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Points de vue - Page 182

  • A propos de la Birmanie et des Rohingyas...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Fernand Le Pic, cueilli sur Antipresse et consacré à la question des Rohingyas, minorité musulmane de Birmanie, qui serait victime de persécutions massives de la part des autorités et des boudhistes...   

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    Le dernier des moines birmans

    Le monde entier s’apitoie sur les Rohingyas, unanimement proclamés «peuple le plus persécuté de la planète» dans une concurrence pourtant rude. Mais on se garde bien d’évoquer les réalités historiques et géopolitiques qui ont conduit au drame actuel.

    Petit rappel historique

    Il y a environ 2500 ans, l’Inde du Nord (aujourd’hui le Népal) a vu naître le prince Sâkyamuni, futur Bouddha historique. Durant plus de 1000 ans, le «bouddhisme» (désignation européenne remontant au XVIIe siècle) s’était répandu pacifiquement dans toute l’Asie, y compris centrale, comme en témoignait la présence des Bouddhas géants de Bamian, dynamités à la veille des attentats du 11 septembre 2001, par les condisciples du mollah taliban Omar.

    Avec les grandes vagues de conquêtes armées sarrasines puis musulmanes (jihad), le bouddhisme a été littéralement éradiqué de l’Inde. Les historiens indiens chiffrent le nombre des victimes tuées à l’arme blanche en dizaines de millions (cf. François Gautier, Un autre regard sur l'Inde, éditions du Tricorne, 1999). En fait, le jihad n’a jamais cessé dans cette région du monde. Ses habitants gardent une mémoire inquiète et continue du très lourd tribut qui s’annonce à chaque remontée en puissance de cette religion armée.

    La région birmane, bouddhiste depuis 2300 ans, ne fait pas exception. Les derniers jihads locaux remontent à la seconde guerre mondiale et aux guerres d’indépendance (Inde, Bangladesh). Durant l’Empire, les Britanniques avaient installé en masse une population musulmane, provenant du Bengale, dans la région d’Arakan (Rakhine, d’où «Rohingya» en Bengali, terme que les musulmans ne commenceront d’ailleurs à utiliser que dans les années 1950).

    En 1942, le général Archibald Wavel arma les Bengalis d'Arakan contre les Japonais déjà présents dans la région, dans le cadre d’une nouvelle stratégie de «Stay-behind» (résistance derrière les lignes), qui deviendra célèbre en Europe à l’occasion de la guerre froide. Mais, comme leur religion le leur impose, les Bengalis d’Arakan profitèrent de l’occasion pour étendre le «dar el islam» (territoire islamique) contre les mécréants birmans, majoritairement bouddhistes. Les «musulmans de l’Arakan» s’associèrent ensuite aux combats du Pakistan pour une sécession musulmane jusqu’aux terres birmanes. Déjà les Chittagong Hill tracts, à la frontière nord de la Birmanie, et peuplés majoritairement de bouddhistes, étaient islamisés de force, provoquant des exodes massifs vers l’Inde, qui se poursuivent actuellement et dont personne ne parle, bien entendu.

    Alors le «Mujahid Party» d’Arakan exigea le 9 juin 1948, par la voix de son chef militaire Jaffar Kawal, que l’Arakan soit reconnu comme «le foyer national des musulmans de Birmanie», en ces termes:

    « The area between the west bank of Kaladan River and the east bank of Naaf River must be recognized as the National Home of the Muslims in Burma». (L’aire comprise entre la rive occidentale du Kaladan et la rive orientale du Naaf doit être reconnue comme foyer national des musulmans de Birmanie.)

    Cet ultimatum, typique du jihad démographique, étant resté sans réponse, les jihadistes bengalis d’Arakan attaquèrent les villages bouddhistes, notamment autour de Maungdaw, avec le lot habituel de pillages, viols, incendies, enlèvements contre rançon, etc.

    Un troisième jihad local fut déclenché lors de la guerre de sécession victorieuse du Pakistan oriental (qui deviendra le Bangladesh) contre le Pakistan occidental, en 1971. Les musulmans d’Arakan avaient pris parti au cri de “Pakistan Jindabad” (Victoire au Pakistan) pour le Pakistan occidental, qui les avait formés et armés contre le Bangladesh. Leur défaite allait les obliger à se distinguer de leurs frères bengalis en se propulsant dorénavant comme «Rohingyas» et non plus «Bengalis d’Arakan». Les armes qu’ils avaient accumulées allaient encore se retourner contre les mécréants Birmans. Les ci-devant Rohingya exigèrent à nouveau leur indépendance et la création de leur propre État, à l’issue d’un congrès pour la «Libération nationale Rohingya», tenu le 15 juillet 1972. Ils constituèrent dans la foulée divers groupes armés dont notamment la RSO (Rohingya Solidarity Organization), l’ARIF (Arakan Rohingya Islamic Front), le RPF (Rohingya Patriotic Front), RLO (Rohingya Liberation Organization) et l’IMA (Itihadul Mozahadin of Arakan).

    Les évènements actuels s’inscrivent donc dans une implacable logique islamisante itérative, mais cette fois avec une aide internationale massive. Et cela n’a rien d’un hasard.

    L’arrière-plan géostratégique

    Dans ce millefeuille bien fourbi, on retrouve évidemment le «Deep state» américain, qui voit d’un mauvais œil l’influence tenace de la Chine sur le pays. Surtout depuis la mise en service, en 2013, des pipe-lines et gazoducs reliant la côte birmane, justement au beau milieu de la province d’Arakan, au Yunnan. Ils ne souhaitent pas non plus que les approvisionnements chinois soient facilités par le transport terrestre via la Birmanie, en comparaison du difficile et coûteux convoyage maritime via le détroit de Malacca. Ils s’agacent également de la coopération militaro-industrielle entre la junte birmane et la Corée du Nord. Ils vont donc activer leurs légions étrangères composées des pseudo-ONG habituelles, dont l’incontournable galaxie impériale de George Soros, toutes encadrées par des fonctionnaires chevronnés de la subversion clandestine.

    A la veille de la nouvelle phase de jihad à laquelle nous assistons, en avril 2016 pour être précis, le géant californien Chevron mettait subitement en vente tous ses actifs birmans, dont ses 28,3% dans les gisements de gaz de Yadana («trésor» en birman), et de Sein en mer d'Andaman, opérés par le groupe Total depuis 2000, et surtout ses 99% du bloc d'exploration gazier «A5» dans le bassin de Rakhine, c’est-à-dire encore une fois l’Arakan.

    C’est dans ce contexte qu’on verra arriver au pouvoir, en cette même année 2016, Aung San Suu Kyi, devenant «ministre de la présidence», c’est-à-dire l’équivalent d’un premier ministre mais sans compétence sur l’armée ni la police ni les gardes-frontières. Le Deep-state, s’émouvant de cette faiblesse, relancera la machine de guerre islamique au détour de quelques provocations très classiques, voyant des musulmans sous-armés attaquer des commissariats de police, et déclenchant la répression mécanique prévue. Les Rohingya passeront ainsi à l’état si envié de «peuple le plus persécuté de la planète», et de victime d’un «effroyable nettoyage ethnique», etc.

    La machine de propagande se remet en marche

    On aura recours à quelques célébrités sacerdotales, comme Barbet Schrœder partant filmer cet illustre moine bouddhiste extrémiste et nationaliste au péril de son confort bobo. Des dizaines d’experts indépendants, payés par on ne sait qui, mais instruisant tous à charge, justifieront tous en chœur les accusations les plus abominables contre les malfaisants sorciers bouddhistes islamophobes. Les agences de presse relaieront et les médias de grande surface écouleront la marchandise en promos spéciales et têtes de gondoles. Après quelques premières de couv bien trempées du Time magazine, du New York Times ou du Guardian, reprises en images par toutes les grandes chaînes tv et radio en prime time et commentées à saturation dans l’infosphère, la planète entière saura enfin qu’au bout du compte, les bouddhistes ne sont pas si pacifiques que cela et que leur violence exterminatrice pourrait même être pire que celle des jihadistes. Joli coup pour les islamistes qui neutralise définitivement le contre-exemple bouddhiste classique à leur jihad pathologique.

    Il ne reste plus à l’ONU, à la Commission européenne et à la Maison-Blanche de «s’inquiéter des exactions intolérables des moines» pour s’attendre à un jihad victimaire aussi légitime que le fut celui de l’UÇK en prélude à la création du Kosovo. Et tant pis pour les Bouddhistes qui avaient survécu depuis 2300 ans au jihad. Ils en ont bien assez profité comme ça et doivent laisser la place à «l’ôtre».

    En attendant ces prochaines nuits de cristal, Chevron n’a toujours pas vendu sa place. Au lieu de cela, le pétrolier subit la pression d’un groupe d’actionnaires pour intervenir contre le «génocide des Rohingyas». Il s’agit du fond Halal Azzad (Azzad Asset Management) associé pour la circonstance au fonds américain des sœurs Ursulines (Ursuline Sisters of Tildonk), représenté par la sœur Valérie Heinonen, une activiste par profession.

    C’est que le Vatican tout entier ne manquera pas une telle occasion de faire cause commune avec l’islam jihadiste, dès lors qu’il s’agit de convertir les idolâtres bouddhistes. Le pape François ne doute d’ailleurs pas une seconde de la victoire du monothéisme armé. Alors qu’il savourait son tour de force d’avoir finalement réussi à ouvrir une nonciature en Birmanie, en mai dernier, il félicita son invitée, Madame Aung San Suu Kyi, d’être «une bonne chrétienne», elle qui n’a nullement décidé d’abandonner le bouddhisme.

