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  • Cahiers de prison...

    Les éditions Gallimard publient demain les Cahiers de prison (février - octobre 1946) de Louis-Ferdinand Céline. Une acquisition indispensable pour tous les inconditionnels de l'auteur du Voyage au bout de la nuit...

     

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    " En décembre 1945, Louis-Ferdinand Céline est arrêté à Copenhague, où il s'était réfugié avec Lucette et son chat Bébert et tentait d'écrire la suite de Guignol's band: Le dénommé Destouches, immédiatement incarcéré à la prison de l'Ouest, réclame de quoi écrire. L'administration pénitentiaire lui fournit dix cahiers d'écolier de 32 pages avec des règles à respecter : «On ne doit pas écrire sur l'affaire dont on est justiciable ni sur la détention. Tout propos licencieux et malséant est également interdit.»
    À partir de février 1946, le prisonnier note d'emblée des éléments de défense pour empêcher son extradition dans la France de l'épuration, et s'en prend à l'ambassadeur Charbonnières qui le persécute. Mais Céline est repris par l'écriture et les Cahiers de prison dévoilent sa vie après son arrivée au Danemark, sa relation avec Lucette, des souvenirs de Londres ou de Montmartre, et surtout montrent de manière inédite le Céline lecteur. Isolé dans la cellule 609 de la section K., Céline s'entoure de livres apportés par sa femme et cite abondamment Chateaubriand, Hugo, Chamfort, Voltaire, etc., en se comparant avec les «grands écrivains exilés emprisonnés». Les Cahiers illustrent aussi la transition littéraire vers sa «seconde révolution narrative et stylistique», note Jean Paul Louis, avec la mise en chantier de Féerie pour une autre fois et des passages que l'on retrouvera dans D'un château l'autre, Nord et Rigodon.
    Ce volume des Cahiers de la NRF constitue la première édition originale et intégrale des Cahiers de prison de Céline. Avec un nouveau travail d'établissement du texte et des notes, ainsi qu'un index centré sur les noms d'auteurs et les titres d'œuvres, Céline nous apparaît tel qu'en lui-même, obsédé par la littérature et sa condition d'écrivain : «C'est moi maintenant le traître, le monstre, c'est moi qu'on s'apprête à lyncher.» " 

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  • L’entre-soi médiatico-politique...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Michel Maffesoli, cueilli sur L'Inactuelle, dans lequel il analyse les raisons du fossé qui s’est établi entre le peuple et les élites. Sociologue, penseur de la post-modernité, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018) et dernièrement La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019).

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    Michel Maffesoli: “L’entre-soi médiatico-politique”

    N’est-ce point le mépris vis-à-vis du peuple, spécificité d’une élite en déshérence, qui conduit à ce que celle-ci nomme abusivement « populisme » ? L’entre-soi, particulièrement repérable dans ce que Joseph de Maistre nommait la « canaille mondaine » – de nos jours on pourrait dire la « canaille médiatique » –, cet entre-soi est la négation même de l’idée de représentation sur laquelle, ne l’oublions pas, s’est fondé l’idéal démocratique moderne. En effet, chose frappante, lorsque par faiblesse on cède aux divertissements médiatiques, ça bavarde d’une manière continue dans ces étranges lucarnes de plus en plus désertées. Ça jacasse dans ces bulletins paroissiaux dont l’essentiel des abonnés se recrute chez les retraités. Ça gazouille même dans les tweets, à usage interne, que les décideurs de tous poils s’envoient mutuellement.

    La verticalité du pouvoir.

    L’automimétisme caractérise le débat, national ou pas, que propose le pouvoir – automimétisme que l’on retrouve dans les ébats indécents, quasiment pornographiques, dans lesquels ce pouvoir se donne en spectacle. Pour utiliser un terme de Platon, on est en pleine théâtrocratie, marque des périodes de décadence. Moment où l’authentique démocratie, la puissance du peuple, est en faillite.

    Automimétisme de l’entre-soi ou auto-représentation, voilà ce qui constitue la négation ou la dénégation du processus de représentation. On ne représente plus rien, sinon à courte vue, soi-même. Cette Caste on ne peut plus isolée, en ses diverses modulations – politique, journalistique, intellectuelle –, reste fidèle à son idéal « avant-gardiste », qui consiste, verticalité oblige, à penser et à agir pour un prétendu bien du peuple.

    Une telle verticalité orgueilleuse s’enracine dans un fantasme toujours et à nouveau actuel : « Le peuple ignore ce qu’il veut, seul le Prince le sait » (Hegel). Le « Prince » peut revêtir bien des formes, de nos jours celle d’une intelligentsia qui, d’une manière prétentieuse, entend construire le bien commun en fonction d’une raison abstraite et quelque peu totalitaire, raison morbide on ne peut plus étrangère à la vie courante.

