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  • Faire de la France une démocratie...

    Les éditions Passés Composés viennent de publier un court essai de Raphaël Doan intitulé Faire de la France une démocratie.

    Ancien élève de l’École normale supérieure et de l’ENA, agrégé de Lettres classiques, Raphaël Doan est l’auteur de Quand Rome inventait le populisme (Cerf, 2019).

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    " On dit que notre démocratie est en crise. On se trompe : nous ne sommes même pas en démocratie, au sens originel du terme. De l'Athènes de Périclès à la Suisse contemporaine, en passant par la Révolution française et les débuts de la Ve République, Raphaël Doan explore les succès et les échecs de la démocratie directe à travers l'histoire pour en tirer des leçons applicables à la France d'aujourd'hui. S'appuyant sur une comparaison des sociétés antiques et modernes, il propose une solution concrète : réintroduire une dose de démocratie directe dans nos institutions, notamment par un usage plus fréquent et plus intelligent du référendum. Sur des sujets cruciaux, du nucléaire à l'immigration, les Français sont capables de dégager des majorités, là où leurs représentants s'enlisent dans des divisions artificielles. La démocratie, contrairement aux idées reçues, est un remède à l'impuissance et à l'inertie. "

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  • La Meute : procès Mélenchon et règlements de comptes à l’extrême gauche...

    Nous reproduisons ci-dessous la chronique politique de Nicolas Gauthier cueillie sur le site de la revue Éléments, qui revient sur l'enquête consacrée à Jean-Luc Mélenchon et à LFI qui vient d'être publiée et qui fait grand bruit.

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    La Meute : procès Mélenchon et règlements de comptes à l’extrême gauche

    Le microcosme politico-médiatique a parfois des émerveillements d’enfant, telle qu’en témoigne la sortie de La Meute, l’essai de Charlotte Belaïch et Olivier Perou (Flammarion), consacré à Jean-Luc Mélenchon et à la manière dont il dirige son parti « gazeux », La France insoumise. Ainsi y apprend-t-on que la Méluche se comporterait en autocrate et que les insoumis n’auraient que cette alternative : se démettre ou se… soumettre. Le trotskisme serait donc violent, surtout dans sa variante lambertiste ? Décidément, on nous cache tout et on ne nous dit rien.

    Notons que les deux auteurs ne sont pourtant pas les perdreaux de l’année, Charlotte Belaïch officiant à Libération et Olivier Perou au Monde. Alors, de deux choses l’une : ce qu’ils font mine de dévoiler, ils l’ignoraient et les perdreaux en question font figure de pintades ; ou ils le savaient depuis belle lurette et ce sont des faisans. Car tout cela est quasiment tombé dans le domaine public depuis la création de l’Organisation communiste internationaliste (OCI), par Pierre Boussel (dit Lambert), le 23 novembre 1953. Rappelons que l’’OCI, lointain ancêtre de LFI, fut longtemps la grande rivale de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), dont Alain Krivine demeure la figure historique. De leur côté, les “lambertistes” de l’OCI sont en lutte permanente contre la LCR, les “pablistes”, du nom de Michel Raptis, l’un de ses fondateurs, dit “Pablo”. Ce qui peut expliquer certaines choses.

    Les purges comme une seconde nature…

    À ce jeu, scissions, purges et exclusions ont toujours été leur passe-temps favori. Dans Le trotskisme dégénéré*, Patrick Gofman, repenti de l’OCI, et désormais bien connu des auditeurs de Radio courtoisie, affirme « qu’à propos de la LCR, on parlait des pédés de la Ligue ». Ce dernier ne sera pas récompensé de son zèle dialectique, quand foutu dehors du Parti à coups de manche de pioche pour avoir écrit un roman sans autorisation de la direction. L’ouvrage ne brillait pourtant guère par ses prétentions révolutionnaires, puisqu’intitulé : Les Blondes préfèrent les cons. C’est dire l’ambiance festive. En effet, si les “pablistes”, sont plus impliqués dans les luttes sociétales, immigrés, cannabis et homosexuels en vente libre ; les “lambertistes” privilégient un combat social, autrement plus austère. À côté, Lutte ouvrière (le troisième compère trotskiste emmené par Arlette Laguiller), c’était Woodstock.

