Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 5

  • L'arnaque humanitaire...

    Le numéro 55 de Flash, le journal gentil et intelligent, est paru. On pourra y lire un dossier décapant sur les ONG, des instruments d'ingérence et d'influence utilisés comme chevaux de Troie par les Etats-Unis, ainsi qu'un entretien avec Marie-France Garaud sur l'Europe et l'euro, et on retrouvera bien sûr, les rubriques habituelles, dont, notamment, le bloc-notes d'Alain Soral.

    Flash 55.jpg

    Au sommaire :

    USA+CIA+ONU=ONG : L’arnaque humanitaire, un dossier non-gouvernemental pages 3 à 7

    Tea-Parties : Sarah Palin mise à nu en page 8

    Cote d’Ivoire ? Juste histoire d’y voir ? Révélations en page 9

    Sélection des Quenelles d’or 2010 : Alain Soral vous la met en page 11

    D’Éric Cantona à Christine Ockrent, ça arnaque à tous les étages en page 12

    Demain la fin de l’euro ? Marie-France Garaud dévoile les dessous de l’Europe en page 13

    L’art totalitaire, de Staline à Hitler, c’est en pages 14 et 15

    Pour vous abonner en ligne et en toute sécurité : http://www.flashmagazine.fr/

    Lien permanent Catégories : Revues et journaux 0 commentaire Pin it!
  • Sus à l'envahisseur, exit le globish !

    Nous reproduisons ici un article de Florence Balme, mis en ligne sur le site d'Egalité et réconciliation, consacré à l'invasion du "globish" dans la vie courante, comme dans l'enseignement, l'entreprise ou les armées...

     

    globish.png

     

    Sus à l'envahisseur, exit le globish !

    « Le pouvoir de contrôler la langue offre de bien meilleurs avantages que de prendre des provinces ou des pays pour les exploiter. Les empires de l’avenir sont les empires de l’esprit. » Winston Churchill –1943

    Le poète Fernando Pessoa, bien qu’ayant reçu une instruction anglaise au temps où son père était consul du Portugal à Durban, écrivit : « Ma patrie est la langue portugaise ». N’en déplaise à M. le ministre Besson, qui a lancé, au cours du débat sur l’identité nationale, cette contrevérité que les naïfs prennent pour une évidence : « La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion (…) », sans langue propre, il n’y aurait pas de nation, c’est-à-dire de communauté de pensée qui s’exprime d’une même voix !

    Le français est un des attributs de la souveraineté nationale, cela a été gravé dans la Constitution de 1958. La République prolongeait ainsi la volonté monarchique de l’Ancien Régime qui avait entrepris progressivement l’unification du pays en imposant l’usage du français pour effacer la différence entre langue d’oc et langue d’oïl. Aux États généraux de Blois de 1576-1577, sous Henri III, il fallut, doit-on le rappeler, deux salles séparées pour recevoir les délégations du nord et du sud de la Loire qui ne pouvaient se comprendre.

    M. Besson affirme que la France n’est pas une langue, pourtant elle n’existe que par une manière de penser adaptée au caractère de ceux qui la composent, et en particulier, à un besoin d’ordre que réclame son perpétuel esprit révolutionnaire, instinct moins prononcé chez nos voisins du Nord de l’Europe. On mettra cette inculture ministérielle en rapport avec le cosmopolitisme prêché par Attali, dans son livre « L’homme nomade », où il présente un homme déraciné, qui est né ici, travaille là, se fait escroquer ou exploiter partout.