    Ceux qui ont le pouvoir de dire vitupèrent à loisir les violences ponctuant les soulèvements populaires. Mais la vraie « violence totalitaire » n’est-elle pas celle de cette bureaucratie céleste qui, d’une manière abstruse, édicte mesures économiques, consignes sociales et autres incantations de la même eau en une série de « discours appris » n’étant plus en prise avec le réel propre à la socialité quotidienne ? N’est-ce pas une telle attitude qui fait dire aux protagonistes des ronds-points que ceux qui détiennent le pouvoir sont instruits, mais non intelligents ?

    Le monopole de la parole.

    Ceux-là même qui vitupèrent et parlent, quelle arrogance !, de la « vermine paradant chaque samedi », ceux-là peuvent-ils comprendre la musique profonde à l’œuvre dans la sagesse populaire ? Certainement pas. Ce sont, tout simplement, des pleureuses pressentant, confusément, qu’un monde s’achève. Ce sont des notables dans l’incapacité de comprendre la fin du monde qui est le leur. Et pourtant cette Caste s’éteint inexorablement.

    Au mépris vis-à-vis du peuple correspond logiquement le mépris du peuple n’ayant plus rien à faire avec une élite qu’il ne reconnaît plus comme son maître d’école. Peut-être est-ce pour cela que cette élite, par ressentiment, utilise, ad nauseam, le mot de « populisme » pour stigmatiser une énergie dont elle ne comprend pas les ressorts cachés.

    Le bienfait des soulèvements, des insurrections, des révoltes, c’est de rappeler, avec force, qu’à certains moments « l’hubris », l’orgueil d’antique mémoire des sachants, ne fait plus recette. Par là se manifeste l’important de ce qui n’est pas apparent. Il y a, là aussi, une théâtralisation de l’indicible et de l’invisible. Le « roi clandestin » de l’époque retrouve alors une force et une vigueur que l’on ne peut plus nier.

    L’effervescence sociétale, bruyamment (manifestations) ou en silence (abstention) est une manière de dire qu’il est lassant d’entendre des étourdis-instruits ayant le monopole légitime de la parole officielle, pousser des cris d’orfraie au moindre mot, à la moindre attitude qui dépasse leur savoir appris.

    Le lieu fait lien.

    Manière de rappeler, pour reprendre encore une formule de Joseph de Maistre, « les hommes qui ont le droit de parler en France ne sont point la Nation ».

    Qu’est-ce que la Nation ? En son sens étymologique, Natio, c’est ce qui fait que l’on nait (nascere) ensemble, que l’on partage une âme commune, que l’on existe en fonction et grâce à un principe spirituel. Toutes choses échappant aux Jacobins dogmatiques, qui, en fonction d’une conception abstraite du peuple, ne comprennent en rien ce qu’est un peuple réel, un peuple vivant, un peuple concret. C’est-à-dire un peuple privilégiant le lieu étant le sien.

    Le lieu fait lien. C’est bien ce localisme qui est un cœur battant, animant en profondeur les vrais débats, ceux faisant l’objet de rassemblements, ponctuant les manifestations ou les regroupements sur les ronds-points. Ceux-ci sont semblables à ces trous noirs dont nous parlent les astrophysiciens. Ils condensent, récupèrent, gardent une énergie diffuse dans l’univers.

    C’est bien cela qui est en jeu dans ces rassemblements propres au printemps des peuples. Au-delà de cette obsession spécifique de la politique moderne, le projet lointain fondé sur une philosophie de l’Histoire assurée d’elle-même, ces rassemblements mettent l’accent sur le lieu que l’on partage, sur les us et coutumes  qui nous communs.

    L’émotion et la solidarité.

    C’est cela le localisme, une spatialisation du temps en espace. Ou encore, en laissant filer la métaphore scientifique, une « einsteinisation » du temps. Etre-ensemble pour être-ensemble sans finalité ni emploi. D’où l’importance des affects, des émotions partagées, des vibrations communes. En bref, l’émotionnel.

    Pour reprendre une figure mythologique, « l’Ombre de Dionysos » s’étend à nouveau sur nos sociétés. Chez les Grecs, l’orgie (orgè) désignait le partage des passions, proche de ce que l’on nomme de nos jours, sans trop savoir ce que l’on met derrière ce mot : l’émotionnel. Emotionnel, ne se verbalisant pas aisément, mais rappelant une irréfragable énergie, d’essence un peu mystique et exprimant que la solidarité humaine prime toutes choses, et en particulier l’économie, qui est l’alpha et l’oméga de la bien-pensance moderne. Que celle-ci d’ailleurs se situe à la droite, à la gauche, ou au centre de l’échiquier politique dominant.