    Cela n’a pourtant pas empêché un Jean-Luc Mélenchon ou un Jean-Christophe Cambadélis de rallier le Parti socialiste, ces « sociaux-traitres » honnis entre tous, au mi-temps des années 80. François Mitterrand, lui, savait qui “ils” étaient ; tout comme il n’ignorait pas plus que Lionel Jospin venait de la même écurie. La droite de gouvernement, aux fraises comme toujours, ne comprenait rien à ce micmac passablement talmudiste. Rien de plus normal pour elle : l’économie étant la seule discipline sérieuse, alors que la culture et la politique, simple hobby, on pouvait l’abandonner à la gauche en toute quiétude. Toujours visionnaires, les lascars…

    Résultat ? Mélenchon, un trotskiste au Sénat, ce qui fait à peu-près aussi tache sur un CV avant-gardiste que le financement du trotskisme européen par la CIA, par le biais du syndicat Force ouvrière d’André Bergeron, histoire de lutter contre l’influence soviétique. Mais voilà qui n’a pas empêché les camarades de jadis de continuer le combat sous d’autres formes, les temps ayant bigrement changé.

    L’immigration, le peuple de remplacement…

    Le premier à avoir fait ce constat demeure Jean-Luc Mélenchon : les luttes sociales ont fait leur temps, depuis que les ouvriers ont trahi le prolétariat en demandant asile politique au Rassemblement national. Comme on sait, l’immigration fera figure de peuple de remplacement. Un combat qu’Edwy Plenel (LCR), a longtemps porté au Monde, avant de le poursuivre à Mediapart, tandis que son meilleur ennemi « lambertiste » faisait de même dans les urnes. Tout aussi logiquement, les voilà une fois de plus réunis dans leur compagnonnage avec ces Frères musulmans, souvent et non sans raison, tenus pour être les « trotskistes de l’islam ». Mais ce compagnonnage ne saurait occulter les luttes ancestrales.

    Et ce n’est sûrement pas pour rien que les deux auteurs de ce cet essai en peau de lapinou viennent du Monde et de Libération. Avec Edwy Plenel, ce premier quotidien fut longtemps l’une des chasses gardées de la Ligue, tandis que le second n’a jamais renié ses origines maoïstes, autre tribu de l’extrême gauche française. Une véritable histoire de famille, en quelque sorte. Mais alors, pourquoi tant de haine ?

    Il y a évidemment la question de l’antisémitisme. Au défunt Daniel Bensaïd, juif sépharade et idéologue de la LCR, on a souvent prêté cette phrase : « Si je n’avais été là, les bureaux politiques de la Ligue auraient pu se tenir en yiddish… » Nombre de ses coreligionnaires d’alors sont devenus néo-conservateurs ; soit le contraire d’un Jean-Luc Mélenchon, dont le moins qu’on puisse prétendre est qu’il ne caresse pas actuellement l’État hébreu dans le sens du poil. De ce fait, l’extrême gauche se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, tant l’antisionisme de LFI et de ses alliés islamistes flirte dangereusement avec le traditionnel antisémitisme de gauche. Le gourou insoumis aurait-il été trop loin en ce registre plus que glissant ? Craindrait-il de subir le même sort qu’un Jeremy Corbyn, son homologue anglais, chassé du mouvement travailliste pour de semblables raisons ? La question mérite d’être posée.

    Des purges sans fin…

    Voilà qui expliquerait la raison de la promotion de ce livre, vanté par tous les médias de gauche dominants, alors qu’il ne révèle finalement pas grand-chose, l’histoire de la France insoumise ayant toujours été celle d’une purge sans fin. Du temps du gourou Pierre Lambert, il y eut des Charles Berg et des Stéphane Just. Au siècle d’après, les éléments souverainistes ont ouvert les festivités, Georges Kuzmanovic et consorts, puis le couple Alexis Corbières et Raquel Garrido ; sans oublier les autres, partis avant d’être chassés, Clémentine Autain et François Ruffin. Si, comme on dit, le loup est un loup pour l’homme, il peut aussi arriver que les rats se bouffent entre eux.

    Nicolas Gauthier (Site de la revue Éléments, 13 mai 2025)

     

    *https://francephi.com/livre/le-trotskisme-degenere

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  • La vie aventureuse de Julius Evola...

    Les éditions Ars Magna viennent de traduire La vie aventureuse de Julius Evola, une biographie de l'auteur de Chevaucher le tigre, signée par Antonio Scarabelli. L'ouvrage est complété par une préface d'Alain de Benoist.

