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Entretiens - Page 118

  • A propos des Gilets jaunes...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à l'United World International, un centre de réflexion indépendant favorable à la souveraineté des nations, à propos de la révolte des Gilets jaunes. Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Décroissance ou toujours plus ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2018).

     

                                

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  • Regard sur l'influence souterraine des réseaux Soros...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec Pierre-Antoine Plaquevent, réalisé par Edouard Chanot pour son émission Parade - Riposte, et diffusé le 12 décembre 2018 sur Radio Sputnik, dans lequel il évoque l'influence souterraine des réseaux Soros. Journaliste, Pierre-Antoine Plaquevent vient de publier Soros et la société ouverte - Métapolitique du globalisme (Le Retour aux Sources, 2018).

     

                              

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  • Un Pacte mondial sur les migrations qui pourrait devenir contraignant...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Thomas Lesueur au Figaro Vox à propos de la signature par la France du Pacte de Marrakech sur les migrations. Jean-Thomas Lesueur est délégué général de l'Institut Thomas More.

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    «Le Pacte mondial sur les migrations pourrait devenir contraignant»

    FIGAROVOX.- Vous remettez en cause dans une note de l'Institut Thomas More, l'idée que le Pacte sera non -contraignant pour les États...

    Jean-Thomas LESUEUR.- Formellement, il n'est pas contraignant et invite seulement les États signataires à s'engager en faveur des objectifs qu'il affiche. Non contraignant, cela signifie qu'il ne constitue pas une convention au sens «classique» (il n'est pas un traité), ayant une valeur normative supérieure au droit interne des États.

    Pour autant, l'histoire juridique de ces quarante dernières années nous enseigne que des textes d'origine nationale ou supranationale, dépourvus au départ de tout caractère contraignant, viennent ultérieurement produire des effets concrets en irriguant des jurisprudences, voire intègrent formellement l'ordre juridique de certaines entités. Ce phénomène est particulièrement observable en matière de «droits de l'homme»: on peut citer la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui est entrée dans le «bloc de constitutionnalité» français après une décision du Conseil constitutionnel de 1971 ou la Charte des droits fondamentaux, adoptée en l'an 2000 par l'Union européenne, à laquelle le traité de Lisbonne de 2007 a octroyé une valeur juridiquement contraignante qu'elle n'avait pas à l'origine.

    La crainte d'une contrainte juridique ultérieure et indirecte passant par l'interprétation souveraine des juges (nationaux ou européens) est donc pleinement légitime, comme certaines juristes, en France et ailleurs, l'ont expliqué.

    Le Pacte revendique sa neutralité idéologique en matière de migrations. Est-ce vraiment le cas?

    C'est ce qu'affirment les promoteurs du texte. Ainsi Louise Arbour, représentante spéciale du secrétaire général des Nations unis pour les migrations, a-t-elle affirmé dans vos colonnes (29 novembre) que le Pacte «n'est ni favorable, ni défavorable à la migration comme telle, mais constate une réalité». Cela est inexact. En effet, dès son préambule, le Pacte explique au contraire que les migrations «sont facteurs de prospérité, d'innovation et de développement durable et qu'une meilleure gouvernance peut permettre d'optimiser ces effets positifs».

    Tout le texte est teinté de cette coloration favorable a priori et sans limites aux migrations, auxquelles il affirme par ailleurs qu'on ne peut rien. Il conviendrait seulement de se concerter pour les organiser.

    Certains objectifs visent pourtant à réduire ou contrôler les flux…

    Oui, quatre objectifs sur vingt-trois… Et ils sont soit flous («lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d'origine»), soit de simples pétitions de principe («renforcer l'action transnationale face au trafic de migrants», «gérer les frontières de manière intégrée, sûre et coordonnée»), soit banales («coopérer en vue de faciliter le retour et la réadmission des migrants en toute sécurité et dignité, ainsi que leur réintégration durable»).

    Le terme de «migrant» n'est-il pas trop imprécis pour prétendre décrire la réalité des situations migratoires?

