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  • Sous les bombes...

    Les éditions Flammarion viennent de publier Sous les bombes - Nouvelle histoire de la guerre aérienne 1939-1945, un livre de Richard Overy. Spécialiste de l'histoire moderne, et tout spécialement de la seconde guerre mondiale, Richard Overy est un des rares historien anglo-saxon à avoir défendu le livre de Jörg Friedrich, L'incendie, sur la guerre aérienne des Alliés contre l'Allemagne.

     

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    " Les chiffres sont ahurissants : au cours de la Seconde Guerre mondiale, 600 000 civils européens trouvèrent la mort lors des bombardements et plus d'un million d'autres furent grièvement blessés. Dans cette sombre comptabilité, la France, où l'on dénombre le plus fort tonnage de bombes larguées, occupe une place particulière. Des villes entières furent dévastées sous les bombes alliées, parfois même rasées à l'instar de Vire, Saint-Lô, Lisieux, Coutances mais aussi Royan ou encore Le Havre. La terre semblait en éruption, selon le mot d'un pilote de la RAF qui avait bombardé Caen... Puis le silence retomba durant des années. Le souvenir aussi était tabou. Tant de questions restaient en suspens, parmi lesquelles, la plus cruciale : fallait-il bombarder l'Europe ? Pour y répondre, l'historien Richard Overy a mené des recherches dans tous les pays des anciens belligérants. Dans un travail inédit et résolument neuf, il s'interroge sur les commandements militaires, les stratégies, les différents raids (le Blitz, Hambourg, Dresde, Monte Cassino). Si les bombardements, comme il le souligne, étaient soumis aux impératifs politiques (Churchill en était partisan) et militaires, ils ne furent jamais un moyen de gagner la guerre. L'historien raconte le quotidien terrifiant des aviateurs sous pression maximale, rappelle les grandes heures de la défense passive, l'héroïsme des civils face à la précision approximative des bombardiers. Pourtant les attaques meurtrières échouèrent à détruire l'économie ennemie, plus encore à déprimer les civils. Ce constat de l'échec se double de la question morale des frappes contre les populations. La destruction à l'aveugle, l'acharnement manifeste à tuer lors de certains bombardements sont au cœur de cette histoire que l'auteur a voulu, de bout en bout, très humaine. "

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  • Logique de guerre...

    Nous reproduisons ci-dessous la première chronique de Richard Millet publiée sur son site personnel. Ecrivain, Richard Millet a écrit de nombreux romans ainsi que des récits, comme La confession négative (Gallimard, 2009) ou des essais comme L'opprobre (Gallimard, 2008), Arguments d'un désespoir contemporain (Hermann, 2011), Fatigue du sens (Pierre-Guillaume de Roux, 2011) ou Langue fantôme (Pierre-Guillaume de Roux, 2012). Il vient de publier Le corps politique de Gérard Depardieu (Pierre-Guillaume de Roux, 2014).

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    Logique de guerre

    Je ne cède pas seulement, en créant ce site, à l’amicale pression de rares amis non plus qu’à la seule beauté du mot site qui dit la demeure élective, à côté d’autres, maison natale ou résidence forcée ; ce site participe à une logique de guerre. Mes rapports avec la presse n'ont jamais été bons: pouvait-il en être autrement, puisque je ne me révélais pas celui qu'on voulait que je fusse, et cela dès mon premier livre, plus récemment depuis que la presse officielle, après avoir lâché ses chiens contre moi, prône le silence à mon sujet, avec de temps à autre une piqûre de rappel dénonçant l’ennemi du Bien ? Le parti dévot ne me fera pas désarmer. Je ne retournerai pas, comme le voudraient certains, à une activité "purement" romanesque par laquelle abjurer je ne sais quels péchés politiques. Je continue : essais, romans, récits, textes inclassables, et aujourd’hui ce site, non pas monument à ma gloire mais outil pour contrer les rumeurs et l’opprobre, et aussi, rompant le silence, pour rendre visibles l’ensemble de mes livres, désormais témoignages. La presse prétendue littéraire n’accomplissant plus sa tâche, les critiques remplacés par des échotiers serviles, et leurs articles uniquement lus par les attachées de presse, les auteurs et les commerciaux qui déterminent financièrement la visibilité des livres recensés (on dit plus volontiers chroniqués, ce qui est une offense à la noblesse du chroniqueur, et contre quoi il faut instaurer une contre-chronique, de la même façon qu’il y a eu la Contre-Réforme et la Contre-Révolution), on peut affirmer que cette presse n’est plus que publicitaire puisqu’elle ne parle plus que de livres pour la plupart insignifiants, donc illisibles, ce qui importe peu, d'ailleurs, en un temps où il ne s'agit plus de lire mais de consommer du Culturel.