    Andrea Scarabelli, diplômé en philosophie, est vice-secrétaire de la Fondation Julius Evola. Auteur et traducteur, il a supervisé la publication de nombreux textes de Julius Evola et a participé à un grand nombre d’études consacrées à sa pensée.

     

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    " Qui est Julius Evola ? À cette question audacieuse, seul l’ouvrage d’Andrea Scarabelli était en mesure d’apporter une réponse exhaustive. Fruit de plusieurs années de recherche, cette enquête biographique s’appuie sur une grande quantité de sources (textes inédits, archives de police, correspondances, témoignages oraux, revues et journaux, entre autres), dressant le portrait d’un homme qui échappe aux catégorisations évidentes, aux louanges autant qu’aux anathèmes. Du dadaïsme international au traditionalisme italien, des établissements de nuit européens aux cimes alpines immaculées, nous découvrons un Evola multiple, parfois déconcertant, toujours fascinant : allergique aux conventionnalismes, sa liberté lui attira les foudres de nombreux adversaires, décontenancés par ses audaces et un métabolisme personnel unique dans l’histoire intellectuelle du XXe siècle. Mais au-delà des critiques, que cette biographie ne néglige nullement, l’œuvre d’Evola se distingue par sa pluralité thématique, la force de ses propositions et l’enthousiasme qu’elle a suscité et qu’elle suscite encore de nos jours. Cette édition française augmentée, préfacée par Alain de Benoist, comporte de nouveaux éléments, lesquels contribueront à jeter une lumière inédite sur une vie aventureuse encore nimbée de clairs-obscurs."

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  • Pourquoi la droite n’a jamais vraiment relevé la tête après 1945...

    Le 9 mai 2025, Liselotte Dutreuil recevait Antoine Dresse sur Ligne droite pour évoquer avec lui la disqualification de la droite après 1945...

    Né à Liège, en Belgique, Antoine Dresse a suivi des études de philosophie à Bruxelles. Il anime la chaîne de philosophie politique Ego Non sur YouTube et écrit régulièrement dans la revue Éléments. Il a récemment publié un essai intitulé Le Réalisme politique - Principes et présupposés (La Nouvelle Librairie/Institut Iliade, 2024).

                             

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  • Un autre Rousseau...

    Les éditions Fayard viennent de publier un essai d'Alain de Benoist intitulé Un autre Rousseau - Lumières et contre-Lumières, avec une contre-préface de Michel Onfray.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022), Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023) et, dernièrement, Martin Buber, théoricien de la réciprocité (Via Romana, 2023).

     

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    " Inclassable Rousseau… Fut-il un penseur des Lumières ? L’un de leurs critiques ? Voire leur premier opposant systématique ? L’auteur du Contrat social n’a cessé d’être convoqué au tribunal de l’Histoire, par la droite contre-révolutionnaire, qui lui reproche d’avoir « engendré la Révolution », ou par les libéraux, qui font de lui l’ancêtre du totalitarisme.
    Qu’il ait été un précurseur est incontestable. Il est l’un des premiers à théoriser la question sociale et la sociologie critique, à démystifier les prétendues « lois naturelles » de l’économie politique. Mais la République de la vertu qu’il prône repose sur des principes contraires à ceux des philosophes de l’époque. Opposant culture et civilisation, se méfiant de la raison, il récuse l’optimisme de la pensée du progrès, qu’il ne croit pas inévitable ni même souhaitable…
    Dans sa contre-préface inédite au présent ouvrage, Michel Onfray ajoute à ce débat passionnant : le Genevois est celui qui fit « tomber la guillotine sur le cou de la pensée judéo-chrétienne occidentale trente ans avant que Louis XVI ne fasse les frais de la veuve jacobine »…
    Alors, Rousseau révolutionnaire conservateur ? Il est temps de rouvrir le dossier. "

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  • De Léon XIII à Léon XIV ou un remake de Rerum novarum ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Plouvier , cueilli sur EuroLibertés, site de réinformation européenne, et consacré à l'encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII, dans la lignée duquel le nouveau pape, Léon XIV vient de s'inscrire...

    Médecin, Bernard Plouvier est, notamment, l'auteur de plusieurs études historiques décapantes, comme La ténébreuse affaire Dreyfus (Dualpha, 2010) et Faux et usage de faux en histoire (Dualpha, 2012), et d'une imposante Biographie médicale et politique d'Adolf Hitler (Dualpha, 2007).

