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  • Grandeur du petit peuple...

    Les éditions Albin Michel viennent de publier un essai de Michel Onfray intitulé Grandeur du petit peuple. Philosophe populaire, tenant d'un socialisme libertaire, Michel Onfray a publié de nombreux ouvrages, dont une trilogie  Cosmos (Flammarion, 2015), Décadence (Flammarion, 2017) et Sagesse (Flammarion, 2019), et récemment Théorie de la dictature (Robert Laffont, 2019).

     

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    " « La France est plus que jamais coupée en deux : non pas la droite et la gauche, non pas les libéraux et les anti-libéraux, non pas les progressistes et les souverainistes, mais d'une part ceux sur lesquels s'exerce le pouvoir, que je nomme le peuple, et d'autre part ceux qui exercent le pouvoir, les élites comme il est dit.
    Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres ! Ce mot de La Boétie doit devenir l'impératif catégorique d'une gauche libertaire et populaire, populiste même si l'on veut, car il n'y a que deux côtés de la barricade, et je ne crains pas de dire que j'ai choisi le camp du peuple contre le camp de ceux qui l'étranglent. » Michel Onfray "

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  • Tirs à balles réelles des policiers: Zemmour a-t-il raison?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné à Sputnik par Guillaume Jeanson, avocat et porte-parole de l'Institut pour la Justice, et consacré à l'action de la police dans des banlieues transformées en zones de non-droit...

     

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    Tirs à balles réelles des policiers: Zemmour a-t-il raison?

    Pour ne pas être débordée «par les caïds et les voyous», la police doit riposter proportionnellement et à balles réelles si nécessaire, affirme Éric Zemmour. Doit-on craindre une escalade des bavures policières et de la violence en France? Dans les quartiers sensibles, comment la police peut-elle agir quand elle est prise à partie? Alors que la tension monte en France et que n’importe quelle étincelle semble pouvoir mettre le feu aux poudres, le débat est crucial. Alors où placer le curseur entre violence illégitime et violence légitime? L’avocat Guillaume Jeanson, porte-parole de l’Institut Pour la Justice, nous répond.

    Sputnik France : Y-a-t-il vraiment une spécificité française en matière d’usage des armes, qui rend les forces de l'ordre de notre pays moins violentes que d'autres, comme l’a affirmé Éric Zemmour?

    Guillaume Jeanson: «Il est difficile de répondre précisément à cette question, tant les comparaisons raisonnables apparaissent ici délicates. Une comparaison avec les États-Unis paraît même presque dépourvue de sens, étant donné que les armes à feu sont beaucoup plus répandues là-bas, et que par conséquent les criminels sont beaucoup plus souvent armés. Dans ces circonstances, il est évident que les policiers américains doivent faire beaucoup plus souvent usage de leurs armes que chez nous. Qui plus est, il y a forcément des différences importantes selon les États.»

    Sputnik France: Alors, restons en Europe: qu'en est-il par exemple en Grande-Bretagne, pays dont les forces de l’ordre ont pendant longtemps patrouillé sans armes à feu?

    Guillaume Jeanson: «En ce qui concerne la Grande Bretagne, la très grande majorité des policiers continuent à ne pas porter d’arme à feu, même si leur nombre a augmenté suite aux attentats islamiques. Seulement 10 % environ des forces de police seraient entraînées à l'utilisation d'armes à feu. Ceux qui sont armés demeurent donc très largement minoritaires. En revanche, en Irlande du Nord, ils sont à l’inverse tous armés. Font-ils alors plus souvent usage de leurs armes que les policiers français dans des situations comparables ? Outre le fait qu’on peine à trouver des situations vraiment comparables, cela parait très difficile à établir d’un point de vue statistique sur le principe, et je ne dispose en tout cas pas pour ma part de chiffres sur ce point.» 

    Sputnik France: En France, l'usage des armes à feu est encadré strictement, même s'il a été assoupli à la suite de l'attaque de Viry-Châtillon en 2016. Il doit répondre à une absolue nécessité et à une stricte proportionnalité. Le cadre légal est il aujourd’hui adapté? Les policiers sont armés, mais la loi les désarme-t-elle?

     

    Mais vous avez raison, en 2017, c’est-à-dire quelques mois après cette terrible attaque au cocktail molotov de Viry-Châtillon sur des policiers, le parlement a voté un nouveau texte pour aligner les régimes juridiques applicables aux policiers et aux gendarmes. Il existait en effet une différence de taille entre ces derniers, puisque seuls les gendarmes pouvaient par exemple faire feu lorsqu'ils étaient agressés ou menacés par des individus armés, pour "défendre" une zone qu'ils occupaient, si des sommations répétées restaient sans effet, ou pour immobiliser des véhicules.

    Le nouveau texte inséré dans le code de la sécurité intérieure offre désormais aux policiers un cadre commun à celui des gendarmes et des douaniers. Sous condition qu'ils agissent en cas d'absolue nécessité et de manière proportionnée dans l'exercice de leurs fonctions, qu'ils portent un uniforme ou un brassard, les policiers sont autorisés à utiliser leurs armes dans cinq situations. Afin de s’assurer du bon déroulement et de la bonne compréhension par les policiers de l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles d’usage des armes, 124.000 agents, relevant tant de la sécurité publique, de la police aux frontières que des CRS, ont pu bénéficier de quatorze «simulations chocs et pédagogiques.»

    Sputnik France: Les contrôles de l’usage des armes à feu et des bavures potentielles par les autorités sont-ils suffisants, ou au contraire trop sévères?

    Guillaume Jeanson: «L’usage de l’arme par la police fait systématiquement l’objet d’un examen rigoureux en France suivant l’ensemble de ces critères juridiques en vigueur. A chaque fois qu’un policier utilise son arme, cela donne lieu automatiquement à une ouverture d’enquête par l’IGPN. La lourdeur des contrôles de l’institution et la rigueur, parfois extrême, de l’interprétation des critères de légitime défense conduisent de nombreux professionnels à dénoncer le sentiment d’inhibition qui entrave aujourd’hui bon nombre de fonctionnaires de police quant à l’utilisation de leurs armes. L’ancien préfet Michel Auboin met en cause «une question de doctrine» : «les policiers de la BAC, qui y risquent leur vie chaque soir, craignent la sanction plus que la blessure, à cause d’une interpellation qui aurait mal tournée. La peur de la bavure les accompagne en permanence

    C’est donc sans doute moins les textes qui désarment que la manière de les appliquer. Ce qui invite alors, en miroir, à vouloir corriger certains de ces textes pour inciter à faire évoluer la manière de les interpréter. Ainsi en va-t-il par exemple de cette revendication portée depuis longtemps par l’IPJ, et récemment aussi par le député Joachim Son Forget de prendre en considération, à l’instar du droit pénal suisse, l’état émotionnel de la personne agressée dès lors qu’on apprécie la proportionnalité de sa riposte.»