    L’émotionnel et la solidarité de base sont là pour rappeler que le génie des peuples est avant tout spirituel. C’est cela que, paradoxalement, soulignent les révoltes en cours. Et ce un peu partout de par le monde. Ces révoltes actualisent ce qui est substantiel. Ce qui est caché au plus profond des consciences. Qu’il s’agisse de la conscience collective (Durkheim) ou de l’inconscient collectif (Jung). Voilà bien ce que l’individualisme ou le progressisme natif des élites ne veut pas voir. C’est par peur du Nous collectif qu’elles brandissent le spectre du populisme.

    L’organique contre le mécanique.

    Paul Valéry le rappelait : « Ce n’est pas sur ce qu’ils voient, mais sur ce qu’ils ne voient pas qu’il faut juger les hommes ». C’est bien sur ce qu’ils ne voient pas qu’il faut juger la Caste agonisante des notables établis : incapacité de repérer l’invisible à l’œuvre dans le corps social, incapacité à apprécier l’instinct naturel qui meut, sur la longue durée, la puissance populaire.

    On est, dès lors, dans la métapolitique. Une métapolitique faisant fond comme je l’ai indiqué sur les affects partagés, sur les instincts premiers, sur une puissance au-delà ou en-deçà du pouvoir et qui parfois refait surface. Et ce d’une manière irrésistible. Comme une impulsion quelque peu erratique, ce qui n’est pas sans inquiéter ceux qui parmi les observateurs sociaux restent obnubilés par les Lumière (XVIIIe siècle) ou par les théories de l’émancipation, d’obédience socialisante ou marxisante propres au XIXe siècle et largement répandues d’une manière plus ou moins consciente chez tous les « instruits » des pouvoirs et des savoirs établis.

    En son temps, contre la violence totalitaire des bureaucraties politiques [1], j’avais montré, en inversant les expressions de Durkheim, que la solidarité mécanique était la caractéristique de la modernité et que la solidarité organique était le propre des sociétés primitives. C’est celle-ci qui renaît de nos jours dans les multiples insurrections populaires. Solidarités organiques qui, au-delà de l’individualisme, privilégient le « Nous » de l’organisme collectif. Celui de la tribu, celui de l’idéal communautaire en gestation. Organicité traditionnelle, ne pouvant qu’offusquer le rationalisme du progressisme benêt dont se targuent toutes les élites contemporaines.

    Vers une tradition dynamique !

    Oui, contre ce progressisme dominant, on voit renaître les « instincts ancestraux » tendant à privilégier la progressivité de la tradition. La philosophie progressive, c’est l’enracinement dynamique. La tradition, ce sont les racines d’hier toujours porteuses de vitalité. L’authentique intelligence « progressive », spécificité de la sagesse populaire, c’est cela même comprenant que l’avenir est un présent offert par le passé.

    C’est cette conjonction propre à la triade temporelle (passé, présent, avenir) que, pour reprendre les termes de Platon, ces « montreurs de marionnettes » que sont les élites obnubilées par la théâtrocratie sont incapables de comprendre. La vanité creuse de leur savoir technocratique fait que les mots qu’ils emploient, les faux débats et les vrais spectacles dont ils sont les acteurs attitrés sont devenus de simples mécanismes langagiers, voire des incantations qui dissèquent et règlementent, mais qui n’apparaissent au plus grand nombre que comme de futiles divertissements. Les révoltes des peuples tentent de sortir de la grisaille des mots vides de sens, de ces coquilles vides et inintelligibles. En rappelant les formes élémentaires de la solidarité, le phénomène multiforme des soulèvements est une tentative de réaménager le monde spirituel qu’est tout être-ensemble. Et ce à partir d’une souveraineté populaire n’entendant plus être dépossédée de ses droits.

    Les révoltes des peuples rappellent que ne vaut que ce qui est raciné dans une tradition qui, sur la longue durée, sert de nappe phréatique à toute vie en société. Ces révoltes actualisent l’instinct ancestral de la puissance instituante, qui, de temps en temps, se rappelle au bon souvenir du pouvoir institué.

    Le bon sens populaire.

    Voilà ce qui, en son sens fort, constitue le génie du peuple, génie n’étant, ne l’oublions pas, que l’expression du gens, de la gente, c’est-à-dire de ce qui assure l’éthos de toute vie collective. Cet être-ensemble que l’individualisme moderne avait cru dépassé ressurgit de nos jours avec une force inégalée.

