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  • Talleyrand au Congrès de Vienne...

    Les éditions des Belles Lettres viennent de rééditer un essai de Gugliemo Ferrero intitulé Talleyrand au Congrès de Vienne, avec une préface de Louis Rougier

    Historien italien de la première moitié du XXème siècle, spécialiste de la Rome antique, Guglielmo Ferrero s'est également fait connaître par un essai de philosophie politique Pouvoir - Les génies invisibles de la cité (Livre de poche, 1988) et par un ouvrage remarquable sur la Révolution, Les deux révolutions françaises (Livre de poche, 1993).

     

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    " Malgré la fragilité politique de la France en 1815, Talleyrand, le « Diable boiteux » comme il fut surnommé, réussit à faire plus qu’éviter l’humiliation de la France dans ce concert des puissances. Initialement exclue des négociations, Talleyrand parvint à placer la France sur un pied d’égalité avec l’Angleterre, la Russie, la Prusse et l’Autriche en exploitant les tensions entre les grandes puissances, créant une sorte de coalition avec l’Autriche et l’Angleterre afin de modérer les appétits de la Prusse et de la Russie. De la sorte, la France devint quasiment l’arbitre des négociations, apparaissant comme le défenseur de l’équilibre européen. L’habileté suprême du « Diable boiteux » au Congrès de Vienne dont Ferrero brosse ici un tableau détaillé reste un modèle de diplomatie fondé sur la patience, la connaissance des intérêts en présence et l’art du compromis. Un exemple pour aujourd’hui encore ! "

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  • Trois impératifs stratégiques pour sortir du déclin...

    Polytechnicien et énarque, numéro 2 et organisateur du Front national dans les années 90, puis fondateur du Mouvement national républicain, Bruno Mégret, retiré de la politique depuis 2008, a publié deux romans de politique-fiction, Le temps du phénix (Cité Liberté, 2016) et  Salus Populi.

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    Trois impératifs stratégiques pour sortir du déclin

    La situation dramatique dans laquelle se trouve actuellement la France a fini par provoquer une double prise de conscience chez nos compatriotes qui sont maintenant de plus en plus lucides quant à la réalité des fléaux qui les menacent et à la responsabilité que portent dans ce désastre les hommes politiques actuellement ou anciennement au pouvoir. On peut donc aujourd’hui imaginer l’hypothèse, que certains jugeront bien optimiste, de la victoire en 2027 d’une force nouvelle, disons, pour simplifier, d’une force de droite composée autour du RN, du parti d’Éric Ciotti et pourquoi pas de Reconquête, voire du parti LR dans le cas, certes improbable, où il serait refondé après l’élection de son nouveau président.

    Répondre à trois impératifs majeurs

    Un tel séisme politique, s’il se produisait, représenterait, je pense, la dernière occasion de redresser notre pays et d’éviter qu’il sombre dans une décadence mortelle. Aussi ne faudrait-il pas que cette opportunité soit gâchée par un manque de volonté et surtout par une insuffisance d’audace.

    Le risque existerait en effet que le nouveau pouvoir ne prenne pas des moyens et n’adopte pas des méthodes qui soient à la hauteur de la situation. Seule une démarche de rupture permettrait de reconstruire notre nation et d’engager sans coup férir le « grand changement » qui est maintenant nécessaire. Afin d’y voir clair sur cette question essentielle, j’ai identifié trois impératifs, trois exigences auxquelles le nouveau pouvoir devrait satisfaire pour rompre réellement avec les errements actuels et passés. Trois impératifs stratégiques majeurs sans lesquels rien ne serait possible mais avec lesquels le renouveau pourrait venir.

    Remettre les juges à leur place

    L’impuissance qui frappe le monde politique depuis une ou deux décennies s’explique par la suprématie malfaisante du pouvoir judiciaire sur les pouvoirs exécutif et législatif. Au nom d’un prétendu État de droit, le gouvernement des juges enferme l’exécutif et le Parlement dans le champ clos de l’idéologie politiquement correcte, mondialiste, libre-échangiste, individualiste, immigrationniste, islamophile et écolo-wokiste.

