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Livres - Page 464

  • Une histoire du fascisme italien...

    Les éditions Ellipses viennent de publier un ouvrage de Michel Ostenc intitulé Mussolini - Une histoire du fascisme italien. Historien, spécialiste de l'Italie, Michel Ostenc est l'auteur notamment de Intellectuels italiens et fascisme (Payot, 1983) et de Ciano - Un conservateur face à Hitler et Mussolini (Editions du Rocher, 2007).

     

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    " L'Histoire de l'Italie mussolinienne est longtemps demeurée un domaine qui vit triompher le préjugé et fleurir des collections d'idées reçues considérées comme des vérités incontournables. L'antifascisme des vainqueurs de la seconde guerre mondiale a imposé ses oukases aux historiens, particulièrement en France où l'étude de l'Italie contemporaine est une parente pauvre de l'Histoire universitaire. Le renouvellement complet de l'historiographie de la période qu'ont engendré, au delà des Alpes, les travaux d'un Renzo de Felice ou d'un Emilio Gentile a bousculé les interprétations conventionnelles qui ont longtemps prévalu et c'est une synthèse originale de toute cette nouvelle donne que nous propose l'ouvrage de Michel Ostenc. Se gardant des lectures de l'époque marquées du sceau de l'anachronisme et fondant ses analyses sur une connaissance approfondie du contexte italien, l'auteur nous offre une approche novatrice du Ventennio Nero. En lieu et place du manichéisme idéologique qui s'est trop souvent imposé, il ouvre des pistes nouvelles, en suivant au plus près le parcours de Mussolini, de l'extrême-gauche socialiste au nationalisme autoritaire et totalitaire, en posant au passage de nouvelles questions, relatives à la propagande du régime ou aux conceptions économiques et sociales qu'il tenta d'expérimenter, dans une Italie qui, pour une bonne part, réalisa à travers le fascisme sa nécessaire transition vers la modernité. "

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  • Heidegger en dictionnaire...

    Les éditions du Cerf viennent de publier Le Dictionnaire Heidegger - Vocabulaire polyphonique de sa pensée, un ouvrage sous la direction de Philippe Arjakovsky, François Fédier et Hadrien France-Lanord. Comportant plus de  600 entrées dont :

    Amitié, Arendt, Atome, Balzac, Beckenbauer, Cézanne, Christianisme, Communisme, Consommation, Critique de la raison pure, Descartes, Économie, Enfant, Enseignement, Éthique, Europe, Féminité, Génétique, Geste, Habiter, Humour, Japon, Joie, Keats, Langue française, Mai 1968, Mathématique, Mort de Dieu, Ordinateur, Parménide, Parti nazi, Pensée juive, Poésie, Pudeur, Racisme, Rhin, Sécurité, Sexualité, Shoah, Socrate, Stravinsky, Technique, Théologie, Tolstoï, Traduction, Utilité, Zvétaieva...

    Cet ouvrage est une introduction passionnante pour ceux qui veulent découvrir la pensée du philosophe le plus important du XXème siècle et commencer à cheminer dans ses livres.

     

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    " Il n’existe encore dans aucune langue de Dictionnaire de cette ampleur consacré à la pensée de Martin Heidegger.
    L’originalité de ce livre peut être exposée selon trois axes principaux, mais il faut en souligner d’abord l’ambition philosophique. Comme le montre la grande variété des articles qui composent ce dictionnaire, philosophie ne veut pas dire difficulté insurmontable ou abstraction inabordable. La philosophie est ancrée dans l’existence de chacun. Quant au travail philosophique que ce Dictionnaire souhaite initier, il n’est pas synonyme d’érudition pour spécialistes. Ce travail, demande seulement de la patience dans la lecture, de la probité philologique, de l’endurance dans le questionnement, et avant tout : s’engager dans la pensée en ayant à cœur ce qui est à penser (c’est le sens même du mot philosophie). Pour tous ceux qui ont ce cœur, voici les trois axes principaux.