    Mais voilà, à l’encontre de l’a-priorisme des sachants, a-priorisme dogmatique qui est le fourrier de tous les totalitarismes, ce génie s’exprime maladroitement, parfois même d’une manière incohérente ou se laissant dominer par les passions violentes. L’effervescence fort souvent bégaie. Et, comme le rappelle Ernest Renan : « Ce sont les bégaiements des gens du peuple qui sont devenus la deuxième bible du genre humain ».

    Remarque judicieuse, soulignant qu’à l’encontre du rationalisme morbide, à l’encontre de l’esprit appris des instruits, le bon sens prend toujours sa source dans l’intuition. Celle-ci est une vision de l’intérieur. L’intuition est une connaissance immédiate, n’ayant que faire des médias. C’est-à-dire n’ayant que faire de la médiation propre aux interprétations des divers observateurs ou commentateurs sociaux. C’est cette vision de l’intérieur qui permet de reconnaître ce qui est vrai, ce qui est bon dans ce qui est, et, du coup, n’accordant plus créance au moralisme reposant sur la rigide logique du devoir-être.

    Du bien-être individuel au plus-être collectif.

    C’est ainsi que le bon sens intuitif saisit le réel à partir de l’expérience, à partir du corps social, qui, dès lors, n’est plus une simple métaphore, mais une incontournable évidence. Ce que Descartes nommait l’« intuition évidente » comprend ainsi, inéluctablement, ce qui est évident.

    Dès lors ce n’est plus le simple bien-être individualiste d’obédience économiciste qui prévaut, mais bien un plus être collectif. Et ce changement de polarité, que l’intelligentsia ne peut pas, ne veut pas voir, est conforté par la connaissance collective actualisant la « noosphère » analysée par Teilhard de Chardin, celle des réseaux sociaux, des blogs et autres Tweeters. Toutes choses confortant un « Netactivisme » dont on n’a pas fini de mesurer les effets.

    Voilà le changement de paradigme en cours dont les soulèvements actuels sont les signes avant-coureurs. On comprendra que les zombies au pouvoir, véritables morts-vivants, ne peuvent en rien apprécier la vitalité quasi-enfantine à l’œuvre dans tous ces rassemblements. Car cette vitalité est celle du « puer aeternus » que les pisse-froids nomment avec dégoût « jeunisme ». Mais ce vitalisme juvénile [2], où prédomine l’aspect festif, ludique, voire onirique, est certainement la marque la plus évidente de la postmodernité naissante.

    Michel Maffesoli

     

    Notes :

    [1] Michel Maffesoli, La Violence totalitaire (1979), réédité in Après la Modernité, CNRS Éditions, 2008, p.539.

    [2] La jeunesse n’étant bien sûr pas un problème d’âge, mais de ressenti, ce que traduit bien le mythe fédérateur de la postmodernité qu’est le Puer aeternus

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  • Les 9 noms du soleil...

    Les éditions Anne Carrière viennent de publier un roman de Philippe Cavalier intitulé Les 9 noms du soleil. Ancien élève de l'Ecole pratique des hautes études en sciences religieuses, Philippe Cavalier est déjà l'auteur de plusieurs romans dont la quadrilogie Le siècle des chimères.

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    En 401 avant notre ère, en Méditerranée orientale. Trente années d’affrontements sans merci ont laissé Sparte et Athènes exsangues. Encore humiliée par ses anciennes défaites de Marathon et Salamine, la Perse des Achéménides n’espérait que cet instant pour fondre à nouveau sur la Grèce affaiblie.

    L’Empire, pourtant, connaît lui aussi des dissensions. À Persépolis, deux frères se disputent le trône. Ambitieux et fantasque, Cyrus veut renverser son aîné, Artaxerxès, en lançant contre lui une armée mercenaire dont dix mille vétérans grecs seraient le fer de lance.

    Pour les chiens de guerre que grise la perspective de l’exploit, commence alors une marche épuisante jusqu’au coeur de la Mésopotamie. Dans les chaleurs du plein été, sous les murs de Babylone, c’est l’affrontement décisif… Mais que peuvent l’audace et la vaillance au combat lorsque tous les princes d’Orient ont juré de venger leur monarque offensé ? Bientôt traqués à travers steppes, déserts et montagnes sauvages, les survivants de la bataille doivent se frayer un chemin par des voies que nul avant eux n’avait osé emprunter. Pour regagner leur patrie, il faudra bien plus que du courage aux fugitifs qui ont désormais élu un lettré à leur tête : l’Athénien Xénophon, jeune homme de trente ans, ancien disciple de Socrate et admirateur des lois de Sparte…

    Odyssée flamboyante et cruelle, Les Neuf Noms du Soleil est le roman-monde d’une Antiquité âpre et grandiose."

