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Livres - Page 447

  • Et si demain nous étions coupés du monde ?...

    Les éditions Flammarion viennent de publier un roman de Bernard Quiriny intitulé Le village évanoui. Professeur de droit public, Bernard Quiriny écrit là son deuxième roman, mais a également à son actif trois recueil de nouvelles, dont les savoureux Contes carnivores (Seuil, 2008), hantés par Gould son personnage fétiche...  Nous reproduisons l'entretien qu'il a donné au Figaro à l'occasion de la parution de ce roman.

     

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    Bernard Quiriny: «Et si demain  nous étions coupés du monde?»

    LE FIGARO. - Comment avez-vous eu l'idée d'imaginer ce que deviendrait  un village français contemporain soudain coupé du monde?

    Bernard Quiriny. - J'avais envie de poser des questions sur notre place dans le grand capharnaüm où nous vivons actuellement et sur ce qui se passera quand nous en serons coupés, ce qui finira forcément par arriver. Il y a cent ans, nous vivions dans un environnement qui allait jusqu'aux bourgs voisins ; aujourd'hui, il s'est élargi à la planète. Nous sommes distraits en permanence de notre vie par des événements lointains. Et nous dépendons de la terre entière. Cela m'amusait de montrer qu'en cas de crise qui nous couperait du monde, les valeurs seraient renversées: l'intellectuel serait démonétisé, l'informaticien aussi, tandis que la cote des paysans et des savoir-faire pratiques remonterait en flèche. Par ailleurs, nous vivons dans un pays centralisé où tout est organisé par l'État. Face à l'obligation de se prendre en main collectivement, comme mes villageois, comment réagirions-nous?

    Pourquoi avez-vous choisi de faire cette expérience imaginaire  dans un village et pas dans un quartier de Paris, par exemple?

    Dans un arrondissement comme le VIe, où nous sommes, les protagonistes auraient tenu deux semaines, après ils se seraient tous entretués faute de vivres, puisqu'on ne peut pas manger des chemises Armani. Le roman aurait donc tourné court. Cette situation d'autarcie ne pouvait être viable que dans un village, avec des ressources et des terres cultivables. Et puis j'avais envie d'un roman à la Clochemerle…

    Au fond, vos personnages  se retrouvent en l'espace d'une nuit dans une configuration féodale?

    Oui, à ceci près que si les conditions spatiales redeviennent féodales, les mœurs, elles, sont d'aujourd'hui. Ce qui crée des frictions… Mais c'est vrai, et je ne l'avais pas prémédité, qu'au bout d'un temps, un paysan plus volontaire que les autres crée une sorte de seigneurie où ceux qui le veulent peuvent venir travailler et vivre, tandis qu'une poignée de jeunes gens crée un monastère. Si le prix du baril de pétrole flambait et que l'énergie vînt à manquer - finis les avions et les voitures -, nous pourrions en revenir à cette géographie quasi féodale. Que se passerait-il?

    Vous confrontez deux figures d'hommes politiques.

    En quelque sorte. Il fallait un trouble-fête pour faire rebondir l'histoire: j'ai donc imaginé ce paysan qui fait sécession pour empêcher la municipalité de réquisitionner ses stocks. Face à lui, le maire, qui est un brave gestionnaire. Dans un premier temps, les habitants se satisfont de cet édile qui gère prudemment la crise et fait en sorte que ses administrés ne meurent pas de faim. Mais à mesure que le temps passe et qu'ils perdent l'espoir d'être un jour reconnectés au monde, ils ont besoin d'un chef plus charismatique, qui leur donne une perspective. La gestion à la corrézienne ne suffit plus, il leur faut l'appel de Londres. On voit aussi que, selon leur caractère, certains préfèrent le côté rassurant du gestionnaire, et d'autres, l'homme qui prend des risques mais donne un élan. Je n'aimerais pas trop vivre une telle crise parce que j'aime la stabilité. La moindre panne de courant me panique. Mais si ça arrivait, je serais curieux de voir comment les politiques réagiraient.