    «Un iceberg de manipulation»

    Reste que l’Arakan n’est pas le Kosovo et que la Chine ne lâchera pas la Birmanie. Elle vient de le faire savoir, au grand dam de ses alliés pakistanais, grands pourvoyeurs d’armement de tous les jihads. Pour obtenir son renoncement, il faudra ouvrir un conflit dont le scenario sera autrement plus complexe que le bombardement gagné d’avance de la pauvre Serbie par l’armada de l’OTAN. Madame Aung San Suu Kyi le sait parfaitement lorsqu’elle ose affirmer que l’opération en cours est comparable à un «iceberg de manipulation». Les Saoudiens aussi, qui d’une main financent le jihad et de l’autre continuent de signer des contrats avec la Birmanie et la Chine, depuis 2011, pour exploiter le gaz birman, tandis que les émirats investissent, entre autres, dans les infrastructures routières et hôtelières de l’Arakan.

    En revanche, côté occidental, l’unanimisme d’indignation antibouddhiste révèle toute la quantité de puissance transférée à l’islam. L’Europe est évidemment mûre pour que le pouvoir islamique s’officialise bientôt ici, et irrémédiablement, elle qui crache si aveuglément sur tous ceux qui s’y opposent comme ils peuvent depuis plus de mille ans, moines birmans en tête.

    Fernand Le Pic (Antipresse n° 94, 17 septembre 2017)

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  • Les quatre scandales de Machiavel...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Robert Redeker, cueilli sur son journal en ligne, La Vanvole, et consacré à Machiavel et à son traité Le Prince. Philosophe, Robert Redeker a dernièrement publié L'éclipse de la mort (Desclée de Brouwer, 2017).

     

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    Les quatre scandales de Machiavel
     
    La puissance et la vérité de la pensée de Machiavel (1469-1527) sont intimement liées au caractère scandaleux de son maître-ouvrage Le Prince. De fait, peu de noms sont aussi maudits que le sien. La malédiction commença tôt. Dès les années 1540-1550 les camps catholiques et protestants s’entre-attribuent polémiquement la paternité de ce livre, accusé d’athéisme. On se lance le nom de Machiavel à la figure, en guise d’injure: l’adversaire serait machiavélique, ses idées seraient celles du secrétaire florentin. Son nom fixe les haines : le machiavélisme est, au choix, l’anglicanisme, le calvinisme, l’athéisme, le jésuitisme, le gallicanisme, l’averroïsme; il est toujours l’Autre dans ce qu’on imagine de pire. De son côté, l’intolérance de la Contre-Réforme se convainc que Le Prince a été écrit de la main même de Satan, conduisant le concile de Trente à le mettre à l’index ; il en suivra des autodafés un peu partout en Europe jusqu’au milieu du XVIIème siècle. En 1615, à Ingolstadt, on élève un bûcher pour y brûler en place publique l’effigie de Machiavel. Des nuées de théologiens, catholiques et réformés, parcourent le vieux continent clamant urbi et orbi que Machiavel est une incarnation du Diable, qu’il s’est échappé de l’enfer pour perdre l’humanité, errant à cette sinistre fin de pays en pays. On torture son nom en quête de l’aveu de son origine diabolique: Match-evill, Matchivell, “ Match-evill, that evill none can match ” répète-t-on. En France l’antimachiavélisme se développe sous les couleurs de l’italianophobie, de l’aversion suscitée par la princesse Catherine de Médicis et son entourage. En Italie, Machiavel est haï pour d’autres raisons : il accusé de justifier un pouvoir se constituant aux dépens de la richesse, de la morale et de la religion. Multiforme, la haine antimachiavélienne poursuit sa course de nos jours.
    Imaginons qu’un mage de foire nous offre l’occasion de remonter le temps – l’inverse des Visiteurs – jusqu’au XVIème siècle. Que verrions-nous ?  Une époque agitée et terrible ! Un temps tourmenté, violent, créatif ! Fils de petite noblesse, Nicolas Machiavel commence à exercer des responsabilités après l’épisode Savonarole, qui, postérieurement à son excommunication par le pape Alexandre VI, fut condamné à la pendaison suivi du bûcher en 1498. L’aventure politique de Jérôme Savonarole, moine exalté et fanatique dont le gouvernement théocratique culmina dans l’organisation d’un “ bûcher des vanités ” destiné à consumer dans les flammes toutes les richesses “ superflues ”, y compris les instruments de musique, les œuvres d’art et les poèmes de Pétrarque, de Florence en 1497, marqua puissamment Machiavel qui en tira la leçon selon laquelle “ tous les prophètes désarmés furent vainqueurs, et les désarmés déconfits ”. Savonarole fut un “ prophète désarmé ”, n’ayant pu, de ce fait, conserver le pouvoir obtenu au gré de circonstances exceptionnelles. Machiavel commence sa carrière officielle de secrétaire politique et de diplomate quelques jours après le supplice de Savonarole. Cette existence de secrétariat et d’ambassade, dangereuse au sein de jeux politiques aussi subtils que cruels où l’erreur se paie comptant, lui fournit le terrain d’observation d’où jaillira son œuvre. Il composa ses livres politiques  pendant sa période d’éloignement forcé de la vie publique, entre 1512, année de l’écroulement de la république, et 1526, année où, il se met au service de la famille Médicis. Quel homme rencontrons-nous grâce à ce voyage rétrospectif? Pas le diable assurément, n’en déplaise aux sombres fanatiques et à leurs autodafés. Pas non plus un théoricien – un philosophe au sens de l’antiquité classique ou de l’intellectuel médiéval – ni un héros ou un prince, mais un observateur désabusé et un diplomate fidèle.
    Que trouve-ton dans Le Prince, réputé le bréviaire des méchants ? Essentiellement de l’histoire naturelle prenant pour objet non les plantes et les animaux, mais l’univers de la politique. Les postures religieuses s’intègrent à leur tour dans la description en termes d’histoire naturelle. Un prince doit paraître posséder les qualités exigées par la religion – “ faisant beau semblant de les avoir, elles sont profitables ” – tout en évitant de les pratiquer trop scrupuleusement, car alors elles deviendraient nuisibles, conduisant à la perte. Histoire, dans “ histoire naturelle ”, se dit au sens grec de description et enquête: description froide et désillusionnée de la conduite des affaires politiques. Pourtant, Machiavel se sépare des Grecs. Dans Les Parties des animaux, Aristote inventa l’histoire naturelle, dont Machiavel suit l’esprit si ce n’est la méthode. Cependant, Aristote appliqua à toute la nature la notion de finalité, ce qui faussa son regard, quand, parallèlement, il mit à part de l’histoire naturelle les activités humaines tenues pour les plus hautes, l’éthique et la politique. Machiavel fait sauter ces deux verrous : d’un côté, il décrit ce monde politique comme si nulle finalité autre que la soif de pouvoir n’existait, et de l’autre, son regard de naturaliste porte beaucoup plus loin que celui d’Aristote, puisqu’il intègre dans sa logique quasi mécanique, l’univers de l’existence collective des hommes. Que les Borgia et les Médicis agissent comme il le firent, voilà qui est dans l’ordre de la nature!
    Il appuie ses analyses sur une idée de l’homme issue de l’observation, non sur un présupposé métaphysique radical comme le feront Hobbes et Rousseau. Sur une anthropologie en situation. Qu’est-ce que l’homme ? Regardez-le en situation, observez-le dans les intrigues de cabinet, les empoisonnements de banquets,  dans l’assaut d’une cité ou bien la défense d’une place forte, vous en apprendrez plus sur lui que dans les traités des philosophes et des théologiens ! Mais justement, regarder et observer sont des activités difficiles – il faut, pour y voir, pour ne point avoir la berlue, s’être guéri de la métaphysique et de morale, avoir jeté par-dessus bord tous ces filtres empêchant d’apercevoir la logique des choses. Le premier grand scandale que causa Le Prince, qu’il continue de causer, réside dans cette posture : écrire une histoire naturelle des activités humaines tenues pour les plus élevées, une histoire naturelle de la politique.
     
    Le contenu du Prince s’éclaire par ce choix initial – décrire sans juger. Nous ne sommes plus, en cette première décennie du XVIème siècle, dans l’Antiquité, où la politique s’articulait intimement à l’éthique (Aristote, Platon), ni au Moyen Age, où elle s’ordonnait à Dieu, s’articulant à la théologie. En même temps, nous sommes pas encore dans la modernité,  où la politique trouvera une configuration différente comme expression et organisation de la justice (de Rousseau à Rawls en passant par Marx). Machiavel occupe une position singulière dans cet entre-deux ères. La Renaissance est un mouvement de retour à l’antique ; le secret de Machiavel est de prendre des exemples dans l’Antiquité pour développer une conception de la politique a-éthique que l’Antiquité aurait repoussée,  impensable dans l’univers gréco-romain. De ce point de vue, Machiavel n’est pas un homme de la renaissance italienne! Pas plus qu’un homme d’une autre époque – il n’est pas pour autant un homme de tous les temps, mais un type anthropologique que Nietzsche aurait appelé “ un intempestif ”, un homme à contre-temps.
    Que dit-il, cet intempestif, dans Le Prince ? Le politique doit se conduire selon une exacte observation des hommes. Les “ hommes changent volontiers de maître, pensant rencontrer mieux ”. Cette propension à la versatilité explique l’instabilité des régimes tout en procurant une leçon de politique : il faut toujours être sur ses gardes, nul pouvoir ne se possédant définitivement. Des traits constants dessinent l’humanité : “ les hommes se doivent ou se caresser ou s’occire ; car ils se vengent des légères injures, et des grandes ils ne peuvent ; de sorte que le tort qui se fait à l’homme doit être tel qu’on n’en craigne point la vengeance… ”. Ou bien : “ c’est certes chose fort ordinaire, et selon nature, que le désir de conquérir ”. Et ceci : “ les hommes hésitent moins à nuire à un homme qui se fait aimer qu’à un autre qui se fait redouter ”. Les événements surviennent non en fonction d’une finalité ou de la volonté de Dieu, mais d’une logique aussi observable que celle guidant les comportements humains. Sur cette logique des événements, Machiavel est disert : “ une guerre ne se peut éviter, mais seulement se  diffère à l’avantage d’autrui ”. Ou encore : “ celui qui est cause qu’un autre devient puissant se ruine lui-même ”, ainsi “ causant en Italie la grandeur du Pape et de l’Espagne, les Français y ont causé leur propre ruine ”. La logique des armes mercenaires : “ si on perd on reste battu, et si on gagne on demeure leur prisonnier ”. Logique aussi : “ la haine s’acquiert autant par les bonnes œuvres que par les mauvaises ” par suite le prince, pour conserver ses Etats “ est souvent contraint de n’être pas bon ”.
     