    Sputnik France: Donc légalement, la police serait dans son droit. Mais que dire en pratique? Doit-on, comme Zemmour, craindre la création d’enclaves et exiger la riposte des forces de l’ordre, ou craindre au contraire qu’un tir ne mette le feu aux poudres, ce qu'il manque pour une escalade définitive de la violence?

    Guillaume Jeanson: «Zemmour n’est pas le seul à craindre la création d’enclaves. Les pouvoirs publics n’ont-ils pas évoqués eux-mêmes ces «quartiers de reconquêtes républicaine» comme pièce du dispositif de leur fameuse «police de sécurité du quotidien» ? Sauf à ce que les mots soient dépourvus de sens, le constat du phénomène inquiétant de sécession, d’abord dénoncé par une poignée d’enseignants courageux, puis, ces toutes dernières années, par un président de la république «qui ne devrait pas dire ça», et un ministre de l’intérieur du présent quinquennat, transcende enfin à peu près désormais les clivages politiques. Si l’on s’accorde sur le constat, les modes d’actions à entreprendre divisent en revanche toujours autant. La situation s’est en outre tellement dégradée en certains endroits que la crainte qu’un tir mette, comme vous le dites, «le feu aux poudres» n’a plus rien de théorique.

    Cette crainte est donc double. Elle est d’abord que la situation devienne véritablement en elle-même incontrôlable et génère de nombreuses victimes. Elle est ensuite, que la situation se révèle coûteuse pour la carrière du responsable politique qui servira de fusible. Nul besoin de s’étendre sur ce fameux «syndrome Malik Oussekine», qui conduit le politique à exercer des pressions sur la hiérarchie policière pour donner des ordres officieux aux hommes du rang de bien souvent laisser faire. Ce qui aggrave la perte de crédibilité des forces de l’ordre, renforce le sentiment d’impunité des délinquants et accélère d’autant la dégradation de la situation. Parmi de nombreux ouvrages ayant dénoncé ces dernières années ce phénomène, celui de votre confrère Frédéric Ploquin La peur a changé de camp (Albin Michel, 2018) est à cet égard sans doute l’un des plus édifiants. Le journaliste y évoque en effet «une impunité nourrie par les lendemains d’émeutes, de poubelles brûlées ou de guet-apens, quand les chefs freinent des quatre fers et retiennent les troupes avec l’espoir que le feu s’éteigne tout seul.»

    Sputnik France: dans les quartiers criminogènes, les policiers subissent des lancers de cocktails molotov et des tirs de mortiers d'artifice. Une gendarmerie a été attaquée il y a quelques jours. Doit-on craindre un usage d'armes lourdes à court ou moyen-terme? 

    Guillaume Jeanson: «Depuis la chute du mur et les conflits des Balkans, il n’est un mystère pour personne que les armes de guerre prolifèrent dans certaines zones. La hausse des homicides, elle-même souvent liée à la montée des règlements de compte sanglants sur fond de guerre de « points deal » ces derniers mois, devrait assez logiquement entrainer une course à l’armement qui pourrait encore accroître la disponibilité d’armes de plus en plus lourdes dans ces enclaves. On le voit, plus les autorités tardent à agir efficacement, plus le problème sera difficile à résoudre.

    Il faut évidemment que la police parvienne dans ces zones à rétablir l’ordre de la loi. Or, plus elle perd du terrain, plus cette entreprise est difficile. Aujourd’hui, la tâche est déjà ardue et le politique et la hiérarchie policière feraient bien d’épauler les hommes de terrain pour y parvenir. On a pourtant le sentiment qu’ils font tout l’inverse, qu’ils donnent des ordres de ne pas agir quand il le faudrait et qu’à la première orchestration médiatique – tout le monde se souvient de l’affaire Théo – ils n’hésitent pas à abandonner ces hommes à la vindicte publique. Bien sûr, comme toute appréciation générale, ce tableau manque certainement de nuances, mais il est inquiétant de mesurer combien cette perception est aujourd’hui répandue.

    Le problème ici tient donc à la fois à une question de courage du politique et des institutions et à une question de discernement. Non, la riposte systématique à balles réelles n’est sans doute pas à privilégier, mais – compte tenu de la dangerosité à laquelle sont aujourd’hui parfois exposés les forces de l’ordre,– il existe bien des situations où, dans le respect des critères fixés par la loi, une telle riposte devrait s’imposer et faire l’objet d’un soutien de la part de la hiérarchie policière et du politique. A défaut, la situation continuera de dégénérer.»

    Sputnik France: Sujet connexe: les tensions dans les quartiers dits «sensibles» ne sont pas les seules. Les bavures semblent se multiplier face aux gilets jaunes, avec ou sans flashball. Les non lieux doivent-ils nous inquiéter ? 

    Guillaume Jeanson: «Ce sujet n’est au contraire pas si connexe que cela. Non seulement parce que la police perd autant en crédit en désertant qu’en agissant illégalement, mais aussi parce que les bavures éloignent la population de sa police. Or, une police sans contact avec sa population perd considérablement son efficacité et ses moyens d’actions. Sans parler du fait même qu’elle manque à l’une de ses missions prévues par l’article R. 434-2 Code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale: celle d’être justement «au service de la population». La justice doit donc se montrer aussi inflexible envers ceux qui défient la police qu’envers la police elle-même dès lors qu’elle n’agit plus dans le cadre de la loi. A cet égard, si en 2018 l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a enregistré une hausse de 8,8% des saisines judiciaires et de 5,1% des saisines administratives, la justice a pour sa part saisi l’IGPN de 1.180 enquêtes.

    Vous évoquez les flashballs et les gilets jaunes. Cet exemple me paraît significatif de ce que j’exprimais au sujet de la responsabilité du politique dans cette fracture qui pointe entre police et population. Il a en effet été mis en exergue ces derniers mois que de nombreux cas de bavures aux flashballs étaient principalement imputables à des unités de police chargées par les autorités d’exercer des missions pour lesquelles elles n’avaient été ni formées ni entrainées. Quand on connaît les conséquences dramatiques que cela a eu pour certains manifestants, on ne peut faire l’impasse sur la responsabilité de ceux qui ont décidé d’employer ces unités-là à de telles missions. Ont-ils seulement été inquiétés?»