    I. La pensée de Heidegger en elle-même.

    Le but du livre est d’offrir un accès au chemin de pensée de Heidegger dans son entier, chose qu’il est désormais possible de faire de manière entièrement neuve, au vu des ouvrages parus dans le cadre de l’édition intégrale (une cinquantaine de volumes depuis 25 ans, dont une majorité inconnue du public français, car ils ne sont pas encore traduits). Le livre marque à cet égard une étape importante dans la réception de la pensée de Heidegger : ses 615 entrées permettent de voir sous tous ses aspects l’unité de ce chemin, à travers les nombreuses inflexions qu’il a suivies sans pour autant entamer son caractère foncièrement unitaire. Il est important ici de ne pas figer les choses à propos d’une pensée qui s’est chaque fois déployée selon un mouvement qui a justement trait à ce qu’il s’agit de penser.
    Au sein de chaque article, il a été fait grand cas de cette mobilité propre à la pensée de Heidegger, à travers notamment l’écoute précise des mots et de leur sens.
    À l’échelle du livre entier, cette mobilité se perçoit dans son aspect polyphonique, le seul qui sied à une véritable interprétation .
    Les articles sont de taille et de difficulté diverses : à côté de nombreux articles introductifs figure également un certain nombre d’articles de fond. De manière générale tout le livre est animé par un double souci : offrir une clarification élémentaire, mais sans négliger la possibilité d’ouvrir la voie à l’approfondissement et à l’étude (grâce notamment au grand nombre de références données).
    Ces articles correspondent à plusieurs rubriques de l’index thématique : « Art et poésie », environ 120 articles ; « Le divin », environ 50, « La science », environ 30, « Le chemin de Heidegger », plus de 200 articles.

    II. La question politique. Il faut ici distinguer deux ordres de choses :

    1. Ce qui relève des faits. Il y a d’une part des contre-vérités pures et simples qui continuent d’être mises en circulation, surtout auprès du grand public qui est la plupart du temps soumis à une “information” systématiquement unilatérale. Exemples : le prétendu antisémitisme, la prétendue interdiction faite à Husserl d’accéder à la bibliothèque de l’université de Fribourg en 1933, le prétendu « silence de Heidegger » après la Shoah (voir par exemple les articles Antisémitisme, Extermination, Husserl, Shoah, « Silence de Heidegger »). Il y a d’autre part des choses qui sont souvent évoquées de manière biaisée, faute de vérification relative à ce qui s’est vraiment passé, par exemple le sens et les limites de l’adhésion au parti national-socialiste, ou le déroulement de la procédure de dénazification (voir par exemple les articles Dénazification, Parti nazi). Sur tous ces points, il est désormais loisible, au moyen de faits, de documents et de témoignages de s’informer complètement. Le Dictionnaire Martin Heidegger donne à tout un chacun les moyens d’aller vérifier par soi-même ce qui s’est véritablement passé.