    Et le prince, figure passagère de l’éternel politique, comment l’envisager ? On peut se faire prince par talent (tel François Sforza), on le peut par fortune (tel César Borgia). Le fondement de la politique repose dans la guerre (Julien Freund et Carl Schmitt le retiendront) : “ un prince ne doit avoir ni autre objet ni autre penser, ni prendre autre matière à cœur que le fait de la guerre et l’organisation militaire ”. Le prince doit savoir imiter et le lion et le renard : “  être renard pour connaître les filets, et lion pour connaître les loups ”. Toute l’attention du prince doit se porter sur les sentiments du peuple à son endroit. L’énoncé “ qui devient prince par l’aide du peuple, il le doit toujours maintenir en amitié ” en appelle un autre, encore plus important : tout prince “ doit sur toutes choses chercher à gagner à soi le peuple ”. Ne voyons pas ici le concept moderne de peuple, un sujet politique; le peuple s’identifie à la plèbe, une force passionnelle. Un conseil en découle:  “ les princes doivent faire tenir par d’autres les rôles qui attirent rancune, mais ceux qui apportent reconnaissance les prendre pour eux-mêmes ”. La politique est la guerre entre les loups, pas la guerre contre la plèbe. Ainsi la pensée de Machiavel se situe-telle à mille lieues de la tyrannie anti-populaire, de la dictature et du totalitarisme. Elle n’est pas non plus une utopie, forme pensée pour la première fois par un contemporain de Machiavel, Thomas More. L’utopie est totalitaire, tandis que la principauté machiavélienne est un lieu de violence parce que la liberté du désir de conquête ne peut jamais être contenue définitivement.
     
    Pourquoi tant de haine contre Machiavel ? Son livre convoque à paraître une vérité dont l’humanité veut ignorer l’existence sans pouvoir l’éloigner de ses yeux. Quelque chose dont le germe ou le grain sommeille en chacun de nous, hommes et femmes ordinaires. Quelle chose? Ni héros grec, ni monarque médiéval oint de Dieu, le prince machiavélien n’est pas d’une autre nature; il est chacun d’entre nous, possédant l’anneau de Gygès, il fait ce que nous ferions tous dans des circonstances analogues, et, il est aussi ce que nous faisons en petit, chacun d’entre nous, en dehors de la politique, chaque jour. Le prince, c’est l’homme ordinaire en grand, l’homme ordinaire libéré. Le second scandale de l’œuvre de Machiavel se dévoile: le prince n’est personne d’autre que chacun d’entre nous. La révélation de notre parenté secrète avec le prince rend Machiavel insupportable. En décrivant la politique, Machiavel nous tend un miroir, renvoyant une image si vraie et si difforme de nous-mêmes que nous ne la supportons pas.
    Mais peut-être la haine se justifie-t-elle de la définitive déception que la vérité machiavélienne adresse à toutes les illusions humaines ? Dans ce cas, la haine anti-machiavélienne serait comparable à la haine anti-freudienne. La Bible et le Capital dessinent conjointement un horizon de salut, livres prophétiques promettant à l’humanité la fin de la vallée des larmes, un avenir radieux. Le Prince au contraire ne promet rien. Si gît une prophétie en lui, elle s’appelle répétition : dans le futur, se répétera ce que nous avons sous les yeux, qui s’est déjà produit. Ecoutons-le : “ les hommes marchent toujours par les chemins frayés par d’autres […] ils se gouvernent en leurs faits par imitation ”. Les cités changent, les techniques progressent, les hommes se répètent. Cette répétition ne repose nullement sur l’affirmation d’une nature humaine – ce qui serait de la métaphysique, tour d’esprit éloigné de Machiavel – mais sur la considération de la logique des situations humaines et des passions qui les investissent – ce qui est une mécanique des forces et des passions. Ce point de vue sur l’homme est beaucoup plus subtil qu’un banal pessimisme anthropologique. L’homme est toujours en situation, donc il est toujours méchant. Il est méchant, et non mauvais – mauvais est un terme de morale, renvoyant à une essence, un jugement n’entrant pas dans la perspective machiavélienne, tandis que méchant demeure un  terme descriptif, suggérant qu’il ne peut en aller autrement. Se montre alors le troisième scandale de Machiavel: le mal n’est pas condamnable, puisque, loin de résulter d’une mauvaise nature des hommes (écho du  péché originel), il suit de la logique situationnelle s’imposant à eux. L’homme n’est pas mauvais, il est méchant: la méchanceté est constante sans pour autant être de nature.
     
    Machiavel prend place dans la galerie des auteurs tenus à jamais pour ennemis de l’humanité. Et cela, du fait que sa pensée n’est en aucune façon sauvable par la morale ou l’optimisme anthropologique. Il est beaucoup plus désespérant que Hobbes, chez qui le contrat neutralise la méchanceté, spontanée plutôt que naturelle, de l’homme. Au contraire, cette méchanceté spontanée forme chez Machiavel la matière sur laquelle travaille le politique. Elle est la toile dans laquelle la politique taille son habit (la cité, l’Etat). Tandis que chez Hobbes la politique inhibe cette méchanceté, chez Machiavel elle se sert de cette méchanceté comme le sculpteur se sert du marbre pour sa statue. Ici se présente le quatrième scandale de Machiavel: la politique ne promet aucune rédemption de la méchanceté, mais sa reconduction à l’infini.
     
    Nulle doctrine politique ne se trouve dans Le Prince. Plus: on n’y rencontre aucune critique directe des théories politiques existantes. Machiavel est un penseur politique sans philosophie politique. Construit sur ce vide philosophique, son ouvrage est une éclaircie, un dévoilement : la clairière de la politique. Elle livre à la visibilité la pure politique. Avant Machiavel, la politique était recouverte par des philosophies, des mythes, des religions, des considérations morales; elle demeurait invisible. La pensée politique – sous la forme des philosophies politiques – empêchait de voir et regarder la politique dans son effectivité (“ il m’a semblé plus convenable de suivre la vérité effective de la chose que son imagination ”). Après lui, après l’émergence de l’Etat moderne comme solution aux déchirements de l’Europe, se développeront les idéologies politiques, le progressisme, le marxisme, l’anarchisme, le libéralisme, tout un ensemble de dispositifs théoriques qui, du point de vue de la connaissance de la politique, reviendront au même que celui qui précéda Machiavel, empêcher de voir. L’œuvre de Machiavel est l’éclaircie entre deux nuits politiques, deux périodes où la politique tout en continuant de se pratiquer est occultée par les philosophies politiques. L’absence de philosophie politique conditionne l’accès à la vérité.
     
    Les quatre scandales du Prince de Machiavel (la politique traitée comme une histoire naturelle; l’identité entre le prince et chacun de nous; l’homme étant méchant sans être mauvais; aucun horizon de rédemption ne se dégageant de la politique) se ramènent à un seul: Machiavel rend visible par l’écriture ce qui est fait pour ne pas être regardé, pour demeurer caché. Comme la nature selon Héraclite, la politique, en son essence, aime à se cacher,  à se rendre invisible derrière ces voiles que sont les doctrines, les idéologies, les philosophies. L’écriture de Machiavel est analogue à la peinture, occupée à rendre visible l’invisible. Mais Le Prince peint ce qu’il ne faut pas peindre, visibilise ce qui, par nature, répugne à la visibilité: la politique. D’où son éternel scandale : demain comme hier.
     
    Robert Redeker (La Vanvole, 21 juin 2017)
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  • PMA, GPA : la logique des progressistes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Lhomme, cueilli sur Metamag et consacré au travail de sape des progressistes pour imposer la PMA et la GPA en France, et en Europe...

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    Pma, Gpa : des “droits de”… à des “droits a”… ou la logique des progressistes

    La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné cinq fois la France pour « violation du droit au respect de la vie privée et familiale résultant du refus de reconnaissance des actes de naissance » c’est-à-dire en clair pour des enfants nés à l’étranger de mères porteuses (GPA – Gestion pour Autrui) suite à l’interdiction de la gestation pour autrui dans notre pays.

    La transcription des actes de naissance d’enfants français nés à l’étranger étant de la compétence du service central d’état civil, installé à Nantes, le parquet de Nantes est chargé du contrôle de ces demandes de transcription.  L’autorisation de la GPA n’est en réalité qu’une question de mois ,d’ailleurs les jeunes dans leur ensemble y sont aussi largement favorables. Il faut d’ailleurs une PMA ( Procréation Médicalement Assistée ) pour aboutir à une GPA. Sous l’angle de la filiation, on ne peut  séparer PMA et GPA, car c’est un ensemble.