    La parole critique a émigré sur les sites, les blogs, les forums généralement tenus par des écrivains ou des lecteurs, du moins ceux qui ne se laissent pas tromper par la Propaganda Staffel ni par le silence de l'opprobre. Ce silence, j’y suis habitué. Je le recherche, même, dans la mesure où il peut recevoir le nom d’anonymat, lorsque les livres que nous avons écrits finissent par dessiner de nous une figure qui nous échappe à la longue et qui est, ici bas, notre vraie gloire. C’est pourquoi je ne me suis jamais vraiment soucié de l’accueil fait à mes livres : il me suffit qu’ils paraissent et que j’aie des lecteurs ; et je me demande comment vivent les auteurs régulièrement encensés par la critique, et quel rapport de maquereautage ils entretiennent avec la presse.  Celle-ci, de droite comme de gauche, n'est plus que la voix de l’idéologie dominante, social-démocrate, antiraciste, philanthropique, antichrétienne, mondialiste, déculturée, moralisatrice; et il ne me paraît pas que les "difficultés" qu'elle connaît représentent un "danger pour la démocratie"; la disparition, même, d’un journal comme Libération serait anecdotique, voire insignifiante dans le système d'inversion générale et de mensonge qui caractérise le capitalisme mondialisé ; bien au contraire, on ne pourrait que s'en réjouir, tout comme du fait que la démocratie puisse être réellement menacée, révélant ainsi sa nature satanique : il me semble que nous sortirions de l’état d'hébétude et de servilité à quoi nous condamnent la prière quotidienne à la démocratie et la bondieuserie humaniste dans quoi le renoncement au catholicisme fait choir ceux qui ne savent plus qui ils sont. Pourquoi vouloir être informé, si cette information n’est que le bruit de la Propagande et le fond de roulement de l’inversion générale des valeurs ? Je n’ai que faire de l’opinion, qui est en grande partie prostitutionnelle, en tout cas pornographique, comme les "débats" ou les "talk shows". A l’opinion, j’ai toujours préféré la parole libre, de la même façon que je vis dans la vérité du Christ, et qu'aux tièdes post-chrétiens je préfère les moines-soldats. 

    Ce qu’on dit de moi étant généralement haineux et mensonger, je ne me contenterai plus d'en sourire. La chiennerie s'en prend à ma figure d'homme, non plus seulement à l'écrivain; d'où la nécessité de ce site. Je ne peux plus m’en tenir à un détachement olympien : n’ayant pas accès à la presse, et pour cause, je crée mon propre organe. Je le redis : je suis en guerre. J’ai appris à frapper pendant la guerre du Liban. Je suis entré dans l’impardonnable. La guerre fait partie de mes tâches, avec la prière, l'écriture et la musique. Il y a un plaisir de la guerre, que seuls connaissent ceux qui ont tenu des armes, notamment des armes automatiques.

    Je frapperai sans relâche: c'est tout autre chose que par haine, comme l'affirmait récemment un fils d'archevêque à propos de ma Lettre aux Norvégiens sur la littérature et les victimes, qu'il n'a évidemment pas lue. Je frapperai ; il y va de ma vie, c'est-à-dire de cette somme de souffrance et de joies qui m'est propre et que je dédie sans relâche à la vérité.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 4 décembre 2014)

     

     

     

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  • L'imposture économique...

    Les éditions de l'Atelier viennent de publier L'imposture économique, un essai de Steve Keen. Directeur du département Économie, Histoire et Politique de l'université de Kingston à Londres, Steve Keen est australien. Il a été reconnu par ses pairs comme l'économiste «qui a, le premier et le plus clairement, prévu et donné l'alerte sur l'effondrement de la finance mondiale».