    La liste des maux de la France est longue, certains de ces maux sont anciens, et depuis plus de trente ans, s’y ajoute le recul de la langue française tant au plan international qu’européen ; en effet, jusqu’à la seconde guerre mondiale, le français était le langage privilégié des diplomates, depuis le Traite de Westphalie en 1648 où il s’était substitué au latin ; l’anglais l’en a détrôné de même que dans la rédaction des texte législatifs au sein de la Commission européenne. Sous l’influence de l’idéologie mondialiste, les élites politiques et économiques occidentales adoptent une nouvelle langue, un sabir anglo-américain qui transforme cette langue cultivée, qu’est l’anglais (dont la langue mère est l’allemand), en un vulgaire jargon se suffisant des rares nuances que les échanges commerciaux ainsi que la communication technique nécessitent. Chacun dans le monde devrait défendre sa langue contre la montée de cette uniformisation ruineuse de cultures, surtout les Britanniques, leur langue n’est-elle pas la première à être attaquée par le virus du globish ? *

    Dans son livre « 1984 », G. Orwell a présenté la « novlangue » comme une manière réduite de s’exprimer convenant aux idéologues du jour. De combien de mots le globish réduit-il l’anglais ? Il y a là une volonté de couper l’homme de son passé pour lui imposer un avenir trompeur, et ceci n’est pas nouveau, nombreux sont les avertisseurs depuis le siècle dernier !

    Les richesses de la séculaire Europe occidentale se trouvent dans les langues de Molière, de Goethe, de Dante, de Cervantès et de Shakespeare. Ce patrimoine résistera-t-il à l’invasion du globish, anglais dénaturé, monstre d’inculture, qui répond au besoin d’immédiateté de la communication internationale dans une économie mondialisée, globalisée disent les anglais ? Au chômage les interprètes et les traducteurs, après des années de bons et loyaux services ! Le globish monopolise les échanges au détriment des autres langues et des spécificités culturelles qu’elles véhiculent. Il colonise même le langage courant du français lambda, asséné qu’il est par les médias de masse, la publicité, le commerce ; un touriste anglo-saxon ne doit plus être vraiment dépaysé quand il voyage dans nos villes, et être comme un poisson dans l’eau dans nos zones commerciales.

    On nous rétorquera que de tout temps, les mots sont passés d’une langue à une autre, que c’est leur manière de vivre… oui mais en se frottant à toutes les autres cultures, pas à une source unique et de façon aussi unilatérale, et le plus souvent pour combler une lacune, une chose à exprimer qui n’existait pas encore. Mais aujourd’hui, une seule langue pénètre toutes les autres, et remplace des mots déjà existants. Pour le linguiste et polyglotte, Claude Hagège, les questions de pouvoir et de rapport de force sont au cœur du problème. Dans son ouvrage Le français et les siècles, publié en 2005, il écrivait : « L’engagement actif au service des différences contribuerait, dans le monde d’aujourd’hui, à l’équilibre des langues, c’est-à-dire aussi à celui des pouvoirs ». Paradoxalement, le français est parfois plus défendu hors de son sol d’élection que sur son territoire, malmené qu’il y est par une occupation linguistique qui va de pair avec la culturelle et abandonné à son sort par des décideurs à la rhétorique angélique : « Le recours à l’anglais comme code commun se généralise, sans que cela soit nécessairement une menace pour la diversité des langues. C’est une facilité dont certains Français hésitent encore à se servir, alors que, pour d’autres, c’est la solution miracle. » dixit le Conseil Économique et Social Européen. Et en effet, en dépit d’un certain contentieux, les ex-colonies françaises ont conservé l’usage de notre langue et beaucoup de pays d’Afrique noire et du Nord adhèrent à l’Organisation internationale de la francophonie dont la première mission est la promotion de la langue française. Cette organisation répondit au « quelque chose » souhaité par le poète et écrivain, Léopold Sédar Senghor, alors président du Sénégal lorsque le général de Gaulle lui annonça l’indépendance des pays d’Afrique :« Mon général, nous allons tous être indépendants. C’est magnifique. Mais il faut tout de suite créer entre nous quelque chose pour défendre ce qui nous est commun : la langue française ! »

    « Dans les décombres du colonialisme, nous avons trouvé cet outil merveilleux, la langue française » aimait à dire cet Académicien, par ailleurs bon germaniste. Alors que dans nos propres institutions, les rapports et communications sont de plus en plus souvent établis en anglais, reléguant le français à un usage décrété passéiste. Le sacro-saint modernisme oblige !

