatible avec les délires du transhumanisme mais contredit très concrètement l’exigence de justice sociale. La diffusion du modèle californien a brisé le rêve d’une démocratie accomplie, étrangère à toute hiérarchie. La Silicon Valley mondialisée, c’est une société de castes ainsi décrites par Eric Sadin :

    Tout en haut l’élite des mathématiciens – king coders – qui conçoivent les algorithmes complexes. Souvent venus de pays pauvres, ils sont devenus riches et vivent hors de tout lien territorial.

    Au milieu, les programmeurs qui tapent du code et surveillent les machines, les spécialistes de la finance, des relations publiques, de la mercatique… Les membres de cette caste vivent confortablement et sont fiers de contribuer au bien-être de l’humanité – sans comprendre que leurs capacités sont exploitées avec un parfait cynisme mais dans une excellente ambiance.

    Tout en bas, les innombrables ouvriers, souvent asiatiques, des usines d’assemblage des ordinateurs et des téléphones qui travaillent comme des robots en inhalant des produits toxiques.

    Ailleurs, éparpillés et eux aussi surexploités, les entrepreneurs individuels qui conduisent les taxis ou louent leur appartement : ils sont soumis aux algorithmes qui gèrent la plateforme – Uber, Rbnb – en assumant tous les coûts et risques de leur activité.

    On dit que les travailleurs des deux dernières catégories ont au moins la chance d’avoir un travail mais ils seront un jour ou l’autre remplacés par des robots. Eric Sadin évoque la « sauvagerie entrepreneuriale » et la « criminalité en sweat-shirt » qui règne dans les grandes compagnies dont nous utilisons chaque jour les produits et qui sont dirigées par des gourous qui apparaissent comme de géniaux et sympathiques bienfaiteurs. En fait, ils cachent sous leurs allures décontractées la volonté pathologique de dominer totalement le cours des choses et la vie d’êtres humains devenus parfaitement transparents. Se dessine un totalitarisme doux, dans lequel le guide suprême sera remplacé par des opérations mathématiques dictant les choix individuels et contre lesquelles il serait absurde de se révolter.

    La mise à mort de l’homme par la technologie libérale-libertarienne : telle est la perspective qu’il faut refuser. Eric Sadin appelle à l’insurrection contre un système qui détruit toute civilisation. Il milite pour le refus radical des objets connectés, des assistants numériques, de la généralisation des tablettes numériques à l’école… par la mobilisation de tous les moyens qu’offre le droit. Il faut aussi que l’Etat cesse d’encourager le nihilisme technologique et la marchandisation de l’ensemble de la vie et engage le combat contre les grandes compagnies qui favorisent la domination du capitalisme californien. Contre un modèle radicalement antipolitique, le recours au politique s’impose. Mais qui en voit, aujourd’hui, la nécessité ?

    Bertrand Renouvin (Le blog de Bertrand Renouvin, 18 février 2018)

    Notes :

    (1)  Eric Sadin, La silicolonisation du monde, L’irrésistible expansion du libéralisme numérique, Editions L’Echappée, 2016.

    (2)  Eric Sadin, La vie algorithmique, Critique de la raison numérique, L’Echappée, 2015. Voir ma présentation dans le numéro 1098 de « Royaliste ».

    (3)  Cf. Lucien Sfez, La santé parfaite, critique d’une nouvelle utopie, Le Seuil, 1995. Présentation dans le numéro 782 de « Royaliste » (2001).

    (4)  Pour Lucien Sfez, l’utopie repose sur le principe de non-contradiction et travaille dans l’imaginaire, alors que l’idéologie opère dans le symbolique et déploie une dialectique.

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  • Qui a inventé la lutte contre les « fake news »?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Fernand le Pic, publié par Antipresse et repris par l'Observatoire du Journalisme, dans lequel il explique qui sont les promoteurs de cette lutte contre les fake news qui s'est soudainement imposée dans l'agenda des états européens...

     

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    Qui a inventé la lutte contre les « fake news »?

    Comme un seul homme, les dirigeants des pays occidentaux tombent tous à bras raccourcis sur les «fake news». Comment et pourquoi en est-on arrivé à une aussi belle unanimité? Et où se trouve le chef d’orchestre ?

    On s’inquiète en France de l’annonce d’Emmanuel Macron relative à son projet de loi anti-fake news. Comme les Français n’ont jamais été très bons en anglais, ils ont tendance à traduire fake news par fausses nouvelles. Le mot « fake » ne connote pourtant pas la même notion que celle du faux (tromper, faillir). Son étymologie le relie plutôt au nettoyage (cf. fegen en allemand), voire à l’embellissement par des moyens artificiels comme le maquillage, le lustrage, etc. On ne cherche pas à tromper sur la nature des choses mais à les rendre plus présentables.