     

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    L'imposture économique est la traduction du livre «coup de poing» de l'économiste australien Steve Keen paru sous le titre Debunking Economies.
    Figure de proue du New Economic Thinking («une nouvelle manière de penser l'économie»), Steve Keen développe dans son ouvrage une critique systématique de la pensée économique néoclassique dominante. Loin de se contenter d'en dénoncer l'irréalisme ou les biais idéologiques, il dévoile de l'intérieur les graves incohérences des fondements logiques de l'économie orthodoxe, montrant que celle-ci ne parvient à se perpétuer que parce que les étudiants en économie sont maintenus dans l'ignorance des lacunes de leur discipline.
    Cet ouvrage, «fondateur» pour l'économiste Gaël Giraud (qui a assuré la direction scientifique de la traduction et en signe la préface), démonte une à une les grandes pièces de l'édifice dogmatique : aucune des théories qui composent le «dur» de l'économie universitaire depuis la fin du XIXe siècle ne résiste à l'analyse, depuis la microéconomie du consommateur jusqu'à la théorie néokeynésienne de la déflation, en passant par l'efficience des marchés financiers et la théorie du capital. Et, sur les ruines de l'orthodoxie défaite, Steve Keen jette les bases solides d'une «autre économie», suggérant d'autres manières, beaucoup plus cohérentes et scientifiques, de penser l'économie.
    Le livre a suscité de nombreux débats lors de sa publication en anglais : il répond aux questions que chacun se pose sur la pertinence des arguments économiques exposés depuis la crise des subprimes, et invite à engager une réforme profonde de l'enseignement et de la recherche en économie dans le monde.

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  • A propos de la reconnaissance de l'Etat palestinien...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question de la reconnaissance de l’État palestinien...

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    Les Palestiniens savent que les Israéliens ne voudront jamais d’un État palestinien

    Aujourd’hui, 2 décembre, et ce, à l’initiative du Parti socialiste, l’Assemblée nationale devrait voter la reconnaissance formelle d’un État palestinien, dans ses frontières de 1967 et avec Jérusalem-Est pour capitale. Il était temps, non ?

    Depuis que le rêve d’un État binational s’est évanoui, chacun sait qu’il ne peut y avoir de solution au conflit israélo-palestinien qu’à la condition que soit créé un État palestinien souverain. Chacun en convient, mais dans le passé l’idée prévalait que « le moment n’est pas encore venu ». Une bonne manière de renvoyer l’affaire aux calendes grecques. L’ancien ambassadeur d’Israël en France, Élie Barnavi, disait récemment dans Le Figaro : « Si les Juifs avaient attendu l’accord des Arabes pour créer leur État, ils attendraient toujours. » On pourrait en dire autant des Palestiniens, qui savent très bien que les Israéliens ne voudront jamais d’un État palestinien. C’est précisément la raison pour laquelle 135 pays (sur 193) ont déjà officiellement reconnu ledit État palestinien. Que la France, prenant pour une fois ses distances vis-à-vis de Washington, vienne s’ajouter à ces pays ne serait que justice. Ce serait même tout à son honneur.

    Cette reconnaissance ne serait bien entendu qu’un signal symbolique, dont il ne faut donc pas surestimer les effets. Mais ce serait un signal fort. À un moment où le conflit prend un tour plus religieux que politique, en raison de la double surenchère des islamistes et des groupes juifs ultra-religieux, tandis que l’on enregistre une nouvelle vague de violence en réaction à la politique israélienne de colonisation des territoires occupés (380.000 colons vivent aujourd’hui en Cisjordanie), ce serait une façon de proclamer solennellement que la solution à ce conflit ne peut être que politique. Ce que n’ont visiblement pas compris, en Israël, ceux qui n’ont pas encore tiré la leçon de l’échec des opérations militaires de l’été dernier dans la bande de Gaza.

    Traditionnellement, la gauche a toujours été divisée sur la question. Mais à en croire Roland Dumas, Pierre Mendès France, sioniste de toujours, fut également un pionnier historique de la cause palestinienne. Il n’a pas été le seul à camper sur ces positions. Contradiction ? Aujourd’hui, le Front national ne compte que deux députés au Parlement : Gilbert Collard, qui votera contre la reconnaissance de l’État palestinien, et Marion Maréchal-Le Pen, qui votera pour (à moins qu’elle ne s’abstienne finalement – NDLR). Autre contradiction ?

    L’histoire ne s’écrit jamais en noir et blanc. Dans une telle affaire, tous les camps sont partagés. À l’intérieur même de l’EI (l’État d’Israël, pas l’État islamique !), les positions de Benyamin Netanyahou ne font pas l’unanimité. J’en veux pour preuve que deux anciens ambassadeurs d’Israël en France, Élie Barnavi et Nissim Zvili, se sont eux aussi prononcés pour la reconnaissance d’un État palestinien, alors qu’ils savent très bien qu’Israël pourra alors être officiellement reconnu comme occupant le territoire d’un État souverain. Ils entendent par là protester contre l’autisme d’une classe politique israélienne qui, après avoir favorisé le Hamas aux dépens des mouvements palestiniens laïcs, s’efforce de délégitimer par tous les moyens l’Autorité palestinienne pour faire croire qu’il n’y aura jamais de partenaire avec lequel il lui faudra négocier.

