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  • Le RN ou le « parti du milieu » ?

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet cueilli sur le Figaro Vox et consacré à l'électorat du RN.

    Journaliste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a aussi publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017), Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2020), Biopolitique du coronavirus (La Nouvelle Librairie, 2020) et Alain de Benoist à l'endroit - Un demi-siècle de Nouvelle Droite (La Nouvelle Librairie, 2023).

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    «Au cœur du vote RN, le sentiment tenace d'être lésé et de travailler pour les autres sans contrepartie»

    On n'en finit pas de buter sur la définition du populisme. La vérité, c'est qu'il y a une immense difficulté – et pour l'heure personne n'en est formellement venu à bout – à lui donner un sens clair et sans équivoque. C'est depuis toujours un phénomène politique ambivalent, à l'unité problématique. Sa labilité sémantique se prête à toutes les réinterprétations. Cela ne tient pas seulement à la polysémie du mot, mais à son indéfinition même. S'il y a néanmoins un dénominateur commun à la pluralité des populismes, sinon même un invariant, quel que soit le contenu idéologique, c'est la polarisation politique – clivante, conflictuelle, oppositionnelle – que la dynamique populiste porte avec elle. Eux et nous, les «petits» contre les «gros», le peuple contre les élites, etc. Le populisme ne s'épanouit vraiment que dans ces couples de contraires qui ont la propriété de clarifier le champ politique et de désigner l'ennemi sans détour. L'antagonisme du «producteur» et du «parasite» en fait partie.

    Il y avait la dialectique du maître et de l'esclave chère au philosophe Hegel, peut-être faudra-t-il compter à l'avenir avec celle qui se noue entre la morale du «producteur» et l'amoralité du «parasite». C'est un autre philosophe, contemporain lui, qui a mis le doigt dessus : Michel Feher, qui vient de publier un livre particulièrement stimulant : Producteurs et parasites. L'imaginaire si désirable du Rassemblement national  (La Découverte). En dépit d'un parti pris hostile, il renouvelle notre approche du populisme en plaçant en son centre la question du travail productif et de sa juste rétribution, mise à mal par la «plus-value imméritée», celle-là même que prélève la figure du «parasite» : en haut, les «accapareurs» ; en bas, les «fraudeurs», selon les termes de l'auteur.

    Dès lors, l'antagonisme moteur du populisme n'est pas entre le travailleur et le capitaliste, mais entre le «producteur» (ouvriers, employés, travailleurs indépendants, chefs d'entreprise, etc.) et le «parasite» qui détourne la richesse produite par le travail, soit parce qu'il ne s'acquitte pas de l'impôt, soit parce qu'il bénéficie de ses largesses. «Parasite» ? Le mot est fort et frappe délibérément les esprits. C'est manifestement un choix polémique de l'auteur, quelque peu effarouché par ce qu'il découvre en tirant le fil du «parasitisme». On imagine que c'est la raison pour laquelle il nazifie, un peu commodément, son sujet en brandissant la figure-repoussoir du «Volksschädling», le parasite du peuple sous le Troisième Reich. Pour ne pas être en reste, il aurait pu convoquer les «parasites sociaux» que l'Union soviétique assimilait à des dissidents et jetait dans des camps. Qu'à cela ne tienne, les oreilles trop délicates peuvent recourir à un concept plus neutre, familier des économistes et des sociologues : la théorie du «passager clandestin». Le passager clandestin est celui qui profite d'une ressource ou d'un bien sans en payer le prix ou en le sous-payant.

    La colère populaire, un impensé politique

    À notre connaissance, nul n'aime les resquilleurs qui vous doublent dans la file d'attente ou les mufles qui hurlent dans leur téléphone en mode haut-parleur. C'est la même chose ici. En ne payant pas leur dû à la société, les «passagers clandestins» entretiennent le foyer de la colère du peuple, frustré des fruits de son travail par une fiscalité confiscatoire, qui serait tolérée si les mécanismes de solidarité n'étaient pas dévoyés. La colère populaire, autre impensé politique ! C'est pourtant une passion qui a toute sa place dans la cité, nous apprend Aristote, qui, en amont (et à rebours) de notre tradition philosophique, s'est livré à un éloge non pas des emportements violents, mais de la juste colère, parce qu'elle fait ressortir un sentiment d'injustice réel et pose une demande légitime de réparation. C'est ce sentiment d'injustice et cette demande de réparation qui commandent nombre de comportements électoraux qualifiés de populistes, parmi lesquels il n'est pas interdit de ranger les «fâchés pas fachos», comme les a appelés Mélenchon, pour une fois inspiré.

