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  • Pourquoi la crise continue ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article, cueilli sur Flashblog, de Pierre Le Vigan, consacré à la crise et à la guerre des monnaies qui va l'amplifier...

     

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    Pourquoi la crise continue... et pourquoi menace une guerre des monnaies

    Fin janvier, au forum de Davos en Suisse il a été question une nouvelle fois de réguler l’économie mondiale. Président temporaire du G20 et du G8, Nicolas Sarkozy n’est jamais le dernier à afficher de grandes ambitions dans ce domaine. Preuve que la régulation automatique du marché ne satisfait personne. A vrai dire, les théories de l’économie de marché ont souvent fait sourire. Elles supposent des agents rationnels, et ils ne le sont pas toujours. Elles consacrent peu de place à l’Etat, or il est omniprésent dans l’économie depuis la guerre de 1914 voire avant. Bref, ces théories paraissaient irréalistes.

    Une économie de casino ?
    Pourtant elles le sont de moins en moins. Pourquoi ? Parce que le monde réel ressemble de plus en plus à une économie de marché. Parce que l’économie de casino devient le fond réel de l’économie de marché « pure et parfaite ». Les Etats pèsent désormais moins, beaucoup moins, que les multinationales et que la finance. L’industrie n’est plus nationale. Et elle est à la remorque de la finance. Les investissements industriels, par définition à moyen et long terme, sont moins rentables que les spéculations financières, par définition à court terme. Les peuples et leurs représentants ne pèsent désormais plus grand-chose. On a pu dire des réunions du G20 que c’était un groupe d’anciens alcooliques qui se réunissaient pour décider de ne plus boire et qui se séparaient sans rien avoir décidé mais… en ayant pris un dernier verre. Ce dernier verre, c’est la dette mais plus encore la cause de la dette : la finance prédatrice, l’hyperclasse exigeant son taux de rentabilité.

    Jacques Attali remarque justement : « une économie de marché sans Etat, surtout si l’information est imparfaite, ne trouve son équilibre qu’à un niveau de sous-emploi des facteurs. » (Slate.fr, 12 novembre 2010). Autrement dit, l’ajustement se fait sur la base d’une compression de la demande. Nous en sommes là. Avec en prime la guerre des monnaies.

    La Chine ne veut pas réévaluer son yuan (ou renminbi selon son nom officiel). La monnaie chinoise n’est pas convertible donc pas soumise à des tensions ce qui accessoirement empêche toute démocratisation au sens occidental quand bien même le gouvernement chinois en aurait le goût. Plus de la moitié du PIB chinois est exporté : c’est dire l’enjeu. Puisque les Américains veulent maintenir leur dollar bas, les Chinois doivent maintenir bas le taux de change de leur yuan.

     

    La Chine avec un yuan faible, et une main d’œuvre de plus en plus qualifiée reste donc hyper-compétitive. Elle exporte de plus en plus, accroit son excédent donc son déséquilibre commercial avec l’Amérique, et investit cet excédent en bons du Trésor américain et fonds de pension. La Chine est donc le premier créancier des USA qui eux mêmes ont tout intérêt à un dollar sous-évalué. Pour deux raisons : rester un tant soit peu compétitif, et diminuer la valeur de leur dette.

    Chine et EUA : les deux ont intérêt à un euro surévalué. Les deux craignent que le premier marché mondial, la zone euro, devienne la première force mondiale. Mais qui mène le bal ? Philippe Dessertine note : « Le coupable premier, actuellement, ce sont les Etats-Unis, comme ils sont d’ailleurs généralement à l’origine de la dette folle ayant créé la crise de 2007-2008 et se prolongeant dans la crise économique et dans la crise de la dette souveraine actuelle. La Chine a d’abord financé la dette américaine, acceptant de devenir le premier détenteur de dette publique américaine (en dollars), avec comme contrepartie la possibilité d’asseoir sa croissance sur des exportations massives. » (« si la guerre des monnaies se poursuit… », Le Monde, 12 novembre 2010).

    La finance de plus en plus loin de l’économie réelle
    Or depuis la crise de 2008 l’économie réelle, l’économie de production ne s’est pas rapprochée de l’économie financière. Au contraire. Début 2007, la Banque centrale européenne détenait 900 milliards d’euros, elle en détient prés de 2000 fin 2010. La FED soit la banque centrale américaine est passée dans le même temps de 1200 à 2300 milliards de dollars. Un doublement en trois ans ce n’est pas la croissance de l’économie réelle c’est l’emballement de la financiarisation. Et l’un des indices de cela, c’est que les banques centrales ont du garder les actifs dépréciés qu’elles ont acquis. Sauvant ainsi le système bancaire privé avec l’argent public.