    Après le mariage pour tous, PMA et GPA sont d’ailleurs les dernières grandes revendications des militants gays et à base de surenchère, ils cherchent à mobiliser le gouvernement  sur un calendrier législatif précis. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a déjà rendu son avis positif sur la PMA (procréation médicalement assistée) concernant notamment les couples de femmes.

    La PMA, qui désigne l’ensemble des techniques médicales destinées à aider les couples infertiles à avoir un enfant, telles que la fécondation in vitro ou le don de sperme, était jusqu’alors interdite en France aux mères célibataires et aux couples lesbiens. Un groupe de travail du Comité d’éthique avait planché sur cette question pendant deux ans pour rendre en juin son avis favorable. Emmanuel Macron s’était prononcé, durant la campagne électorale, pour l’ouverture de cette pratique à « toutes les femmes ». Cette ouverture est une revendication de longue date du milieu associatif et militant homosexuel. La PMA est un engagement que le Président de la République a rappelé dans une lettre ouverte adressée aux LGBTI le 16 avril 2017, dans laquelle il affirmait être « favorable à une loi qui ouvre la procréation médicalement assistée aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires, alors que seuls les couples hétérosexuels y ont accès aujourd’hui. ».

    L’Église catholique, par la voix de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, chargé des questions d’éthique au sein de l’épiscopat avait appelé au lendemain de l’avis favorable du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) le nouveau Président à ne pas « réveiller les passions ». « Donnons-nous le temps de la réflexion et du débat », s’écriait Mgr d’Ornellas avec toujours ce même ton conciliateur et larmoyant qui caractérise les catholiques malades depuis des siècles du jésuitisme moral. Rouvrir le dossier de la procréation médicalement assistée  serait pour Emmanuel Macron une « erreur majeure », avait averti aussi la “Manif pour tous” oubliant que ce genre de débat peut aussi être intéressant stratégiquement pour le pouvoir qui, en faisant diversion sur le sociétal refoule et censure ainsi la vraie question, la question sociale. Mais “La Manif pour tous” a-t-elle encore les moyens de mobiliser et de captiver quand on voit comment ont fini ses anciens supporters, la plupart récupérés politiquement ?

    Lors de la traditionnelle “Marche des Fiertés” de juin, la Gay Pride de Paris, les manifestants réclamaient la PMA et la GPA pour tous. Juste après, le Mardi 27 juin, le Comité consultatif national d’éthique rendait son avis favorable à l’ouverture de la PMA sans père. Les revendications de la Gay Pride 2017 portaient aussi sur le droit des trans, la réassignation automatique de leur nouvelle identité sexuelle dans l’identité civile. Fin 2016, par la loi française de réorganisation de la justice, avait en effet été introduit la possibilité d’effectuer un changement de sexe sur l’état civil sur simple attestation. Dans les trois cas, qu’il s’agisse de la PMA, de la GPA ou du droit des trans, on est dans la confusion la plus complète en ce qui concerne la perception homme-femme sur le genre, ou l’appréhension de la paternité et de la maternité. On retrouve à l’œuvre cette volonté d’artificialiser l’homme, de le transformer, la marche en somme vers un trans-humanisme technique, médical et juridique.

    La loi Taubira menait logiquement à la légalisation d’une PMA sans père et par la suite à la GPA. Le mariage homosexuel entérinait de facto une redéfinition de la filiation, quel que soit le genre, le mode de conception. Peut-on alors considérer la PMA pour les femmes, la maternité sans père comme n’étant pas autre chose qu’un détournement politique de la médecine pour des revendications sociétales ?  On notera au passage qu’aucune de nos féministes  ne s’émeut de l’aliénation de la femme (louer son corps) et de la marchandisation d’enfants qu’implique la GPA. Pour les LGBT, l’ouverture de la PMA est une question d’autonomie des femmes et de choix personnels, au même titre que la contraception, la stérilisation ou l’avortement, « une question d’égalité et de santé publique », rappelle même l’Inter-LGBT afin d’obtenir le remboursement par la sécurité sociale.

    Le Comité nationale d’éthique reste pour l’instant opposé à la Gestation pour autrui et à l’autoconservation des ovocytes. A la demande de la Mission de recherche « Droit et Justice » du Ministère de la justice, une équipe de juristes de l’université de Reims avait remis un rapport sur « Le droit à l’enfant  et la filiation en France et dans le monde ». Ce document  de 500 pages mettait en garde contre une destruction progressive des règles de la filiation.

    Mais quelle est donc la logique juridique alors des nouveaux progressistes  ?

    Il s’agit tout bonnement de passer des droits classiques de l’Homme, qui étaient « les droits de » (se réunir, de penser) à « des droits à… », y compris désormais, à un droit de la filiation. Le droit est devenu un droit militant, non plus le garant du commun mais le droit de minorités qui s’exercent au nom de l’égalitarisme abstrait sur de simples rapports de force d’opinion. Ainsi petit à petit, nous jugeons comme naturel la prétendue existence d’un « droit à l’enfant » alors que l’idée de l’existence d’un tel droit ne peut être invoqué en tant que tel puisque toutes les juridictions, y compris la Cour européenne des Droits de l’Homme, le précisent expressément : il n’y a pas et ne peut pas y avoir juridiquement de « droit à l’enfant ». Reste alors à se demander quel intérêt la société aurait à modifier complètement, à l’échelle mondiale, anthropologiquement les liens qui unissent père, mère et enfant ?

    La question du transsexualisme peut nous fournir une ébauche de réponse car dans le transsexualisme, ce qui est remis en cause, au bout du compte, c’est la définition même de l’homme et de la femme. Pour arriver à détacher la filiation de l’acte d’engendrement, il faut en effet en venir à dire qu’un homme et une femme, c’est pareil ou interchangeable. Cette conception des choses qualifiée dans le numéro 41 de Krisis, d’androgynique remet en cause tous les concepts du droit classique et en douceur fait basculer notre système juridique vers une réification complète de l’homme, en supprimant le principe d’indisponibilité de l’état des personnes (Anne-Marie Leroyer prétend même que c’est un mythe et une fiction juridique !) Je ne déciderai d’être mère, d’être père, d’être homme, d’être femme qu’en fonction de ma seule volonté, la volonté de puissance du Surhomme nihiliste ? Le principe d’autodétermination devient donc ici absolu, et avec lui est posé contre l’enfant la toute-puissance des adultes. L’enfant, lui, n’est plus réduit qu’à une chose puisqu’il n’existe plus comme tel dans le raisonnement juridique. Nos humanistes progressistes nous avaient promis la mort de l’homme, ils ont en fait réalisé la mort de l’enfant.

    De fait, la GPA est une technique, elle ne peut être éthique ou alors ce n’est qu’une éthique utilitariste, une éthique anglo-saxonne d’intérêts (la mère porteuse est toujours dans une situation financière inférieure aux commanditaires). La GPA n’est en réalité qu’un contrat d’entreprise, qu’une uberisation assistée des utérus, un contrat de louage de fœtus. On ne travaille pas mais on produit un ouvrage (on économise ici une poiesis et non une praxis au sens d’Aristote). On demande à la mère porteuse de tout simplement fabriquer un enfant pour un autre, définition de l’esclavage ou de la traite de personnes.

    La secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, ardente militante gay (c’est elle-même qui, lors de son investiture a réclamé de rajouter à son ministère les attributions « gays » à son ministère) promet pour 2018 la PMA, préalable pour elle bien sûr à la légalisation de la gestation pour autrui qui demeure l’objectif premier du lobby qu’elle représente. Interrogé sur France-info, Jean François Copé a déclaré avoir « évolué » sur le sujet et il ne s’opposera plus au projet du gouvernement de PMA pour les couples lesbiens quoiqu’il continue d’être néanmoins opposé par pure forme à la gestation pour autrui. Tous ces gens n’ont en réalité aucune conviction ou plutôt, ils ne sauraient s’opposer à ce qu’ils ont toujours défendu par ailleurs, à savoir : la marchandisation du monde et des hommes. En 2012, Jean-François Copé voyait dans la PMA pour les couples de femmes un glissement inexorable vers la légalisation de la GPA. Il n’avait pas tort même s’il se contredit aujourd’hui par pur intérêt partisan.

    Issu de la droite, Edouard Philippe s’était abstenu comme quatre autres députés de son camp, le 23 avril 2013, lors du vote à l’Assemblée nationale de la loi Taubira. S’exprimant dans une tribune du Huffpost en date du 10 février 2013, signée avec Nathalie Kosciusko-Morizet, le nouveau Premier ministre expliquait alors : « Nous ne sommes pas opposés à une loi qui permettrait le mariage et l’adoption simple pour les couples de même sexe, mais nous n’accepterons pas ce qui viendra après cette loi. Nous nous opposerons résolument à la PMA pour les couples homosexuels féminins, et à la GPA qui, au nom de l’égalité, ne manquera pas d’être réclamée par la suite ». Il se dit aujourd’hui favorable à l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes se repliant sur l’avis du Comité consultatif national d’éthique de fin juin.