    Vous n'êtes pas tendre avec l'homme de gauche qui propose de tout mettre en commun…

    C'est un idéologue. C'est amusant de mettre en scène des imbéciles. Je voulais montrer aussi les différentes options en cas de pénurie. En réalité, ceux qui sont communisants dans ces moments-là sont d'abord ceux qui ont faim.

    Lorsqu'il accuse le paysan  qui a fait sécession d'être sectaire, vous écrivez qu'il projette  sur l'autre sa propre intolérance.

    Rien n'est plus intolérant qu'un ­apôtre de la tolérance. Le réel finit toujours par mettre à mal ses bons sentiments. Il prône l'indulgence universelle, puis, le jour où on lui vole son portefeuille, il réclame le ­retour de la guillotine.

    Vous décrivez avec une certaine ironie le regain de foi des habitants.

    Face à un événement qui nous dépasse, il est naturel de se poser des questions spirituelles, auxquelles nous réfléchissions jadis le dimanche, avant de préférer faire nos courses ce jour-là. Un choc peut provoquer une conversion. Cela dit, aller à la messe pour des raisons utilitaires, comme les villageois du roman, ce n'est pas en­core une conversion.

    Vous semblez néanmoins  éprouver une certaine sympathie pour votre prêtre.

    J'aime bien les personnages de curés.

    Au début du roman, on a le sentiment que le retour à un espace à taille humaine vous stimule et vous réjouit: les habitants montrent qu'ils ont des ressources, ils s'entraident. Puis l'hiver arrive et ça dérape.  Vous avez une vision pessimiste  de la nature humaine?

    Réaliste, plutôt: ils ont fait ce qu'ils ont pu. Il est inutile d'en demander trop à l'homme. Il est capable de réalisations grandioses, mais, face à la nature, et a fortiori au surnaturel, il reste un vermisseau. Alors oui, on peut voir ça comme une satire de l'orgueil, de l'homme qui se croit capable de tout et qui se veut souverain.

    Au fond, vos villageois baissent  les bras quand ils n'espèrent plus rien?

    Oui. Et je ne leur jette pas la pierre. Après la stupeur initiale et les efforts déments pour s'adapter, ils prennent la mesure de leur petitesse. Que la planète soit grande ou minuscule, le fond de l'homme reste le même.

    Bernard Quiriny (Le Figaro, 13 février 2014)

     

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  • Dictionnaire de l'Italie fasciste...

    Les éditions Vendémiaire viennent de publier un Dictionnaire de l'Italie fasciste, de Philippe Foro. Maître de conférence à l'université de Toulouse, Philippe Foro est un spécialiste de l'Italie contemporaine. On lui doit, notamment Une longue saison de douleur et de mort (Vendémiaire, 2011), un excellent essai sur l'affaire de l'assassinat d'Aldo Moro.

     

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    " De A comme Affaire Matteotti à Z comme Zone d'occupation italienne en France en passant par Chemises noires, Calcio, Cinecittà ou Homme nouveau, il fallait un dictionnaire pour appréhender le fascisme, ce phénomène complexe qui fut l'un des trois grands systèmes totalitaires du XXe siècle. Philippe Foro analyse en profondeur tous les différents aspects de ce régime politique qui a dominé l'Italie de 1922 à 1945 : politiques, institutionnels, diplomatiques, militaires, sociaux, économiques et culturels. Ses inspirateurs, son chef, sa doctrine, le consensus qu'il réussit à susciter mais aussi sa politique extérieure, son ambition de faire de l'Italie une grande puissance et son effondrement : autant de points traités en tenant compte des données historiographiques les plus récentes. "

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  • Après la chute...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier un roman d'Olivier Rey intitulé Après la chute. Chercheur au CNRS et enseignant à l'école Polytechnique, Olivier Rey est l'auteur d'un essai remarquable intitulé Une folle solitude - Le fantasme de l'homme auto-construit (Seuil, 2006). Il a également contribué au dernier numéro de la revue Krisis (Sciences ?, n°39, septembre 2013).