    La crise continue pour plusieurs raisons. Dans l’économie réelle les délocalisations se poursuivent. Depuis 2002 la hausse du prix des matières premières a été considérable. Pétrole et métaux sont de plus en plus couteux à extraire : cette hausse est donc structurelle. Cette hausse des matières première a accru les réserves de changes des pays producteurs. Elles ont été multipliées par 5 de 2002 à 2007. Total mondial des réserves de change : dans les 9000 milliards de dollars, soit 14 % du PIB mondial. Des réserves de change en dollar, et en bonne part détenues par la Chine, à hauteur de 2500 milliards de dollars : près du tiers des réserves mondiales. De cet excédent de liquidités se sont ensuivis des produits financiers parasites créant des bulles spéculatives qui ont fini par éclater avec la crise des ‘’subprimes’’ c’est-à-dire des prêts à hauts risques. Exemple de ces produits financiers : la titrisation soit le refinancement de dettes à long terme.

    « C’est là où se situe la principale dérive du système : rajouter un endettement qui a pour seul objectif d’améliorer le rendement. »  écrit Jean-Hervé Lorenzi (slate.fr, 27 octobre 2010). La crise de confiance dans le système bancaire depuis 2007 amène une baisse des crédits accordés, et la récession qui va avec. Le noeud de la crise est un excès d’épargne, un excès d’exigence de rentabilité des investisseurs, et une insuffisance de la demande. La crainte de la faillite d’un Etat surendetté (Grèce ou Irlande) amène à des hauts niveaux de primes de risque. Elle amène aussi à une guerre des monnaies. Une guerre dans laquelle l’Europe est désarmée. Car l’écart se creuse entre les BRIC, qui vont vers une croissance de 6 à 10 %, et les EUA et l’Europe, qui stagnent. Aux EUA l’immobilier ne repart pas, le crédit est rare, le chômage reste considérable (9%). Les fonds de pension US qui doivent financer la retraite des Américains manquent de 6600 milliards de dollar soit 45 % du PIB américain. Mais les plans de relance gouvernementaux vont limiter les dégâts et la monnaie américaine reste la principale monnaie de réserve mondiale. Les Américains produisent autant de dollar que nécessaire pour eux : un privilège qu’ils sont seuls à détenir. Il en est tout autrement pour l’Europe. Tout son flanc sud (Grèce, Espagne, Portugal…) est menacé par la montée des dettes souveraines.

    Dans ce contexte, la Chine joue le rachat des dettes. C’est le moyen pour elle de soutenir la monnaie des autres pays à un niveau au dessus de la sienne. Une façon là encore de sous évaluer son yuan. Le yuan faible est en effet « la garantie de la puissance chinoise » (Moises Naim) : il permet les exportations chinoises, et en rendant très chers les produits importés, il protège leur marché intérieur de la concurrence étrangère. Et c’est pourquoi la Chine peut avoir des réserves de change de la Chine égales à prés de la moitié de son PIB (40 %), le 2eme du monde avec 5500 milliards de dollars.

    Que faire ? C’est la question qui se pose aux Américains mais aussi à l’Europe. Rétorsion ? Taxation des exportations chinoises ? Les Américains le peuvent, mais la Chine ne manque pas de rappeler que ceux qui s’y risqueraient porteraient la responsabilité d’une crise sociale majeure dans un pays d’1,3 milliards d’habitants. Qui veut jouer avec cela ? Si les grands pays industriels ne veulent pas se lancer dans le protectionnisme, trop inquiets d’une contraction brusquée des échanges, l’arme monétaire reste une tentation. A défaut d’obtenir une substantielle réévaluation du yuan les Américains peuvent toujours maintenir le dollar le plus bas possible, ce qui limite l’invasion de leur marché par les produits chinois.

    Reste que tant que la Chine achète les dettes des occidentaux, le monde, et d’abord les USA, connait un trop plein de liquidités d’où des taux d’intérêt très bas, et donc une incitation au surendettement des ménages. Or, plus chacun s’endette, plus il y a de dettes à racheter. Solution : que chaque pays reconquiert son marché intérieur et que la production chinoise s’oriente vers… le marché chinois.

    Bref il faut plus d’économie autocentrée et moins de mondialisation pour limiter les risques de conflagration et de répercussions en chaine des crises des uns et des autres. Il faut certainement aussi une Europe plus autocentrée au niveau financier, d’où l’idée qui chemine d’un Trésor européen. Anton Brender, chef économiste de la banque Dexia note : « Il faut quelqu’un qui achète les dettes ; or, même à l’échelle de la zone euro, il n’existe pas de Trésor commun. Voilà toute l’ambiguïté de l’Union monétaire européenne. Elle est dotée d’une même monnaie, mais la Banque centrale européenne ne dispose d’aucune autorité en matière prudentielle vis-à-vis des banques ». (Le Figaro, 24.09.08). En d’autres termes : intervenir, prévenir la spéculation et mutualiser les risques. C’est déjà ce qu’affirmait Pierre Hillard dans La marche irrésistible du nouvel ordre mondial, F-X de Guibert, 2007).