    Pour ce qui est du Front national, il me semble qu’il s’est très clairement – et de façon très gaullienne – prononcé en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien. Gilbert Collard, comme Aymeric Chauprade d’ailleurs, exprime donc une position qui n’engage que lui.

    Et les Arabes israéliens, qui représentent quand même 20 % de la population de l’État d’Israël ?

    Le 24 novembre, Benyamin Netanyahou a fait adopter un projet de loi qui ne définit plus Israël comme un État « juif et démocratique », ainsi que le prévoient les lois fondamentales qui font office de Constitution, mais comme l’« État national du peuple juif ». Ce projet, proposé par l’aile dure du Likoud, mais qui a été dénoncé par le procureur général Yehuda Weinstein, conseiller juridique du gouvernement, par l’ancien ministre de la Défense Moshe Arens (qui parle d’une « loi inutile et nuisible »), par le ministre de la Justice Tzipi Livni et par cinq autres ministres, aura pour effet, s’il est adopté, que la langue arabe perde son statut historique de langue officielle, et que la loi religieuse prime définitivement sur la loi civile. Il ouvrira ainsi la porte à l’institutionnalisation de nouvelles discriminations envers la minorité arabe israélienne.

    Les Arabes israéliens ne se sont de toute façon jamais vu reconnaître la nationalité israélienne. La carte d’identité israélienne (teoudat zehout), délivrée par le ministère de l’Intérieur, distingue en effet nettement la citoyenneté et la nationalité. Cette dernière peut être de nature politique, comme c’est le cas pour les résidents permanents qui possèdent une citoyenneté étrangère (on parle alors d’ezrahout), mais pour le cas général, elle s’entend au sens de l’ethnie (on parle alors de le’om), ce qui signifie que, s’il existe une citoyenneté israélienne commune, il n’existe pas de nationalité israélienne commune : il y a un État israélien, une « nation juive » incluant la Diaspora, mais pas de nation israélienne. Paradoxalement, c’est donc seulement à l’étranger qu’un Arabe ou un Druze d’Israël pourra être considéré comme de « nationalité israélienne », alors qu’au sens propre, celle-ci n’existe pas.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 2 décembre 2014)

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  • Art et dictature...

    Les éditions Place des victoires viennent de publier un ouvrage de Maria Adriana Giusti intitulé Art et dictature. Maria Adriana Giusti est architecte et enseigne à la faculté de Turin.

     

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    " Le XX e siècle, marqué par deux conflits mondiaux sanglants, mais aussi par la période de " paix " de l'entre-deux-guerres, a vu naître trois dictateurs puissants et funestes : Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne et Staline en Union soviétique. Ces despotes, aux idéologies fondées sur le racisme ou la délation, se sont tous trois appuyés sur des campagnes de propagande massives, sans précédent dans l'histoire de l'humanité, et ont ainsi détourné l'art à leurs propres fins : Mussolini a séduit puis menacé un large éventail d'intellectuels, avant de jeter en prison les plus récalcitrants d'entre eux ; Hitler n'a utilisé qu'un architecte et un photographe, condamnant les protestataires au mieux à la fuite et l'exil, au pire à un sort horrible dans ses camps de la mort. Staline, quant à lui, n'a souffert aucune concession, préférant déporter les dissidents en Sibérie ou les éliminer en masse. L'iconographie exceptionnelle et encore méconnue de cet ouvrage – plus de 200 " œuvres " –, laisse percevoir au lecteur, par son caractère officiel et son rôle d'endoctrinement, une violence physique et morale inouïe. Elle évoque ainsi les grands noms de l'architecture de cette période, tels que Piacentini, Speer et Chtchoussev, des artistes comme Sironi et Deïneka, ou encore des photographes tels que Riefenstahl ou Rodtchenko. Un témoignage historico-artistique saisissant et grave, qui donne à réfléchir, encore aujourd'hui ! "

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  • Domination et pouvoir : les nouveaux dominants...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur Europe solidaire et consacré aux nouvelles formes de domination. Énarque, Jean-Paul Baquiast a consacré sa carrière administrative au développement des technologies de l'information. Il est l'animateur du site Europe solidaire, ainsi que du remarquable site d'actualité technoscientifique Automates intelligents