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    De Léon XIII à Léon XIV ou un remake de Rerum novarum ?

    Il est sans importance que le nouveau pape soit né dans la ville ultra-cosmopolite de Chicago. Il est beaucoup plus utile de comprendre pourquoi ce Dr. en Droit canon, membre de l’Ordre des Augustins (dont le plus célèbre membre jusqu’à présent était Martin Luther !), a choisi de se faire appeler Léon XIV, après avoir émis quelques critiques à l’égard des gouvernements exploiteurs.

    Le pape a passé plusieurs lustres comme missionnaire dans les quartiers miséreux du Pérou. Il a l’expérience de la misère matérielle et morale des « sans espoir ». Or en 1891, son grand prédécesseur avait publié un texte révolutionnaire qui renvoyait au Sermon sur la Montagne… et ce texte, l’encyclique Rerum novarum, prit tout le monde – catholiques endormis et socialistes hurleurs – au dépourvu, plus exactement à contre-pied. Ceci mérite explication.

    Dans la livraison du 5 mai 1891 du journal de la bourgeoisie d’affaires LeTemps, l’inénarrable Jules Simon interpelle le monde ouvrier (qui, certes, ne lit pas cette feuille) : « On a beaucoup fait pour vous, que voulez-vous donc qu’on fasse encore ? ». Et le bon Jules d’énumérer les lois sur l’école laïque et les deux lois sociales celle de 1841, limitant le nombre d’heures de travail des enfants et adolescents, et celle de 1874 interdisant le travail en usine et dans les mines des moins de 10 ans. Et ce huguenot (dont l’ascendance juive est toujours discutée) omettait de préciser que le rapporteur de ces deux lois avait été un député catholique, qui avait dû batailler ferme ! Le bon apôtre conclut : « Rien ne manque au bonheur de l’ouvrier » (Plouvier, 2010-1). Le pharisien sert manifestement les intérêts de la trinité dominante, celle des financiers, des entrepreneurs et des négociants.

    Ce n’est nullement le cas de Léon XIII qui, dix jours plus tard, rend publique son encyclique Rerum novarum, un texte révolutionnaire, tellement juste de ton que les créateurs du BIT (le Bureau International du Travail), après la Grande Guerre, lui emprunteront quelques paragraphes. C’est le fruit de longues méditations et la synthèse des idées de tous les catholiques sociaux qui depuis les années 1830 tentent de faire bouger une société inhumaine et d’une tout autre façon que le séisme marxiste. Léon XIII a longuement médité les écrits du baron Karl von Vogelsang, le fondateur du Parti Chrétien Social d’Autriche, l’ancêtre de tous les partis chrétiens-démocrates.

    L’encyclique du 15 mai 1891 est une réfutation intégrale du capitalisme inhumain, de ce « libéralisme économique » sans frein prôné par les théoriciens du « laissez faire, laissez passer » : « L’employeur ne doit point traiter l’ouvrier en esclave ». Léon XIII déplore la situation économique et sociale des pays industrialisés : trop de richesses et « des profits exagérés » d’un côté, la misère de l’autre. Il ne lui semble pas bon qu’une « faction, maîtresse absolue de l’industrie et du commerce, tienne en mains plus d’un ressort de l’administration publique ». Il lui semble évident que la situation est grosse du risque de guerre sociale où la haine, après avoir répandu beaucoup de sang, provoquerait une « spoliation généralisée des propriétés privées légitimement acquises… Il faut, par des mesures promptes, efficaces, venir en aide aux hommes des classes sociales inférieures qui sont dans une situation de misère imméritée. »

    Les propositions qui découlent naturellement de ce constat sont à la fois d’ordre moral et d’ordre pratique. Le pape recommande des rapports directs fréquents et cordiaux entre employeurs et salariés, une juste rétribution du travail et la participation de tous les travailleurs aux bénéfices des entreprises qui les emploient. C’est une recommandation révolutionnaire, reprise par Karl Lueger dans le programme du PCS autrichien cité plus haut (puis par un admirateur de Lueger, Adolf Hitler, qui en fera le 14e item du programme national-socialiste exposé à Munich dans la soirée du 24 février 1920) ; en 1909, le socialiste Aristide Briand en évoquera l’idée, sans faire référence, bien sûr, au pape défunt, maudit de son successeur et de la bourgeoisie, toutes tendances et toutes religions confondues (Plouvier, 2010-1).