    Guillaume Jeanson, propos recueillis par Edouard Chanot (Sputnik, 11 janvier 2020)

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  • Le Monde à l'heure de Poutine...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°25, janvier-février 2020), dirigée par Jean-Baptiste Noé, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré à la Russie de Vladimir Poutine.

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    ÉDITORIAL

    L'axe du monde, par Jean-Baptiste Noé

    CHRONIQUES

    IDÉES

    George Orwell et la géopolitique, par Florian Louis

    PORTRAIT

    Matteo Salvini. Le buldozer italien, par Pierre Royer

    LE GRAND ENTRETIEN

    Nuno Severiano Teixera. Portugal : le pays archipel cultive son jardin

    ART ET GEOPOLITIQUE

    L'art sous le règne de Poutine , par Aude de Kerros

    GRANDE STRATÉGIE

    Alexandre maître de guerre, par Olivier Battistini

    HISTOIRE BATAILLE

    Patay (18 juin 1429). Le commencement de la fin, par Pierre Royer

    ENJEUX

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    CARTES

    VUE SUR LA MER

    CHRONIQUES

    LIVRES

    GÉOPO-TOURISME

    LIRE LES CLASSIQUES

     

    DOSSIER

    Le monde à l'heure de Poutine

    Vingt ans de Poutine, par Frédéric Pons

    Toqué... de tocantes, par Patrice Brandmayer

    Le cinéma patriotique sous Poutine, par Pascal-Marie Lesbats

    1999-2019 : 20 ans d'évolution, par Jean-Baptiste Noé

    Littérature et culture comme approche de l'identité russe, par Anne Pinot

    Russie : un soft power négatif, par Didier Giorgini

    Poutine, l'orgueil retrouvé de la diplomatie russe, par Hadrien Desuin

    Le grand retour de la Russie au Moyen-Orient, par Frédéric Pichon

    La Russie et la Chine en Eurasie, par Pascal Marchand

    La Russie et ses marges, par Christophe Réveillard

    Entretien avec Valery Rastorguev

    Russie  : un État mafieux ? Mythes et réalités, par Nicolas Dolo

    L'armée russe à l'ère de l'éclatement stratégique, par Peter Debbins

    Le secteur énergétique russe, par Robin Terrasse

    Le grand retour de la Russie en Afrique, par Bernard Lugan

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  • Quand Washington attaque un état souverain...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros cueilli sur Marianne et consacré à l'attaque perpétrée en Irak par l'armée américaine contre le général Qassem Soleimani, haut-dignitaire iranien. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Iran-USA : l’élimination de Soleimani, “acte de guerre direct de Washington contre un État souverain”

    Après moi le déluge“. Ce pourrait être le prochain tweet de Donald Trump. Car les vraies motivations et calculs du président américain pour décider de l’assassinat du général Soleimani commandant la Force Al-Qods des Gardiens de la révolution iraniens, et au passage de Abou Mahadi al Muhandis, numéro deux de la milice chiite Kataeb Hezbollah (l’une des composantes principales des unités de mobilisations populaires irakiennes que contrôlait le Général Soleimani) ne sont pas forcément, et en tout cas pas uniquement, celles que l’on croit. Ses calculs se révèleront-ils justes in fine ? Nul ne peut aujourd’hui le dire. Il est en revanche possible de tirer un certain nombre d’enseignements de cette attaque.

    Attaque contre un état souverain

    C’est la première fois depuis longtemps que l’Amérique supprime, non un terroriste paria ou un has been comme Obama a tué Ben Laden en 2011 ou Trump lui-même a fait supprimer Al Baghdadi en 2019. Comparaison n’est ici pas raison. Qassem Soleimani était un membre éminent des forces armées officielles de la République islamique d’Iran, donc de l’appareil d’État. Il travaillait à visage découvert pour la puissance et l’influence de son pays.

    Son élimination est donc, sans équivoque aucune, un acte de guerre direct de Washington contre un État souverain, non une attaque opportuniste contre un homme ordinaire ou en rupture de ban, que l’on peut mener car l’occasion s’en présente, mais, à travers lui, une agression de très forte portée symbolique contre une nation traitée comme ennemie, et aussi contre une autre nation, prétendument amie celle-là : l’Irak. C’est un peu comme si Téhéran venait d’assassiner le chef d’état-major des armées américaines. On ne fera pas l’injure de jauger l’intelligence de cette décision : frapper l’État et le pouvoir iraniens en leur cœur en éliminant un héros de la guerre Iran-Irak qui incarnait la résistance opérationnelle victorieuse et pleine de panache face au “Grand Satan” et en faire ipso facto et à jamais un martyr : bien joué…

    Dans la foulée de ce mémorable succès, un déluge de fake news s’est naturellement abattu sur la presse américaine : Soleimani était “un meurtrier de masse, responsable de la mort de centaines de soldats américains depuis 2003 grâce à sa tactique popularisée des IED…. Il aurait le sang des 500 000 morts syriens sur les mains…“, l’Amérique étant naturellement, quant à elle, et comme chacun sait, le parangon de la paix internationale… N’en jetons plus ! Cette rhétorique est aussi ridicule qu’indécente. Si c’était son homologue américain, britannique, israélien ou français que l’Iran avait neutralisé, le caractère illégal et extraterritorial de cette élimination n’en serait pas moins avéré. Le Général Soleimani faisait son travail, très exactement comme ses pairs étrangers. Il ne déstabilisait pas le Moyen-Orient en cherchant à y promouvoir l’influence iranienne sauf à penser que la domination écrasante des monarchies du Golfe et de leurs supplétifs islamistes radicaux qui mettent à feu et à sang la région depuis plus de vingt ans, sont des éléments de stabilité. Ce renversement pur et simple des faits qui mise sur l’ignorance et le grégarisme des foules occidentales tient du cynisme le plus achevé.

    Le terrorisme qui frappe nos concitoyens et noyaute nos sociétés n’est pas chiite mais sunnite. Qassem Soleimani, figure éminente du courant conservateur et militariste du régime iranien, menait une guerre d’influence comparable à celle que nos nations occidentales – au premier chef desquelles les Etats-Unis – conduisent dans le monde entier sans que personne ne s’en offusque alors que des régions entières en font les frais et sont déstabilisées à un titre ou à un autre. Depuis la nuit des temps, chaque pays avance ses intérêts, à plus ou moins n’importe quel prix, surtout s’il se croit au-dessus des lois internationales. Il en va de même de tous les services secrets de tous les États du monde, qui travaillent presque toujours dans l’illégalité ou sous double visage. L’illégalité de l’assassinat du Chef d’Al-Qods ne tient donc pas à sa personne, mais à la méthode (décision unilatérale, sans aucun mandat onusien ni aucune concertation des alliés, etc…) et au total mépris de la souveraineté irakienne qu’elle a manifesté. Ce n’est donc pas l’Iran qui déstabilise le Moyen-Orient, ce sont les Etats-Unis, qui sont passés maitres en cette manœuvre depuis des décennies et ne supportent pas qu’on les contre.