     

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    Domination et pouvoir. Les nouveaux dominants

    Il serait très important d'essayer de comprendre pourquoi, au sein de l'espèce humaine, certains individus ou groupes d'individus, généralement minoritaires, se donnent la possibilité de s'imposer aux dépends de tous les autres. Une telle situation ne se rencontre pas ou ne se rencontre qu'exceptionnellement à l'intérieur des autres espèces animales. Elle est dans ce cas très mal documentée. La seule domination qui s'y observe relève du sexuel (domination d'un sexe, généralement le masculin, sur l'autre) ou, beaucoup plus banalement, de l'inégalité dans la répartition des capacités individuelles.

    Dans le monde animal, au sein de chaque espèce, les individus dits dominants se donnent un certain nombre de privilèges sur leurs congénères. Globalement les dominants sont ceux qui disposent de moyens physiques ou intellectuels supérieurs à ceux des autres. Dans le monde animal s'observent également des compétitions permanentes entre espèces, mais ce phénomène relève de la sélection darwinienne, avec élimination possible des espèces se révélant les moins adaptées. Notons que le même phénomène s'observe aujourd'hui, l'espèce humaine semblant sur le point de provoquer une nouvelle grande extinction de peut-être 80% des autres espèces dans le siècle qui vient.

    Mais intéressons nous ici aux sociétés humaines. L'histoire des hommes, depuis qu'elle a fait l'objet d'études, montre que dès le passage d'une organisation sociale simple, dite parfois des chasseurs-cueilleurs, à celle plus complexe des empires a généré des inégalités considérables entre les individus et les groupes, se traduisant par un accès lui-même très inégal au pouvoir. En simplifiant beaucoup, appelons pouvoir la capacité dont dispose un individu pour se comporter dans le monde au mieux de ce qu'il estime être ses intérêts, à l'intérieur évidemment des limites naturelles que lui impose ce même monde. Un individu isolé n'a guère de possibilités en ce domaine. Ses forces trouvent vite des limites. Mais ses possibilités augmentent considérablement s'il peut obliger ses congénères à mettre leurs propres forces à son service. A plus forte raison s'il peut les obliger à ne conserver pour eux que ce que nous appelons en termes modernes le minimum vital, en remettant gratuitement au détenteur du pouvoir, que nous appellerons ici le dominant, tout le reste des biens qu'il a produit, ce que Marx appelait la valeur ajoutée.

    Pour obtenir ce résultat, le dominant peut utiliser différents moyens. Le plus évident est la contrainte physique, mais d'autres plus subtils existent, relevant notamment de l'emprise psychologique. Comme rappelé ci-dessus, un individu seul ne peut pas cependant aller très loin dans cette voie. Il doit s'agréger avec quelques autres poursuivant le même objectif pour atteindre à eux tous des résultats significatifs. On peut admettre qu'aux origines de l'histoire, devenaient dominants des individus disposant, comme chez les animaux, d'une force supérieure. Mais ils devaient aussi disposer, dans des sociétés utilisant le langage, de capacités intellectuelles supérieures, leur permettant d'utiliser celui-ci comme une arme.

    Une histoire de la domination

    Des que des systèmes de domination sont apparus dans l'histoire des hommes, ils ont réussi à survivre, quitte à se transformer, face à la résistance des dominés. On peut suivre ainsi d'âge en âge la persistance et la diversification de tels systèmes, depuis les époques de l'esclavage jusqu'au Moyen Age puis à ce que l'on appelle en France l'Ancien Régime, avant la révolution de 1789. Dans l'ensemble, la domination était exercée d'un commun accord par les Eglises, utilisant l'emprise psychologique, et par les féodaux détenteurs des moyens militaires, utilisant la force physique. Loin de se combattre, ces deux grandes classes de dominants se sont assistés réciproquement, pour maintenir dans le statut de dominés ceux cherchant à y échapper. Les plus-values résultant du travail des dominés, « accaparées » (selon le terme marxiste), par les dominants ne servaient pas seulement à accroitre le niveau de vie de ceux-ci. Elles ont donné naissance à des oeuvres durables, cathédrales, châteaux-forts ornés, oeuvres artistiques, par lesquelles les dominants pouvaient se permettre de laisser parler leur ubris créateur – tout en renforçant leur domination sur les travailleurs de la base. Ceux-ci se convainquaient en effet de leur insignifiance en constatant qu'ils n'étaient pas capables de réaliser seuls de tels chefs-d'oeuvre.