    Ainsi en est-il principalement du Conseil constitutionnel composé de neuf membres nommés qui censurent sans appel et sur des critères idéologiques les lois votées par les députés et les sénateurs pourtant élus quant à eux par le peuple français. De même, la juridiction administrative et le Conseil d’État à sa tête annulent sans scrupule des décisions de l’exécutif non pas au regard du droit mais selon des critères d’opportunité. Quant à la juridiction pénale dominée par le Syndicat de la magistrature, elle prend, elle aussi, de nombreuses décisions politiques comme l‘élimination de candidats potentiellement vainqueurs de l’élection présidentielle mais jugés trop politiquement incorrects.

    Certes, François Fillon et Marine Le Pen ont commis des fautes au regard d’une réglementation au demeurant fort discutable. Mais la date à laquelle a été lancée la mise en examen du premier à quelques mois du scrutin l’a mené à son échec en 2017. De même, la nature de la peine comportant l’inéligibilité immédiatement applicable pour la seconde va probablement la conduire à son élimination de la course présidentielle de 2027. En abusant outrancièrement des procédures et des codes, les juges s’arrogent le droit de torpiller des candidatures qui ne leur plaisent pas, imposant de fait leur volonté aux politiques.

    Pour agir réellement sur le destin de notre nation, il faudra donc que les politiques reprennent le pouvoir et remettent les juges à leur place. En commençant par le Conseil constitutionnel auquel il faudra impérativement retirer le pouvoir exorbitant de rejeter des lois ou des articles de lois votées par les représentants du peuple. Si rien de tel n’est fait en début de mandat présidentiel, rien de déterminant ne pourra être réalisé ensuite.

    Prendre des mesures d’exception fortes, simples et efficaces

    Pour réussir le « grand changement », la situation impose par ailleurs que soient prises dans chaque domaine des mesures fortes et exceptionnelles. Ce n’est pas en votant une succession de lois classiques venant s’imbriquer dans le fatras législatif actuel et dont l’application risque d’être laborieuse que l’on pourra donner les coups d’arrêt nécessaires pour infléchir significativement les courbes funestes de notre destin. La situation de notre pays est tellement grave que le redressement passe nécessairement par le recours à des mesures d’exception spectaculaires, simples et efficaces.

    Ainsi, sur la question migratoire, faudrait-il par exemple décider de stopper toute nouvelle immigration pendant une période exceptionnelle de dix ans en faisant voter une loi d’urgence qui suspendrait l’ensemble des dispositions, qu’elles soient réglementaires, législatives ou européennes, autorisant, facilitant ou encourageant l’immigration. Une loi qui entraînerait notamment l’arrêt de la délivrance de visas aux ressortissants des pays d’émigration, la fin du regroupement familial, la suspension du droit d’asile et l’abandon du système d’accueil des étudiants provenant des pays d’émigration.

    Un tel moratoire sur l’immigration émettrait un signal fort en Europe et dans les pays d’où viennent les migrants. Il serait de plus difficilement contestable tant il paraît évident qu’avant de faire venir de nouveaux immigrés il est nécessaire de résoudre d’abord les problèmes posés par ceux qui sont déjà sur notre sol.

    Pour restaurer la sécurité et rétablir l’autorité de l’État, on pourrait dans le même esprit imaginer le vote d’une loi d’urgence qui donnerait, pour une période de temps limitée à cinq ans par exemple, le droit au gouvernement d’enfermer dans des centres de relégation les voyous multirécidivistes arrêtés en flagrant délit. Ces individus que la justice libère aujourd’hui juste après leur arrestation et qui vont ensuite défier la police pourraient ainsi par simple arrêté préfectoral être enfermés dans un centre de relégation dès la fin de leur garde à vue, c’est- à-dire au plus tard quarante-huit heures après la commission de leurs méfaits. Ils seraient alors jugés depuis leur lieu d’incarcération non par les tribunaux ordinaires mais par des tribunaux d’exception nommés par le gouvernement. Ceux-ci vérifieraient la réalité des faits, décideraient pour les délinquants de la durée de la relégation et transféreraient à la justice ordinaire les auteurs de crimes graves.