    Les objectifs de l'attaque

    Quelle que soit la fureur et les délires de la guerre de la communication, l’avenir dira si le calcul politique de Donald Trump en autorisant cette opération aura été payant. Une chose est d’ores et déjà certaine : cette nouvelle répétition des erreurs tactiques et stratégiques américaines depuis près de vingt ans aura de dramatiques conséquences régionales et globales.

    Car l’élimination du Général Soleimani et du numéro deux de la principale milice chiite irakienne a deux objectifs principaux qui n’ont que peu à voir à mon sens avec une préoccupation altruiste pour la stabilité du Moyen-Orient :

    A – C’est un piège anti-Démocrates. La vraie cible de Donald Trump est là. En plein impeachment, le président en campagne ressoude le pays autour de lui et oblige ses adversaires démocrates à suivre son élan de mâle alpha sous peine de passer sinon pour des antipatriotes, des faibles… et de perdre les soutiens financiers saoudien et même qatari primordiaux pour leur campagne présidentielle.

    De ce point de vue, même si le camp démocrate essaie de discréditer la décision présidentielle, l’assassinat de Soleimani est une très bonne opération de politique intérieure. Donald Trump vient de montrer à son électorat que l’Amérique était forte et qu’il incarnait seul cette force. Au moment précis où tout est fait pour l’abattre, où ses adversaires essaient de le noyer sous d’interminables et médiocres procédures, lui garde le bon niveau, assume ses responsabilités de gendarme du monde et s’occupe de la sécurité de l’Occident tout entier en supprimant sans autre forme de procès un fauteur de troubles redoutable. Le caractère primaire du raisonnement ne laissera jamais d’étonner : l’Amérique ne serait forte que lorsqu’elle fait la guerre ? Pourtant elle les perd toutes… Comme vient de le redire candidement le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, “ne rien faire revient à se montrer faible” ? Donc on fait n’importe quoi… Un ange passe, mais le Président, après l’attaque, n’oublie pas de tweeter… un drapeau américain !

    Il ne faut toutefois pas oublier que cette déclaration de guerre à l’Iran, quelles que soient les formes prises, correspond aussi à ce que veulent, attendent et préparent le Pentagone et la CIA depuis des années. Ainsi, Donald Trump, qui à bien des égards est prisonnier depuis plus de deux ans de la Maison Blanche et du Deep state américain, entre ici en convergence objective avec eux. Peut-être pour la première fois. Et c’est là encore un bon calcul politique dans la perspective de la présidentielle de novembre prochain.

    B – Cette action illégale et extraterritoriale traduit aussi une nouvelle crispation de l’Empire en déroute, qui veut forcer les Européens à se réaligner sur ses oukases et à renoncer à toute velléité d’indépendance par rapport à Washington (indépendance par rapport à l’OTAN ou énergétique, pour ne citer que ces deux aspects). 

    Les États-Unis ont finalement compris que, plus de quinze ans après leur invasion de l’Irak, le pays était en passe de leur échapper et de passer définitivement sous tutelle iranienne après l’échec des manifestations de la jeunesse irakienne reprise en main par le général Soleimani en personne. L’homme incarnait leur échec. Il fallait d’urgence reprendre l’Irak à l’influence de Téhéran et, avant qu’il ne soit trop tard, faire rebasculer la situation à leur avantage. C’était du moins le plan…

    En tuant Soleimani, ils ouvrent cependant à l’Iran le monde entier comme théâtre de représailles et globalisent l’affrontement en le sortant de sa logique régionale. Ils impliquent potentiellement tous leurs alliés en leur demandant de choisir : “Avec nous ou contre nous”. On se croirait en septembre 2001. Vous êtes contre notre approche ? Vous êtes donc pour le terrorisme ! Qui osera alors désobéir ? Mike Pompéo estime d’ailleurs que l’Europe s’est globalement montrée “inutile” dans le lancement de l’opération. La règle sur les doigts que nous tendons piteusement comme d’habitude.

    Plus largement, l’assassinat de Qassem Soleimani est un nouvel exemple de l’extraterritorialité américaine et du mépris souverain dans lequel l’Amérique tient le reste du monde, la Charte des Nations Unies, le droit international, les outils du multilatéralisme et toute limite légale ou légitime mise à sa volonté de puissance.

    Or, toute l’histoire des relations internationales démontre que l’approche punitive, la diabolisation, les sanctions et les attaques unilatérales sont toujours politiquement contreproductives. On ne coupe jamais ainsi une population de son régime, aussi dur et inique fût-il, car le chantage est une pratique insupportable à tout peuple dont l’âme est souveraine. L’avilissement moral et culturel des nations européennes, la faillite de l’idée même de la souveraineté en Europe, leur ont fait croire que l’on pouvait acheter les consciences et les comportements politiques partout dans le monde, par l’argent, l’intimidation, la prise en otage sécuritaire ou économique d’un peuple pour le contraindre à lâcher ses gouvernants. C’est une illusion post moderne et un calcul qui se révèlent immanquablement faux (Irak, Syrie, Libye, Russie, Iran…). La répétition entêtée de cette approche manifestement perdante laisse songeur : soit on ne comprend rien, soit on veut que la situation s’envenime, ce qui est bien plus probable.

    Par ailleurs, la recherche de la guerre, de son prétexte, de son occasion, reste une quête permanente des administrations américaines démocrates comme républicaines, à de très rares exceptions près, et jamais très longtemps. Les États-Unis confondent la guerre et la vengeance. Ils ne font pas de compromis, n’estiment que la force et cherchent l’escalade avec une lanterne. Ils s’imaginent que la riposte à une blessure de souveraineté ne vaut que pour eux. Mais les États et les peuples, mis à part peut-être certaines nations européennes émasculées et repentantes, ont tous les mêmes réflexes presque reptiliens de regroupement et de résistance ! Une attaque spectaculaire et inique qui met leur pouvoir politique en danger les soude. Ce fut le cas des attentats du 11 septembre 2001 qui permirent à George W. Bush de lancer une formidable “guerre contre la terreur” mais aussi d’engager une opération de contrôle intérieur sans précédent au nom de la lutte antiterroriste.