    Dans un entretien qu’il avait accordé au JDD le dimanche 22 janvier, Jean-Luc Mélenchon, avait rejoint les positions d’autres candidats de gauche sur des sujets sensibles de société. « Il ne faudrait pas que les questions de la présidentielle se résument à combien ça coûte? Je veux introduire dans le débat le droit à être maître de soi-même », expliquait le candidat de la France insoumise. Il expliquait ses positions favorables en faveur du suicide assisté et de la PMA étendue aux couples de femmes. Curieusement, le « bolivarien » manifestait son hostilité à la GPA parce que le corps n’est pas une marchandise et qu’en vieux marxiste, il voyait le GPA « faire de la femme un outil de production ». Il s’est dit prêt à changer d’avis « le jour où l’on me présentera une milliardaire qui par amour d’une femme pauvre d’un bidonville acceptera de porter son enfant ». Les gauchistes de palais ont toujours le bon mot pour rire !

    Pourquoi une telle mise au point ? Si des mobilisations sociétales contre la PMA ou la GPA pour tous devaient reprendre, elles ne pourraient cette fois-ci faire l’impasse sur la marchandisation du monde et donc l’enjeu social de la revendication à moins d’en rester à ce qu’elle fut en grande partie une réaction épidermique et petite-bourgeoise d’une religiosité factice déjà asservie au pire évangéliquement.

    On s’orientera tôt ou tard vers une GPA universelle mais sans doute, on le fera encore à la Française avec un grand “machin” du style « Agence gouvernementale pour la procréation assistée » où auront même le droit de participer quelques prêtres défroqués dans l’âme. Nonobstant, on n’y rencontrera sans doute pas d’imam.

    Psychologiquement le grand risque de la GPA est le trouble identitaire, le morcellement affectif. Or, s’il y a morcellement à l’origine de la vie, on peut craindre aussi que la personnalité soit morcelée et qu’il y ait donc demain des modèles familiaux à très grand risque et donc une accélération de la décomposition sociale psychotique du pays déjà en cours pour plein d’autres raisons (divorces, drogues, homophilies).

    Or, de tous temps n’avons-nous pas besoin d’hommes forts ? Comment constituer l’ordre chevaleresque des futures élites que la situation d’exception exige à base de filiations traumatisées ou d’abandons maternels programmés et monétisés sur fond de droits narcissiques « à… » et de commerce médical ?

    Michel Lhomme (Metamag, 2 novembre 2017)

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  • L'empire de la terre contre l'empire de la mer...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Hervé Juvin sur TV Libertés consacré au retour de l'opposition entre l'empire de la terre, le bloc eurasiatique, et l'empire de la mer, l'Amérique... Économiste de formation, Hervé Juvin a publié des essais essentiels tels que Le renversement du monde (Gallimard, 2010), La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013) ou, dernièrement, Le gouvernement du désir (Gallimard, 2016), qui font de lui un des penseurs les plus pertinents du moment.

     

     

                                        

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  • Quel avenir ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dmitry Orlov, cueilli sur Arrêt sur info et consacré aux scénarios de l'avenir qu'il privilégie. D'origine russe, ingénieur, Dimitry Orlov, qui a centré sa réflexion sur les causes du déclin ou de l'effondrement des civilisations, est l'auteur d'un essai traduit en français et intitulé Les cinq stades de l'effondrement (Le Retour aux sources, 2016).

     

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    Quel avenir ?

    J’aime me flatter en pensant que la raison principale pour laquelle tant de gens ont creusé un chemin vers mon blog et continuent à acheter mes livres est que pendant plus d’une décennie j’ai toujours deviné correctement quelle forme prendrait l’avenir ; pas tout le temps, mais suffisamment souvent pour inciter les gens à y prêter attention. J’essaie d’être très prudent dans mes pronostics. Je ne prédis jamais des événements relativement insignifiants tels que les krachs boursiers, les changements dans la composition des gouvernements nationaux et d’autres incidents qui ne se produisent que sur le papier ou sur un coup de tête.

    Au lieu de cela, j’essaie de me concentrer sur les aspects de la réalité physique – les flux d’énergie en particulier – qui limitent la forme de l’avenir. Je ne fais pas non plus de prédiction en ce qui concerne le calendrier : savoir si quelque chose va arriver est souvent une question qui a une réponse ; savoir quand quelque chose se produira est souvent une question pour laquelle aucune méthode ne donne de réponse fiable. En gardant cela à l’esprit (pour ne pas être déçu), je vais prendre quelques risques et faire quelques prédictions sur la forme générale de l’avenir qui se matérialisera au cours d’une seule vie humaine et peut-être même un peu plus vite.

    Je crois que l’on peut deviner la forme générale de l’avenir en se concentrant sur les quatre facteurs suivants : le climat, l’énergie, la population et la géopolitique. Regardons chacun.

    Climat

    Les changements à court terme des conditions météorologiques, entraînés par le changement climatique à plus long terme résultant de l’augmentation spectaculaire des niveaux de dioxyde de carbone et de méthane dans l’atmosphère, permettent déjà d’envisager plusieurs impacts importants. Les cyclones tropicaux sont plus intenses et plus humides, entraînant des inondations massives et des dommages aux infrastructures. Cette année, les tempêtes ont assommé une grande partie de Houston, un bout de la Floride et pratiquement tout Porto Rico, plus quelques autres îles des Caraïbes. Pendant ce temps, des incendies sans précédent ont ravagé certaines parties de la Californie et du nord-ouest sur la côte Pacifique. Des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées ou sont restées sans abri. De telles tendances continueront vraisemblablement à mesure que ces événements destructeurs vont augmenter en intensité. Pendant un certain temps, les gens tenteront de récupérer et de reconstruire après chaque événement, mais après, ces efforts cesseront. En reconstruisant, je suis certain que la plupart des gens refuseront de prendre des mesures raisonnables pour éviter que cela ne se répète, comme la construction de maisons sur pilotis en matériaux ininflammables ; au lieu de cela, ils vont mettre en place les mêmes structures inflammables et sujettes aux inondations, parce que c’est à cela qu’ils pensent qu’une maison doit ressembler.

    En plus des inondations et des incendies, il y a de fortes chances que des vagues de chaleur estivales catastrophiques suffiront à mettre en panne le réseau électrique dans des pays comme les États-Unis, où la population dépend de la climatisation pour survivre et où le réseau électrique est terriblement périmé. De tels événements se traduiront instantanément par des morts dans les villes du sud, où les gens, en particulier les malades, les personnes âgées et les obèses morbides, succomberont à des coups de chaud. La plupart des États de l’ouest des États-Unis seront confrontés à de tels événements catastrophiques et progresseront lentement vers des conditions beaucoup plus arides, où l’agriculture deviendra peu à peu intenable à mesure que le paysage redeviendra désertique.

    Un autre effet sous-estimé des changements climatiques continus sera la sévérité accrue des hivers de l’hémisphère nord. L’Arctique est maintenant beaucoup plus chaud et sans glace durant l’été. Cela a ouvert de nouvelles voies maritimes le long des côtes nord de la Russie et du Canada, ce qui a permis de gagner des semaines d’expédition, en contournant les canaux de Suez et de Panama. La diminution de la couverture de glace de l’océan Arctique a réduit l’albédo de l’océan (la fraction du rayonnement solaire réfléchie dans l’espace), ce qui a provoqué un réchauffement encore plus rapide. En raison de ce réchauffement, le gradient des températures hivernales entre l’Arctique et les zones tempérées plus au sud sera réduit et les flux d’air ne seront plus stratifiés le long des lignes latitudinales mais serpenteront entre le nord et le sud, amenant des tempêtes hivernales depuis l’Arctique vers le sud et rendant les gelées d’hiver très sévères beaucoup plus fréquentes.

    Dans le cas de l’Europe de l’Ouest, cet effet sera exacerbé par le ralentissement du Gulf Stream, qui avait pour effet de la rendre beaucoup plus chaude que la  grande partie de l’Europe qui s’étend des Carpates à l’Oural. Le Gulf Stream dépend de la capacité de son courant remontant vers le nord, rendu plus salin par évaporation, de couler au fond quand il atteint une zone autour de l’Islande, puis de refluer vers le sud le long du fond océanique. Mais le taux de fonte des glaciers a créé une lentille d’eau douce en expansion le long de la surface de l’océan dans cette zone, limitant l’étendue du mécanisme. En raison de cet effet, les gelées hivernales profondes commenceront à affecter les régions précédemment tempérées de l’Europe occidentale et des îles britanniques.

    Énergie

    Les combustibles fossiles resteront le pilier de l’industrie énergétique jusqu’à ce que celle-ci se réduise à un niveau permettant d’obtenir suffisamment d’énergie en ne brûlant que de la biomasse. Mais ce processus devrait prendre au moins deux ou trois décennies de plus. Les sources renouvelables, telles que les éoliennes et les panneaux solaires, ne peuvent pas être produites ou entretenues sans une industrie basée sur les combustibles fossiles et elles vont produire une électricité pour laquelle il n’y aura pas beaucoup de demande une fois que l’industrie des combustibles fossiles aura disparu. De plus, ces sources d’électricité sont intermittentes, alors que l’électricité est notoirement chère et difficile à stocker, tandis que les utilisations résiduelles de l’électricité – communications, sécurité, équipement de contrôle, etc. – nécessitent un approvisionnement régulier.