    Gageons qu’alors les policiers se feraient respecter, que la mise à l’écart des fauteurs de troubles améliorerait significativement la sécurité des Français et que ce choc d’autorité restaurerait le prestige de l’État régalien.

    Des dispositifs du même ordre devraient être mis en place dans tous les domaines actuellement en crise comme la réduction des dépenses publiques, la baisse des charges sur les entreprises, la valorisation du travail, la réindustrialisation du pays, le retour à une école de l’excellence, le soutien à la famille et à la natalité française.

    Ignorer la diabolisation

    Enfin, il devient essentiel que la force nouvelle qui pourrait être portée au pouvoir pour assurer le redressement de la France se libère de la contrainte de la diabolisation. La gauche et les tenants du politiquement correct étant ultra-minoritaires chez les Français, il est scandaleux que, parce qu’ils sont omniprésents parmi les juges et dans les médias, ils puissent frapper d’excommunication ceux qui refusent de s’aligner sur l’idéologie officielle. La force porteuse du « grand changement » devrait donc se libérer de la pression que l’extrême gauche exerce ainsi sur ses ennemis. Pour ce faire, si elle devrait certes continuer à ne pas provoquer cette diabolisation par des propos intempestifs, elle devrait désormais l’ignorer purement et simplement.

    Le moment est donc venu pour les partis de droite de ne plus se laisser intimider. Il serait en effet indigne que certains rechignent à prendre dans toute leur ampleur les mesures nécessaires par peur de la diabolisation. Ceci d’autant plus que beaucoup de Français ont maintenant bien compris que la diabolisation n’est rien d’autre qu’une manipulation de l’opinion.

    Rompre avec l’impuissance politique notamment en neutralisant le Conseil constitutionnel, promulguer sur chaque grand sujet des lois d’exception efficaces, simples et spectaculaires, et ignorer la diabolisation pour retrouver une pleine liberté d’action, telles sont, me semble-t-il, les trois exigences stratégiques à satisfaire pour sortir la France du marasme où elle s’enlise.

    Les partis de droite sont-ils prêts ?

    Aussi peut-on s’interroger sur l’aptitude des partis de droite susceptibles de prendre le pouvoir en 2027 à satisfaire à ces trois impératifs.

    S’agissant du premier, force est de constater que pas plus LR que le RN n’a développé de critiques claires et assumées sur le gouvernement des juges et sur la nécessité de remettre le pouvoir judiciaire à sa place et notamment le Conseil constitutionnel. Or, si cette réforme devait être menée à bien, encore faudrait-il l’expliquer aux Français dès avant l’échéance de 2027. La politique ne consiste pas seulement à répondre aux aspirations des Français telles qu’elles résultent des études d’opinion, elle doit viser aussi, notamment en dehors des périodes électorales, à les convaincre de la justesse des idées et des projets que l’on porte.

    Concernant la nécessité de prendre des mesures de rupture, il n’est pas certain que la ligne de normalisation actuellement suivie par le RN soit très compatible avec cet impératif. Le Rassemblement national devrait en effet cesser de rechercher la normalisation. Si la stratégie de dédiabolisation a été utile pour atteindre les scores qui l’ont placé aux portes du pouvoir, il ne faudrait pas que la normalisation le conduise une fois aux commandes à pratiquer une politique « normale », c’est-à-dire comparable, sinon dans son orientation du moins dans son inefficacité, à celle des gouvernements des décennies passées.

    Pour ce qui est de la diabolisation qu’il faut ignorer, le parti LR, s’il devait se refonder après l’élection de son nouveau président, devrait, parmi ses toutes premières initiatives, montrer qu’il se libère du prétendu danger de la diabolisation en proclamant publiquement la fin du cordon sanitaire autour du RN. Une attitude d’ostracisme qui l’a pénalisé peut-être même davantage que le RN.

    La France pourrait sortir du déclin

    On ne vaincra pas les forces délétères qui détruisent notre pays par les méthodes qui ont cours depuis près de cinquante ans. Si l’on veut que la France échappe au phénomène mortifère d’effacement dans lequel elle est aujourd’hui entraînée, il importe en réalité d’engager un processus de rupture et un changement de Système.