    Cette fois-ci, la séquence a été la suivante :

    1. Mai 2018 : Sortie unilatérale des Etats-Unis du JCPOA
    2. Pusillanimité puis alignement de l’Europe sur les orientations américaines
    3. Echec d’INSTEX, le “mécanisme européen” de contournement des sanctions américaines contre l’Iran mis en place en janvier 2019 mais jamais en musique
    4. Mai 2018 : Transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem
    5. Mai-août 2019 : Crise du détroit d’Ormuz
    6. Octobre 2019 : Occupation du Golan Syrien par Israël (feu vert de DT en mars)
    7. Septembre 2019 : Reprise des opérations d’enrichissement par Téhéran
    8. 27 décembre 2019 : Mort d’un Contractor américain en Irak
    9. 29 décembre : Mort de 25 miliciens chiites en Irak
    10. 31 décembre : Attaque de l’ambassade américaine à Bagdad
    11. 2 janvier 2020 : Frappe de drone américain en plein Bagdad sur le convoi du général Soleimani
    12. 3 janvier : Nouvelle série de frappes américaines sur les Unités de Mobilisation Populaires irakiennes (Démentie à ce jour par l’armée irakienne)

    Une faute tactique

    Le peuple iranien, que l’on pouvait croire en partie las de la poigne du régime et de l’échec de l’ouverture du pays à la coopération internationale, est désormais rassemblé derrière ses dirigeants politiques militaires et religieux. Il a compris combien la menace américaine était concrète. Le parlement Irakien vient de voter le départ des troupes américaines qui étrangement se renforcent de 3 500 marines prudemment déployés pour l’heure au Koweit. Le pouvoir de Bagdad et la rue irakienne, majoritairement chiite, vont coller à Téhéran perçu de nouveau comme leur protecteur ultime. Les leaders politiques et religieux iraniens et irakiens (notamment le grand Ayatollah Ali Sistani) sont de nouveau en situation d’idylle forcée, et le peuple va suivre bon gré, mal gré.

    Rappelons en effet que c’est en Irak que la confrontation irano-américaine est la plus directe et la plus forte. L’Irak va donc revenir dans le camp iranien. L’élimination du Commandant de Al-Qods et les frappes contre les plus puissantes milices chiites signent l’annihilation de tous les efforts américains pour désolidariser ce pays stupidement abandonné, par anti saddamisme primaire, aux chiites en 2003 et donc à l’influence iranienne. Les Iraniens voulaient que la rue irakienne rentre chez elle et que les troupes américaines s’en aillent ? Washington vient de les aider considérablement. Ils vont pouvoir ramener au bercail la jeunesse irakienne chiite qui semblait dans les récentes émeutes vouloir secouer le joug de Téhéran. Tel un “deus ex machina“, le Général Soleimani était lui-même récemment venu au cœur de Bagdad pour la ramener à la raison et désamorcer cette rébellion.

    Même si Qassem Soleimani était la créature du Guide suprême Ali Khamenei et son instrument contre les modérés partisans de l’ouverture de l’Iran au monde occidental, le poids croissant des Gardiens de la Révolution, de la force al-Qods et de son chef sur le pouvoir politique et religieux comme au sein de l’appareil d’Etat iranien était devenu si fort au fil des années que certains pensaient que la mort du Guide suprême ouvrirait une phase de reprise en main militaire du régime théocratique. Paradoxalement, son assassinat constitue donc une baisse objective de pression sur les religieux. Sinon une bonne nouvelle, du moins l’occasion d’une reprise en main de “la créature” à travers une nouvelle figure de proue intransigeante, mais moins flamboyante et charismatique. Toutefois, Esmail Qaani, numéro 2 de la Force Al-Qods, immédiatement nommé par le guide suprême Ali Khamenei, est aussi un “dur” farouchement et ouvertement anti-américain depuis 2016. Continuité inquiétante, mais attendue. Le Général Qaani aura d’autant plus à faire qu’en tuant Soleimani, l’armée américaine ouvre tragiquement la porte à une résurgence en Irak de l’État Islamique dont le chef d’Al Qods était l’un des plus fervents et efficaces ennemis. Au-delà de l’écran de fumée jeté par Washington pour justifier son acte, c’est l’Irak qui est désormais de nouveau livré sans états d’âme au véritable terrorisme, celui de l’Islam sunnite radical d’al-Qaeda et de Daech. C’est l’aveu d’une convergence d’intérêt tactique entre USA et l’État islamique contre Téhéran (et cela explique d’ailleurs aussi les accords passés par Washington avec les Talibans afghans et le blanc-seing donné à Erdogan en Syrie et désormais en Libye) et d’une claire indifférence américaine pour le sort des populations civiles locales.

    Il faut en effet relever la concomitance de l’opération américaine avec l’offensive turque lancée au même moment en Libye au secours du gouvernement légal de Tripoli, même s’il est à ce stade prématuré d’en tirer de claires conclusions. A son habitude, Erdogan avance ses pions sur tout l’échiquier et se sert de la concentration américaine sur l’Iran pour mener sa barque vers la Tripolitaine et gêner à la fois Moscou et Téhéran qui soutiennent le Maréchal Haftar aux côtés de l’Arabie saoudite – des Émirats arabes unis, de l’Égypte. On ne peut que redouter que la situation ne s’aggrave considérablement avec ce nouvel entrant officiel en appui du pouvoir officiel de Sarraj, sans représentativité populaire et fragilisé par sa compromission avec les milices islamistes. La stabilisation de la Libye n’est pas pour demain.

    L’assassinat du général Soleimani aura donc été une faute tactique majeure à l’impact stratégique potentiellement dévastateur. L’opération américaine précipite en effet ce que l’Amérique redoute le plus : la consolidation de l’axe russo-sino-iranien d’opposition à l’ordre occidental (cf. leurs manœuvres militaires récentes conjointes dans le Golfe persique), et renforce la lutte entre wahhabites et Frères musulmans. C’est aussi une illustration supplémentaire du caractère parfaitement inopérant du manichéisme et du moralisme cynique en relations internationales. On a changé de décennie, malheureusement pas d’état d’esprit. La nouvelle année pourrait être celle de tous les dangers. La guerre approche. Elle ne sera pas forcément ouverte, même si Israël n’attend qu’un feu vert américain, même discret, pour lancer des attaques décisives contre les installations nucléaires iraniennes.