    Même s’il n’y aura pas de rupture soudaine dans la disponibilité de l’énergie fossile, nous continuerons de voir une diminution constante de la capacité des consommateurs d’énergie à travers le monde à payer pour cela, ainsi que la disparition de la rentabilité des entreprises énergétiques. À la place de puits d’où le pétrole a jailli pendant des années, tout ce qui restera aux États-Unis, ce sont des puits qui nécessitent des forages horizontaux et une couteuse fracturation hydraulique, mais qui ne laissent suinter du pétrole que pendant un an ou deux avant d’être à sec. La situation est similaire en ce qui concerne le charbon et le gaz naturel. Bien que les États-Unis soient maintenant alimentés avec cette nouvelle production basée sur la fracturation hydraulique, très peu d’argent a été gagné avec ce boom temporaire, laissant les entreprises impliquées embourbées dans leur dette. Une fois terminée, les États-Unis seront à nouveau obligés d’importer de grandes quantités de pétrole et de gaz naturel – s’ils peuvent trouver l’argent nécessaire pour le faire.

    Entre-temps, la Russie restera l’une des principales sources d’exportations mondiales de pétrole et de gaz naturel pendant encore de nombreuses décennies. Les ressources énergétiques de la Russie sont de bien meilleure qualité qu’ailleurs dans le monde et, bien que la Russie possède plus de pétrole et de gaz de schiste que tout autre pays, l’exploitation de ces ressources n’est pas considérée comme une priorité.

    Population

    Compte tenu de ces tendances en matière de météorologie et d’énergie, les pays auront des capacités différentes pour maintenir une population importante. Un autre facteur qui jouera un rôle majeur sera l’infrastructure locale. Par exemple, en Russie, les gens vivent principalement dans de grands immeubles le long des lignes de chemin de fer desservies par des transports en commun et chauffés à l’aide de vapeurs chaudes provenant des centrales électriques. Toutes les infrastructures russes sont construites selon les mêmes normes et sont conçues pour bien fonctionner à des températures inférieures à -40º et sous plusieurs mètres de neige. En comparaison, en Amérique du Nord, la plupart de la population vit dans des maisons individuelles, dont beaucoup sont mal isolées, dont beaucoup ne sont pas desservies par des transports en commun et dont le chauffage revient plutôt cher en utilisant des chaudière à gaz ou à pétrole. En hiver, face à un blizzard, de nombreuses zones aux États-Unis sont simplement bloquées, tandis qu’en Russie, le concept de « journée enneigée » est inconnu : la neige est enlevée (et non repoussée) au fur et à mesure qu’elle tombe et la circulation continue. Cette comparaison implique que les Russes pourront continuer à se permettre de vivre là où ils vivent beaucoup plus longtemps que les Américains. Des types similaires de comparaisons peuvent être appliqués à de nombreux autres endroits si vous cherchez un lieu où survivre.

    Mis à part cela, et peut-être couplé avec des facteurs tels que la météo et l’énergie, certaines populations ne parviendront pas à prospérer et subiront une forte mortalité. Les États-Unis sont déjà en train de mourir de faim, les taux d’alcoolisme ayant doublé en une décennie, et une épidémie d’abus d’opioïdes rivalise avec l’expérience de la Chine d’avant les années 1950. L’esprit de désespoir absolu qui enserre maintenant les États-Unis est semblable à ce qui est arrivé à l’ex-URSS après l’effondrement soviétique, avec des conséquences démographiques similaires.
    L’expérience de l’Europe occidentale sera peut-être plus bénigne : les populations indigènes diminueront en raison de leurs très faibles taux de natalité. Entre-temps, l’Europe occidentale est de plus en plus touchée par les enclaves ethnico-religieuses de migrants qui, de plus en plus, ne parviennent pas à s’intégrer et à subsister avec les maigres subsides de l’État. Une fois ces bénéfices épuisés, ces enclaves imploseront. Elles représentent déjà un pourcentage disproportionné de la criminalité ; cette tendance va probablement s’aggraver, les habitants de ces enclaves devenant à la fois les auteurs et les victimes.

    Dans d’autres parties du monde, telles que l’Afrique sub-saharienne et certaines régions du Moyen-Orient, la mortalité sera provoquée par l’effet contraire : des taux de natalité très élevés conduiront à des conditions misérables et un surpeuplement menant à la violence et à la guerre. Ces conditions seront exacerbées par diverses catastrophes, naturelles ou artificielles, jusqu’à ce que l’on parvienne finalement à un niveau de population stabilisé beaucoup plus bas.

    Géopolitique

    Jusqu’à tout récemment, les États-Unis et l’Europe de l’Ouest ont réussi à rediriger vers eux la part du lion de la richesse naturelle restante de la planète. Le système financier érigé après la Seconde Guerre mondiale a été truqué afin que les institutions bancaires occidentales puissent servir de garde-chiourme au monde entier, prêtant à faible taux à leurs copains et à des taux élevés au reste du monde, menaçant quiconque refusant de jouer à ce jeu par des sanctions économiques, des assassinats politiques ou des guerres. Globalement, cela leur a permis de simplement imprimer de l’argent pour acheter ce qu’ils voulaient tout en forçant les autres à travailler pour eux. Un aspect clé de ce régime était que les exportations mondiales de pétrole étaient cotées et devaient être payées en dollars américains. Ce programme est actuellement en phase terminale.

    Ce qui le remplacera est encore incertain. Peut-être le nouvel arrangement tiendra sur un trépied composé de la Chine, la Russie et l’Iran. Ces trois pays ont des populations bien éduquées, disciplinées et patriotiques, et leurs jeunes ont tendance à regarder vers l’avenir avec beaucoup d’enthousiasme. Peut-être que d’autres pays pourront jouer un rôle majeur dans ce nouveau club eurasien. Mais ce qui est certain, c’est qu’à l’avenir, les gouvernements d’Europe occidentale et d’Amérique ne seront pas en mesure d’extorquer tout ce dont ils ont besoin au reste du monde pour soutenir artificiellement leur si confortable niveau de vie. Ceci va certainement causer beaucoup de ressentiment et d’agitation politique.

    Dmitry Orlov (Arrêt sur info, 29 octobre 2017)

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  • Un Kulturkampf pour la droite ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Antoine Savatier, cueilli sur Polémia et consacré à la nécessité pour la droite de mener un combat culturel... L'auteur est juriste et engagé dans la politique locale...

     

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    Pour un gramscisme de droite

    La confusion règne dans l’offre politique actuelle. Les différents partis classés à droite de l’échiquier politique sont empêtrés dans des conflits internes qui recoupent, de manière évidente, des contradictions doctrinales. La droite politique est idéologiquement déboussolée, au point d’en oublier ce qui la distingue fondamentalement du camp adverse. « Quand on me demande si la coupure entre gauche et droite a encore un sens, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est que l’homme qui pose cette question n’est certainement pas un homme de gauche ! » remarquait Alain.

    En effet, nul au sein de ce camp politique ne semble plus très bien comprendre à quelle vision de l’homme et à quelle philosophie sociale renvoient ces points cardinaux de « gauche » et de « droite ».

    Les amalgames historiques ne facilitent pas les choses : Le libéralisme, né à gauche au XIXe, passé à droite au XXe siècle, revient aujourd’hui dans son camp d’origine. Le combat social, mené historiquement, aussi bien par la droite réactionnaire que par la gauche radicale, est supposé être l’apanage exclusif de la gauche. Par ailleurs, l’usurpation du qualificatif « de droite » par certains membres du personnel politique qui mènent des politiques authentiquement « de gauche », ou son rejet par d’autres qui défendent nonobstant certaines idées parfaitement « de droite », ne fait qu’aggraver cette confusion générale.

    Pourquoi cette difficulté chez la droite à s’assumer ? A quelques exceptions notables, la médiocrité culturelle des représentants de la droite politique est affligeante, autant par leur méconnaissance des humanités que par la petitesse de leurs statures. Depuis un demi-siècle, aucun événement historique digne de ce nom n’a pu forger de caractère illustre. N’ayant guère connu pour leur pays, depuis leur naissance, que la paix et la prospérité, les cadres des partis de droite ont troqué la grandeur et le panache contre la gouvernance technocratique (croissance et Triple A semblent être devenus les moteurs de leur action) et le suivisme culturel (accueil des migrants, progressisme sociétal, etc.). Si, d’aventure, la droite parlementaire se pique de quelques propositions sécuritaires par-ci par-là, celles-ci sont davantage motivées par un esprit comptable et individualiste – garantir la propriété des biens pour jouir sans entraves – que par une vraie vision anthropologique, dont le bien commun serait la finalité.

    En bref, la droite politique rechigne à endosser la doctrine et les symboles qui devraient être les outils de son combat. La gauche, quant à elle, assume fièrement son idéologie. Elle a eu l’intelligence stratégique de s’approprier, depuis Mai-68, tous les leviers du savoir et de la culture. L’hégémonie culturelle étant le préalable à toute victoire politique, elle n’a cessé dès lors de remporter ses combats les uns à la suite les autres. Son rayonnement a été si grand que la droite, faute de substrat idéologique, s’est elle-même laissé contaminer par l’idéologie de la bienpensance. Ainsi, il apparaît de plus en plus clair que c’est l’incurie culturelle de la droite qui est la cause de son insuccès politique.