    L’état de la France est si grave que le temps n’est plus aux mesurettes qui ne servent qu’à faire croire que l’on agit, l’heure est aux actions d’ampleur qui transforment le réel avec force et rapidité. Il ne s’agirait plus de promettre aux Français une augmentation de leur pouvoir d’achat mais de les inviter à se battre pour sauver leur nation et leur civilisation. Un combat plus exigeant mais beaucoup plus prometteur car, si la force nouvelle au pouvoir répondait aux trois exigences stratégiques que j’ai évoquées et si elle mettait en œuvre sur ces bases le « grand changement » qui est nécessaire, la France pourrait à nouveau se tourner vers l’avenir avec confiance.

    Bruno Mégret (Polémia, 3 mai 2025)

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  • Justice : c'était mieux avant !...

    Vous en avez marre des magistrats mous du genou et de leur culture de l'excuse ? Alors, procurez vous le dernier numéro de La Furia, le trimestriel polémique et satirique de Laurent Obertone, Papacito, Marsault et Laura Magné qui est de retour en kiosque pour un nouveau numéro qui décape !

    Bonne lecture !

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  • Le grand retour de l’insécurité sociale...

    Pour cette nouvelle édition de "Cette année-là",  sur TV Libertés, Patrick Lusinchi, avec David l’Épée, Olivier François et Christophe A. Maximeremonte à 1995, quand Éléments, paru à l’issue des grandes grèves de 1995 contre le plan Juppé, consacrait un grand dossier à ce soulèvement social sous le titre évocateur : "L’insécurité sociale". Presque trois décennies plus tard, l’histoire semble bégayer : les manifestations massives contre la réforme des retraites en 2023 ont ravivé les mêmes colères, les mêmes fractures, avec le même soutien populaire, massif et durable. De quoi cette insécurité est-elle vraiment le nom ? D’un déclassement et d’un abandon programmé par les élites ? Analyse.

     

                                              

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  • Céline et l'Allemagne...

    Les éditions de la Société des lecteurs de Céline viennent de publier une nouvelle édition revue et augmentée de l'ouvrage d'Alain de Benoist intitulé Céline et l'Allemagne 1933-1945.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022), Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023) et, dernièrement, Martin Buber, théoricien de la réciprocité (Via Romana, 2023).

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    " Les polémiques à caractère politique dont Céline a fait (et continue à faire) l’objet, ainsi que les accusations maintes fois portées contre lui, conduisent à s’interroger sur l’accueil que l’auteur de Voyage au bout de la nuit reçut en Allemagne entre 1933 et 1945 et sur les relations qu’il entretint avec les Allemands à cette époque. Curieusement pourtant, à quelques rares exceptions près, les biographes de Céline semblent s’être peu préoccupés jusqu’à présent du problème de sa « réception » outre-Rhin.
    Dans cette nouvelle édition, largement augmentée par rapport à celle réalisée par Le Bulletin célinien en mai 1996 et maintenant épuisée, Alain de Benoist, dont l’érudition célinienne en surprendra plus d’un, fait ici le point de la question. "
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  • Bulles sociales, larmes et aveuglements : quand un pays se désagrège totalement...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue e Julien Dir, cueilli sur Breizh-info et consacré à la libanisation de notre pays, qui se transforme sous nos yeux en un agrégat de groupes qui n'ont plus rien à partager, si ce n'est de l'hostilité...

     

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    De Philippine à ABoubakar…Bulles sociales, larmes et aveuglements : quand un pays se désagrège totalement

    Un homme est mort dans une mosquée, poignardé dans un lieu de prière. Il s’appelait Aboubakar Cissé. Il était jeune. Musulman. Malien. Assassiné par un Bosnien, pas franchement d’extrême droite comme l’ont pourtant indiqué certains médias. Ce drame a bouleversé ceux qui vivent dans leur bulle, celle de l’antiracisme, de la lutte contre l’islamophobie, de la peur croissante que suscitent les tensions identitaires. Jean-Luc Mélenchon, figure tutélaire de cette sphère, a pleuré dans les bras d’une femme musulmane, effondrée, apeurée. L’émotion était réelle. Profonde. Digne, peut-être. Mais elle a suscité moqueries, accusations de récupération, incompréhension ailleurs. Dans d’autres bulles.