     

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    " « Eh bien quoi, le Moyen Âge ? C’était une époque concrète. Pour manger on ne réchauffait pas de barquettes aux micro-ondes, pour faire la guerre on n’envoyait pas de missile téléguidé. Les choses avaient l’apparence de ce qu’elles étaient. Prends une épée, ou une masse d’armes : pas besoin de réfléchir pour saisir le danger ! Alors que les mines actuelles, avant que ça explose on pourrait aussi bien les prendre pour des roues de brouette, ou des essoreuses à salade. Un homme qui passait sur son cheval pouvait être érotique. Aujourd’hui, un homme qui passe dans son monospace n’a rien d’érotique. Les voitures, les bureaux, les ordinateurs, les immeubles et les pavillons, les voyages en avion, les vacances-club : rien de tout cela n’est érotique. Divorce radical entre la vie moderne et l’érotisme. En toute logique les relations sexuelles auraient dû disparaître, et les vieux interdits ont été liquidés parce qu’au point où nous en sommes, ce serait imposer un régime amaigrissant à une anorexique. »

    C’est Alix, jeune doctorante en histoire médiévale, qui constate. Plus caustique qu’une Bridget Jones, seule, face au monde saturé de chiffres, de ratios et de performances en tous genres. Ce n’est plus l’homme idéal qu’elle recherche, à travers des expériences érotiques plus décevantes les unes que les autres, mais celui qui lui ferait reprendre contact avec le réel.

    Olivier Rey nous entraîne au cœur d’une allégorie de l’égarement, aussi glaçante que savoureuse, qui s’étend entre l’infiniment petit d’une société hyperquantifiée et les aspirations sans limites d’une jeune femme en quête de réalité et de salut. "

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  • La fin d'une civilisation....

    Les éditions Alma viennent de publier un essai historique de Bryan Ward-Perkins intitulé La chute de Rome - Fin d'une civilisation. Historien et archéologue, professeur à Oxford, Bryan Ward-Perkins est un spécialiste de la fin de l'Empire romain.

     

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    " À Ravenne, le 4 septembre 476, le jeune empereur Romulus Augustule - « le petit Auguste » - est contraint d’abdiquer par Odoacre, roi des Hérules – un peuple germanique venu de Scandinavie s’installer sur les bords de la mer Noire. L’empire d’Occident disparaît, ce qui est vécu comme une fin du monde par les habitants de l’aire culturelle et politique romaine.
    Quinze siècles plus tard ce tournant capital de l’Histoire reste fascinant et mal connu. Parler de la chute de Rome, des grandes invasions et du remodelage tumultueux de l’Europe par les royaumes barbares, c’est aussi s’interroger sur notre propre culture, sur les identités nationales et sur la hantise du déclin. Faut-il parler d’un soudain basculement dans les « âges sombres » ou ne voir, au contraire, dans les temps troublés de l’Antiquité tardive, qu’une turbulente période de mutation ?
    Se fondant sur ses travaux novateurs d’archéologue, Bryan Ward-Perkins démontre, preuves à l’appui, que les invasions barbares provoquèrent un effondrement spectaculaire touchant tous les domaines : politique, économie, religion, vie quotidienne. Avec humour, érudition et passion, il conteste l’idée, dominante chez les historiens d’aujourd’hui, d’une transition entre l’Antiquité et le Moyen Âge. Il montre au contraire la fin violente et le soudain décrochage d’une culture. Il fait aussi revivre, de façon concrète et frappante, cette civilisation dont les innovations et le niveau de vie furent balayés en quelques décennies pour n’être retrouvés qu’au terme de plusieurs siècles. "

     

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  • La République des censeurs...