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  • La légitimité du pouvoir en question...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un court entretien avec Patrick Buisson, cueilli sur Boulevard Voltaire et dans lequel il aborde la crise de légitimité du pouvoir... Politologue et historien, Patrick Buisson est l'auteur d'une étude historique particulièrement originale intitulée 1940-1945, années érotiques (Albin Michel, 2008) et d'un essai politique important, La cause du peuple (Perrin, 2016).

     

                                     

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  • Crois ou meurs !...

    Les éditions Tallandier et Perrin viennent de publier conjointement Crois ou meurs ! - Histoire incorrecte de la Révolution française, de Claude Quétel. Historien, directeur de recherches au CNRS, Claude Quétel a publié de nombreux ouvrages sur l'Ancien Régime et sur la période de la Seconde Guerre mondiale.

     

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    " « Crois ou meurs ! Voilà l’anathème que prononcent les esprits ardents au nom de la liberté ! » Ainsi s’indigne le journaliste Jacques Mallet du Pan dans le Mercure de France du 16 octobre 1789, au tout début de la Révolution. Voilà qui s’inscrit en faux contre la thèse, solidement ancrée aujourd’hui, de deux révolutions : une bonne, celle des droits de l’homme, qui aurait dérapé pour aboutir à une mauvaise, celle de la Terreur.

    Et si la Révolution tout entière avait été un immense, un désolant gâchis, et ce dès les premiers jours ? Et si ce qui a été longtemps présenté comme le soulèvement de tout un peuple n’avait été qu’une folie meurtrière et inutile, une guerre civile dont l’enjeu mémoriel divise toujours les Français ? Il fallait reprendre l’enquête en revisitant les événements, en les décryptant et en se libérant de l’historiquement correct.

    Ce récit circonstancié s’adresse à tous ceux qui souhaitent qu’on leur raconte enfin une autre histoire de la Révolution française, la vraie. "

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  • Management de Soi : la servitude volontaire idéale...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue cueilli sur Idiocratie et consacré au "développement personnel" comme instrument de contrôle des individus... A noter que le site Idiocratie publie désormais une revue !

     

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    Management de Soi : la servitude volontaire idéale
     
    Dès 1971, Julius Evola rappelait dans Masques et visages du spiritualisme contemporain « que n’importe quelle mixture a sa place dans le récipient ”spiritualisme“ : adaptation du yoga, variantes d’une confuse mystique, “occultisme” en marge des loges maçonniques, néo-rosicrucianisme, régressions naturalistes et primitivistes d’inspiration panthéiste, néo-gnosticisme et divagations astrologiques, parapsychologie, médiumnité, etc. ». Cet inventaire à la Prévert montre que même dans une société grossièrement matérialiste l’homme continue à avoir besoin d’étancher sa soif de mystère, de surnaturel, quitte à se fourvoyer dans les parodies les plus imbéciles. Pourtant, l’effervescence des années 1970 et son lot de religiosités alternatives a laissé la place à une époque froide et calculatrice dans laquelle la spiritualité elle-même fait l’objet d’une approche rationnelle pour ne pas dire managériale. On parle moins d’extase, de mystique et d’initiation que de santé, de bien-être et d’énergie avec en point d’orgue la nécessité d’« être bien dans sa peau » et l’impératif d’« atteindre le bonheur ». Avec son acuité légendaire, Philippe Muray avait parfaitement perçu le phénomène : « Le terrorisme du bien-être est l’une des ultimes tortures que pouvait encore inventer, afin de se croire un peu vivant, un monde qui a senti retomber sur lui la paix des cimetières consensuels »1. Cette recherche effrénée du bien-être constitue effectivement l’un des derniers avatars de la modernité, soit la substitution du psychique au spirituel et, en corollaire, la domestication du soi par les forces du marché-Etat. Une religion de la servitude volontaire ?
     