    Lorsque la révolution industrielle a fait apparaître de nouvelles techniques permettant de produire de nouvelles valeur, le processus dans son ensemble n'a pas changé. Une nouvelle classe est apparue, celle des possesseurs des moyens industriels de production (la bourgeoisie, pour reprendre le terme marxiste). Cette classe s'est alliée aux dominants précédents, hommes d'Eglise et militaires, pour se partager les nouveaux pouvoirs. Mais les minorités dominées sont restées dans l'ensemble les mêmes, passant du statut de serf à celui de prolétaire. Avec la colonisation, de nouvelles populations provenant des pays colonisés les ont rejoint.

    Il ne faudrait évidemment pas croire que de tels processus générateurs d'inégalités se soient limités au monde dit occidental. Ils sont apparus dans le même temps en Asie et dans le monde arabo-musulman, où ils se maintiennent sous des formes voisines malgré la relative homogénéité apportée par la mondialisation et les technologies de la communication. Pour que de telles inégalités disparaissent, il faudrait que les dominés se saisissent des moyens leur permettant de s'émanciper. Mais par définition, sauf accident, ils ne le peuvent pas. Dès que les dominants suspectent l'apparition de formes de rébellion fussent-elles modestes, ils s'empressent de les étouffer dans l'oeuf, faisant appel à tous les moyens de coercition dont ils disposent, physiques comme intellectuels.

    De nouveaux dominants

    Or aujourd'hui, de nouveaux dominants étendent leurs pouvoirs sur le monde. Ils ne se substituent pas aux anciens, prêtres, féodaux, bourgeois industriels, colonisateurs, ou aux formes prises par eux aujourd'hui. Ils s'y ajoutent. Mais le point important est l'orientation géopolitique de leurs efforts pour la conquête du pouvoir mondial. Ils sont dorénavant au service de ce qui a été nommé l'Empire américain. Beaucoup d'observateurs du monde géopolitique affirment aujourd'hui que cet Empire n'existe plus, ayant reculé à la suite d'échecs successifs. Mais c'est une erreur. Il s'est transféré sur un nouveau monde en pleine ascension, celui des réseaux numériques, de l'informatique avancée, de la robotique et de l'intelligence générale artificielle. L'émergence de ce monde numérique et son emprise sur le monde ancien n'ont sans doute pas été dues aux seuls intérêts américains, mais ceux-ci mieux que tous autres concurrents ont réussi à en faire un pouvoir pour la domination mondiale.

    Nous ne développerons pas ici ces points, souvent abordés par nous. Bornons-nous à rappeler le visage que prennent aujourd'hui les nouveaux dominants. Pour simplifier, disons qu'il s'agit d'une coalition multi-fonctionnelle que nous appellerons l'entité Google, Darpa, DOD. Google est le représentant des géants du web américains qui réussissent l'exploit de faire travailler au service de leurs ambitions des centaines de millions de nouveaux esclaves, dont nous sommes tous. La Darpa est l'agence de recherche du ministère américain de la défense , agence qui invente sans cesse de nouveaux produits et usages, sans souci de restrictions budgétaires. Le DOD est ce même ministère, mais intervenant sur tous les théâtres d'opération pour déployer et utiliser les données et outils civils et militaires résultant de l'activité des deux premiers. Il s'agit de maintenir sous contrôle les travailleurs de la base fournissant, contre un salaire minimum, les valeurs ajoutées qu'utilise l'entité.

    Certains objectent que désormais, les minorités dominantes américaines ne sont plus seules à développer ces instruments de pouvoir et de contrôle. Illusion. Certes d'autres apparaissent, mais les Google, Darpa, DOD disposent d'une avance considérable, qui s'auto-entretient et se développe spontanément, d'une façon que nous mêmes, du fait que nous sommes instrumentalisés par elle, ne nous représentons pas clairement. Ne dit-on pas que s'est déjà mis en place du fait de leurs efforts de conquête un cerveau global aux ambitions quasi-cosmologiques. Tous les jours nous lui apportons les valeurs-ajoutées produites par nos petits cerveaux, heureux, lorsque nous ne sommes pas au chômage, de survivre grâce aux SMIC qui nous sont concédés. Or ce cerveau ne sera pas européano-centré, russo-centré, sino-centré. Il est déjà et restera américano-centré.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 1er décembre 2014)

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