    Indépendance européenne ou nouvel ordre mondial ?
    L’ennui, c’est que beaucoup voient toute action européenne comme une simple étape vers une gouvernance mondiale, et que celle-ci dans l’état actuel des choses ne peut être autre chose que la pérennisation de la domination de l’hyper-classe. Alors, comment fait-on ? Et si on revenait aux idées simples ? L’Europe souveraine, l’Europe protectrice de ses nations plutôt que l’Europe tremplin vers le grand marché mondial. Jean-François Jamet suggère de son coté que l’intérêt des pays émergents (surtout les BRIC – Brésil, Russie, Inde, Chine -, et la Turquie) serait d’évaluer leur monnaie non par rapport au seul dollar mais par rapport à un panier de monnaies. « Ce panier pourrait par exemple inclure le dollar, l’euro, le yen – éventuellement la livre britannique et le franc suisse – à proportion du poids de chacune des zones monétaires correspondantes dans les échanges de ces pays. » (Les Echos, 17 décembre 2010). Un usage multipolaire de la monnaie. Ce qui ouvrirait la voie vers un autre ordre mondial. Mais ce n’est pas seulement d’un rééquilibrage dont le monde a besoin. C’est d’une autre conception de la place de l’économie. Le président du forum économique de Davos, Klaus Schwab, constate : « Cette année, l’économie mondiale va croître de 5%. Si ce rythme se maintient, elle doublera de taille en quinze ans, ce qui signifie aussi que l’utilisation des ressources sera multipliée par deux, sauf si bien sur, on parvient entre temps à améliorer l’efficacité énergétique. Dans ces conditions, nous allons être confrontés à un problème de pénurie, un thème qui sera présent dans nos discussions de Davos. » (La Tribune, 26 janvier 2011). La hausse des prix des matières premières y compris les plus vitales, celles des produits alimentaires, est un signe. Ses conséquences politiques, nous les voyons déjà au Maghreb. Parce que cela commence toujours par les plus fragiles. Avant de remonter vers les pays faussement solides. La France par exemple. Développer l’homme et non seulement les biens matériels et l’argent : un sacré défi.

    Pierre Le Vigan (Flashblog, 10 février 2011)

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  • Sociologie de la domination...

    Comprendre l'empire, le nouveau brûlot d'Alain Soral, sort aujourd'hui aux éditions Blanche ! L'auteur d'Abécédaire de la bêtise ambiante, de Jusqu'où va-t-on descendre ? ou de Sociologie du dragueur s'attaque au système oligarchique qui domine sans partage l'Occident depuis près de 50 ans...

     

     

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    "Composé de textes clairs et incisifs racontant ce combat d’idées qu’est l’Histoire, sans omettre de resituer ces idées dans l’Histoire qui les a vues naître, Comprendre l’Empire aurait tout aussi bien pu s’intituler Sociologie de la domination ou Sociologie du mensonge, tant Empire et domination par le mensonge sont liés.

    Peu universitaire dans sa forme, mais fruit de cinquante années d’expériences combinant lectures et engagements, cet essai retrace le parcours historique de la domination oligarchique engagé depuis plus de deux siècles en Occident : instrumentalisation de l’humanisme helléno-chrétien, noyautage de la République par les réseaux, exacerbation des antagonismes de classes et manipulation de la démocratie d’opinion.

    Un long processus initié au XVIIIe siècle par le cartel bancaire qui approche de son épilogue avec le Nouvel ordre mondial. Une tentative d’imposer par la ruse un pouvoir dictatorial qui met, à l’horizon 2012, le monde occidental face à un choix qui l’engage tout entier : la dictature de l’Empire ou le début du soulèvement des peuples ; la gouvernance globale ou la révolte des Nations.

    Essayiste à scandale autant qu’à succès, Alain Soral – auteur de Sociologie du dragueur, Vers la féminisation ?, Misères du désir et autres Abécédaires de la bêtise ambiante – nous propose avec Comprendre l’Empire son livre le plus profond, le plus complet et le plus polémique de tous !"

     

    Ci-dessous, Alain Soral présente le projet du livre dans un court entretien vidéo.


    Comprendre l'Empire - Interview Soral
    envoyé par alexishassler. - Plus de vidéos de blogueurs.

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  • Une démocratie en Egypte : Adler, BHL et Finkielkraut anxieux...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pascal Boniface, tiré de son blog Affaires stratégiques, à propos de la révolution égyptienne et des mises en garde qui sont diffusées à son propos par certains intellectuels favorables à Israël...

     

     

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    Adler, BHL et Finkielkraut anxieux face à la perspective d’une Egypte démocratique

    Tout le monde devrait se réjouir de la contestation du régime répressif de Moubarak en Égypte. Mais la joie de voir la mise en place d'une véritable démocratie dans ce grand pays arabe est gâchée par une sombre perspective : la prise du pouvoir par les Frères Musulmans. Mais alors que The Economist qui n’est pas précisément un organe islamo-gauchiste se réjouit d’une révolte pacifique, populaire et séculière, trois des principaux intellectuels médiatiques français sont heureusement là pour mettre en garde les naïfs qui stupidement sont toujours prêts à applaudir à la chute des dictateurs.