    2. Mais il y a d’autres questions, qui sont en général traitées de manière parfois spectaculaire et sensationnelle, alors que ce sont des questions philosophiques qui ne peuvent pas être réglées de manière expéditive en faisant l’impasse sur une connaissance approfondie de la pensée de Heidegger, c’est-à-dire, sans un travail de longue haleine. Le Dictionnaire ne prétend ni dispenser de ce travail ni y mettre un terme en se contentant de réponses toutes faites, mais vise tout au contraire à en ménager la possibilité. Il s’agit ici de quitter enfin une bonne fois le plan de « l’affaire Heidegger » afin d’ouvrir la voie à un travail qui atteigne la rigueur philosophique que réclame la pensée de Heidegger. En sortant de l’agitation de « l’affaire Heidegger », il s’agit de commencer par situer avec la précision philosophique qui leur revient des questions souvent réglées jusqu’ici dans une atmosphère de rumeur. Il s’agit donc de sortir de la vaine alternative entre accusation et défense pour s’inscrire dans l’exigence de la lecture attentive de textes souvent difficiles et mettre un véritable travail en chantier, à savoir selon deux axes majeurs :
    A) Cerner le sens de l’erreur de Heidegger au moment où, entre 1933 et 1934 il s’engage, dans le cadre de l’université, en faveur d’Hitler, sans jamais cautionner le biologisme antisémite et raciste propre à l’idéologie nazie (voir par exemple les articles Allemand, Kolbenheyer, Hitler, Nazisme, Peuple, Rapport Jaensch, Rectorat). Erreur qui ne va pas, à partir de sa reconnaissance en 1934, sans une honte que Heidegger n’a jamais cachée.
    B) Dégager la manière dont, après l’erreur, la pensée que Heidegger développe au sujet du nihilisme et du règne de l’efficience technique totale, livre une interprétation historiale du nazisme, mais aussi du communisme, et du libéralisme planétaire (voir par exemple les articles Bâtir, Brutalité, Extermination, Führer, Génétique, Gigantesque, Nihilisme, Organisation, Racisme, Sécurité, Shoah, SS, Totalitarisme, Utilité, Violence). Au vu de la manière dont « l’affaire Heidegger » occupe le devant de la scène en faisant le plus souvent écran aux véritables questions, il est intéressant de se demander pour quelle raison on ne veut pas prêter l’oreille à la manière dont un grand penseur de son temps a bel et bien pensé les catastrophes humaines sans précédent qui ont marqué son époque (en plus des articles précédents, voir aussi Atome, Communisme, Lénine). Il apparaît également que cette pensée du nihilisme et de la technique n’a rien perdu de son actualité et même qu’elle est de grande utilité pour appréhender notre monde actuel, ses dérives – mais aussi ses possibilités inouïes.
    La rubrique thématique intitulée « Politique, technique et Temps nouveaux » comprend environ 80 articles.

    III. Les indications biographiques (gens, lectures, lieux), parfois agrémentées d’anecdotes ou de souvenirs (plusieurs auteurs ont connu et côtoyé Heidegger), ne sont pas traitées de manière purement factuelle, mais à la lumière de la pensée de Heidegger, et dans le but de l’éclairer.
    L’ensemble du livre est émaillé d’articles souvent très simples, parfois très courts, qui contribuent à rendre vivante la figure d’un penseur au sein de son époque et parmi ses contemporains. Ces articles concernent : des lieux en rapport avec sa pensée et sa vie, des auteurs ou des lectures particulières qui ont nourri sa pensée et les personnes, parmi ses contemporains qui ont trouvé chez Heidegger une résonance ou une inspiration dans sa pensée.

    De manière générale, il faut souligner que la présentation faite de Heidegger pour le grand public à partir de son seul engagement a tendance à réduire l’ensemble de sa pensée aux questions politiques (qui sont de surcroît souvent mal posées), en occultant la multiplicité des directions dans lesquelles cette pensée s’est orientée et a trouvé des échos – multiplicité parfois pleine de surprise, que les 615 entrées du Dictionnaire entreprennent de refléter.

    En Annexes du livre figurent : une chronologie de Martin Heidegger, et, pour la première fois en France : la liste complète de ses cours et séminaires ainsi que le plan de l’édition intégrale répartie en 102 volumes.

    24 Auteurs, presque tous professeurs de philosophie, ont eu à cœur de travailler à ce livre : Massimo Amato, Philippe Arjakovsky, Ingrid Auriol, Guillaume Badoual, Stéphane Barsacq, Maurizio Borghi, Jean Bourgault, Pascal David, Cécile Delobel, Guillaume Fagniez, François Fédier, Hadrien France-Lanord, Adéline Froidecourt, Jürgen Gedinat, Jean-Claude Gens, Gérard Guest, Pierre Jacerme, Fabrice Midal, Florence Nicolas, Dominique Saatdjian, Alexandre Schild, Peter Trawny, François Vezin, Stéphane Zagdanski. "

     

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  • L'affaire Richard Millet...

    Les éditions Jacob-Duvernet viennent de publier un essai de Muriel de Rengervé intitulé L'affaire Richard Millet - Critique de la bien-pensance. Muriel de Rengervé, normalienne, agrégée d'histoire, est romancière.