    Si. Il s'est imposé dans le débat public et est en train de s'imposer dans le droit international. L'ONU distingue aujourd'hui le «réfugié» d'une part (qui relève de la Convention de Genève de 1951) et le «migrant». Ainsi présenté, tout candidat à l'immigration est «migrant», à l'exclusion du demandeur d'asile. Le mot confond donc ce qui était jusqu'ici distinct.

    En France, on distingue en effet classiquement quatre catégories d'immigration: pour raisons familiales (dont le regroupement familial), pour raisons liées à l'éducation (les étudiants), pour raisons liées à l'emploi (les travailleurs) et les autres raisons (dont les demandes d'asile). En effaçant ces catégories, le terme «migrant» crée un flou majeur, à commencer entre l'immigration légale et l'immigration illégale, et contribue à imposer une approche essentiellement émotionnelle de la question migratoire. Le texte emploie à six reprises la formule «tous les migrants, quel que soit leur statut migratoire», levant ainsi toute hésitation dans ces cas précis.

    Quel risque court-on à l'employer dans un accord international? On peut raisonnablement considérer qu'il se dégage du Pacte l'intention de prôner une réduction des différences de traitements entre les différentes catégories administratives de migrants, ce qui revient concrètement à brouiller les distinctions. Indirectement, cela peut être regardé comme un moyen de favoriser, sinon d'encourager, l'immigration illégale en renforçant les droits des migrants illégaux, tout en fournissant un matériau de choix aux juges: plus un texte est flou, plus il est possible de l'interpréter de manière extensive - ce qui se vérifie particulièrement en matière de droit d'asile, où l'appréciation de la notion incertaine de «persécution en raison de l'appartenance à un groupe social» présente dans la Convention de Genève s'est régulièrement étendue. Le caractère flou de la terminologie du Pacte pourrait ainsi s'avérer dangereux, l'interprétation restant à la merci des juges.

    Le Pacte affirme que la prise en charge des migrations doit se penser à l'échelon mondial. Est-ce pertinent?

    Comme pour la question du réchauffement climatique, le raisonnement appliqué ici est simple mais efficace: comme le problème est «mondial», c'est-à-dire qu'il s'observe partout dans le monde ou à peu près, la réponse devrait être «mondiale».

    Mais c'est un étrange raisonnement, si on s'y arrête un moment. La question du chômage ou du sous-emploi (des jeunes par exemple) est partout où elle se pose un grave problème social mais il ne vient à l'idée de personne d'instituer une politique de l'emploi mondial. Il en va de même pour l'éducation: l'accès à l'éducation et à la formation est un enjeu pour tous les pays du monde, dans leur diversité et leurs différences, mais on ne saurait appeler de nos vœux une politique éducative mondiale…

    Il en va de même pour l'immigration: on ne saurait édicter une norme mondiale en la matière. Il convient au contraire de laisser à chaque pays le soin de déterminer la politique migratoire qui lui convient, en fonction de ses besoins, de sa situation sociale propre, du souhait de sa population, etc. Cela ne signifie pas qu'il faille rejeter toute coopération et toute coordination mais qu'elle doit se faire sur la base de la souveraineté des États. Et puisque «les mobilités se produisent principalement entre les pays situés dans une même région du monde», comme l'affirme l'INED, c'est plutôt à l'échelon régional, et non mondial, qu'il convient de se concerter et d'agir.

    Jean-Thomas Lesueur (Figaro Vox, 12 décembre 2018)

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  • La racination contre la ploutocratie !...

    Le 5 novembre 2018, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Rémi Soulier, à l'occasion de la sortie de son essai intitulé Racination (Pierre-Guillaume de Roux, 2018). Critique littéraire, Rémi Soulié est l'auteur, notamment, d'un ouvrage intitulé Les châteaux de glace de Dominique de Roux (Les Provinciales, 2002), et d'un essai intitulé Nietzsche ou la sagesse dionysiaque (Seuil, 2014).

     

                                 

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  • Quoi qu’il se passe, les Gilets jaunes ont déjà gagné !...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Breizh Info, dans lequel il évoque la révolte des Gilets jaunes... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Décroissance ou toujours plus ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2018).