    Depuis les travaux de Max Weber et de Georg Simmel, l’on sait effectivement que les nouvelles formes de croire rejaillissent dans l’ensemble des rapports sociaux et contribuent de façon plus ou moins explicite à faire évoluer les systèmes politiques – comme ces derniers contribuent également à modéliser les formes de croyance. La difficulté tient cependant à l’identification d’un phénomène hétéroclite dont la notion de « bien-être » révèle à la fois le flou conceptuel et la fortune sémantique. Au départ, cette vaste thématique (bien-être) est née dans l’espace des cultures ésotériques en général et celui du domaine « Santé et développement personnel » en particulier. Elle réunit de multiples courants plus ou moins identifiés : coaching de vie, psychologie humaniste, pensée positive, New Age, néo-chamanisme, etc. Le succès considérable de certains ouvrages et la médiatisation voire la « starification » de leurs auteurs offrent une vitrine sans précédent à un phénomène qui finit par s’agréger sous la formule du « développement personnel »2. Si les approches demeurent plurielles, le contenu tend effectivement à se concentrer sur une thématique, le bien-être, qui peut elle-même se décliner sous plusieurs angles : « souci de soi », « quête de bonheur », « équilibre des énergies », « connaissance de soi-même », etc. Parmi les auteurs célèbres, il faut compter une majorité de thérapeutes/coachs de vie (Isabelle Filliozat, Christophe André, Boris Cyrulnik) auxquels se mêlent des consultants en relations humaines (Laurent Gounelle, Robert Dilts), des chamanes (Miguel Ruiz), des bouddhistes (Mathieu Ricard, Fabrice Midal) et des alchimistes (Patrick Burensteinas) – la liste n’étant pas exclusive. La notoriété des personnalités précitées a permis au développement personnel de s’adresser à un public de plus en plus large jusqu’à apparaître aujourd’hui comme une nouvelle religion, celle du bonheur hic et nunc.
     
    En vérité, nous avons plutôt à faire à une religiosité qui cherche à articuler, souvent à bricoler, plusieurs éléments issus des traditions religieuses et des imaginaires culturels dans le contexte d’une société très largement sécularisée. Selon Peter Sloterdijk, les religions ont même laissé la place à des « système d’exercices spirituels » qui ont pour fonction d’assurer une sorte d’immunité symbolique à des individus plongés dans un monde fortement pathogène. Il s’ensuit une multiplication de l’offre sur le marché des biens de salut qui se concrétise dans une grande variété de programmes « anthropotechniques »3. En parallèle, se produit une « déspiritualisation des ascèses » dans la mesure où tout le monde est appelé à s’exercer lui-même pour optimiser ses chances de survie en milieu hostile ou, plus positivement, de bien-être en système capitaliste. C’est dans ce contexte précis qu’il faut comprendre l’essor du développement personnel, comme une religiosité qui permet aux sujets de panser leurs plaies psycho-spirituelles dans un environnement soumis à de fortes pressions matérialistes.
     
    L’insistance sur la dimension individuelle et thérapeutique tend à réduire la puissance subversive du religieux au profit d’une approche ouverte, tolérante, positive de l’environnement immédiat – ce qui n’empêche pas les critiques « boboïsantes » quant à la qualité de l’air, de la nourriture, des rapports humains, etc. Mieux, le développement personnel peut apparaître à certains égards comme l’un des éléments clés de l’entreprise de normalisation généralisée des subjectivités en régime capitaliste. Autrement dit, cette religiosité qui se nourrit d’une multitude de références (psychologies, spiritualités, philosophies, etc.) s’inscrit dans les représentations contemporaines du monde, c’est-à-dire dans l’imaginaire des sociétés néolibérales. Beaucoup plus qu’une idéologie politique, il faut effectivement prendre en compte tout un ensemble de schèmes de pensées et de conduites qui ont pour effet de produire un monde commun. Ainsi, plusieurs dynamiques à l’œuvre dans le corps social sont transposées dans le développement personnel tout en subissant un léger décalage : la privatisation de l’individu, la liberté d’entreprendre, le désir d’amélioration ou encore l’optimisme de la volonté. A tel point que l’on peut parler d’« entrepreneur de soi-même » ou encore de « business de soi » pour décrire l’émergence d’un moi-projet qui se soumet tout seul au besoin compulsif de performance et d’optimisation.
     
    Cette confusion des genres ressortit dès les années 1980 avec les livres de deux célèbres coachs américains, Stephen Covey et Anthony Robbins, qui peuvent être lus à la fois comme des manuels de gestion d’entreprise et comme des guides de développement personnel. Chaque individu est appelé à devenir le PDG de sa propre existence sur laquelle il peut appliquer les règles du marketing : se concevoir comme une marque, identifier ses groupes-cibles et fidéliser ses clients. Avec pour support une litanie de mots-clés qui permettent d’être bien dans sa peau et efficace dans son travail : « motivation », « flexibilité », « horizontalité », « autonomie », « projet », « épanouissement », « responsabilité », etc. Davantage encore, les techniques du management envahissent l’espace intérieur – la dimension la plus intime de l’être ! – pour le discipliner et le conformer aux impératifs de la société marchande. C’est pourquoi le développement personnel, sous couvert de spiritualité, ne fait que transposer les recettes du management dans la conduite de sa vie individuelle. La « culture de soi », si cher aux philosophes antiques, se voit finalement rabaisser au stade de « business de soi » selon les trois grandes dynamiques du management : information, rétroaction, correction.
     