    Dans le Figaro des 29 et 30 janvier, Alexandre Adler est le premier à tirer la sonnette d'alarme dans sa chronique intitulée « Vers une dictature intégriste au Caire ? » dans laquelle il qualifie au passage Mohamed El Baradei, l'une des figures de proue de l'opposition à Moubarak de « pervers polymorphe ».

    Alain Finkielkraut prend le relais dans Libération du 3 février. Il se demande si Mohamed El Baradei sera « l'homme de la transition démocratique ou l’idiot utile de l'islamisme » et doute de la possibilité de l'instauration d'un régime démocratique en Égypte à cause des Frères musulmans. Selon lui, il y avait une tradition démocratique en Europe de l’Est mais il doute qu’il y en ait une en Egypte. C’est faux et stupide à la fois. Seule la Tchécoslovaquie avait été une démocratie avant l’instauration du communisme en Europe de l’Est. Et il est curieux d’exiger le préalable d’une tradition démocratique pour une nation qui veut justement faire chuter une dictature. Dans Le Point (dont la couverture est sobrement intitulée « le spectre islamiste »), BHL avoue sa crainte de voir les fondamentalistes bénéficier de la chute de Moubarak avec la perspective d'une Égypte qui suivrait l'exemple iranien.

    Ces trois intellectuels relaient en fait les craintes israéliennes face au changement politique en Égypte. Ce qui est assez amusant c'est que les mêmes qui ont dénoncé pendant des lustres l'absence de régimes démocratiques dans le monde arabe s'inquiètent désormais de la possibilité qu'il en existe. Cela ferait tomber leur argument de « Israël la seule démocratie du Proche-Orient » qu'ils psalmodient. Mais surtout cela pourrait signifier la mise en place de régimes moins accommodants avec Israël. Or c’est leur principale pour ne pas dire unique préoccupation.

    Il n'est d'ailleurs pas étonnant qu'ils soient passés complètement à côté de la révolution tunisienne ; ils n'ont ni soutenu la révolte populaire comme ils ont pu le faire pour l'Iran, (la Tunisie n’est pas hostile à Israël donc on n’y soutient pas les revendications démocratiques) ni ne se sont inquiétés de ses conséquences comme ils le font pour l'Égypte (la Tunisie n’a pas un rôle clé au Proche Orient).

    Ils font un parallèle entre la mise en place d'un régime répressif islamiste en Iran après 1979 et ce qui pourrait se produire en Égypte. Comparaison n'est pas raison ; si le régime des mollahs a pu s’imposer en Iran, c'est en grande partie du fait des craintes d'interventions extérieures américaines (et du précédent Mossadegh) et face à l'agression à partir de 1980 de Saddam Hussein, à l'époque soutenu unanimement par le monde occidental. Le sentiment de menace extérieure a largement servi le régime iranien pour se maintenir en place. C'est d'ailleurs une règle générale qui ne vaut pas que pour l'Iran.

    Curieusement nos trois vedettes médiatiques qui s'inquiètent fortement de l'arrivée au pouvoir d'un mouvement intégriste religieux n'ont jamais rien dit contre le fait qu'en Israël un parti de de cette nature soit membre depuis longtemps de la coalition gouvernementale. Le parti Shass un parti extrémiste religieux (et raciste) est au pouvoir en Israël avec un autre parti d'extrême droite celui-ci laïc et tout aussi raciste, Israel Beiteinu. Ces deux partis alliés au Likoud essaient d'ailleurs de restreindre les libertés politiques et mettent une très forte pression sur les différentes O.N.G. de défense de droits de l'homme sans que nos trois intellectuels s'en émeuvent particulièrement.

    Les Frères musulmans peuvent-ils prendre seul le pouvoir ? C'est fortement improbable pour ne pas dire impossible. Un gouvernement auquel éventuellement participeraient les Frères musulmans pourrait lever le blocus sur Gaza. Il ne se lancerait pas dans une guerre contre Israël du fait du rapport de forces militaires largement favorable à Israël sans parler de l'appui stratégique américain. Ce qui pourrait se produire par contre, c'est qu’un autre gouvernement égyptien soit moins accommodant avec l'actuelle coalition de droite et d'extrême-droite au pouvoir en Israël. Mais est-ce si grave qu'un pays démocratique d'une part ait une politique indépendante et d’autre part ne laisse pas carte blanche à un gouvernement de droite et d'extrême-droite ?

    Les masques tombent. Nos trois intellectuels dénoncent un éventuel extrémisme en Egypte mais soutiennent celui au pouvoir en Israël. Ils critiquent l’absence de démocratie dans le monde arabe mais s’émeuvent dès qu’elle est en marche. Leur priorité n'est pas la démocratie mais la docilité à l'égard d'Israël, fut-il gouverné avec l'extrême droite.

    Pascal Boniface (Affaires stratégiques, 7 février 2011)

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  • La traversée de la ténèbre hivernale...

    Les éditions Heligoland publient le deuxième numéro (n°2, hiver 2010-2011) de la revue Figures de proues, sous-titrée Cahiers de recherche sur l'héritage littéraire, culturel et l'imaginaire européen et dirigée par Pierre Bagnuls.On trouvera, notamment, dans cette livraison, une longue analyse du roman de Jack London, Le loup des mers, ainsi qu'une sélection de textes fondateurs.