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    Alain de Benoist : « Quoi qu’il se passe, les Gilets jaunes ont déjà gagné »

    Breizh-info.com : Tout d’abord, comment analysez-vous les événements de ces derniers week-ends ?

    Ce que je trouve le plus frappant, c’est d’abord la continuité du mouvement. Alors que le gouvernement s’attendait à ce que la pression se relâche, elle ne se relâche pas. C’est le fruit d’une extraordinaire détermination, à laquelle s’ajoute encore une étonnante maturité. Non seulement les Gilets jaunes refusent de se définir en termes de « droite » ou de « gauche », non seulement ils se déterminent sans le moindre souci de ce que pensent les partis et les syndicats, mais ils ne se laissent prendre à aucun piège des journalistes, pour lesquels ils n’ont d’ailleurs que mépris. Sur les plateaux de télévision, ils tiennent des propos de bon sens, ils ne se démontent pas, ils restent d’une fermeté exemplaire sans pour autant apparaître comme des excités.

    Leur colère et leur résolution montrent qu’au point où la plupart d’entre eux sont arrivés, ils estiment n’avoir plus rien à perdre. Et en cela ils représentent parfaitement une France qui, au fil des années, s’est aperçue qu’elle ne parvient plus à vivre, et a même désormais du mal à survivre. D’où ce mouvement de révolte, qui s’est d’abord transformé en soulèvement populaire, puis en insurrection.

    Breizh-info.com : On a beaucoup reproché aux gilets jaunes de faire usage de la violence ?

    Disons-le d’abord d’emblée : le casseur en chef, c’est Emmanuel Macron. C’est lui qui a cassé les corps intermédiaires, déclassé les classes moyennes, rogné sur les acquis sociaux, permis aux revenus du capital de progresser au détriment de ceux du travail, augmenté les taxes et le poids des dépenses contraintes. C’est lui qui a été installé à la place qu’il occupe pour réformer le pays en sorte d’imposer aux « Gaulois réfractaires » les exigences de la logique du capital et les diktats du libéralisme. Le peuple ne s’y trompe pas, qui a immédiatement adopté comme mot d’ordre le slogan « Macron démission ! »

    Les violences enregistrées le 1er décembre, notamment sur les Champs-Élysées, ont surtout été le fait de casseurs et de pillards qui étaient totalement étrangers au mouvement des Gilets jaunes. On l’a bien vu place de l’Étoile quand ces derniers ont protégé la flamme du Soldat inconnu en entonnant la « Marseillaise » tandis que des individus cagoulés se livraient à des déprédations. Alors que la police connaît parfaitement les noms et les adresses de ces casseurs, on les a volontairement  laissés intervenir dans l’espoir de discréditer le mouvement, mais personne n’a été dupe. Si les violences ont été moindres le 8 décembre, c’est tout simplement que la police avait procédé dans ces milieux à des arrestations préventives.

    Cela dit, le vieux lecteur de Georges Sorel que je suis est sans naïveté devant la violence : elle peut en certaines circonstances être justifiée, sous réserve d’une certaine cohérence. Quand un pouvoir est devenu illégitime, l’insurrection est non seulement un droit, mais un devoir. On peut le regretter, mais aucun mouvement historique n’a jamais échappé complètement à la violence. Que je sache, la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, aujourd’hui célébrée comme une journée fondatrice de la République, s’est elle aussi accompagnée de quelques « débordements ». Mais surtout, il faut bien constater que, sans recours à la force, les Gilets jaunes n’auraient jamais rien obtenu. La « Manif pour tous », il y a quelques années, avait rassemblé des foules immenses, qui étaient finalement reparties bredouilles. On ne fait pas la révolution avec des gens bien élevés ! Les pouvoirs publics ont reculé cette fois-ci parce qu’ils ont pris peur. Cette peur se transformera un jour en panique.