    Échecs politiques et droimmitude

    Qu’on se le dise, depuis la Révolution française, le bilan politique global de la droite n’est guère éclatant. En 1815, après l’épopée napoléonienne, Louis XVIII s’assoit sur le trône. Embarrassé par les ultras qui se veulent « plus royalistes que le roi », le pragmatique souverain confie au duc de Richelieu la mission de renvoyer la très droitière chambre introuvable. La Restauration tourne au fiasco ; ce régime qui désirait « renouer la chaîne des temps » succombe en 1830, en conséquence de l’excès réactionnaire de Charles X. La Monarchie de juillet et le Second Empire décident de gouverner au centre, marginalisant de facto les représentants de la droite. Les débuts de la IIIe République rallument l’espoir monarchiste. Mais la médiocrité politique de Mac Mahon et l’idéalisme intransigeant du comte de Chambord ruinent de façon définitive le projet d’une ultime restauration. La sacralité des Bourbons est perdue. En 1889, la droite se trouve un nouveau cador avec le général Boulanger. Dans un style populiste, le militaire fait la synthèse du nationalisme et du socialisme. Mais, très vite, l’aventure boulangiste tourne au vinaigre, sur fond de scandales et de conflits internes. En 1924, les querelles intestines du bloc national (alliance entre libéraux, conservateurs et réactionnaires) entraînent dans les abîmes la chambre « bleu horizon ». Le cartel des gauches remporte la majorité, et plus jamais la France ne connaîtra d’assemblée aussi marquée à droite. L’appel au ralliement de Léon XIII (1892), la mise à l’Index des œuvres de Maurras (1926), enfin, l’excommunication des adhérents de l’Action française (1927), aggravent la déroute d’une famille de pensée dont la majorité des membres sont catholiques, et qui se trouvent privés, dès lors, de l’appui de Rome dans leur combat pour le trône et pour la nation. La dissolution des Ligues en 1936 libère un espace pour le Parti Social Français (PSF), premier parti de droite nationale « de masse » (quasiment 1 million d’adhérents), conservateur, antiparlementariste et d’inspiration catholique-sociale, porté par la figure du colonel de La Rocque. Le PSF voit son envolée électorale brisée par la défaite de juin 1940. Sous l’Occupation, la plupart des premiers résistants sont issus de la droite nationaliste, mais le régime de Vichy s’approprie hypocritement (1) les thématiques traditionnelles de cette famille d’idées (culte du chef, natalisme, retour à la terre, etc.), et des thèmes transversaux tirés de l’œuvre des anticonformistes des années 1930 ; entraînant ainsi la droite dans son discrédit.

    En 1945, la Libération consacre le mythe d’une « gauche Résistante ». L’idéologie progressiste, incarnée par le PCF, la SFIO et le MRP, assimile toute conviction de droite au pétainisme. C’est l’avènement de la pensée unique. La gauche intellectuelle entreprend son œuvre idéologique : elle professe que « tous les anticommunistes sont des chiens », écrit des poèmes à la gloire de Staline, soutient la décolonisation et les massacres du FLN. Les soldats de l’armée française, puis les membres de l’OAS qui se sacrifient dans un combat désespéré pour la « mission civilisatrice de la France » et l’intégrité du territoire, sont voués aux gémonies par l’intelligentsia parisienne. Bientôt, les faiseurs d’opinion saluent les combats de Fidel Castro et la révolution culturelle maoïste. En mai 1968, ils proclament qu’il est interdit d’interdire. En 1981, dans l’emblématique L’Idéologie française, BHL fulmine la « France moisie », et ce peuple français de souche « collabo » à « l’esprit étriqué ». La génération Mitterrand réalise cette hégémonie culturelle de la gauche, portée sur les fonts baptismaux de la French theorie (Foucault, Deleuze) et de l’idéologie de marché (Hayek, Friedman) : dérégulation de l’économie, construction européenne, immigrationnisme, antiracisme, et bougisme sociétal. Pendant ce temps-là, la droite politique est à la ramasse.

    En clair, il faut admettre que l’histoire politique de la droite est une inexorable litanie d’échecs (2) et de vexations. D’où cette névrose chez une famille de pensée qui a fini par intérioriser sa propre illégitimité, quitte à se laisser coloniser par les idées de gauche. En effet, depuis un demi-siècle la droite a pris l’habitude d’adopter les modes idéologiques – économisme, droit-de-l’hommisme, idéologie du progrès – qui ont historiquement affaibli toutes ses défenses immunitaires. C’est le fameux sinistrisme analysé par Thibaudet. Depuis quarante ans, les représentants de la « droiche », reconduits aux affaires par le biais du vote utile, s’évertuent à produire la loi Veil, le regroupement familial, les lois liberticides Pleven et Lelouch, la loi Rothschild-Pompidou, ou le Traité de Lisbonne, sans jamais remettre en cause les pseudo-acquis déconstructeurs du parti « du progrès », qu’ils intègrent si bien qu’ils finissent par les trouver désirables. C’est l’effet cliquet, qui permet de passer d’un cran à l’autre, dans un processus non-rétrogradable (3). Quel ténor de la droite parlementaire, qui a battu le pavé pour « sauver l’institution familiale » en 1999, oserait aujourd’hui remettre le PACS en question ? Laurent Wauquiez, le cador de la droite étiquetée « dure », qui n’a pas loupé une Manif pour tous, a déjà retourné sa parka rouge sur le mariage gay, et prépare, de façon sûre, d’autres prévisibles revirements.

    La droite a renoncé à produire sa propre vision du monde

    Depuis Mai-68, la droite s’est focalisée sur l’économie, et la gauche sur la culture. Jacques Julliard définit ainsi le Yalta culturel de la politique française : « A gauche le libéralisme moral et la réglementation économique, à droite la réglementation morale et le libéralisme économique ». Pour la droite, ce choix constitue un double écueil :

    – d’une part, elle s’est laissée subjuguée par l’idéologie du marché, pourtant contraire à sa vision anthropologique (4). Dans son schéma l’homo œconomicus a pris la relève historique de l’homo politicus, disqualifié pour manque d’appétit consumériste. La droite des valeurs s’est fait avaler par la droite des affaires. Mauvais business, car le marché finit toujours par imposer sa logique individualisante, donc à terme libertaire, à la société ;

    – d’autre part, elle a laissé à la gauche l’entière maîtrise du champ culturel. La littérature, la presse, l’université, le milieu artistique, etc., le gauchisme a pénétré tous les vecteurs de l’idéologie et de la culture. La droite authentique, ou ce qu’il en reste, y est ultra-marginalisée. Le camp du Bien s’est institué en pouvoir total, gardien de la parole autorisée, et fascisant tout ce qui ne correspond pas à sa vision du monde. A quelques exceptions notables, même la vraie droite semble terrorisée rien qu’à l’idée d’être traitée de « réac », de « facho » ou de « faire le jeu du FN ».

    Elle a fini par croire que, pour faire passer son message, elle a l’obligation de se soumettre aux critères de respectabilité idéologique de la gauche. Or, qu’elle se proclame humaniste, partisane du progrès, qu’elle multiplie sans relâche les génuflexions face au dogme libéral-progressiste, elle ne sera pour autant, jamais, au grand jamais, admise au sein du cercle de la raison (5), tant la gauche est persuadée de la supériorité morale de sa cause ; et du caractère délictueux de toute idée qui ne vient pas d’elle-même. Ainsi raisonne-t-on à gauche, où l’extrême droite commence à partir de François Bayrou. Il serait temps de l’admettre et d’en tirer les conséquences.

    L’épuisement culturel de la gauche

    Si la domination culturelle de la gauche est toujours palpable, elle est en passe de changer de camp. La marche des idées s’est inversée. Depuis la chute du Mur de Berlin, divers facteurs : mondialisation incontrôlée, paupérisation de la classe moyenne, relativisme des mœurs, réveil brutal de l’islam, etc., ont largement contribué à discréditer la mythologie du progrès et de l’émancipation individuelle. La production des idées à gauche a cessé dans ses deux versions historiques : sociale et libérale.

    Pour ce qui est de la gauche sociale, ses diverses tendances – anarchisme, trotskisme, communisme – datent, au mieux, du milieu du XXe siècle, souvent de la fin du XIXe. Le PC, encore à 15% dans les années 1980, réalise aujourd’hui moins de 3% des suffrages. Son électorat a en partie migré au FN. On continue, bon an mal an, de chanter l’International et de hisser le drapeau rouge à la Fête de l’Huma, mais tout ce charmant folklore dégage un parfum de naphtaline. Le PS, auquel Benoît Hamon a redonné une orientation sociale durant la campagne de 2017, n’est plus qu’un astre mort et doit vendre son siège de la rue de Solférino. Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, réalise encore quelques succès électoraux, mais qui sont dus davantage à son charisme personnel qu’à ses idées – Etat dirigiste, collectivisme, lutte antifasciste – tout droit sorties des grandes heures de la IVe République. Les syndicats éprouvent un certain mal à mobiliser les travailleurs pour les manifestations anti-loi travail. C’est pire encore en ce qui concerne les mouvements d’ultragauche et altermondialistes qui, par leur attitude, laissent deviner combien ils sont aux abois : la violence aveugle des groupuscules antifas le dispute à la vacuité des fumeurs de pétards de chez Nuits Debout.

    Dans sa version libérale, la gauche s’est en partie recyclée par le biais de Macron, dont le succès électoral est relatif : seuls 43% de l’ensemble des électeurs ont voté pour l’ex-banquier de Rothschild. A part quelques postures gaulliennes, qui durent le temps d’un selfie, on ne croit guère le macronisme capable de produire une nouvelle donne culturelle qui soit différente de celle du capitalisme, de l’intégration européenne, de l’immigrationnisme, dans la droite lignée de toutes les présidences françaises depuis Giscard ; le charme goldenboy, et la dimension high tech en plus. En bref, rien de philosophiquement révolutionnaire.

    S’agissant des luttes sociétales « émancipatrices » qui sont assumées de façon plus ou moins cohérente par les deux gauches, tels la libération sexuelle, la théorie du genre ou le pédagogisme, elles proviennent toutes de la contreculture des sixties et des seventies. S’il est vrai qu’elles sont toujours défendues aujourd’hui, bec et ongles, par certains membres de la classe politique, on sent bien qu’elles ont épuisé le cycle de leur virtuosité. Il y a comme une redondance, une fatigue chez cette gauche militante, à faire admettre les fumisteries du gender et de l’éducation positive à des populations, notamment immigrées arabo-musulmanes, qui n’ont pas l’air excessivement enthousiastes.