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    " A peine quelques jours après la parution par l'écrivain Richard Millet du court texte Eloge littéraire d'Anders Breivik, le 24 août 2012, un emballement médiatique s'est déclenché. Tout ce que Paris compte d'intellectuels, d'écrivains, grands et petits, de penseurs, de critiques littéraires, de censeurs autoproclamés, s'est mobilisé pour organiser la mise à mort sociale, littéraire, intellectuelle, de Richard Millet.
    Qui a vraiment lu le texte de Millet ? Très rares ont été ceux qui ont accepté de débattre avec lui. Le Clézio, Annie Ernaux, à l'origine d'une pétition, Bernard-Henri Lévy, et d'autres participent à la curée. Ils auront gain de cause : le 13 septembre 2012, Richard Millet doit démissionner du comité de lecture de Gallimard, tout en continuant son travail d'éditeur. Les pressions médiatiques et les réactions individuelles l'ont emporté.
    Dans la France du début du XXIe siècle, le débat d'idées serait-il devenu impossible ? L'autre, celui qui professe une opinion différente, est refusé, rejeté, mis au ban, considéré comme un menteur et, insulte devenue courante, comme un fasciste. Une chape de plomb semble s'être abattue sur la vie intellectuelle et littéraire, où toute idée dissonante, tout propos dérangeant est immédiatement disqualifié.
    Le moralisme et l'antiracisme, nouveaux dogmes imposés à toute la société, se sont mués en maccarthysme. La France est-elle entrée dans l'ère du terrorisme intellectuel ? "

     

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  • Alain Finkielkraut et « L’identité malheureuse »...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Didier Marc, cueilli sur Polémia et consacré au dernier ouvrage du philosophe et essayiste Alain Finkielkraut, L'identité malheureuse (Stock, 2013), qui rencontre un succès mérité en librairie...

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    « L’identité malheureuse » de Alain Finkielkraut

    La sortie du dernier livre de l’auteur de « La Défaite de la pensée » a donné lieu dans une certaine presse à un déluge de commentaires absolument délirants ! Dans « Le Monde », Jean Birnbaum estime ainsi qu’Alain Finkielkraut « ne s’appartient plus lui-même », Jean-Marie Durand des « Inrocks » dénonce sa « mélancolie revêche », son « humeur maladive », Frédéric Martel dans « Slate  »  parle de « la faillite d’une grande intelligence », d’un « esprit devenu malade » et qu’il faut « combattre », enfin, pour Aude Lancelin de « Marianne » il n’est qu’ « un agité de l’identité ». Finkielkraut serait donc un aliéné, un malade qu’il faut enfermer, sinon abattre ! Ces propos totalitaires de plumitifs soi-disant libertaires suffiraient à justifier l’achat de « L’identité malheureuse », mais, au-delà de la réaction à de telles infamies, il importe de lire et de faire lire cet essai car son contenu est essentiel.

    La notion d’identité, réponse romantique à la notion d’égalité

    Avant de traiter le thème de l’identité stricto sensu, Finkielkraut aborde notamment la question de la « mixité française » en évoquant la question du port du voile ou de la burqa dont il approuve l’interdiction, au nom, certes, de la laïcité, mais surtout de la défense « d’un mode d’être, d’une forme de vie, d’un type de sociabilité », c’est-à-dire d’une « identité commune ». C’est à partir de ce concept qu’il s’attache au sujet principal de son livre (l’identité française), dans un long chapitre intitulé « Le vertige de la désidentification ».

    Il rappelle d’abord que c’est le romantisme qui a introduit la notion d’identité comme réponse à la notion d’égalité conçue par la philosophie des Lumières et mise en pratique par la Révolution. A la suite d’Edmond Burke, auteur de Réflexions sur la Révolution de France, les penseurs politiques du romantisme souligneront l’importance de « l’appartenance, de la fidélité, de la filialité, de l’inscription dans une communauté singulière ». Plus tard, Maurice Barrès écrira que « l’individu s’abîme pour se retrouver dans la famille, la race, la nation, et proclamera sa volonté de défendre avant tout son « cimetière », c’est-à-dire « la suite de [ses]descendants » qui ne font « qu’un seul et même être ».