    A la veille de la journée de samedi dernier, on a vu tous les représentants de la caste au pouvoir annoncer l’apocalypse pour le lendemain et lancer des « appels au calme » et « à la raison ». C’est une stratégie classique : après avoir diabolisé, condamné, diffamé, jeté de l’huile sur le feu, on essaie de désarmer la contestation en conviant tout le monde à se « réunir autour d’une table », ce qui est évidemment la meilleure façon de tourner en rond. Il est triste à cet égard que l’opposition « de droite » n’ait pas hésité à entonner le même refrain : mais il est vrai que ce n’est pas d’hier que la droite bourgeoise préfère l’injustice au désordre.

    Breizh-info.com : Comment expliquez-vous l’omniprésence des femmes dans le mouvement des gilets jaunes ?

    Quand on ne parvient plus à vivre avec le produit de son travail, ce sont les femmes qui s’aperçoivent les premières qu’il n’y aura plus rien à manger à la fin du mois. La situation des mères célibataires, aujourd’hui de plus en plus nombreuses, est encore plus dramatique. Mais cette omniprésence est éminemment révélatrice. L’une des caractéristiques majeures des grands soulèvement sociaux et populaires, c’est que les femmes y participent et sont même souvent au premier rang. C’est leur façon à elles de réaliser concrètement la parité, autrement que comme l’imaginent les précieuses ridicules qui, à Paris, ne jurent que par la théorie du genre, l’écriture « inclusive » et la lutte contre le « harcèlement ».

    Breizh-info.com : Vous parleriez d’un événement historique ?

    Oui, sans aucun doute. Le soulèvement des gilets jaunes est radicalement différent de tout ce à quoi on a assisté depuis des décennies. Les comparaisons avec le 6 février 1934 sont grotesques, celles avec Mai 68 le sont plus encore. Pasolini, en mai 1968, avait scandalisé ses amis de gauche en déclarant qu’il se sentait plus proche des CRS, qui étaient au moins des prolétaires, que des étudiants, qui n’étaient que des petits-bourgeois. Aujourd’hui, certains membres des forces de l’ordre ont osé fraterniser avec les gilets jaunes, parce qu’ils sont les uns et les autres issus des mêmes classes populaires. A la fin des émeutes de Mai 68, la France profonde avait défilé sur les Champs-Elysées pour dire son désir d’un retour au calme ; aujourd’hui, si elle manifeste de l’Etoile à la Concorde, c’est pour dire à Macron qu’il s’en aille. La nuance est de taille. En fait, pour trouver des précédents au mouvement des gilets jaunes, il faut revenir aux révolutions de 1830 et de 1848, ou à la Commune de 1871, pour ne rien dire des sans-culottes, des Cahiers de doléances et des états-généraux de 1789.

    Ce qui était au départ une simple révolte fiscale s’est très vite transformé en révolte sociale, puis en révolte généralisée contre un système dont le peuple de France ne veut plus entendre parler. Est-ce l’annonce d’une révolution ? Les circonstances pour cela ne sont sans doute pas encore réunies. Mais c’est pour le moins une répétition générale. Pour l’heure, le peuple fait usage de son pouvoir destituant. Il lui reste à réaliser qu’il possède aussi le pouvoir constituant et que ce à quoi il aspire ne pourra se réaliser que lorsque nous aurons changé, non seulement de régime, mais aussi de société. C’est alors qu’il sera temps de parler de VIe République, sinon de Deuxième Révolution française.

    Breizh-info.com : Et maintenant, que va-t-il se passer ?

    Difficile à dire. Macron ne remettra évidemment pas sa démission. Un référendum est plus qu’improbable (on ne sait d’ailleurs pas trop quelle pourrait être la question posée), une dissolution de l’Assemblée nationale risque d’ouvrir la voie à une cohabitation, un changement de Premier ministre (François Bayrou ?) est possible, mais ne résoudrait sans doute pas grand-chose. Le gouvernement a, comme d’habitude, réagi à la fois trop tard et trop maladroitement. Mais le résultat est là. Les élites sont paralysées par la trouille, les commentateurs ne comprennent toujours pas ce qui se passe, le programme de réformes macronien est définitivement compromis, et Macron lui-même, qui se rêvait en Jupiter siégeant sur l’Olympe, se retrouve petit Narcisse flageolant sur sa Roche tarpéienne face à un peuple qu’il dit entendre, mais qu’il n’écoute pas.

