Austérité et marketing politique : la stratégie Sarko-masochiste
Pour façonner cette stratégie et cette posture inédite – pour ne pas dire à l’opposé de tout ce que nous avons connu jusqu’alors – toutes les conditions sont finalement réunies :
- - une gauche bisounours façon Flanby, « caviar-Sofitel » ou « rouge et de Lille », toujours prompte à vouloir « réenchanter » les Français ;
- - une conjoncture mondiale pesante, alarmiste et ultramédiatisée ;
- - un citoyen plus amnésique et consodépendant qu’il ne l’a jamais été ;
- - une armée d’oiseaux de mauvais augure qui, de droite à gauche, économistes ou politiciens, n’en finissent pas de nourrir le pessimisme ambiant avec une réelle clairvoyance se mettant paradoxalement et involontairement au service du dessein sarkoziste.
Avoir l’audace de « faire mal » dans ce contexte apocalyptique pourrait contribuer à reconstruire la figure héroïque du Radeau de la Méduse !… Médusés, nous pouvons l’être, en effet !… Ainsi, nous serions tous dans la même galère, rameurs fouettés jusqu’au sang et sommés de ne pas nous tromper de capitaine ou de figure de proue, au risque d’éventrer dans la tempête la coque du navire sur les redoutables récifs Standard & Poor, Fitch ou Moodys…
Les pyromanes devenus pompiers
Tout ceci tiendrait à peu près la route à un détail près : les donneurs de leçon d’aujourd’hui ont mis, il n’y a pas si longtemps, la main dans le pot de confiture et même le bras tout entier. Ils ont largement contribué à créer la situation dans laquelle nous sommes englués et ne devraient pas avoir une once de crédibilité dans le combat auquel ils nous convient. Mais là encore tout est prévu : un doigt de mea culpa, deux doigts de plan Orsec (l’austérité devenant la promesse attendue) et cela hors de toute logique partisane. Gageons qu’il y aura en effet dans cette campagne une volonté sarkozienne de mélanger les genres entre le combat électoral et l’impérieuse nécessité de rester à bord jusqu’au bout pour sauver la France, l’Europe, voire le monde !… Loin donc de l’UMP, bien au-dessus des partis, au-delà des visions du monde vécues comme trop abstraites lorsque la maison brûle. C’est bien casqué jusqu’aux dents et dans son rôle de « Playmobil Soldat du Feu » que le petit Nicolas donnera le meilleur de son jeu d’acteur.
Tragédie, émotion, grand frisson
Ainsi se met en place peu à peu le grand théâtre de la « Sarkologie » pour reprendre le terme de Michel Maffesoli. Notons que ce dernier mise dans son ouvrage éponyme sur une réélection présentée comme l’aboutissement d’une dramaturgie où le registre émotionnel sera la clé oscillant sans cesse entre hostilité et fascination.
Sous couvert de pragmatisme, voici donc venir l’ultime imposture : créer la tension nécessaire au ralliement. Et le comédien a plusieurs cordes à son arc. A coup sûr, nous le verrons fondre sous les risettes de la petite Giulia, verser une larme sur le sort d’un jeune travailleur français de souche et SDF, vibrer intérieurement sous le drapeau. Moins de Rolex et de délires américains, plus de France éternelle et, par-dessus tout, savamment distillé, l’homme derrière le combattant débarrassé de cette indécence bling-bling désormais bien identifiée et circonscrite par les conseillers en communication.
Face à l’héroïque président sortant : un candidat favori des sondages de cette fin d’année – une situation qui est par expérience d’une extrême précarité – et une candidate luttant pour la respectabilité dans un royaume soumis au politiquement correct.
Oublier la face noire du quinquennat
Manipulé et légumisé jusqu’à la moelle, l’électeur devrait pouvoir ainsi, au fil du temps, en oublier la face noire et chiffrée de ce désastreux quinquennat : les 500 milliards de dette (sur les 1700) d’origine garantie Sarkozy ; nos 12 millions d’immigrés ou « fils de » (200.000 de plus chaque année) tantôt présentés au gré des circonstances comme un problème ou « une chance pour la France » ; la face cachée des « pères la vertu » budgétaire : 600 millions de dépenses en sondages et communication des ministères entre 2006 et 2010, les 140% d’augmentation du salaire présidentiel décidé au lendemain de l’élection mais fort heureusement désormais « gelé », les nuits de Sarko ou Rama Yade au G20 ou à la Coupe du monde à plus de 30.000 € la suite, des voyages en avion présidentiel (ULM sommairement aménagé à 185 millions d’euros) au coût horaire de 20.000 €, la garden-party de l’Elysée à 700.000 €, les campagnes de pub du gouvernement à 100 millions d’euros par an, les 800 millions d’euros dilapidés contre la grippe A (A comme Apocalypse Bachelot), les visites présidentielles d’usines ou d’hôpitaux à 200.000 € la journée (salaire de 8 infirmières pendant 1 an), les congrès du président devant les parlementaires à 600.000 € (5000 € la minute).
Sans parler, évidemment, des 120.000 emplois industriels massacrés chaque année et du doublement du déficit de notre commerce extérieur depuis 2007, des chiffres dramatiques de l’insécurité, des perfusions de milliards destinés aux banques avec les contreparties demandées les plus laxistes d’Europe et de ces fort coûteuses guerres estampillées « BHL, le seigneur des guerres justes » pour rétablir charia et polygamie en Afrique du Nord…
Alliés serviles ou pourfendeurs de la dictature financière
Nous le voyons venir, dans ce contexte la seule chose qui soit véritablement de « rigueur » pour l’UMP et son champion, c’est bien la mise en scène pour sauver les meubles. Ce bataillon ne sera d’ailleurs pas économe de volte-face, tour à tour alliés serviles ou pourfendeurs de cette dictature financière qui s’abat bien réellement sur le monde. Scénographie, préparation de l’opinion, complicités médiatiques… tout l’arsenal est prêt pour faire du vibrionnant roi de la scène, sanglé de clous et de cuir, un père fouettard plus vénéré que le père Noël, un défenseur de l’identité presque plus convaincant que le Front, un humaniste plus sensible que les sociolandes, un gestionnaire plus crédible et rigoureux que le Finanzminister d’Angela. Quant au spectateur, tétanisé, il s’enfoncera une fois de plus au plus profond de son fauteuil dans les ténèbres de la salle, victime consentante d’un numéro de cirque tout simplement au sommet de l’obscénité et du mensonge, dont les protagonistes miment la comédie de ce Pouvoir qui ne leur appartient plus.
J.H. D'Avirac (Polémia, 14 novembre 2011)