    Il est possible de commander ce numéro ou, mieux encore, de s'abonner sur le site de la revue : Figures de proues.

     

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    Au sommaire :

    Editorial

    • La traversée de la ténèbre hivernale – des lumières dans la nuit solsticiale

     

    Les Sources Vives

    • Plaidoyer pour le Chant profond

    • La tradition de la culture personnelle par Jean-Louis Harouel

    • La poésie populaire en Europe par Edouard Schuré

     

    Essai Culture Littérature Poésie Mémoire

    • Quand deux phares se lancent des signaux par-delà la nuit des temps

     

    Textes fondateurs

    • Décembre par Ernst Jünger

    • Une amitié incomparable par Alphonse de Châteaubriant

    • L’ami par Saint-Exupéry, Barrès, Brasillach, Drieu La Rochelle

    • Amitié d’astres par Friedrich Nietzsche

    • L’ami dans l’Edda poétique – extraits du Havamal

    • L’amitié par Abel Bonnard

    • Traité de l’amitié par Marcus Tullius Cicero

    • Sur le grand nombre d’amis par Plutarque

     

    Livres Libres et Recensions

    • Voyage vers le Nord

    • Demeures de l’esprit – Danemark, Norvège

    • Culture Guides – Scandinavie

     

    Analyse d’oeuvre

    • Le Loup des mers de Jack London – une réflexion philosophique sur l’homme

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  • Un dialogue entre Ernst Nolte et Dominique Venner...

    A l'occasion de la sortie dans la collection de poche Tempus de l'ouvrage d'Ernst Nolte, La guerre civile européenne, nous reproduisons ci-dessous un dialogue entre l'auteur et Dominique Venner, que la revue Eléments (n°98, mai 2000) avait publié à l'occasion de la première parution de ce livre en traduction française aux éditions des Syrtes.

     

     

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    Ernst Nolte et Dominique Venner, une rencontre...

    Dominique Venner : La « querelle des historiens » remonte à 1986, au 6 juin 1986 pour être précis, date à laquelle est publié en Allemagne votre article « Un passé qui ne veut pas passer ». Un an plus tard paraît La guerre civile européenne 1917-1945, que viennent de traduire en français les éditions des Syrtes. Vous y soulignez que le national-socialisme et le bolchevisme ne peuvent se comprendre que l'un par rapport à l'autre. Pour être plus précis, le « nœud causal » entre les deux idéologies réside dans l'émergence du national-socialisme comme réponse ou réaction au bolchevisme, à la menace de mort qu'il faisait planer sur la civilisation européenne. Comment expliquez-vous que cet article et ce livre aient suscité en Allemagne un tel scandale intellectuel?

    Ernst Nolte: Le « scandale » réside dans le fait que j'ai pris au sérieux l'auto-interprétation que les nationaux-socialistes donnaient de leur engagement à savoir la lutte contre le communisme, avec les mêmes moyens que le communisme. Cette motivation est évidente dans la guerre germano-soviétique (1941-45), et on en trouve un exemple célèbre dans le discours de Himmler à Posen. Le chef de la SS raconte comment un commissaire de l'Armée rouge, voyant revenir un régiment défait au combat, convoque ses officiers et en exécute quelques-uns froidement. Loin de s'en offusquer, Himmler appelle ses troupes à une résolution plus dure et plus violente encore.

    Mais le nœud causal s'est établi bien avant la guerre. Contrairement à beaucoup de mes collègues qui s'intéressaient au national-socialisme dans sa course au pouvoir des années trente, je me suis longuement penché sur les premières années de formation et d'expression idéologiques d'Adolf Hitler, au lendemain de la Première Guerre mondiale. C'est à ce moment que le futur Chancelier du IIIe Reich cristallise sa doctrine. Il subit l'influence des auteurs comme Eckart, Scheubner-Richter, Rosenberg, et développe un anti-bolchevisme qui sera constitutif du national-socialisme comme parti de contre-dictature, de la contre-guerre civile. L'antisémitisme donnera ensuite à son discours une cohérence idéologique à vocation universelle et une efficacité passionnelle propres, selon Hitler, à lutter contre le marxisme sur son terrain.

    Là réside donc le « scandale » : dans l'Allemagne de 1986-87, il était inimaginable d'établir une connexion ne fût-ce qu'indirecte entre le Goulag et Auschwitz.  

    D.V. : De votre part, il s'agissait d'une interprétation nouvelle par rapport à vos précédents travaux... 

     

    E.N. : Pas vraiment. Dans Le fascisme dans son époque, je considérais déjà le fascisme comme un antimarxisme fondamental, quelles que soient les distinctions que l'on peut faire ensuite entre fascisme-mouvement et fascisme-régime, fascisme normal et fascisme radical. Plus précisément, je définissais le fascisme comme un antimarxisme qui vise à anéantir son ennemi en développant une idéologie radicalement opposée à la sienne (encore qu'elle en soit proche) et en appli­quant des méthodes presque identiques aux siennes, non sans les avoir transformées à sa manière, et cela dans le cadre inébranlable de l'auto-affirmation et de l'autonomie nationales.