    Cette gauche culturelle, habituée depuis l’ère mitterrandienne à fréquenter les lieux du pouvoir, est définitivement sortie du jeu durant les pitoyables années du hollandisme. Elle s’est découverte sans doctrines, ni chefs, ni militants. Elle qui se célébrait comme gardienne de l’intelligence, patronne des vertus citoyennes, porteuse d’un avenir radieux, elle qui se glorifiait d’attirer des Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Yves Montand, doit reconnaître qu’elle ne rayonne plus comme avant. Seuls des Jacques Attali, Jamel Debouze et Benjamin Biolay peuvent encore prétendre au titre de compagnons de route du déclinant « parti de l’intelligence ». Pour la gauche, le bon vieux temps du confort intellectuel et moral n’est plus.

    Gagner la bataille des idées

    Le déclin de la domination culturelle de la gauche offre à la droite l’occasion de réinventer son substrat idéologique à partir d’une philosophie de l’enracinement. Beaucoup d’intellectuels, parfois issus de la gauche, ont développé certaines idées volontiers endossées par la droite : Alain Finkielkraut sur la crise identitaire, Régis Debray sur la problématique des frontières, Michel Onfray et sa critique de la modernité, etc. Pour autant, les appareils politiques se sont révélés inaptes à décliner ce travail intellectuel sur le plan électoral. Durant la campagne de 2017, « la droite et l’extrême droite n’ont pas réussi à produire d’idées nouvelles, se contentant de se reposer sur des acquis idéologiques engrangés dans le passé », analyse Gaël Brustier (6). Or, une majorité de Français (56% selon un sondage IFOP) s’affirment aujourd’hui de droite et s’accordent visiblement sur les thèmes essentiels : immigration, sécurité, TPE-PME, liberté éducative, etc. Ce peuple de droite, bien que sociologiquement divisé, a donc une réelle consistance. Comment lui donner une forme politique ?

    Pour former une véritable alternative de droite, il faut d’abord gagner la plus élémentaire des batailles : celle des idées. Tant qu’elles ne seront pas dominantes et bien articulées dans les têtes, elles ne seront pas gagnantes dans les urnes. La droite doit penser une stratégie culturelle, un « gramscisme de droite », du nom de ce marxiste italien qui a théorisé la notion d’ « hégémonie culturelle », l’objectif étant de réunir la société politique et la société civile autour d’un projet cohérent. Dans Le Marxisme de Marx, Raymond Aron explique que la puissance politique de l’œuvre de l’auteur de Das Kapital est de pouvoir être expliquée en « cinq minutes, en cinq heures, en cinq ans ou en un demi-siècle ». La doctrine sophistiquée du marxisme a imprégné les mentalités de façon quasi religieuse, aussi bien dans sa version originelle socialiste (la lutte de la bourgeoisie contre le prolétariat) que dans son prolongement culturel contemporain, à savoir la lutte identitaire de tous les autoproclamant « dominé-e-s », quels qu’ils soient (femmes, homosexuels, migrants, etc.) contre tous les pseudo- « dominants » (patriarcat, hétérosexuels, peuple du pays d’accueil). A la façon du marxisme, il faut se donner les moyens d’édifier un corpus idéologique de droite, clair, efficace, fondé sur une vision du monde solidement charpentée. Il faut mener la guerre des mots, des symboles, des grands mythes mobilisateurs.

    La présidentielle de 2007 fut une étape décisive. Sous l’influence de Patrick Buisson, le candidat Sarkozy assuma un positionnement droitier. Pour n’avoir pas lu Gramsci, Nicolas Sarkozy n’en saisit pas moins quelques rudimentaires ressorts lui permettant, dans un contexte d’appauvrissement du débat public, de réorganiser à son profit tout un univers symbolique. « Renverser l’héritage de Mai-68, rétablir l’autorité du prof, défendre l’identité nationale, etc. » furent les promesses inattendues du candidat UMP, au grand désespoir de nombreux cadres de ce mouvement qui désiraient mener campagne au centre. Démarche purement électoraliste, on le sait, car jamais ces paroles ne furent traduites en actions. Cela étant, la gauche fut horrifiée de se voir imposer ces nauséabondes thématiques. Comme le remarque Patrick Buisson, ce viol salutaire de l’idéologie bienpensante fut l’étincelle originelle, qui aboutit plus tard, en 2013, à la Manif pour Tous. La loi Taubira fut, en effet, le détonateur d’un grand mouvement social conservateur, qui draina plus d’un million de personnes dans la rue, et suscita tout un ensemble d’actions militantes (Les Veilleurs, Les Antigone, les Hommens, etc.) portées par des jeunes maîtrisant les codes de la communication. Le texte est passé. Jean-Christophe Cambadélis reconnut toutefois que, dans une perspective gramscienne, on peut parler d’une « défaite culturelle pour la gauche », qui semble avoir perdu le monopole des mouvements contestataires.

    C’est bien à droite que se déroule l’agitation des idées. Les essais politiques majeurs de ces dernières années, signés Patrick Buisson, Eric Zemmour ou Philippe de Villiers, démontrent en quoi la submersion migratoire et le fondamentalisme de la modernité déstabilisent nos cadres de vie traditionnels, au point de menacer l’existence même de la France comme nation historique. Les progressistes n’ont plus le monopole de la pensée critique. Par ailleurs, la génération qui a moins de 40 ans est plus désinhibée ; elle ne souffre plus du complexe d’illégitimité de la droite. Le foisonnement des jeunes intellectuels militants – François-Xavier Bellamy, Eugénie Bastié, Alexandre Devecchio, Julien Rochedy ou Charlotte d’Ornellas –, l’émergence de médias alternatifs – la nouvelle revue l’Incorrect à la fois intello et rock’ roll qui assume son ambition d’unir les sensibilités de droite, la revue Limites reprenant pied sur le terrain de l’écologie, la revue d’idées Eléments, TV Libertés, Fréquence Orage d’Acier – ou encore des initiatives dédiées à l’activisme, comme Génération Identitaire, et à la formation, telles Academia Christiana, Renaissance catholique, la Fondation Polémia, Acteurs d’Avenir, etc., donnent de nombreuses raisons d’espérer.

    Pour l’heure, il s’agit d’un foisonnement encore très parisien, assez intello, plus ou moins distant de la réalité d’une majorité de Français. Pour s’imposer, cette doctrine devra s’adapter aux enjeux contemporains, notamment écologiques et géopolitiques, et ne pas s’arc-bouter exclusivement sur des thématiques morales ou identitaires. Surtout, elle devra prendre la question sociale par les cornes, pour soumettre aux Français défavorisés une alternative crédible, tant au libéralisme qu’au socialisme, à travers une réflexion de fond sur la subsidiarité.

    Cette jeunesse de droite doit enfin se soucier de mettre en adéquation son mode de vie avec ses idées. Il est toujours affligeant d’observer cette bourgeoisie dévote, racontée de façon ironique par la jeune romancière Solange Bied-Charreton (7), qui sort dans la rue pour défendre l’école libre et protester contre la loi Taubira, mais qui, par derrière, vote Macron et pousse ses enfants à s’inscrire dans les grandes écoles de commerce pour s’assurer qu’ils reproduiront bien leur réussite socio-économique. Dans cette démarche visant à fabriquer des winners, certains rejetons de bonnes familles admettent trop facilement la dilution de leurs valeurs. Il faut tuer le droitard qui est en soi. D’autres jeunes qui font le choix de devenir enseignant, artiste, journaliste, pour défendre et transmettre une noble vision du monde, au risque de casser l’ascension sociale de leurs parents, méritent à ce titre d’être salués.

    Cap à tribord donc ! Il s’agit pour la droite de se prendre enfin au sérieux, et de concevoir une stratégie culturelle, un Kulturkampf, dont la finalité serait la conquête effective du pouvoir. Pour ce faire, elle dispose d’abondantes ressources intellectuelles. Il ne tient qu’à elle de transformer l’essai.

    Ambroise Savatier (Polémia,30 octobre 2017)

    Notes :

    1/ Patrick Buisson, 1940-1945, Années érotiques. L’occupation intime, Albin Michel, 2011, 319
    2/ Il serait malhonnête de ne pas citer les quelques victoires de la droite. C’est aux catholiques sociaux, qui s’opposent à la mise en coupe réglée de l’ouvrier par le capitalisme industriel, que l’on doit les premières lois sociales du XXe siècle. Et par ailleurs, sur le plan strictement régalien, le gaullisme redonna sa place à la grandeur nationale, à la continuité et au primat du politique sur l’économie, grâce à l’Etat stratège.
    3/ Yves-Marie Adeline, La Droite impossible : essai sur le clivage droite-gauche en France, Ed. de Chité, 2012, 108 p.
    4/ Il n’y a qu’à voir l’impasse des options économistes durant la campagne de 2017, qui furent celle de François Fillon, avec campagne Triple A, et celle de Marine Le Pen, qui subordonnait la réalisation de tout son projet à la question monétaire. Aucune de ces stratégies économistes n’a convaincu l’électorat.
    5/ En finir avec le complexe médiatique de la droite face à la gauche
    6/ Gaël Brustier : « Macron est l’intellectuel organique du nouveau capitalisme »
    7/ Solange Bied-Charreton, Les visages pâles, Stock, 2016, 392 p.

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