    Quoi qu’il se passe, les Gilets jaunes ont déjà gagné. Ils ont gagné parce qu’ils sont parvenus à faire reculer les pouvoirs publics, ce que n’avaient pas réussi à faire les familles bourgeoises hostiles au mariage gay, les adversaires de la GPA, les cheminots, les syndicats, les retraités, les fonctionnaires, les infirmières et les autres. Ils ont gagné parce qu’ils sont parvenus à rendre visible ce qu’on cherchait à rendre invisible : un peuple qui est l’âme de ce pays. Ils ont gagné en montrant qu’ils existent, qu’ils bénéficient du soutien presque unanime de la population, et qu’ils sont bien décidés à préserver leur pouvoir d’achat, mais aussi leur sociabilité propre. Ils ont gagné parce qu’en refusant d’être plus longtemps humiliés et méprisés, ils ont fait la preuve de leur dignité. Au second tour de la dernière élection présidentielle, l’alternative était paraît-il « Macron ou le chaos ». Les gens ont voté Macron, et en prime ils ont eu le chaos. Ce chaos s’étend désormais partout, en France comme ailleurs en Europe. A la merci d’une crise financière mondiale, l’idéologie dominante, responsable de la situation, a désormais son avenir derrière elle. Les temps qui viennent seront terribles.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh Info, 11 décembre 2018)

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  • Une démocratie gangrenée par l'idéologie progressiste...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Laurent Fidès au Figaro Vox à l'occasion de la réédition en collection de poche de son livre Face au discours intimidant - Essai sur le formatage des esprits à l'ère du modialisme (Toucan, 2015). Laurent Fidès est agrégé de philosophie.

     

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    « Notre démocratie est gangrenée par l'idéologie progressiste »

    FIGAROVOX.- Votre livre déconstruit les ressorts de l'idéologie contemporaine dominante. De quelle «idéologie» s'agit-il? Et le terme n'est-il pas exagéré, ou trop lourdement connoté?

    Laurent FIDÈS.- L'idéologie dont je parle est multiculturaliste, échangiste, déconstructiviste, elle nous promet un monde sans frontières, sans différences, atomisé, peuplé d'entités négociables et remplaçables. Plusieurs indices me font penser que nous avons affaire à une idéologie plutôt qu'à une doxa, même si elle n'est pas formalisée: le fait que ces idées soient présentées comme des vérités, voire comme des vérités scientifiques (portées par les «sciences humaines» qui jouent ici un rôle spécifique), le déni de réalité (l'idéologie est vraie, c'est le réel qui ment, comme lorsque vous croyez assister au changement de peuple qui se déroule sous vos yeux et que l'on vous explique que ce que vous voyez n'existe pas), la mobilisation de l'appareil idéologique d'État, de l'école primaire (qui inculque l'antiracisme dogmatique comme un catéchisme) à la Justice (qui criminalise les idées non conformes) en passant par l'Université et bien sûr les médias. Mais surtout cette idéologie, comme toute idéologie à toute époque, correspond aux intérêts de la classe dominante: cette hyperclasse d'affairistes et de financiers à laquelle s'agrègent tous les gagnants de la mondialisation ainsi que cette fraction de la petite bourgeoisie urbaine cultivée qui profite des retombées sociétales du système et y trouve en tout cas son compte.

    Vous parlez d'une «dichotomisation interne» à cette idéologie: qu'est-ce que vous entendez par là?

    J'appelle «dichotomisation interne» une technique de manipulation qui consiste à faire croire à un conflit en opposant simplement deux sensibilités prises au sein d'un même courant. En procédant ainsi, en faussant les lois de la symétrie et en marginalisant les contradicteurs sérieux, le système peut se reproduire à l'infini sans entorse apparente au principe du pluralisme.