    D.V.: Sur ce point, l'utilisation indistincte du terme « fascisme » pour désigner les idéologies mussolinienne et hitlérienne risque d'introduire une certaine confusion. Le fascisme historique, authentique, né en Italie, présente des caractéristiques spécifiques très éloignées du nazisme. A mon sens, l'une des grandes différences avec le national-socialisme, et surtout avec la vision hitlérienne du monde, réside dans le fait que cette dernière se réclame d'une interprétation scientifique - ou prétendue telle - de l'histoire. Le darwinisme et le racisme biologique sont absents du fascisme italien. En revanche, dans Mein Kampf et dans les Libres propos, Hitler prétend à une justification scientifique de ses idées. Or, ce désir de scientificité du national-socialisme est aussi un trait de l'idéologie marxiste, qui se présente comme une « science », une compréhension rationnelle des lois déterminant la structure des sociétés et les mouvements de l'histoire. Je serai donc tenté de fonder sur ce point précis une parenté du national-socialisme et du bolchevisme, parenté qui exclut le fascisme italien.

    E.N.: Vous avez raison. Mais en plus du biologisme darwinien rôle de l'antisémitisme. Celui-ci permet à la doctrine hitlérienne de développer une philosophie de l'histoire proche quoiqu'opposée au marxisme. L'annihilation d'un peuple mondial voulue par Hitler est une réponse à la destruction d'une classe mondiale froidement envisagée par les bolcheviks. L'antisémitisme donnait à l'idéologie nationale-socialiste une dimension globale, universelle et, à sa manière, « rédemptrice ». A ce titre, l'antisémitisme est une nécessité intérieure du nazisme, que Mussolini et les doctrinaires du fascisme n'ont jamais développée.

    D.V.: On peut se demander si la prétention scientifique commune au national-socialisme et au bolchevisme n'est pas un des ressorts essentiels de ce que l'on a appelé le « totalitarisme ». Ce siècle a certes connu des abominations qui ne relevèrent ni du communisme ni du nazisme. Mais, en dehors des marxistes et des nationaux-socialistes, personne ne cherchait à justifier ses crimes par des arguments scientifiques. On invoquait plutôt les nécessités inhérentes à certaines situations. Or, voici deux mouvements idéologiques qui n'entendent pas se soumettre à la contingence historique, mais veulent la conformer à la vision rationnelle-scientifique qu'ils s'en font, qui justifie à leurs yeux tous les moyens. Ne tient-on pas là une clef fondamentale du totalitarisme?

    E.N.: Dans Mein Kampf, Hitler ne souhaite pas seulement opposer à l'idéologie de l'ennemi une idéologie « de même force », mais « de plus grande vérité ». Sur ce point, et au-delà du caractère scientifique dont nous parIons, il convient à mon sens de reconnaître que la philosophie de l'histoire du marxisme est authentique, alors que celle du national-socialisme est artificielle. Par authentique, je veux dire que le marxisme se fonde sur une idée très ancienne, sur un fond réel des aspi­rations humaines - la société sans classes, l'égalité entre tous, l'histoire sans conflit, la réconciliation de l'humanité, etc. Or, chez Hitler, on ne trouve pas une telle assise universelle. En ce sens, j'ai parlé de « copie pervertie »: le communisme est antérieur en tant que construction idéologique, mais aussi plus originel en tant que fond philosophique. Hitler ne peut être comparé ni à Marx ni à Staline, mais bien à Lénine.

    D.V.: Dans votre livre, vous soulignez combien la Première Guerre mondiale introduit une nouvelle barbarie dans la conduite des opérations militaires. Celle-ci n'est une invention ni du marxisme, ni du national-socialisme. Vous citez très justement la stratégie anglo-saxonne du blocus, qui était destinée à affamer le peuple allemand. jusqu'alors, la guerre ne concernait peu ou prou que les soldats: désormais, la population civile devenait une cible légitime. je pense, pour ma part, que dans leur extrémisme, le bolchevisme et le nazisme sont les produits de la Première Guerre mondiale et de son déchaînement illimité de violence.

    E.N.: Il me semble que ces barbaries, accomplies par des nations qui étaient considérées comme des « États de haute culture », auraient pu être « digérées » par ces mêmes États s'ils étaient parvenus à établir une paix juste et à s'intégrer dans la Société des nations. Mais la révolution de 1917 et l'instauration du communisme en Russie, qui s'inscrivaient à leur manière dans ces tendances à la déshumanisation manifestées par la cruauté des combats entre 1914 et 1918, ont entièrement changé la donne dans l'entre-deux guerres. D'où la responsabilité que j'attribue au bolchevisme dans le déclen­chement de la guerre civile européenne.