    Contre « l’oikophobie », la détestation de son propre pays

    Depuis, certains intellectuels s’efforcent de déconstruire tout ce qui touche à l’identité nationale. A la prétendue xénophobie des Français, ils opposent « l’oikophobie », (oikos signifie « maison »), c’est-à-dire la détestation de son propre pays. Pour les « oikophobes », l’immigration de peuplement est une chance pour la France, et les étrangers doivent nous apprendre « au moins à devenir étrangers à nous-mêmes, à nous projeter hors de nous-mêmes, assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s’achève » (Alain Badiou).

    Commentant l’abandon du débat sur l’identité nationale et la dissolution de la Maison de l’Histoire de France, Finkielkraut  écrit : « La France n’occupe plus le tableau. […] Elle n’est plus un singulier collectif, le substrat d’une aventure ou d’un destin, mais un réceptacle d’histoires multiples ». Le dessein des « oikophobes » est de « neutraliser l’identité domestique, cette chimère assassine, au profit des identités diasporiques et identitaires ». Désormais, poursuit-il, « l’origine n’a droit de cité qu’à condition d’être exotique » et « notre identité n’est faite que de diversité ». Dans le même temps, alors que s’exerce une véritable dynamique « d’effacement des frontières et de nivellement des différences », le Système gère la désintégration nationale, phase ultime avant la mort de l’identité française.

    S’il dénonce avec virulence et pertinence les ravages de la société multiculturelle (on regrette cependant qu’il passe sous silence les méfaits de la mondialisation), Alain Finkielkraut prononce avant tout avec ce livre un vibrant et bienvenu plaidoyer en faveur de l’identité nationale. On ne peut que s’en réjouir !

    Didier Marc (Polémia, 4 décembre 2013)

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  • Les gentlemen flingueurs...

    Les éditions Gallimard viennent de publier un premier volume de la Correspondance entre Paul Morand et Jacques Chardonne, deux pestiférés de la littérature de l'après-guerre, suite à leur engagement dans le camp des perdants. Nous reproduisons ci-dessous la présentation faite du livre par Jérôme Dupuis dans L'Express...

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    Paul Morand et Jacques Chardonne, gentlemen flingueurs

    "Nos lettres pourraient être publiées, en l'an 2000, sous le titre "Après nous le déluge", non?" Nous sommes le 12 février 1960, quand Paul Morand, ancien ambassadeur de Vichy à Bucarest, lance cette boutade à Jacques Chardonne, ex-vedette du "voyage des écrivains " dans le Reich hitlérien. Depuis dix ans déjà, ces deux réprouvés s'écrivent chaque jour de longues lettres, dans lesquelles ils ont décidé de tout dire. Une "bombe enfouie pour l'Histoire future", résume Chardonne, qui stocke les missives de son ami dans son coffre-fort, à côté de l'or de son épouse. 

    Ces lettres sentant le soufre, nous en avons enfin sous les yeux une première livraison, parfaitement annotée, de 1100 pages, couvrant les années 1949-1960, en attendant deux autres volumes... 

    Malraux? "Mythomane" Sagan? "Médiocre"

    Après eux, le déluge, en effet. Les deux "tontons flingueurs" des lettres n'ont plus rien à perdre. Le plus brillant est sans conteste Paul Morand : à 70 ans, cet ex-diplomate marié à une princesse roumaine sillonne encore l'Europe au volant de sa Studebaker, toujours entre une chasse à courre dans le Kent et un dîner avec Charlie Chaplin.  

    Ses lettres, sorte d'autobiographie affranchie, sont éblouissantes. Il a tout lu, tout vu, tout bu. Ce ne sont que : "C'est Oscar Wilde qui avait conseillé à mon père de m'envoyer à Oxford..." et autres : "Proust me disait toujours..." Son ami Proust, qui le surnommait "le plus perfide des attachés d'ambassade", comme il le rappelle ici dans un génial pastiche de Balzac. 

    Chardonne, lui, en héritier d'une lignée de producteurs de cognac charentais, savoure, taillant ses chers rosiers dans sa maison de La Frette, sur une boucle de la Seine. Ancien propriétaire des éditions Stock, il joue les agents littéraires pour son ami et distille tous les ragots de Saint-Germain-des-Prés. 