    En fait, les oligarques et les technocrates qui détiennent le pouvoir sans l'avoir conquis (leur pouvoir étant d'origine économique) ont besoin des formes de la démocratie pour asseoir leur légitimité. Le problème est donc pour eux d'infléchir la consultation démocratique dans le sens de leur politique, du moins quand le peuple est consulté, ce qui n'est pas toujours le cas (il y a aussi des cas où l'on ne tient pas compte du résultat de la consultation parce qu'il ne va pas dans le sens attendu, comme au référendum de 2005). Pour cela il existe différentes techniques que j'analyse dans le livre. La dichotomisation interne en est une parmi d'autre. Par exemple on s'arrange pour maintenir la fausse division entre deux partis dits «de gouvernement», l'un de droite, l'autre de gauche, qui poursuivent en réalité les mêmes objectifs et ne diffèrent que par les moyens de les atteindre. L'alternance droite-gauche en France, a longtemps fonctionné sur ce modèle. Les voix dissidentes sont marginalisées, comme on l'a fait aux dernières présidentielles en décrétant qu'il y avait de grands et de petits candidats, et que les petits ne méritaient pas un temps de parole équivalent à celui des grands, ce qui manifeste une bien étrange conception de la compétition démocratique. Le mouvement «populiste» actuel déjoue ce procédé dichotomique en renvoyant dos à dos droite et gauche «de gouvernement» pour installer un autre clivage, non plus horizontal, mais vertical, politiquement plus significatif.

    Certaines idées, à l'inverse, sont «criminalisées»: par qui? Comment?

    Oui, le discours intimidant est un discours culpabilisant, qui diabolise, criminalise, anathémise, déshonore toute pensée non-conforme en la désignant comme fasciste, négationniste, monstrueuse et pathologique. Le coupable doit en venir à se mépriser, à se regarder comme infâme, indigne d'appartenir à l'humanité, il doit se détester ou se repentir. Vous me demandez par qui les idées non-conformes sont criminalisées? Je vous répondrai: par les gardiens de la pensée unique, journalistes, enseignants, universitaires, bref, par ceux que vous trouvez à tous les niveaux de l'appareil idéologique d'État. Voyez par exemple comment les journalistes traitent du «grand remplacement»: il faut toujours qu'ils disent «la théorie délirante du grand remplacement» alors que son inventeur, Renaud Camus, dit lui-même qu'il ne s'agit pas d'une «théorie». Dans un autre genre, voyez l'affaire Sylvain Gouguenheim.

    Ce professeur de l'École normale supérieure de Lyon, spécialiste d'histoire médiévale, avait voulu montrer dans un ouvrage académique que les textes grecs s'étaient transmis non pas principalement par le truchement des savants arabes, mais aussi par une filière latine que les historiens avaient tendance à négliger. Aussitôt une cabale fut organisée contre lui, par voie de pétition, pour l'accuser d'islamophobie. En réalité, beaucoup des signataires n'avaient pas ouvert le livre, la plupart ne connaissaient rien au sujet, et certains d'entre eux publiaient régulièrement des essais engagés à gauche, en qualité d'universitaires, sans trop se soucier pour leur propre compte de «la nécessaire distinction entre recherche scientifique et passions idéologiques» qui figurait dans leur pétition.

    Certaines voix pourtant se font entendre, et depuis plusieurs années déjà! Vous les citez: Zemmour, Lévy, Finkielkraut, Bruckner…

    En effet, on assiste depuis quelque temps à une libération de la parole, y compris dans les grands médias. Je crois qu'il y a plusieurs raisons à cela. Peut-être d'abord certaines règles du CSA. Sans doute aussi la course aux parts de marché: Zemmour, c'est vendeur! Et puis les journalistes savent que les idées dominantes ne sont pas majoritaires dans le pays: donc il faut bien aller un peu dans le sens de la majorité, sinon on se coupe d'une grande partie du public. Enfin, simple hypothèse, il n'est pas impossible que certains sentent le vent tourner et se préparent à la suite. Quoi qu'il en soit, tout cela reste sous contrôle. Les intellectuels non-alignés ne sont pas si présents. On en voyait dans l'émission de Frédéric Taddéi, soigneusement programmée en fin de soirée pour en limiter l'impact, mais l'émission a disparu, sans explication bien claire. J'ai beau regarder assez souvent la télévision, je n'y vois ni Alain de Benoist, ni Olivier Rey, ni Chantal Delsol, ni Hervé Juvin, ni Michèle Tribalat, etc. etc. Ceux-là, vous les trouvez sur les médias alternatifs, que dans le Camp du Bien on appelle «la fachosphère». Tiens, voilà un bel exemple de discours intimidant, n'est-ce pas?