    Léon XIII n’est pas un adepte du communisme de distribution prôné par certains Pères de l’Église, tel saint Ambroise (in Walter, 1975). Il est plutôt dans le droit fil de l’enseignement de Lactance, un chrétien austère et pétillant d’intelligence du IVe siècle, ce qui en fait un contemporain d’Ambroise : « On a plus si on travaille plus ; on a moins si on travaille moins et c’est justice ». Le pape de la fin du XIXe siècle ajoute à cette philosophie économique de simple bon sens la condamnation du gain sans travail et l’exigence d’une juste répartition des fruits du travail.

    En 1891, et pour longtemps encore, il n’est pas usuel que l’État intervienne pour protéger les salariés. En comparaison du prudhommesque Jules Simon ou du futur Président de la République Française Armand Fallières, auteur d’un autre poncif rassurant : « Il faut de la prudence quand on touche aux questions sociales », Léon XIII fait figure de dangereux agitateur social. Le lecteur un peu teinté de sous-culture marxiste peut se rendre compte que le pape en a dit davantage en quelques lignes que les deux poètes surréalistes de l’économie politique, les tant célébrés Karl Marx et Friedrich Engels, dans leur fatras romantique.

    Léon XIII bouscule la molle tradition de la « charité bourgeoise », grâce à laquelle les riches vivaient depuis des siècles en harmonie avec leur conscience, au prix de quelques pièces lancées aux mendiants et de vielles nippes données avec une grâce hautaine. Le pape ne veut plus que les catholiques riches se satisfassent d’une pseudo-charité, souvent indiscrète et mesquine. Il réclame une vraie justice sociale : la juste rétribution du travail permettant au salarié de se procurer des conditions de vie décentes, la constitution d’un « fonds de réserve » pour indemniser les chômeurs et les victimes d’accident du travail, enfin l’octroi d’une pension aux salariés trop vieux ou trop malades pour continuer de travailler.

    Il encourage le syndicalisme chrétien : « Les ouvriers chrétiens [doivent] joindre leurs forces pour secouer hardiment un joug si injuste et si intolérable », sans que les manifestations de la colère des exploités dégénèrent en bacchanales furieuses et sanglantes comme on l’a vu trop souvent depuis 1848 lorsque le peuple est conduit par des loups déguisés en bergers, soit les doctrinaires de la guerre des classes. Le 18 janvier 1901, in Graves de communi, il récidivera : « L’avenir de la société et de la religion est en jeu. La question sociale est avant tout une question de morale ». Vingt siècles plus tôt, le grand Nazaréen l’avait proclamé : « Nul ne peut servir deux maîtres à la fois, Dieu et l’argent [variante : Mammon] ». Moins naïf, Goethe avait écrit dans l’une de ses nouvelles : «  »Mon règne finira-t-il ? » demanda le roi d’argent.  »Tard ou jamais », répondit le vieillard ».

    Il n’est pas sans intérêt de noter que le grand pape condamne « l’américanisme » (c’est-à-dire l’american way of life, une philosophie pratique qui fait la part trop belle à la réussite matérielle), en 1899, par l’encyclique Testem benevolentiae. Léon XIII n’aurait assurément pas approuvé la « mondialisation de l’économie » telle qu’elle est pratiquée depuis les années 1990, soit la désindustrialisation massive des pays à haut niveau salarial et la délocalisation des entreprises vers les pays où la main d’œuvre est sous-payée et la protection sociale inexistante. Il n’aurait pas non plus applaudi le mépris flagrant – en nos tristes jours, on dirait un « mépris macronien » – des maîtres pour les petits salariés, même méritants, ni la gestion des entreprises dans le but exclusif d’accroître les profits des grands actionnaires.

    La généralisation à l’ensemble des pays de la planète de l’injustice sociale (qui est fondamentalement de ne pas rétribuer le travail à sa juste valeur) et du mépris des puissants envers les dominés est une façon expérimentale de préparer un nouveau cataclysme social. Par leur cynisme, leur soif inextinguible de richesses, leur absence pathologique de conscience sociale, les « super riches » ouvrent la carrière aux fous furieux de la révolution sociale et menacent l’ensemble des peuples d’une nouvelle expérience collectiviste effroyable, en comparaison de laquelle les expériences de messieurs « Staline »-Djougashvili et Mao Tsé-toung, les deux plus sanguinaires dictateurs du XXe siècle, risque de paraître des badineries.