    Comment va riposter le pouvoir de Téhéran ? Probablement pas par des attaques frontales qui signeraient l’enclenchement d’une campagne aérienne dont il ne pourrait sortir militairement vainqueur. On peut redouter que le détroit d’Ormuz ne redevienne extrêmement dangereux, comme l’Irak, La Libye, la Syrie, le Liban et naturellement le malheureux Yemen. Bref, c’est toute la région qui replonge dans les abysses de la violence, sans parler du tragique fortifiant donné à Daech toujours en embuscade. Ce n’est que la suite logique d’une politique étrangère manichéenne et cynique faite d’anathèmes et d’injustice profonde et prisonnière d’un littéralisme qui n’a rien à envier à celui des religieux ultras que l’on dénonce comme rétrogrades ou obscurantistes.

    Quelles conséquences ?

    En fait, tout va dépendre une fois encore largement de la posture russe et de l’arbitrage du président Poutine face au franchissement américain d’une ligne rouge. Pour Moscou, il ne s’agit pas tant de défendre Téhéran que d’empêcher l’Amérique de continuer à se moquer ouvertement du reste de la planète et d’annihiler les lambeaux d’une gouvernance mondiale en grande souffrance. C’est elle en effet, non l’Otan, qui est “en état de mort cérébrale” ! A l’instar de l’UE qui, en pleine crise de servilité aggravée, attendrait parait-il, “les instructions” de Washington pour savoir à quelle sauce nos sociétés pétrolières impliquées dans le chantier North Stream 2 seront dévorées du fait d’une nouvelle salve de sanctions américaines votées par le Congrès pour contrôler “au nom de la sécurité énergétique européenne” (sic !) la fourniture de gaz de l’Europe et lui imposer son GNL. On croit rêver….

    Moscou prend ainsi le rôle de pivot dans la crise. La Russie est plus que jamais une puissance globale renaissante avec laquelle il faut compter et composer. Sans même évoquer le missile balistique hypersonique russe Avangard (annoncé le 27 décembre par le ministre de la défense russe), qui confère, comme d’autre nouvelles armes russes, une protection potentielle redoutable à ses protégés, on ne peut ignorer que le sort de l’Iran dépendra grandement du statut que va lui accorder Moscou dans cette guerre des signaux à l’échelle planétaire. Selon que le président Poutine condamnera l’opération américaine avec une grande vigueur ou en demi-ton, l’axe de puissance alternatif au troupeau occidental regroupé derrière la sanglante bannière de Washington prendra du muscle et du poids… ou demeurera susceptible d’aménagements. Le premier scénario serait désastreux pour Washington. Le second est plus probable, du moins à court terme. La Russie ne se considère pas comme une simple puissance régionale à l’instar de l’Iran ou de la Turquie, mais comme un acteur global. Elle n’a aucun intérêt à se trouver liée aux mésaventures iraniennes. Elle pratique une politique du dialogue maximal avec tous les acteurs, pour consolider son statut de médiateur et de protecteur de la légalité internationale. C’est d’ailleurs principalement la violation américaine caractérisée du droit international qu’elle a dénoncée après l’assassinat dans une déclaration prudente. Par ailleurs, en tant qu’ancien “Grand” et membre permanent du Conseil de Sécurité, Moscou a à cœur de maintenir un canal de dialogue sur un pied d’égalité avec Washington qui lui permet de briser le tête à tête humiliant pour elle de Washington et Pékin.

    La France est elle aussi puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Notre pays a en conséquence une responsabilité particulière dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Nous devons donc, en toute logique, nous placer résolument aux côtés de l’Iran au nom de la légalité internationale et de la sauvegarde impérieuse du multilatéralisme dont les lambeaux demeurent les ultimes protecteurs de la sécurité collective internationale.

    Notre réaction était attendue. C’est d’abord le président Macron en personne qui aurait dû réagir, non l’un de ses secrétaires d’État adjoints. Et puis surtout, au lieu de s’aligner une fois encore benoitement sur les positions américaines simplement indéfendables, il fallait nous désolidariser de cette rhétorique délirante sur le terrorisme iranien, commode défausse pour faire oublier l’alliance avec l’Arabie saoudite et le dramatique encouragement donné de nouveau à Daech. Il ne sert à rien de se lamenter sur notre aura perdue et notre influence internationale en déroute si l’on ne sait pas montrer notre indépendance de jugement et d’action et notre esprit de responsabilité en d’aussi graves circonstances. Si la France veut encore être prise au sérieux sur la scène du monde, nous n’avons qu’une réaction possible : dénoncer haut et fort cet assassinat extraterritorial et parfaitement illégal, un geste de guerre américain dont les motivations intérieures mettent en danger toute la région et au-delà l’équilibre international. La ficelle est si grossière qu’elle en devient insultante, même pour les plus complaisants des alliés américains. Surtout, elle porte un grave préjudice à l’atmosphère de respect minimal qui doit impérativement revenir pour espérer faire retomber la tension. Pour la France, le courage consiste donc à se désolidariser de l’escalade qui est bien américaine, au lieu d’appeler la force Al-Qods à cesser ses “activités déstabilisatrices” et l’Iran à “s’abstenir de toute escalade militaire susceptible d’aggraver encore l’instabilité régionale”

    C’est le monde à l’envers ! Donald Trump vient de menacer Téhéran d’attaquer 52 cibles iraniennes pas uniquement militaires en cas de riposte à ses frappes meurtrières. Le conseiller militaire du Guide Suprême a lui fait preuve de retenue en prévenant que les représailles porteront exclusivement sur ces cibles militaires. C’est enfantin. C’est naïf. C’est mal connaitre son adversaire et l’acculer dangereusement. L’unilatéralisme belliqueux n’est pas acceptable car nous tous paierons le prix de l’aventurisme américain. Les croisades punitives ont fait la preuve de leur inefficacité depuis des lustres. Le président français a une occasion historique, comparable à celle du président Chirac en 2003, de montrer qu’il sait réfléchir et décider en toute indépendance, à long terme et pour les stricts intérêts nationaux de son pays. Il en va aussi de notre honneur. Il peut et doit initier immédiatement une coalition des nations de bon sens contre l’engrenage proposé par Washington et refuser tout alignement direct ou indirect, quelles que soient les pressions ou critiques. Si les Etats-Unis veulent s’engager dans une guerre, qu’ils en assument seuls la responsabilité ou trouvent des alliés serviles ou intéressés pour les suivre dans cette aventure inique. La France n’en sera pas. Peut-être est-il aussi grand temps d’aller à Téhéran rencontrer le Guide pour lui redire notre attachement à la paix et notre détermination à aider son pays. Et le faire.

    Caroline Galactéros (Marianne, 8 janvier 2019)

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  • Philosophie de l'héroïsme et de la sainteté...