    D.V.: Le noyau initial du bolchevisme et surtout du national-socialisme était composé d'hommes qui avaient combattu sur le front en 14-18. Leur vision des choses avait été transformée par l'expérience de la guerre et, pour certains d'entre eux, de la défaite. Vous le soulignez dans votre livre: Hitler plus que d'autres a vécu comme une douleur et une humiliation terribles l'effondrement de l'armée impériale. On peut se demander si sa vision hyperconflictuelle de la vie politique ne doit pas beaucoup au sentiment de répulsion éprouvé face à cet effondrement. jusqu'à la fin, il aura la volonté d'être plus dur encore que tous ses adversaires, pour que l'Allemagne ne connaisse jamais une honte comparable à celle de 1918.

    E.N.: Les anciens officiers étaient en effet nombreux dans les rangs de la NSDAP - ce que Trotski, ayant lui-même contribué au massacre ou à l'enrôlement forcé des officiers russes, avait oublié lorsqu'il prévoyait l'écrasement probable des « petits-bourgeois » nationaux-socialistes par les communistes. Toutefois, si Hitler n'avait été, comme Rühm, qu'un ancien soldat perdu dans la vie civile, il n'aurait pas connu son destin. Au-delà de l'amertume propre aux sentiments nationalistes de l'époque, Hitler entendait devenir le soldat d'une idéologie et il dut pour cela prendre des leçons auprès de l'idéologie adverse. Certains soldats revenus du front ne peuvent s'accoutumer à la paix. Dans le cas du bolchevisme et du national-socialisme, la vraie question ne résidait pas dans une distinction entre temps de paix et temps de guerre: ces deux doctrines voulaient avant tout purifier le monde. Cette tension vers l'anéantissement de l'adversaire, constitutive de la guerre civile, existait dans un camp comme dans l'autre. J'en cite de nombreux exemples dans mon livre. Ainsi l'intellectuel de gauche Kurt Tucholsky écrit-il l'été 1927 dans ses Oanische Felder: « Que le gaz s'infiltre dans les pièces où jouent vos enfants! Qu' i Is s'affaissent lentement, les poupons. A la femme du conseiller ecclésiastique et du rédacteur en chef, à la mère du sculpteur et à la sœur du banquier, à toutes je souhaite une mort cruelle et pleine de tourments ». Même replacé dans le contexte des exactions brutales des corps-francs, ce genre d'exercices imaginatifs donne une idée de la violence de l'époque.

    D.V.: Votre thèse est que l'histoire euro­péenne, entre 1917 et 1945, est dominée par une guerre civile entre bolchevisme et anti­bolchevisme. Or, le monde anglo-saxon est lui aussi porteur d'une certaine vision du monde, une vision très différente de celles qui se développent sur le continent euro­péen. Vous montrez bien dans votre essai que Roosevelt voulait la guerre. Mais du point de vue qui était le sien, il ne s'agissait pas seulement d'écraser le national-socialisme, mais également d'éliminer une puissance capable d'unifier l'Europe sous sa direction. Cette intervention d'un troisième acteur dans la guerre civile européenne a modifié, non seulement les rapports de force, mais aussi les perspectives idéologiques. je pense ici à la manière dont Oswald Spengler, dès 1920, opposait le monde anglais et le monde prussien, en montrant qu'ils correspondaient à deux modes d'existence collective et à deux visions de l'avenir radicalement contraires. Spengler parle très peu du bolchevisme: à ses yeux, le grand antagonisme oppose le monde organique européen (symboliquement, la Prusse) et le monde mercantile anglo-saxon (symboliquement, l'Angleterre). Ne peut-on dire que 1945, de ce point de vue là, fut aussi une victoire contre l'Europe?

    E.N.: Mais aussi, d'un autre point de vue, une victoire pour l'Europe, si l'on considère le système « libéral » comme un système originairement européen. Par système libéral, j'entends le régime politique fondé sur la séparation et la balance des pouvoirs, et au-delà, sur la pluralité d'expression des réalités sociales. Un tel système, très imparfaitement maintenu aux États-Unis, n'existait plus en Europe sous la férule nationale-socialiste ou bolchevique. En ce sens, la victoire des États-Unis a permis la survie d'une forme d'organisation de la vie politique que je crois européenne dans son essence. Au fur et à mesure de son évolution, Hitler se pensait de plus en plus comme un ennemi de l'Europe existante - l'Europe des classes dirigeantes, l'Europe chrétienne, etc. Comme les bolcheviks, Hitler voulait faire table rase sur le Vieux Continent, mais dans le sens d'un mode de vie archaïque, fondée sur la vertu militaire. Bolcheviks et nationaux-socialistes combattaient chacun à leur manière contre l'histoire, l'un vers une post-histoire « radieuse », l'autre vers un retour aux commencements, avant cette décadence que les nazis voyaient par­tout à l' œuvre dans les siècles récents de l'Europe.

    D.V.: De la « querelle des historiens » à l' « affaire Sioterdijk », en passant par les prises de position très discutées d'auteurs comme Günter Maschke, Botho Strauss, Heimo Schwilk, Rainer Zitelmann, Martin Walser, on a le sentiment d'un réveil du débat outre-Rhin. Ce qui ne va pas sans inquiéter certains esprits, à commencer par celui que l'on a présenté comme le philosophe officiel de l'ancienne République de Bonn, Jürgen Habermas. Qu'en est-il?