    On ferme cette parenthèse absurde : chacun sait que les maîtres des multinationales et leurs employés du monde de la politique et des média œuvrent pour le bien de l’humanité… mais on n’a pas l’impression que Léon XIV partage ce type de propagande d’allure très macronienne.

    De son vivant, Léon XIII est un peu entendu en Allemagne et en Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas (où un tiers de la population est catholique), et pratiquement pas en France (Croizier, 1929). Les chefs des officines marxistes ont immédiatement perçu le risque, comme les adorateurs de Mammon : il leur faut impérativement réduire l’influence du clergé catholique sur le bon peuple. Pour les dévots de la lutte des classes, la doctrine pontificale est une concurrence catastrophique : tenter d’obtenir la justice sociale par des négociations courtoises et consoler la misère spirituelle de ceux qui, par sectarisme ou par tradition familiale, ont abandonné la quête du divin, cela risque de détourner le bon peuple des joies saines et ineffables de la haine des classes, de la surenchère démagogique et de l’approbation de toutes les dingueries wokistes et des ignominies réciproques des assassins sionistes et des non moins assassins antisionistes… on voit mal un admirateur de Léon XIII devenir un groupie de l’illustre Mélenchon.

    L’étrange alliance des capitalistes et des marxistes s’est lancée, dès 1891, dans une guerre anticatholique, d’une intensité qui n’avait été surpassée que par les crimes de la Terreur. Mais c’est en pure perte qu’elle a déclaré cette guerre : la masse des catholiques ne suivait pas son chef spirituel. Partout, le haut clergé, pratiquant le conservatisme social, savait que ce sont les plus riches des fidèles qui remplissent les caisses paroissiales et diocésaines et alimentent les bonnes œuvres : Pie X rompra dès son élection avec la doctrine sociale de son prédécesseur. En France, Léon XIII n’a enthousiasmé que de rares âmes d’élite, comme le jeune et très riche polytechnicien Marc Sangnier, le créateur du Sillon, qui marquera l’adolescence du général de Gaulle.

    En mai 1896, quelques prêtres de paroisse organiseront à Reims un Congrès des ouvriers catholiques, qui déchaînera la haine des marxistes et n’intéressera guère la presse parisienne. L’expérience ne sera pas renouvelée. C’est peu dire que « l’esprit public français était aveugle au problème social » (Goguel, 1958), à la jonction des XIXe et XXe siècles. Même chez quelques catholiques violemment anticapitalistes, tel Édouard Drumont (il n’est venu à l’antijudaïsme que par haine du « libéralisme économique »), l’autorité pontificale est rejetée (Croizier, 1929). Les articles de La libre Parole le répèteront d’année en année : le problème social français doit être réglé par les seuls Français.

    Quel curieux pape que ce Léon XIII ! Il réclamait une véritable redistribution des profits et discutait avec les Orthodoxes et les Anglicans, au lieu de flatter les bailleurs de fonds traditionnels de la Sainte Eglise et de continuer à lancer des anathèmes contre les schismatiques. Son successeur Pie X, plus tard canonisé, reviendra aux saines traditions, reposantes pour les bons esprits : abrutir les fidèles de prières, ne pas aborder les dangereuses questions sociales et calmer les pauvres en leur promettant le Paradis… après la mort ! Léon XIII n’a pas été canonisé et n’est même pas inscrit sur les listes d’attente. Cet ironiste subtil n’aurait probablement pas aimé qu’on lui attribue des miracles.

    Le merveilleux utopiste déjà cité l’avait dit en son temps : « Il est dur à un riche d’entrer au royaume des Cieux », mais il avait ajouté ce conseil générateur de paix sociale : « Aimez-vous les uns les autres ». Il est vrai qu’il est difficile d’aimer certaines gens.

    Bernard Plouvier (EuroLibertés, 9 mai 2025)

     

    Bibliographie :

    1. Croisier : Pour faire l’avenir. Leçons du passé ; devoirs d’aujourd’hui, Spes, sd. (1929)
    2. Goguel : La politique des partis sous la IIIe République, Seuil, 1958
    3. Plouvier : La ténébreuse affaire Dreyfus, Tome 1 : Anticatholicisme et antijudaïsme, Dualpha, 2010
    4. Walter : Les origines du communisme (judaïques-chrétiennes-grecques-latines), Payot, 1975
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