    L'occasion, pour ces deux bannis, de se livrer à un joyeux ball-trap. Mauriac, leur bête noire de L'Express ? "Lançant une grosse erreur, et se mettant, par gaminerie, la main devant la bouche, pour la rattraper et se faire pardonner et se faire pardonner. Malheureusement, il insulte en public et se fait pardonner en privé, ce qui est lâche." Pour les autres, ce sera plus lapidaire. Malraux? "Mythomane." Sagan? "Médiocre." Julien Green? "Pédé-chrétien." Le Nouveau Roman? "Illisible." Mais Morand est aussi capable de s'enthousiasmer pour A bout de souffle...

    Le "traître" de Gaulle

    Et puis, il y a la divine surprise des hussards. Car cette Correspondance est aussi l'histoire de la résurrection littéraire de ces deux "iguanes préhistoriques des Galapagos". Morand et Chardonne sont soudain fêtés par une génération de jeunes insolents - Nimier, Blondin, Déon, Millau... Ils rajeunissent au contact de ces joyeux anti-sartriens, qu'ils retrouvent pour des soirées au champagne et couvent com -me leurs propres enfants (si Nimier a des problèmes cardiaques, ils l'envoient illico consulter l'ancien médecin de... Pétain!). Promus colonels des hussards, les voilà qui découvrent la "jeunesse de la vieillesse". 

    Les épreuves ne manquent pas, pourtant. En mai 1958, Morand, fantôme de Vichy parti à l'assaut du Quai de Conti, échoue d'une voix à l'Académie. Une semaine plus tard, c'est le "traître" de Gaulle qui revient au pouvoir, ce général auquel les deux épistoliers dénient jusqu'à sa particule, l'appelant assez comiquement "Gaulle" dans leurs échanges. C'est que les deux réprouvés n'ont rien abdiqué de leur passé. "Je ne renie rien du Ciel de Niefheim", écrit Chardonne, faisant allusion à son ode à l'Allemagne hitlérienne, parue en 1943. 

    Quant à Morand, il ne manque jamais une occasion de dénoncer les "judéonègres". (Pas un seul mot sur la Shoah en 1100 pages, chez ces deux intellectuels qui refont le monde de l'après-Yalta.) "Il faut faire attention à ce que l'on écrit. Il y a des mots qui ne s'effacent pas", prévient pourtant Chardonne. Ils n'en ont cure. Le déluge peut commencer.

    Jérôme Dupuis (L'Express, 1er décembre 2013)

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  • Un homme dans l'empire...

    « Nous n’étions pas qu'une machine à faire la guerre mais nous prétendions édifier un empire qui civiliserait peu à peu le monde connu ou, du moins, celui que nos armes pourrait forger, et c'était cet idéal que je souhaitais servir. »

    Les éditions L'Age d'Homme viennent de publier Un homme dans l'Empire de Dominique Inchauspé. Avocat, auteur de plusieurs essais, comme L'erreur judiciaire (Puf, 2010) Dominique Inchauspé nous livre un roman qu'on peut placer dans la lignée du Désert des Tartares (1940) de Buzzati, d'Héliopolis (1949) de Jünger ou du Rivage des Syrtes (1951) de Gracq...

     

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    " Dans un bastion en face du fleuve Bellore, le capitaine Varlien écrit, des semaines durant, à une femme dont il a divorcé. Lertère Varlien sert dans l’armée d’un empire intemporel, mélange de l’Algérie de la conquête française, de celle des opérations de maintien de l’ordre et aussi des frontières nord de l’Empire romain. Académie militaire puis première affectation dans les Provinces archaïques à feu et à sang, le jeune homme mûrit vite. De retour à la capitale, il est entraîné dans un jeu mondain qui le séduit et où il séduit une femme d’une beauté hors du commun. Ils s’épousent puis divorceront. Ses lettres dont il retarde l’envoi deviennent une sorte de journal de marche de son esprit : anecdotes de guerre atroces, interrogations sur la cruauté, méditations sur la chose militaire et sur l’idée impériale… Au printemps, l’Armée combattante passera sur la rive barbare du Bellore et cherchera à y venger une défaite cuisante.

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