    Ni racistes présumés, ni fascistes fantasmés donc. Voilà qui nous change des analyses condescendantes qui réduisent le vote populiste à ses seules dimensions protestataires ou démagogiques, sinon xénophobes, en le corrélant à un faible niveau d'études. Grave erreur, nous prévient Michel Feher : «On ne naît pas lepéniste, mais on le devient» – et on le devient au terme d'une démarche volontaire, réfléchie, objective. N'y voir qu'une réaction de type épidermique revient à occulter l'attractivité électorale du populisme en général et du lepénisme en particulier. Au cœur de ce vote, il y a le sentiment têtu, tenace, insistant, d'être lésé, de travailler pour les autres sans contrepartie et de voir ainsi la norme méritocratique foulée aux pieds.

    «Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus», morigénait Saint Paul dans sa deuxième épître aux Thessaloniciens. C'est là une sentence quasi universelle. Elle a pu ne pas s'appliquer dans les sociétés où il y avait une «classe oisive», comme l'a baptisée l'inclassable sociologue américain Thorstein Veblen (1857-1929), que Raymond Aron a contribué à faire connaître auprès du public francophone. L'étymologie du mot travail fait d'ailleurs écho à un monde où l'oisiveté de quelques-uns était rendue possible par la mobilisation de presque tous. Le travail était alors une punition, ce dont porte trace la racine du mot : tripalium, «instrument de torture». Mais en dehors de ces sociétés, où une aristocratie pouvait se livrer à la guerre, à la dépense inutile ou au loisir studieux (l'otium gréco-romain) – rendus possibles par l'esclavage –, le travail est la règle. Dès lors qu'une société cesse de végéter dans un état stationnaire, le «producteur» en est l'élément moteur (quitte à ce qu'il devienne ensuite esclave d'un travail aliénant – mais c'est là un autre sujet).

    Celui qui se soustrait à cette obligation – le «parasite», pour rester dans notre registre sémantique – est stigmatisé, parce qu'il bafoue les lois de justice et qu'il transgresse le principe de réciprocité qui veut que l'on reçoive à hauteur de ce que l'on donne. Que celui qui ne travaille pas ne mange donc pas. Sans cela, il prélève sur le travail des autres une plus-value indue. La sagesse populaire est intarissable sur le sujet : «Un prêté pour un rendu, œil pour œil…» L'historien Christopher Lasch en a eu l'intuition dans son chef-d'œuvre, Le seul et vrai Paradis (1991, pour l'édition originale), quand il rappelle combien la philosophie puritaine, qui a fécondé le très riche populisme américain, condamnait toute tentative d'obtenir quelque chose sans en payer le prix, assimilant ce gain abusif à une forme de fraude fiscale.

    Le RN comme «parti du milieu»

    Ainsi raisonne la morale majoritaire, car morale il y a ici. Michel Freher l'appelle de son nom savant, le «producérisme», francisation de l'anglais producerism dont on voit mal comment il pourrait s'imposer dans le débat public. Il fait remonter cette idéologie, pour s'en tenir au cas français, à l'abbé Sieyès et à son Qu'est-ce que le Tiers-État ?, qui ciblait à la veille de la Révolution française l'aristocratie d'origine franque (étrangère) qui ne participait pas à l'effort de production et n'était pas soumise à l'impôt, ce qui lésait l'autochtone gaulois (un débat alors assez vif). Dans cette histoire vieille de plus de deux siècles, Michel Feher détache un premier noyau programmatique : lutte contre les propriétaires absents, contre les rentes de monopole, contre les intermédiaires improductifs et contre les étrangers. Le néolibéralisme a considérablement élargi ce noyau initial, en faisant jouer le ressort du contribuable spolié. Ses cibles : le fonctionnaire surnuméraire, le chômeur volontaire, le bénéficiaire des programmes sociaux, le syndicaliste et les élites culturelles (songeons à Javier Milei, le président argentin). Mais les néolibéraux épargnent dans leur critique les «parasites» d'en haut. Ce qui n'est pas le cas des électeurs du RN.

    S'est développée chez eux une «conscience sociale triangulaire» brillamment analysée par le sociologue Olivier Schwartz, qui a montré comment la conscience sociale de cette France ne se construit pas seulement dans l'opposition à ceux d'en haut – les écolos, les citadins, les bobos, les riches, etc. –, mais aussi à ceux d'en bas, principalement les immigrés, mais aussi les «cassos», figure incontournable de la France rurale et pavillonnaire («cassos» pour «cas sociaux», à qui il est principalement reproché d'être des allocataires abusifs, sans entrer dans le folklore descriptif de cet univers).

    Pour toutes ces raisons (et non sans regret), Michel Freher voit dans le RN le «parti du milieu», ni droite ni gauche, ni l'individualisme des libéraux ni le collectivisme des marxistes, ouvrant une troisième voie, dont ce parti est la synthèse, au sens où les socialistes parlaient de synthèse. Ses électeurs appréhendent une libéralisation à tout crin qui transformerait le marché du travail en struggle for life, comme ils craignent un État panier percé qui distribuerait l'argent sans compter aux catégories non méritantes. Ils veulent des protections, pas des entraves ; des libertés, pas du laisser-aller. Se dessine ainsi un moyen terme entre employés et employeurs, où se lit le souci de transcender les clivages de classe, caractéristique des troisièmes voies, en veillant à ne pas brider la dynamique entrepreneuriale, tout en garantissant la demande de dignité salariale et de protection sociale, pour peu qu'elle ne soit pas «parasitaire».

