Le paysage éditorial français se divise entre chapelles jalouses qui se disputent les âmes désarmées à coup de chacun chez soi. Revue de droite, de gauche, libérale ou non, autant de ghettos mentaux qui ne peuvent rendre compte de l’incroyable vivacité de l’esprit français. Les seigneurs du ghetto veillent à ce que les croyants soient bien gardés, et les commissaires aux idées propres font respecter la dure ligne partisane. Un entre-soi confortable ponctué de quelques trublions comme autant d’alibis du pluralisme et de garantie de ventes : tout dialogue ouvert devenu suspect, de nouvelles infractions à la bienséance de l’esprit sont inventées au fur et à mesure que leur possibilité apparaît. Et gare aux contrevenants !
Ce que vous vivez n’existe pas : telle est la profession de foi d’une caste sourde autant à la vie de l’esprit qu’à celle du peuple. Un constructivisme délirant devenu guerre de l’information : voilà ce qu’il faut attendre d’une bonne partie de « l’élite » intellectuelle et médiatique. Mensonges et lynchages sont désormais les règles de survie d’une meute déstructurée, mais mystérieusement capable de reconnaître au premier coup d’œil qui peut parler, et qui doit se taire. Frapper tous au même endroit et au même moment au nom de la morale commune, avec, toujours, un alibi commode pour cacher des intérêts bien compris : voilà le mot d’ordre.
C’est en réaction à cette situation de moins en moins supportable que nous avons décidé d’interroger les sans voix, ces intellectuels et chercheurs que les médias traditionnels n’interrogent pas, ou peu, car on ne saurait les ranger dans les cases commodes de la pensée officielle, sclérosée et, volontairement, sclérosante. Notre critère de sélection est donc tout trouvé : les hommes et les femmes qui participeront à notre aventure seront choisis pour la liberté de leur pensée, dans toute la diversité que ce choix implique.
Nous essayerons sans doute aussi, en mêlant les contributions de jeunes auteurs à celles des plumes confirmées, de participer à la définition d’une vision actualisée des enjeux à venir. Nous promettons, à ceux qui voudront bien nous suivre, une réflexion sur les enjeux stratégiques, qui permettra de traiter les questions d’actualité à froid, pour laisser à l’esprit son temps de délibération. Mais plus l’arc est bandé plus la flèche est vive, et nous espérons prouver la véracité de cet adage.
Il est temps de réaffirmer que la culture française permet de fonder une réflexion fructueuse, à partir de concepts et de catégories qu’elle définit souverainement. Il ne s’agit pas ici de nier les apports étrangers, mais de réapprendre, ensemble, à penser en français, proprement, nettement. Nous nous tiendrons loin de la repentance qui voudrait effacer l’avenir, parce que, précisément, c’est l’avenir qui nous intéresse. Nous préférons l’histoire des héros à la mémoire des salauds, et il n’est d’hommes dignes à nos yeux que ceux qui sont encore capables d’admirer, ce que nous ne manquerons pas de faire en rendant hommage aux géants d’hier et d’aujourd’hui.
Multidisciplinaires, sans enfermement partisan et indifférents au cloaque mental que devient progressivement le débat public, nous sommes et nous resterons Libres.
Le premier numéro est consacré au thème : Que reste-t-il de l'Europe ?
La crise de l’Europe donne lieu à des commentaires contrastés – entre l’effondrement prédit par les euroréalistes, qui posent que toute construction hors-sol est vouée à disparaître, et l’emballement des euro-inconditionnels, pour qui la faillite de l’idée européenne n’est tout simplement pas pensable. Il faut dire que si les plans de sortie de crise, de remise à plat même, existent bel et bien, ils ne sont pas portés par des élites au pouvoir. Lesquelles, nouveaux médecins de Molière, savent mieux saigner que sauver leur patient.
Et pourtant les échéances arrivent à terme. La crise de l’Euro, comme l’explique Jean-Luc Gréau, va remettre en cause l’équilibre communautaire. Les questions sociales (Philippe Arondel) et géostratégiques (Jean-François Susbielle) se feront de plus en plus présentes dans un contexte général de destruction des États (David Mascré et Pierre Hillard).
Plus profondément les essentielles questions d’identité se sont effacées du débat (Bernard Bruneteau). C’est sur ces questions que reviennent, dans un magnifique échange, Jean-François Mattéi et Françoise Bonardel.
L’exhaustivité n’est pas de ce monde, mais nous souhaitons en tout cas que les jalons ici posés soient, pour nos lecteurs, d’utiles munitions à l’heure de repenser l’idée européenne.
Avec les interventions de :
Sur l’hypothèse d’une culture européenne
Entretien avec Françoise Bonardel et Jean-François Mattéi
Sortons de l’Europe
Entretien avec Guillaume Bigot
La destruction des nations d’Europe
Entretien avec Pierre Hillard
Le concept d’Europe
Entretien avec Jean-François Susbielle (École militaire)
Modèle social européen : le temps de toutes les déconstructions
Par Philippe Arondel
Triomphe des nationalistes flamands, une Europe en voie de désagrégation
Par David Mascré, essayiste
L’agonie de l’euro
Par Jean-Luc Gréau, économiste
L’Europe des fantasmes, « gouvernance » et « peuple européen »
Par Véronique Hervouët, psychanalyste
La conjonction de deux grands paradigmes économiques sur la protection des économies nationales : Keynes ET Allais
Par Frédéric Poulon
L’audace politique des commencements
Par Philippe Arondel
Religion, raison et ruse : formes du discours et milieu carcéral
Par Lucas Degryse
Quelle souveraineté pour quelle identité ?
Par Francis Choisel