    E.N.: Voici quelques jours, j'ai tenu une conférence à Turin sur l'éthique de la discussion, concept forgé par Habermas. A mon sens, si l'on considère cette éthique de la discussion dans la totalité de ses conséquences, elle aboutit au spectre terrifiant d'une huma- nité clonée. Car ce que Habermas recherche comme finalité de la discussion rationnelle, c'est le consensus général. Or, celui-ci n'est possible qu'au prix de l'éradication des différences entre les hommes. Dans sa polémique avec le philosophe de Francfort, Sioterdijk l'a qualifié de « jacobin » dans la mesure où il se veut une sorte de pape séculaire régentant tous les termes le débat.

    Je ne sais si tous les exemples que vous citez sont réellement représentatifs d'un renouveau du débat proprement dit. Il s'agit plus de « scandales » lancés par des médias qui recherchent des événements susceptibles de capter sur une courte durée l'attention du grand public. La querelle des historiens, par exemple, n'a pas été continuée et la publication de ma correspondance avec François Furet ne l'a pas réveillée. De même, la traduction récente du Livre noir du communisme s'est surtout soldée par des polémiques lancées par d'anciens gauchistes contre Stéphane Courtois.

    D.V.: Les querelles idéologiques sont la version froide de la guerre civile. Elles ne prêtent pas au débat, sauf en de brèves occasions, entre dissidents rendus à la liberté par leur dissidence. Mais, d'une façon générale, cela se fait en dehors des grands moyens d'expression qui sont sous contrôle de la pensée unique.

    E.N.: Depuis la fin de la guerre froide, le libéralisme - à ne pas confondre avec le système libéral d'équilibre des pouvoirs dont nous parlions - tend en effet à devenir la pensée unique de l'Occident. Ce n'est pas un totalitarisme au sens classique du terme, car cette notion est liée à la violence physique à l'encontre des personnes. Mais il s'agit bien d'une espèce de totalitarisme doux ou mou, d'une forme inconnue jusqu'à ce jour. Le « politiquement correct » se traduit ainsi par un spectre très restreint d'opinions acceptables dans le débat public.

    D.V.: Ce blocage du débat est patent en ce qui concerne la mémoire du national-socialisme et celle du communisme: la comparaison dépassionnée des deux totalitarismes n'est toujours pas à l'ordre du jour ...

    E.N.: Oui, et il y a beaucoup de causes à cela. En France, par exemple, j'ai le sentiment que les communistes dans leur immense majorité ont été des hommes de gauche avant tout préoccupés de questions sociales françaises: la Russie paraît donc lointaine, et la réalité du communisme russe plus lointaine encore. Par ailleurs, la France ne pourrait pas se quaifier de « victorieuse » sans reconnaître son alliance avec Staline: elle a donc une obligation de gratitude envers la Russie communiste - ce dont témoigne encore votre station de métro Stalingrad!

    Au-delà de ces raisons, qui relèvent du passé singulier de chaque nation, la différence de traitement entre national-socialisme et bolchevisme tient aussi à la profonde affinité des doctrines universalistes. Le national-socialisme fut un particularisme, un racisme au sens réel du terme - et non au sens impropre des polémiques médiatiques qui, à travers un supposé « racisme », condamnent toutes les formes de l'instinct de conservation. Les nationaux-socialistes furent, pour beaucoup, des racistes authentiques: ils croyaient à la hiérarchie des races, ils possédaient une vision supranationale d'un destin racial commun, etc. Cette vision particulariste de l'histoire reste étrangère aux autres doctrines de la modernité, qui peuvent au moins se trouver un fond commun sur la question de l'universalisme.

    D.V.: Curieux universalisme que celui du communisme, qui impliquait la liquidation de la moitié non prolétarienne de l'humanité! Quant au racisme hitlérien, on peut se demander s'il ne comportait pas beaucoup plus d'universalisme qu'on ne l'a dit. On ne saurait oublier son opposition doctrinale et politique au différentialisme culturel, ethnique ou national. Mais pour conclure provisoirement ce débat, je voudrais attirer de nouveau l'attention sur une conséquence majeure de la Deuxième Guerre mondiale. Celle-ci ne s'est pas seulement terminée par la défaite du nazisme, ce dont on se réjouirait, mais aussi par la victoire écrasante de l'Union soviétique et des États-Unis, deux puissances hostiles à l'Europe et à ses valeurs de civilisation. Avec le recul du temps, on voit bien que, malgré les efforts ultérieurs du général de Gaulle, cette guerre fut une catastrophe pour l'Europe et les Européens.

    Propos recueillis par Charles Champetier (Eléments n°98, mai 2000)

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    Vous pouvez visionner ci-dessous la dernière chronique d'Hervé Juvin sur Realpolitik.tv, en date du 20 janvier 2011.


    Radicalisation et misère politique
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