    Qu’à cela ne tienne, les Français aiment discuter, alors ils glosent juridiquement, politiquement ou encore philosophiquement sur le sujet. Curieusement, ils n’abordent jamais le volet militaire. On sait pourtant que l’arrangement de la réalité est consubstantiel à l’art de la guerre.

    Là se trouve pourtant l’origine de cette dissémination simultanée d’un vocable anglophone dans le discours gouvernemental de presque tous les pays d’Europe, Suisse comprise, et bien sûr des États-Unis.

    Réatlantiser l’Europe…

    En 2010, un rapport du CEPA (Center for European Policy Analysis), un de ces énièmes laboratoires d’influence basés à Washington, pond un rapport intitulé « Keeping new allies ». Il s’alarme d’un risque de perte de contrôle des anciens pays du pacte de Varsovie, que l’arrivée d’Obama n’aurait fait qu’aggraver. Ce dernier avait en effet annoncé sa volonté de se rapprocher de la Russie sous présidence Medvedev et pour faire bonne figure, il avait osé enterrer le déploiement du très dispendieux bouclier antimissiles, décidé par le Deep state sous la présidence de Bush Jr.

    Face au désintérêt que suscitent les États-Unis dans ces pays, le CEPA recommande de procéder à une « opération de réassurance », qui, seulement quatre ans plus tard, deviendra la « European Reassurance Initiative » que l’on sait. On s’en doute un peu, le CEPA est évidemment une courroie de transmission du Deep state américain. Il est officiellement financé entre autres par la National Endowment for Democracy, la Mission US auprès de l’OTAN, la division Diplomatie publique de l’OTAN, l’École navale des États-Unis, le Pentagone, le Département d’État américain, les groupes habituels comme Raython, Lockheed Martin, Chevron, Bell Helicopter, Textron Systems, etc. Et puis, tout de même, l’Agence de défense européenne.

    Aurions-nous oublié Soros ? Rassurez-vous, il n’est jamais bien loin. Ici, c’est dans le recrutement des cadres qu’on en trouve une ventouse, avec notamment le Bulgare Ivan Krastev, à la fois membre du conseil consultatif du CEPA et du Global Advisory Board d’Open society, lequel Krastev est par ailleurs expert encarté de la National Endowment for Democracy.

    Que dit fondamentalement ce rapport du CEPA ? Eh bien, que la relation avec la ceinture orientale de l’Europe se relâche, se détériore très vite même, et qu’il faut d’urgence reprendre les choses en mains, car on discerne déjà «des signes que la région devient plus européenne qu’atlantiste». Diantre! Que nous dites-vous là ?! Le remède prescrit ? La création de nouvelles structures bilatérales et de think tanks atlantistes pour ranimer la flamme américaine, l’établissement de nouveaux «Centres d’excellence» de l’OTAN, sur le modèle du Centre de cyberdéfense de Tallinn (Estonie), de belles visites de haut rang plus fréquentes et en fanfare, l’augmentation du nombre d’étudiants boursiers dans les universités américaines, un investissement massif dans les médias, et des accords de livraison d’armes, notamment de missiles antibalistiques SM-3, produits par Raytheon à 15 millions de dollars pièce, c’est-à-dire le retour sine die au bouclier antimissile, contre la volonté du locataire de la Maison blanche. Sans oublier de bons vieux exercices militaires de la Baltique à la Mer Noire, sur fond de scénarios d’attaques majeures imminentes. Oui mais venant de qui ?

    …en recréant un ennemi

    Tant pis pour le reset d’Obama avec Moscou, ce sera un remake de la guerre froide avec la Russie, que l’on accusera de « révisionnisme ». Un terme pourtant plus naturel au lexique soviétique qu’américain. Mais après tout, pourquoi chercher plus loin ? Alors on ira provoquer la Russie. Un peu de temps pour préparer l’opération et réunir les fonds nécessaires et ce sera le coup d’État de Maïdan, avec la perspective assurée de voir l’armée américaine s’installer bientôt à demeure en Ukraine et plus particulièrement en Crimée. On connaît la suite.

    Le Kremlin n’a pas le choix, ce sera le retour du drapeau russe sur l’intégralité de la péninsule et de ses infrastructures militaires : bases stratégiques pour l’accès de la Russie aux mers chaudes. Tout cela, comme on s’en souvient, sans un seul coup de feu tiré. Un vent de panique souffle tout de même dans les États-majors occidentaux, qui résumeront l’opération en deux mots : guerre hybride.

    Le concept était encore flou. Il signalait entre autres l’association de ressources civiles et militaires, de forces conventionnelles et spéciales, d’expositions médiatiques brutes et d’opérations d’influence secrètes, avec en particulier un usage très maîtrisé des réseaux sociaux.