    « On se méfie des héros, parce qu’ils sont porteurs d’une charge aristocratique. Ils sont, en compagnie des saints, trop grands pour notre temps. Le héros court volontairement à son destin hors du commun. Il possède d’immenses qualités. C’est inquiétant, c’est inégalitaire ! Les siècles passés admiraient ceux qui forçaient le destin, les combattants ; le nôtre admire ceux qui le subissent sans l’avoir recherché.» Robert Redeker

     

    Les éditions Desclée de Brouwer viennent de publier un essai de Robert Redeker intitulé Les Sentinelles d'humanité - Philosophie de l’héroïsme et de la sainteté. Philosophe, Robert Redeker est notamment l'auteur de Egobody (Fayard, 2010), Le soldat impossible (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Le progrès ? Point final. (Ovadia, 2015), L'école fantôme (Desclée de Brouwer, 2016) ou dernièrement L'éclipse de la mort (Desclée de Brouwer, 2017). A l'origine classé à gauche, l'auteur vit depuis 2006 sous protection policière à la suite des menaces de mort qu'il a reçues pour la publication dans le Figaro d'un texte hostile à l'islamisme.

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    " Dans la crise de civilisation où nous sommes entrés, les figures du héros et du saint semblent faire l'objet d'une nouvelle attente. Si la philosophie commence avec l'étonnement, il y a là matière à méditer. De fait, héroïsme et sainteté sont des besoins collectifs et personnels - mais pourquoi ? Quelle est la réalité de ces deux conduites ? En quoi se séparent-elles et en quoi fusionnent-elles ? Pourquoi ont-elles été à ce point dévaluées ? Ces êtres d'exception n'ont rien à voir avec le surhomme ou le transhumain. Ils ne constituent pas des fuites hors de l'humanité. Ils nous rappellent ce que nous sommes - autre chose que des animaux et des machines - et nous appellent à vivre en conséquence. Ils sont paradoxalement les gardiens de notre finitude. "

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  • Analyse d’un désastre annoncé...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et dans lequel il dresse un bilan sans concession des 30 mois de présidence d'Emmanuel Macron. Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a récemment publié La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).

     

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    Bilan de 30 mois de macronie : analyse d’un désastre annoncé

    La super classe mondiale a promu en 2017 Emmanuel Macron pour qu’il conduise les changements qu’elle souhaitait imposer à la France.

    Hélas, sa présidence tourne au mauvais vaudeville. Et les oligarques commencent à se demander s’ils n’ont pas fait le mauvais choix.

    Macron n’est pas Thatcher

    Il ne faut pas oublier qu’Emmanuel Macron a été élu grâce à un coup d’état médiatique et judiciaire qui a éliminé François Fillon du second tour de l’élection présidentielle.

    Cette manœuvre a réussi mais elle a eu cependant deux lourdes conséquences pour l’avenir politique d’Emmanuel Macron :

    – D’abord, son élection de 2017 ne résulte d’aucun mouvement populaire en sa faveur. Le premier parti de France ce n’est pas LREM – qui n’a pas dépassé 16 % des inscrits en moyenne – mais… les abstentionnistes et le Rassemblement national !

    – Ensuite, le projet politique porté par Emmanuel Macron ne correspond nullement à l’attente majoritaire des Français, comme le montrent avec constance les différents sondages d’opinion, mais seulement aux demandes des différents lobbies qui l’ont porté au pouvoir

    Cela signifie que la coupure entre le pays légal – la macronie – et le pays réel – la France périphérique – atteint un niveau sans précédent sous la Ve république. Et aucune « grâce d’état » n’est venue la combler, bien au contraire.

    Car, circonstance aggravante, l’homme que l’oligarchie a choisi pour « réformer » – c’est-à-dire déconstruire – la France n’est manifestement pas à la hauteur de son mandat. A l’évidence, Macron n’est pas Thatcher.

    Homme de cabinets et de sérails, parachuté à 40 ans au sommet de l’Etat par la magie des médias et l’argent des lobbies, Emmanuel Macron manque cruellement d’expérience et donc de sagesse politique. Et l’on n’a pas tardé à s’en rendre compte, tant en France qu’à l’étranger.

    Résultat : après 30 mois de pleins pouvoirs macroniens, la France s’enfonce dans le chaos social et politique.

    La France qui tombe

    La propagande gouvernementale omniprésente a bien du mal à cacher, en effet, que l’arrogant Emmanuel Macron se montre incapable de faire mieux que ses prédécesseurs, bien qu’il dispose d’une Assemblée nationale et de médias à sa dévotion. Et qu’il bénéficie du soutien du patronat et de toute l’oligarchie française.

    En 30 mois, la France est devenue le premier pays de l’OCDE pour le poids des impôts. Les dépenses publiques ne cessent d’augmenter (55,6 % en 2019), comme la dette publique (elle a atteint 100 % du PIB en 2019).

    A l’exception de la Finlande, la France est désormais le seul pays européen à présenter son budget en déficit primaire, c’est-à-dire hors dette. La balance commerciale ne s’améliore pas non plus.

    L’insécurité explose et pas seulement à Paris. Enfin, le taux de pauvreté a grimpé de 0,2 point à 14,3 % en 2018. 9,1 millions de personnes vivaient ainsi sous le seuil de pauvreté en France.
    L’indice de Gini, qui mesure les inégalités, a connu sa plus forte progression depuis 2010. Et les usines continuent de fermer et l’immigration de continuer de plus belle : la France devient en 2019 le premier pays pour l’accueil des « demandeurs d’asile » !

    Mais il est vrai que les profits des entreprises du CAC 40 se portent bien.

    La risée du monde entier

    A l’étranger, le bilan n’est pas meilleur car tout le monde a fini par se lasser des palinodies françaises. Dans le domaine des relations internationales, l’« en-même-temps » macronien et la com ne marchent plus. En effet, seuls comptent les rapports de force.

    On se lasse en Europe des déclarations à l’emporte-pièce de ce président français, jamais suivies d’effet concret. L’Otan est en état de « mort cérébrale » ? Mais pourquoi alors la France continue-t-elle d’y adhérer ?  La Russie n’est « pas une ennemie » ? Mais alors pourquoi la France s’associe-t-elle aux « sanctions » contre elle ? L’Union européenne est en crise ? Mais quelles initiatives la France prend-elle ? Aucune !

    Emmanuel Macron aime bien embrasser ou tripoter les chefs d’Etats étrangers sous l’œil attendri des caméras de BFM TV. Mais dès qu’il leur tourne le dos, ceux-ci se moquent de lui et il n’obtient jamais rien ! Sans compter les nombreux dirigeants avec lesquels Emmanuel Macron s’est fâché, là encore sans aucun résultat positif pour notre pays.