    François Bousquet (Figaro Vox, 30 octobre 2024)

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  • Tour d'horizon... (271)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Cairn, un article de 2009 de Joanny Moulin, tiré d’Études anglaises et consacré à Tolkien...

    J. R. R. Tolkien l'antimoderne

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    - sur Cairn, encore, un article de 2005 de Christophe Boutin, tiré de la Revue Française d'Histoire des Idées Politiques et consacrée à Houston Stewart Chamberlain

    L'élite raciale chez Houston Stewart Chamberlain

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  • Feu sur la désinformation... (488) : Trump - Robinson, le réveil des peuples

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou et Lucas Chancerelle.

     

                                             

    Au sommaire cette semaine :

    L'image de la semaine : les manifestations contre l’immigration en Angleterre et l'emprisonnement de Tommy Robinson.

    Dossier du jour : la dernière ligne droite avant les élections américaines et le système médiatique qui se déchaîne contre Trump.

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    Pastilles de l’info :

    1) Voyage polémique de Macron au Maroc

    2) Des Nord-Coréens et des fraudes à cause des Russes ?

    3) Une fête satanique à Toulouse ?

    4) La haine anti-Bolloré

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    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Caroline Fourest...

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  • Hyperguerre : comment l'IA révolutionne la guerre...

    Les éditions Nouveau Monde viennent de un essai de Jean-Michel Valantin intitulé Hyperguerre - Comment l'IA révolutionne la guerre. Docteur en études stratégiques et sociologie de la défense, Jean-Michel Valantin, par ailleurs haut-fonctionnaire est un spécialiste de la stratégie américaine. Il est notamment l'auteur de Hollywood, le Pentagone et le monde (Autrement, 2010).

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    " Aujourd’hui, l’IA est projetée sur tous les théâtres d’opérations, en Ukraine, à Gaza, dans la mer Rouge, ainsi que dans que tous les conflits de la « zone grise ». Ces champs de bataille représentent de gigantesques laboratoires permettant de tester robots de combat et nouvelles formes de cyberguerre.
    L’IA devient le moteur et le moyen de la course aux armements, notamment entre les États-Unis et la Chine, et dans les guerres du climat et pour les ressources. La militarisation de l’IA annonce ainsi la projection de robots autonomes et auto-apprenants dans les grands fonds marins et dans l’espace.
    Par le biais de l’IA générative, couplée aux réseaux sociaux, ces nouvelles technologies permettent de cibler de façon personnalisée des centaines de millions de personnes.
    Aujourd’hui, force est de constater que l’IA intensifie la guerre. Pire, elle la fait changer d’échelle, avec l’effrayant potentiel de pouvoir la rendre universelle, permanente, sur les terrains de conflits autant que dans nos cerveaux. À l’heure où l’IA est devenue le moteur d’une nouvelle forme de pouvoir militaire, stratégique et politique, écrire l’histoire en cours, est devenu un enjeu majeur."

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  • Infréquentables, irrespectueux : les anars de droite !...

     

    Le 30 septembre 2024, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Eric Letty pour évoquer avec lui le dernier numéro hors-série de Valeurs actuelles consacré aux anarchistes de droite, dont il est un des maîtres d’œuvre...

                                          

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  • Les confessions d'un patriote corse...

    Les éditions Fayard viennent de publier Confessions d'un patriote corse - Des services secrets français au FLNC, dans lequel Jo Péraldi, ancien reporter photographe et, surtout, figure de la branche armée clandestine du FLNC, livre ses souvenirs à Frédéric Ploquin.

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    " Voici un témoignage rare, celui d’un pilier du FLNC, le Front de libération nationale corse, qui passe pour l’un des chefs de la branche militaire de cette organisation entrée dans l’histoire le 5 mai 1976.
    Rompu au maniement des armes dès l’âge de 13 ans, « Jo » est entré dans la clandestinité sans imaginer que ce combat allait l’habiter pendant 40 ans.

    Officiellement photographe pour Paris-Match en Corse, il s’est imposé comme un chasseur de scoops réputé. Sous la cagoule, il a vécu de l’intérieur tous les coups tordus des barbouzes, tous les succès et toutes les vendettas qui ont secoué le FLNC depuis sa création, en 1976. Sa fidélité aux hommes et aux idéaux l’a conduit à créer un réseau immense et invisible qui protègera de nombreux nationalistes, dont le célèbre Yvan Colonna duquel il organisa la cavale. Mais cette vie entre ombre et lumière, toujours sur le fil, a un prix.

    Avec ces confessions recueillies par Frédéric Ploquin, « Jo » laisse une trace de ces évènements par nature secrets qui ont bâti la légende du FLNC. Un témoignage nécessaire et précieux, celui d’un homme profondément patriote et passionnément épris de liberté. "

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