    En premier lieu, le management procède effectivement de la cybernétique pour mettre au cœur de tout son système : l’information. Cette dernière doit être collectée, traitée et diffusée par un gestionnaire (manager) afin de rendre optimale le fonctionnement d’une organisation – la société moderne étant comprise comme un ensemble complexe d’organisations intriquées les unes dans les autres à la tête duquel se trouvent des méta-organisations (Etats, organisations internationales, firmes multinationales). Dans un tel système, comme le souligne Baptiste Rappin, l’entropie risque toujours d’enrayer le processus de fabrication d’un monde en état d’interdépendance continue4. D’où la nécessité de toujours plus informer, c’est-à-dire mettre en forme de l’indifférencié et de l’homogène afin d’assurer un équilibre sans cesse remis en cause. Cette première étape correspond dans le développement personnel à celle du souci de soi ; littéralement, le moment d’inquiétude qui en appelle à un diagnostic sur l’état général de son organisation physio-psychologique. « Auditez-vous ! » disent les coachs de vie. Là aussi, l’information est primordiale comme le prouve la mise à disposition de plusieurs tests destinés à mieux se connaître : quotient émotionnel, confiance en soi, identification de l’ego, expression des sentiments, etc. Nicolas Marquis rappelle à cet égard que la majorité des lecteurs de développement personnel font état d’un malaise initial qui peut et doit être surmonté par la mise en place de mesures spécifiques. D’où les sommaires qui se décomposent en règle générale de la façon suivante : l’état du « patient », qu’il faut redéfinir dans le langage de l’intériorité, l’identification des problèmes et le protocole d’actions à mener. Notons que le management (de soi comme des organisations) repose sur la confiance dans les outils scientifiques utilisés et suppose la coopération active du sujet dans le programme de remise en forme. De façon plus fine, l’idéologie sous-jacente est bien celle d’un individu sans racines, sans références, qu’il est possible de sonder en permanence afin de l’actualiser – le rendre opérable – dans la société rationalisée. 
     
    C’est le second temps du processus managérial : la politique de rétroaction (feedback). La conversion de l’énergie (les actes) en informations (tableaux de bord) a pour fonction de modéliser le réel au plus près des schémas établis afin de s’assurer le maximum de contrôle dans un système toujours au bord de l’entropie. Concrètement, il s’agit d’ajuster les comportements en fonction des besoins et des objectifs à travers une série de protocoles qui visent à fluidifier la communication et de dispositifs qui visent à faciliter les interventions. D’où la prévalence d’une terminologie liquide : « flux », « connexion », « réseau », « flexibilité », etc. Pour le développement personnel, cette étape correspond au « travail sur soi » et peut se comprendre comme la mise en place d’une thérapie correctrice. En effet, l’organisme (tout comme l’organisation) recèle une multitude de ressources cachées – un potentiel inexploité – qu’il va falloir faire remonter à la surface de la conscience pour entamer sa « guérison ». Ce dernier terme renvoie surtout à la nécessité de s’adapter à son propre espace psychique (et ses fêlures) en vue d’optimiser ses capacités à être bien, à vivre heureux. Là encore, les programmes se fondent sur une série d’exercices qui visent à fluidifier les énergies, à contrôler les émotions ou encore à augmenter son capital confiance. Les expressions utilisées traduisent bien cette volonté de reprendre le contrôle sur son système : « remaniement émotionnel » (Boris Cyrulnik), « hygiène affective » (David Servan-Shreiber), « se faire confiance » (Isabelle Filliozat), etc. Dans ce cas, la modélisation de l’être vivant s’appuie toujours sur un ensemble d’informations (ressentis, relations, compétences, etc.) qui doivent permettre de rétroagir sur l’équilibre général de son être. Telle une entreprise, l’individu n’est pas conçu comme un ensemble de propriétés invariables mais comme « une juxtaposition de capacités mouvantes » qu’il est possible de mobiliser « par grappes au gré des projets et des contingences »5.
     