    Quelques mois plus tôt, une autre jeune personne mourait. Elle s’appelait Philippine. Elle avait 19 ans. Elle a été retrouvée massacrée dans un bois, à Paris. Son meurtrier présumé ? Un homme en situation irrégulière, sous OQTF, déjà condamné pour viol. L’émotion, là aussi, fut vive. Mais dans une tout autre France. Celle qui n’existe pas dans les journaux de 20h, dans les tribunes universitaires ou sur les plateaux de talk-shows parisiens. Une France qui pleure Philippine comme elle pleurait Thomas, Lola, Anne-Lorraine ou bien d’autres. Une France qui n’entend jamais Mélenchon s’effondrer pour ces morts-là.

    C’est cela, désormais, la France : une société d’émotions fragmentées, où chaque camp a ses morts, ses icônes, ses victimes légitimes, ses récits exclusifs. Chaque drame est lu, digéré et exploité à travers le prisme d’une idéologie. L’assassinat d’un musulman est une alerte à la montée du fascisme. Celui d’une Française par un clandestin est une alerte à l’effondrement migratoire. Et chaque camp s’accuse de « récupération », tout en réclamant l’exclusivité de la douleur et du deuil.

    Ce phénomène porte un nom : l’éclatement des bulles. L’archipel français, décrit il y a quelques années comme une métaphore, est devenu une réalité concrète, explosive. Il n’y a plus de récit national partagé. Il n’y a plus d’empathie transversale. Il n’y a plus de compassion universelle.

    Nous sommes entrés dans une époque où l’indignation est conditionnée. Chacun choisit ses morts, ses causes, ses émotions. Chacun vit dans son couloir numérique, ses médias de confiance, ses figures de légitimité. L’autre n’est plus un concitoyen, ni même un adversaire politique. Il est un intrus, un manipulateur, un profiteur, un danger. Il est hors de la bulle. Il n’existe pas.

    Comment tenir encore ensemble, comme civilisation, quand on ne pleure même plus les mêmes morts ?

    Il y a dans cette situation quelque chose de profondément barbare. Un lent retour à l’état tribal. Les débats politiques ne sont plus des affrontements d’idées, mais des confrontations de sentiments irréconciliables. La violence symbolique des mots prépare celle, physique, des rues. On ne discute plus : on excommunie, on conspue, on hurle, on annule.

    Et plus grave encore : on désapprend à se mettre à la place de l’autre. La gauche ne peut plus compatir à la détresse d’un grand-père dont la petite-fille a été tuée par un homme sous OQTF. La droite ne peut plus entendre la peur sincère d’une femme musulmane qui redoute, chaque jour, d’être agressée en raison de son voile. Ces deux douleurs, pourtant humaines, trop humaines, devraient au moins nous toucher si ce n’est nous rassembler. Elles ne font que nous éloigner.

    La République, dit-on, est fondée sur un contrat social. Mais ce contrat suppose un minimum de valeurs communes, un récit partagé, un socle émotionnel transversal. Or, aujourd’hui, plus rien ne relie les bulles entre elles, sinon la haine réciproque. À force de vivre dans des mondes parallèles, nous avons creusé un gouffre au milieu de la place publique. Une société où les gens n’ont plus les mêmes références, ni les mêmes vérités, ni les mêmes morts… est une société au bord de la guerre civile.

    Car la guerre civile ne surgit pas d’un débat sur les retraites ou l’inflation. Elle naît quand plus personne n’accorde d’importance à la douleur de l’autre. Quand chaque camp pense que l’autre est fou, dangereux, ou indigne de vivre dans le même pays. Nous n’en sommes plus très loin.

    À ceux qui parlent encore de « vivre ensemble », il faut répondre ceci : il n’y a plus de société, il n’y a plus que des fragments en suspension, parfois en apesanteur, souvent en collision. À force de multiplier les peuples, les cultures, les normes et les tabous, on a créé des bulles multiples, qui tôt ou tard… exploseront.

    Julien Dir (Breizh-Info, 30 avril 2025)

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