    Les éditions de L'Herne viennent de publier un essai de Jean Bricmont intitulé La République des censeurs. Professeur et chercheur en physique théorique, Jean Bricmont s'est fait connaître dans le monde des idées par un livre, Impostures intellectuelles (Odile Jacob, 1997), écrit avec Alan Sokal dans lequel il étrillait quelques pontes (Gilles Deleuze, Julia Kristeva, Bruno Latour, ...) de la pensée socio-philosophique française...

     

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    "De nombreux conflits en France sont « identitaires », par exemple sur l’Islam, le communautarisme, le sionisme et l’anti-sionisme, le racisme-sexisme-homophobie. Un des facteurs qui alimente ces conflits est que la notion de liberté d’expression et la séparation correcte privé-public n’est que très rarement comprise et encore plus rarement défendue. On aboutit à un climat généralisé de dénonciation mutuelle et une montée des antagonismes entre communautés.

    Cet ouvrage passera en revue, en les critiquant, les arguments en général avancés pour justifier la censure. Il montrera également qu’aucun critère ne peut être appliqué de façon impartiale (il est facile de donner des exemples de propos « scandaleux » proférés par de grands penseurs et qui sont en pratique non censurables). On tombe inévitablement dans le « deux poids, deux mesures », ce qui ne fait que renforcer la frustration de ceux qui estiment ne pas pouvoir d’exprimer.
    La loi Gayssot sera également abordée dans son caractère exceptionnel, et par conséquent absurde (aucun autre propos sur l’histoire n’est censuré). Elle entraîne des peines de prison effectives et de nombreux abus: Gollnisch par exemple a été poursuivi et suspendu d’enseignement pendant 5 ans pour des propos qui n’avaient rien de « révisionniste », ce qui a d’ailleurs été reconnu par la Cour de Cassation.

    La « lutte contre l’antisémitisme » sert de modèle si on peut dire pour d’autres « luttes »: contre le racisme, le sexisme, l’homophobie, ou l’islamophobie. Comme il n’existe pas de lois explicitement discriminatoires en France (aujourd’hui, contrairement au passé ou à d’autres pays), on ne peut pas « lutter » pour les abolir.

    Ces luttes par conséquent ne peuvent plus viser qu’à changer les mentalités (qui sont, bien sûr, le siège de nombreux préjugés). Mais, comme cela n’est pas simple à réaliser, ces luttes reviennent en pratique à « dénoncer » publiquement les propos jugés scandaleux ainsi que leur auteurs, sans jamais débattre réellement du contenu des propos en question ni accorder le droit à la défense aux auteurs diabolisés.

    Tout cela crée un climat généralisé de dénonciation, qui tourne souvent à la farce, et dont on peut sérieusement douter qu’il contribue de quelque façon positive que ce soit à l’évolution des mentalités."

     

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  • La souveraineté numérique...

    Les éditions Stock viennent de publier un essai de Pierre Bellanger intitulé La souveraineté numérique. Vous trouverez ci-dessous la critique stimulante que Guillaume Faye a fait de ce livre sur son blog J'ai tout compris.

     

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    Internet, la pieuvre américaine ?

    Le fondateur et directeur de Skyrock, Pierre Bellanger, par ailleurs créateur du premier réseau social français (skyrock.com), expert en Internet et analyste des médias, signe un nouveau livre, La souveraineté numérique (Stock, 253 p.), qui est probablement l’analyse la plus originale et fouillée de la Toile – et de son futur – parue à ce jour. Au rebours de l’optimisme béat souvent de mise en ces matières, la thèse de l’auteur fait froid dans le dos. Il faut citer ici intégralement la quatrième de couverture : « la mondialisation a dévasté nos classes populaires. L’Internet va dévorer nos classes moyennes. La grande dépression que nous connaissons depuis cinq ans n’est qu’un modeste épisode en comparaison du cataclysme qui s’annonce. La France et l’Europe n’ont aucune maîtrise sur cette révolution. L’Internet et ses services sont contrôlés par les Américains. L’Internet siphonne nos emplois, nos données, nos vies privées, notre propriété intellectuelle, notre prospérité, notre fiscalité, notre souveraineté.