    Enfin, le troisième temps du processus managérial correspond à l’évaluation et se déploie plus profondément sous la forme d’une « éthique de l’horizontalité ». La modélisation continue du réel suppose pour être efficace de multiplier dans le même temps les dispositifs de contrôle et de correction simultanés. Cet ajustement permanent et sans fin des moyens aux objectifs finit par créer des modes de subjectivation qui rendent les individus fonctionnels et modulables par rapport aux ensembles qui les contiennent. L’un des signes de la postmodernité réside justement dans l’éclatement des références et l’étiolement des différences qui se traduisent par la promotion de valeurs telles que l’ouverture, la tolérance, le respect, la transparence. Pour le développement personnel, cette phase évaluative correspond à la gestion effective de soi : « Contrôlez-vous ! » et « Soyez efficace ! » C’est effectivement dans l’expérience du vécu que le sujet doit être capable de s’analyser et de se corriger continuellement en fonction des situations pour être à la hauteur de lui-même. Isabelle Filliozat encourage par exemple son lecteur à « cesser de se dévaloriser », à « dominer ses peurs », à « restaurer la confiance » pour ne plus avoir à subir la réalité. Les quatre accords toltèques6 s’articule autour de chapitres simples (« Que votre parole soit impeccable », « Faites toujours de votre mieux », « Briser les vieux accords », etc.) pour proposer un code de conduite capable de transformer la vie en une « expérience de vrai bonheur ». Au-delà de la tonalité parfois spiritualiste de ces discours, il en ressort toujours une éthique de l’horizontalité qui insiste une nouvelle fois sur l’ouverture aux autres, l’adaptation au monde, la fluidité des énergies et en dernier ressort la possibilité immanente du bonheur. A la condition, bien sûr, de ne pas perdre son temps et d’être capable de se moduler continuellement pour se fondre dans l’air du temps – se conformer.
     
    Au terme de cette analogie, on constate que les méthodes du management parviennent à se loger au cœur de l’être pour en faire un sujet gouvernable, prédictible, calculable, classifiable, réflexif et responsable. C’est pourquoi le « management de soi » peut aussi bien être défendu par des responsables des ressources humaines soucieux du bon fonctionnement des entreprises que par des « coachs de vie » soucieux d’optimiser les qualités de leurs clients en mal d’épanouissement. Avec ce dispositif, la société n’a plus besoin de s’appuyer sur toute une série d’institutions répressives (écoles, asiles, prisons, etc.) pour domestiquer les sujets et les intégrer au parc humain – comme le croyait encore Michel Foucault. Au contraire, il lui suffit de mettre en avant la liberté individuelle pour que chaque sujet se transforme en un « moi-projet », isolé et interchangeable avec tous les autres, qui réussit l’exploit de se gouverner et de se contrôler lui-même en fonction de paramètres intériorisés. « La liberté de pouvoir-faire, écrit Byung-Chul Han, engendre même davantage de contraintes que le devoir-faire disciplinaire avec ses commandements et ses interdictions ». En définitive, cette forme raffinée d’exploitation de soi par soi, entre un « ego manageant » et un « ego managé », constitue un modèle parfait de servitude volontaire.
     
    Des idiots (Idiocratie, 1er mai 2019)
     
     
    Notes :
     
    1 Philippe Muray, L’Empire du Bien. Essais, Paris, Les Belles Lettres, 2010, p. 42.
    2 Précisons que le phénomène est né aux Etats-Unis au début des années 2000 et qu’il connaît depuis lors un développement continu avec plusieurs dizaines de millions de livres vendus. Cf. Nicolas Marquis, Du bien-être au marché du malaise. La société du développement personnel, Paris, PUF, coll. « Partage du savoir », 2015.
    3 Notion créée par Peter Sloterdijk pour décrire l’ensemble des « procédés d’exercices mentaux et physiques avec lesquels les hommes des cultures les plus diverses ont tenté d’optimiser leur statut immunitaire cosmique et social face à de vagues risques pour la vie et de certitudes aiguës pour la mort » dans Tu dois changer ta vie, Paris, Libella/Maren Sell, 2011, p. 24.
    4 Baptiste Rappin, Au fondement du management. Théologie de l’Organisation, volume 1, Nice, Les éditions Ovadia, coll. « Chemin de pensée », 2014, p. 96 et s.
    5 Thibault Le Texier, Le maniement des hommes. Essai sur la rationalité managériale, Paris, La Découverte, 2016, p. 233.
    6 Publié en 1997, cet ouvrage du « chamane » mexicain Miguel Ruiz est considéré comme le premier best-seller du développement personnel. Cf. Don Miguel Ruiz, Les quatre accords toltèques. La voie de la liberté personnelle, Genève, Poches Jouvence, 2005 [1999].
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