    Vous dénoncez aussi un manque de rationalité, paradoxal puisque la plupart des débats de société sont pourtant assis sur des considérations qui se revendiquent de la plus parfaite objectivité scientifique… vous citez notamment, comme exemple, les discussions en matière de bioéthique?

    D'abord, quand on suit les débats médiatiques, on est consterné par tant de confusions et de tant de mauvaise foi. Par exemple l'avortement est présenté comme un «droit fondamental»: ce droit, c'est celui qu'a la femme de disposer de son corps. Il est vrai que c'est un droit fondamental incontestable, mais il concerne essentiellement la contraception. Quand la femme est enceinte, la relation à son corps se complique d'une relation à autrui, autrui étant ce petit être qui est dans son corps mais qui n'y est pas comme une partie corporelle (un organe). C'est là qu'on attend les experts: leur rôle devrait être de poser les problèmes éthiques correctement, rationnellement, pour apporter aux citoyens l'éclairage nécessaire.

    Au lieu de cela, ils s'alignent sur l'idéologie dominante. C'est pitoyable. En réalité, il ne faut pas se raconter d'histoires: le droit à l'avortement n'a rien à voir avec l'éthique, c'est un choix de société qui correspond au mode de vie contemporain de la classe moyenne éduquée, urbaine, dans lequel la femme travaille, exerce des responsabilités, aspire à faire carrière, etc. On peut concevoir que la société ne soit pas prête à faire un autre choix, mais de là à se cacher derrière un «droit fondamental», c'est vraiment donner dans la sophistique. On voit ici qu'il y a des tabous. Je pense que ce n'est pas sain. Les gens devraient être au clair sur des questions qui les concernent autant.

    Comment la langue se fait-elle également l'instrument de ce «discours intimidant»?

    Nous sommes un peu manipulés par les mots, mais c'est compréhensible. Il est difficile, quand nous utilisons de façon habituelle un cadre posé par convention, de ne pas croire à la réalité intrinsèque de cette convention. Les gens qui exercent le pouvoir connaissent toute l'importance de la sémantique. Il n'est pas innocent de dire «extrême-droite» tandis qu'on dit «la gauche de la gauche» pour éviter «extrême gauche». Personne n'a envie de se voir coller l'étiquette «extrémiste», parce qu'un extrémiste est un personnage violent, avec lequel il est impossible de discuter. On crée aussi des mots comme «europhobe» pour faire croire que ceux qui détestent la technostructure eurocratique sont des ennemis de la belle idée d'Europe, alors que c'est l'inverse qui est vrai: quand on aime l'Europe on est amené à détester cette organisation stérile qui l'affaiblit et la condamne à l'impuissance. Il y a bien d'autres mots piégés. Même le mot «français» est devenu trompeur puisqu'on parle de «djihadistes français», comme si le djihadisme et la francité ne s'excluaient pas mutuellement de manière flagrante. Il y a également une manière d'utiliser les mots qui vise à ce que les choses ne puissent pas être nommées. On parle ainsi des «jeunes» des «quartiers sensibles». C'est une sorte de langage crypté à la Orwell. Cela pourrait être assez drôle si ces manières de parler n'étaient pas aussi des manières de penser. De nos jours, l'enseignement fait beaucoup de dégâts en fabriquant une pensée stéréotypée, une «pensée par slogan» qui n'est pas du tout une pensée, mais qui relève par contre d'un authentique endoctrinement.