    Nous allons donc subir ce bouleversement qui mettra un terme à notre modèle social et économique. Y a-t-il pour nous une alternative ? Oui. »

     

    Comparant le réseau Internet à l’espace océanique trans-frontières, l’auteur fait un parallèle entre la thalassocratie anglo-saxonne et l’hégémonie américaine sur la Toile planétaire. Sans oublier de préciser que la Chine, puissance ascendante et sans scrupules, est comme un pirate en embuscade. Les Européens et les Français restent bras ballants, renonçant à utiliser leur  énorme potentiel économique, à le transformer en puissance, voire même à le protéger. Face à ce que l’auteur appelle le « complexe militaro-numérique américain », l’Europe reste un nain, qui prend à peine conscience de ce qui lui arrive. Comme si nous ne savions pas que nous sommes au XXIe siècle et que le ”nomos de la Terre”, pour employer le concept schmittien, a changé de fond en comble. (1)

    La question de la souveraineté numérique, de la maîtrise d’Internet, fait évidemment beaucoup de moins de buzz que des sujets nettement moins importants (je n’ai pas dit sans importance puisque j’en traite par ailleurs avec vigueur) tels que le mariage homo ou la théorie du genre.

    Bellanger use d’un néologisme pertinent : les « résogiciels » c’est-à-dire les conglomérats numériques en réseaux qui tendent à maîtriser les processus et les flux économiques, d’amont en aval et inversement, pour l‘instant tous américains : Google, Apple, Amazon, etc. Espionnage, captation de toutes les données personnelles et collectives, maîtrise des leviers politico-économiques, contrôle des industries : la panoplie de puissance des géants américains de l’Internet, qui fonctionnent la main dans le main avec les super agences de renseignement et le Pentagone, ne cesse de croître, comme une vigne vierge ou une pieuvre.      

    La thèse de Bellanger est qu’il faut reconquérir une indépendance et une souveraineté abolies par l’Internet tel qu’il est aujourd’hui.  Car pour lui, il ne s’agit pas de diaboliser Internet mais de se le réapproprier, d’y réintroduire des principes démocratiques mis à mal par une dérive orwelienne des maîtres américains oligopolistiques du web ; loin de fulminer avec rogne impuissante contre l’ ”impérialisme US”, l’auteur appelle à jouer le jeu de la vie, de la politique et de l’histoire, selon une logique au fond schumpeterienne : l’innovation compétitive et la reprise en mains de son destin en cessant d’accuser les autres par fulminations morales, coups d’épée dans l’océan.  

    En inventant le concept de « souveraineté numérique », Bellanger fait avancer la science politique en ce qu’il est le premier à formuler cette extension du domaine de la souveraineté – et partant celui du champ politique – au XXIe siècle. Il présente, dans la seconde partie de son essai, un véritable plan de bataille pour reconquérir (ou plutôt conquérir) en France et en Europe, cette souveraineté. En créant nos propres résogiciels, pour nous réapproprier Internet et ses innombrables synapses.

    Car, pour les résogiciels et le complexe militaro-numérique US, l’Europe, démontre Bellanger, est le maillon faible, la proie principale, bien plus que l’Asie. En raison de son énorme PIB global  et de son absence conjointe de volonté et de synergie.

    L’auteur explique, contrairement aux clichés, que la puissance US (et bientôt chinoise par un étrange paradoxe de l’histoire) dans la sphère numérique – et dans toutes les autres, d’ailleurs – repose sur une étroite collaboration, patriotique au fond, entre l’État, le système militaro-industriel et le mercantilisme privé. C’est la logique de l’économie organique, telle qu’elle avait été décrite par François Perroux, qui n’a absolument rien de ”libéral” au sens d’Adam Smith. (2)

     Refuser de reconquérir et de maîtriser la sphère numérique aujourd’hui, c’est comme si jadis on avait renoncé à contrôler l’imprimerie,  à posséder une flotte hauturière ou à construire des chemins de fer, laissant ce soin à d’autres. 