    Le Deep state américain a eu ce qu’il voulait : un beau discours de peur sur « l’invasion » russe de l’Ukraine, « l’annexion illégale » de la Crimée, ou encore l’hégémonie renaissante de la Russie qu’il faut contenir militairement. On va pouvoir exiger des européens qu’ils passent à la caisse de contributions et augmentent de quelques pourcents leurs budgets militaires au bénéfice des équipements « interopérables », comprenons américains. Et puis on va enfin pouvoir détruire définitivement toute velléités de la Maison blanche de persévérer dans son reset pro-russe.

    Ce sera la carte de la propagande internet et des manipulations de l’information par les Russes, sous l’appellation de marque de «fake news». L’équation est on ne peut plus simple: « c’est russe, donc c’est fake». Sauf que les Américains, via l’OTAN, exigent de l’Europe qu’elle criminalise l’information d’origine russe.

    Quand les barbouzes jouent au théâtre d’ombres

    Officiellement, c’est depuis 2015 que les Européens ont reçu leur sommation militaire. Le général Philip Breedlove, à l’époque commandant suprême de l’OTAN, déclarait le 22 mars 2015, que l’Occident devait s’engager dans une guerre de l’information avec la Russie afin de contrecarrer ses « faux récits », notamment sur les réseaux sociaux. Curieusement, on avait déjà créé le Centre d’excellence de communication stratégique de l’OTAN (StratCom COE) à Riga, dès 2013. Peut-être voulait-on en faire un usage offensif, camouflé aujourd’hui en « réponse » à l’hégémonie russe?

    Justement, dès 2010, le général Petraeus, qui connut tout de même la case menottes aux poignets, avait passé commandé de logiciels permettant de créer des faux profils multiples à usage d’internet, avec une panoplie de fausses informations à la clé (faux CV crédibles, etc.) donnant l’illusion de la réalité à ces personnages virtuels (des _sock puppets dans le jargon). Autrement dit, le Pentagone utilise exactement ce qu’il reproche à la Russie d’employer! Nom de code:Operation Earnest Voice (OEV). C’est la société Ntrepid, propriétaire d’Anonymizer, qui a développé cette solution. Au passage, on apprendra que cette société a été fondée par Richard « Hollis » Helms, un ancien officier de la CIA. Également fondateur d’Abraxas. On sait que Hollis n’y a embauché que des anciens de la CIA, à 100% des effectifs. Un spin off en quelque sorte.

    Le déploiement simultané de la censure

    L’Union Européenne aussi, en tant que telle, a créé une ressource similaire avec East StratCom, qui travaille à contrer la campagne d’information russe. Un acronyme qui sonne décidément proche de US Stratcom, l’unité américaine regroupant la compétence notamment pour traiter une guerre nucléaire et les opérations psychologiques.

    En plus des sanctions économiques contre la Russie, on s’apprête donc à mettre en place des sanctions informationnelles. Limitées au tempo des élections, nous dit-on. A voir! Dans le temps, on appelait cela de la censure. Aussi l’on ne peut que sourire lorsque M. Macron déclare qu’il veut, de sa propre initiative, censurer les médias russes! En l’occurrence, Macron ne fait qu’appliquer les ordres militaires de l’Etat major américain et du deep state, via l’OTAN. Idem pour Angela Merkel qui a déjà fait passer une loi, en douce, entre Noël et le nouvel an, obligeant les GAFA à censurer toute pensée déviante sous peine de lourdes amendes. Idem aussi pour le Royaume Uni, qui a carrément créé une brigade militaire dédiée de près de 1500 hommes (et femmes), la 70ème brigade, afin de mener cette guerre contre la Russie.

    Le général Marshall Webb (ça ne s’invente pas), confirmait quant à lui ce recours à des scénarios hybrides par ses troupes, lorsqu’il était encore patron des forces spéciales de l’OTAN. C’est ce même général qu’on voit sur la célèbre et curieuse photo de l’état-major suivant en direct la mise à mort de Ben Laden dans la salle de crise de la Maison blanche.

    Et notre chère Suisse n’est pas à l’abri. Lors de sa première visite officielle à l’étranger, en Autriche, notre nouveau président de la Confédération Alain Berset a fait un petit crochet pour embrasser Harlem Désir, parachuté «représentant pour la liberté des médias» au sein de l’OSCE. Et de quoi ont-ils parlé? De la manière de juguler les fake news! Il n’y a décidément plus de sujet plus pressant!

    Mais c’est le Vietnam qui devrait nous intéresser le plus. Ce pays a voulu faire comme les Européens. Il vient de créer son unité militaire de contrôle de l’orthodoxie médiatique : la Force 47. Composée de pas moins de 10.000 hommes, son rôle est de tout surveiller sur le Net et de supprimer tout contenu jugé déviant et offensant par le pouvoir en place. Certes, les Vietnamiens vivent toujours sous un régime communiste avec parti unique. Ce qui est très différent de chez nous.

    Fernand Le Pic (Antipresse n°112, 21 janvier 2017)

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