    La « start-up » macronienne devient la risée du monde entier et la France l’homme malade de l’Europe.

    La macronie sombre dans la crise sociale

    Personne n’ignore à l’étranger que la macronie s’enfonce dans la contestation sociale et que la crédibilité politique d’Emmanuel Macron suit une tendance baissière, comme on dit sur les marchés financiers.

    Personne n’ignore dans les chancelleries que ce président donneur de leçons de démocratie… à l’étranger, ne peut plus aller nulle part en France sans susciter des manifestations d’hostilité.

    Personne n’ignore que cela fera… 59 semaines que les Gilets Jaunes manifestent chaque samedi en France contre sa politique et contre sa personne !

    Comme cela fait maintenant 10 mois que le personnel hospitalier manifeste et fait grève, tout en assurant son service d’urgence. Les sapeurs-pompiers sont, eux, en grève reconductible depuis le mois de juin 2019. Du jamais vu en France !

    En octobre dernier, 27 000 manifestants ont défilé à l’appel des syndicats de policiers, pour une « marche de la colère ». Les agriculteurs manifestent aussi.

    En vérité, on ne connaît pas un secteur professionnel qui n’exprime pas en France un mécontentement contre la politique du pouvoir. Comme on ne sait plus ce qui marche encore normalement dans notre pays, paralysé par les réformes brouillonnes. Désormais en France quand il neige, il n’y a plus d’électricité, les routes sont bloquées et les trains ne circulent plus.

    La retraite du macronisme

    La réforme des retraites devait être, avec la déconstruction du droit social et les privatisations, le grand œuvre de la macronie, conformément au mandat que lui ont donné la super classe mondiale et la commission européenne. Les fonds de pension et les banques se positionnaient déjà pour rafler de juteux profits.

    Las, l’opposition à la réforme des retraites rassemble de nouveau une majorité des Français contre le gouvernement. Et plus encore si on ne s’intéresse qu’à ceux que concerne vraiment la réforme : pas les retraités aisés qui répondent aux sondages !

    Avec cette réforme, au surplus mal gérée, la macronie a réussi la performance de redonner vie aux organisations syndicales et de fournir un nouveau souffle à la contestation populaire. Déjà plus de 25 jours que la grève contre le projet gouvernemental dure, soit plus qu’en 1995 ! Le gouvernement escomptait un essoufflement de la contestation avec les fêtes de Noël, mais cette stratégie de la « trêve » a fait long feu.

    En outre, le projet de réforme « universelle » prend l’eau de partout. Anxieux d’éteindre une grogne sociale croissante, le gouvernement ne cesse de reculer : au profit des policiers, des militaires, des routiers ou des… sénateurs. Et chaque entorse au projet « universel », renforce la détermination de ses opposants. Car si la réforme était si avantageuse que le dit le gouvernement, pourquoi donc en préserver certaines professions ? Poser la question revient à y répondre. Tout le monde a compris en effet qu’il ne s’agissait pas d’un progrès mais d’une nouvelle régression – d’une nouvelle agression – sociale.

    Macron s’empêtre dans la contestation

    En un mois, De Gaulle avait mis fin aux évènements de mai 1968 et remis la France au travail, avec la dissolution de l’Assemblée Nationale, de nouvelles élections et des accords sociaux. En 1984, François Mitterrand, politique avisé, avait eu la sagesse de mettre fin à la guerre scolaire pourtant déclarée par sa propre majorité parlementaire, avec le projet Savary.

    Emmanuel Macron, lui, n’arrive pas à se dépêtrer d’une crise politique et sociale qui dure depuis bientôt 18 mois.

    Pour répondre à une contestation qui prend une ampleur jamais vue dans notre pays, Emmanuel Macron a en effet choisi le mépris, l’enfumage, la censure et la répression. C’est-à-dire qu’il a choisi l’affrontement avec la France réelle.

    Mais, alors que le mécontentement enfle, cette stratégie autiste trouve désormais ses limites. La répression a certes dans un premier temps brisé l’élan des Gilets Jaunes ; mais au fil du temps, elle a renforcé la conviction des opposants à la macronie en donnant un contenu palpable à la nouvelle lutte des classes qui s’installe dans notre pays.

    Une nouvelle lutte des classes dont Emmanuel Macron apparaît désormais à la fois comme le symbole et l’artisan, honni par une France qui commence à se réveiller de sa torpeur.

    Emmanuel Macbeth

    Car pour un nombre croissant de Français, Emmanuel Macron incarne l’oligarque xénocrate qui préfère les métropoles boboïsées et les banlieues de l’immigration à la France rurale ou périphérique.

    L’oligarque qui préfère les racailles, les immigrants et les étrangers aux autochtones, « gens qui ne sont rien[1] » que l’on rencontre dans les gares ou qui « boivent de la bière et mangent avec les doigts » comme le dit si bien son ministre de l’action (sic) et des comptes publics [2] et que l’on peut matraquer et gazer en toute impunité.

    Le président qui a toujours une pensée pour les musulmans, mais jamais pour les catholiques, ces fachos qui ne comprennent rien à la révolution arc-en-ciel [3] ni à la laïcité.

    L’homme qui a force de dire tout et son contraire a perdu toute crédibilité.

    Retranché dans son palais de l’Elysée que protègent encore les robocops du ministère de l’intérieur, Emmanuel Macron se croit à l’abri de la révolte qui gronde. Mais pour les prochaines municipales, on conseille déjà aux candidats LREM de mettre leur sigle en veilleuse. Mauvais présage.

    Emmanuel Macron fait de plus en plus penser à l’usurpateur Macbeth de la tragédie de Shakespeare. Lui qui aime tant parler anglais, devrait pourtant méditer cette prédiction que les sorcières avaient fait à Macbeth : « Birnamwood shall come to Dunsinane ». Sa forteresse finira par être prise et il perdra tout.

    Mais comme Macbeth, Emmanuel Macron ne semble pas avoir compris l’avertissement. Brigitte, qui fut professeur de lettres, pourrait-t-elle lui en expliquer le sens ?

    Michel Geoffroy (Polémia, 6 janvier 2020)

     

    Notes :

    [1] Allocution lors de l’inauguration de la station F ; Le figaro.fr du 3 juillet 2017

    [2] Interview de Gérald Darmanin à Paris Match du 19 décembre 2019

    [3] On se rapportera avec profit au livre de Martin Peltier « la Révolution Arc-En-Ciel en Marche » , DIE éditeur, 2019

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