    Récemment, on a vu Marc-Olivier Fogiel, qui pourtant a eu des enfants par GPA alors même que ce procédé est interdit en France, faire le tour des médias avec la bienveillance des journalistes. Mehdi Meklat vient à présent aussi de faire part de sa rédemption, avec l'indulgence du public… quand on est dans le bon camp, tout est permis?

    Qu'il puisse y avoir deux poids, deux mesures, cela ne fait aucun doute. Mais je suis favorable par principe à la plus grande liberté d'expression et j'approuve donc que Marc-Olivier Fogiel puisse donner son avis. Ce que je regrette, c'est plutôt l'absence de vrai débat. On parle beaucoup de la GPA et moins de la PMA. Or, voyez-vous, il me semble que le principe de la PMA est au moins aussi discutable. En effet dans «procréation médicalement assistée», il y a le mot «médical».

    Que je sache, la médecine a pour rôle de soigner et les homosexuels ne sont pas assimilables à des malades, sinon quelque chose m'a échappé. Quand je dis «soigner», j'inclus la palliation des défaillances de la nature, comme l'infertilité. Mais dans le cas d'un couple homosexuel, je pense qu'on a en vue autre chose: un droit à l'enfant, vu comme un droit au bonheur familial. Je me demande alors comment on peut justifier le glissement du «désir d'être heureux» vers le «droit au bonheur», un droit que la société aurait nécessairement à charge de satisfaire. En fait, l'institution du «mariage pour tous» entraîne l'application du principe d'égalité juridique à des situations qui sont par essence dissemblables ; d'où les problèmes philosophiques et éthiques que cela soulève. Mais qui pose ces questions dans le débat public? En tout cas je crois que sur des sujets aussi sérieux, nous ne pouvons pas nous contenter de témoignages émouvants. Nous avons besoin d'une pensée construite et argumentée. Nous avons besoin de rationalité. Nous souffrons beaucoup, en démocratie, du triomphe du pathétique sur la pensée méthodique, patiente, construite, démonstrative.

    Ce «camp dominant», et les vérités qu'il impose à la collectivité, a-t-il définitivement eu raison de notre modèle de civilisation?

    Je dirais plutôt que le discours intimidant affaiblit nos défenses immunitaires. Plus nous l'intériorisons, plus nous devenons vulnérables. Beaucoup de gens admettent aujourd'hui qu'il faut respecter les religions, toutes les religions, comme si l'irrespect dans ce domaine n'était pas un des marqueurs de notre civilisation. Une difficulté majeure, que ne connaissent pas les pays d'Europe de l'Est, est la confiance naïve dans notre dispositif de citoyenneté. C'est un dispositif inclusif, au sens de l'inclusion politique, mais point du tout au sens de l'inclusion culturelle. Or on voit bien qu'aujourd'hui le problème majeur est d'ordre culturel. On se trompe pareillement sur la fonction de la laïcité: la laïcité n'est pas du tout interventionniste culturellement, c'est simplement un principe de neutralité dans la sphère publique qui est elle-même autre chose que l'espace de la société civile. En revanche, la neutralité qu'elle impose peut parfois se retourner contre nos traditions culturelles, comme les crèches dans les écoles, etc. En réalité, rien de ce qui est propre à la citoyenneté ne s'applique directement aux problèmes culturels, c'est ce qu'il faut bien avoir à l'esprit. Ma thèse là-dessus est que nous avons une conception juridique et formelle de la citoyenneté qui n'est plus adaptée aux problèmes que nous rencontrons - pas seulement d'ailleurs au niveau de la pression migratoire, mais à d'autres niveaux également. À cette conception juridique et formelle, j'oppose la politique au sens fort du terme, qui concerne l'action efficace, la «décision qui institue», la souveraineté territoriale, etc. Je pense d'ailleurs qu'il y a dans le populisme une espèce de revanche du politique sur le juridique, qui prend la forme d'une contestation de «l'État de droit». Je ne dis pas que c'est forcément une bonne chose, mais je l'analyse comme un phénomène assez remarquable.

    Laurent Fidès, propos recueillis par Paul Sugy (Figaro Vox, 23 novembre 2018)

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