    Sur le plan strictement économique, outre le champ politico-stratégique, Bellanger ouvre une autre piste, une autre interrogation : et si l’économie numérique (Internet au premier chef) était fondamentalement destructrice d’emplois, notamment dans les pays qui ne la maitrisent pas ?

    Bellanger, qui ne néglige pas la science-fiction réaliste, nous brosse un monde dominé par le soft-totalitarisme des réseaux numériques. Ses prédictions sont parfaitement impensables et horriblement possibles. Il est comme le médecin qui vous dit : ”vous voyez  ce petit bouton sur votre fesse gauche ? C’est une tumeur. Si vous n’y prenez garde, elle vous emportera ”.

    Contrairement à la tradition de la critique pure (qui est hémiplégique et hélas très française), Bellanger propose des solutions argumentées pour reconquérir l’indépendance numérique. Ces dernières sont, à proprement parler, gaullistes. C’est-à-dire l’alliance synergique de la puissance publique et de l’économie privée. Dans ses propositions, il essaie aussi de surmonter les handicaps des institutions européennes, par des solutions innovantes. Il prône, pour la France et l’Europe la liberté individuelle et l’indépendance collective : n’était-ce pas déjà la leçon d’Aristote, il y a de cela des milliers de révolutions circumsolaires  ?  

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 3 février 2014)

     

    NOTES

    (1) La révolution d’Internet, extrêmement véloce, qui marque le début du XXIe siècle et se caractérise par la constitution d’un ”nouvel espace” (en sus de la terre, de l’océan et de l’atmosphère/ espace proche) peut se comparer à ce qui s’est produit à la charnière XVe/ XVIe siècles par l’irruption de la dimension océanique post-méditerranéenne. 

    (2)  L’idée selon laquelle l’économie américaine serait ”libérale” et anti étatiste est d’une prodigieuse fausseté, comme je l’ai montré dans plusieurs de mes essais. Les USA refusent l’État Providence social mais ont totalement adopté le modèle de l’État-pilote du colbertisme, évidemment avec d’énormes variantes. Mais cela mériterait un autre article.

     

    NOTE LIMINAIRE

     Pour le philosophe Martin Heidegger, l’innovation technique (à l’image de l’évolution naturelle), intégralement liée à sa diffusion par l’économie, est un mécanisme aveugle et tâtonnant, dont il est impossible de prévoir les conséquences. Il parle de « processus sans sujet ». Et de fait, depuis des siècles, les progrès de la technoscience produisent des effets imprévus sur les plans sociologiques, économiques, anthropologiques, politiques ; des effets qui n‘avaient jamais été planifiés mais qu’on découvre ”quand il est trop tard”. Et auxquels il faut s’adapter a posteriori. Il en fut ainsi de l’agriculture de jachère, comme de l’imprimerie, des métiers à tisser,  de la poudre, du chemin de fer, de l’automobile, du télégraphe et du téléphone, de la radio et de la télévision, de l’aviation, des antibiotiques, du nucléaire, etc. Il en est aujourd’hui de même avec l’informatique, le numérique et Internet. Pour paraphraser Heidegger, l’homme invente un procédé supranaturel (”technique”, du grec technè, qui signifie à la fois ”art” et ”fabrication”) qui produit une réalité augmentée, laquelle agit en retour sur la société humaine de manière imprévue. L’artéfact technique « arraisonne » l’écosystème naturel et humain. C’est l’allégorie juive du Golem : la poupée qui échappe à son créateur et devient autonome. Néanmoins, un pilotage a posteriori de l’innovation est possible, mais il faut faire très vite, être hyper réactif : c’est ainsi que procèdent les ”résogiciels” dont parle Bellanger, pour maîtriser un système économique devenu extrêmement fluide.

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