    Les anglo-saxons nous livrent une guerre économique, la diffusion massive de leur culture musicale, filmographique et télévisuelle est le fer de lance de leur pénétration des marchés : « Imprègne-toi de ma langue et tu consommeras mes produits ! » À terme, si nous nous y résignons, cette culture médiocre nous sera même servie in english ! Dans son rapport sur l’enseignement de 2004, M. Thélot définissait « l’anglais de communication internationale comme l’une des deux compétences à valoriser pour le citoyen du XXIème siècle ». Pour ce faire, il recommandait « la fin du doublage en français des films et séries américaines » afin de pousser les petits écoliers à se mettre à cette langue car pour lui « ne pas être capable de s’exprimer et d’échanger en anglais de communication internationale constitue désormais un handicap majeur, en particulier dans le cadre de la construction européenne. ». Ceci, au moment même où seulement 8% des Français savent l’allemand, Alsaciens et Lorrains inclus, ce qui rend bien vaine, sinon hypocrite, une référence aux exigences européennes ainsi qu’à la diversité culturelle prônée à longueur de discours. Son rapport préconisait de « (…) favoriser en France l’acquisition d’un élément important du socle des indispensables, simplement en inscrivant dans le cahier des charges des chaînes de télévision l’obligation de recourir au sous-titrage plutôt qu’au doublage ». Ainsi on ne prétend même plus enseigner à nos enfants la langue de Shakespeare, mais un argot anglo-américain dans lequel les grossièretés fusent aux oreilles des protagonistes hollywoodiens aussi souvent que les balles des revolvers !

    Nos petits-enfants ne seront-ils voués à ne baragouiner qu’un français approximatif, étudié, ou plutôt survolé, pendant les quelques heures que l’Éducation nationale accorde encore à son apprentissage et à son perfectionnement, nombre d’heures en constante diminution depuis 30 ans. Ce qui n’est pas le cas de celui dévolu à l’apprentissage de la langue étrangère, à 95% c’est l’anglais qui est choisi – mais comment s’en étonner - au détriment des autres langues de culture importante, et l’on se doit de s’y initier au plus tôt, au collège d’abord, puis maintenant au primaire. À quand l’apprentissage de l’anglais, sous sa forme la plus médiocre, à l’école maternelle afin de concurrencer la langue maternelle, elle-même en cours d’acquisition à cet âge de la vie ? L’anglais est déjà la langue de transmission des savoirs dans l’enseignement supérieur français, du jardin d’enfant à l’université, la boucle sera bouclée ! L’Oncle Sam a trouvé de serviles collaborateurs dans les pédagogues de l’Éducation nationale !

    Une langue n’est pas uniquement un moyen de parler, c’est un regard sur le monde, une manière d’interpréter les choses, une façon d’être, d’exprimer des émotions, le véhicule de valeurs héritées des ancêtres… bref c’est une façon de penser, un habitat, dit le philosophe Heidegger. Délaissée, c’est l’Esprit qu’elle suscitait qui disparaît, en l’occurrence pour ce qui nous préoccupe : l’Esprit français qui s’incarne en Montaigne, Voltaire, Racine, Balzac, Céline et tant d’autres encore.

    Cet esprit est notre héritage, nous nous devons de le léguer afin de ne pas laisser à nos enfants une façon d’appréhender leur monde au seul filtre de la langue des idolâtres du Veau d’or.

    * Contraction de global et d’english, le globish est une version simplifiée, appauvrie de l’anglais.

    Florence Balme (Egalité et réconciliation, 8 décembre 2010)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L'école à l'heure de l'inégalité réelle...

    Nous reproduisons ici un bon article de l'écrivain Jérôme Leroy, mis en en ligne sur Causeur, excellent site de débat, suite à la publication du classement international Pisa sur les résultats scolaires.

    hussard noir.jpg

     

    Pisa, le classement qui gêne

    L'école à l'heure de l'inégalité réelle

    Comme tous les trois ans, Pisa s’est abattu sur la France. L’acronyme sent bon la technocratie orwellienne et la tyrannie, partout présente désormais, de l’expertocratie autoproclamée : programme international pour le suivi des acquis des élèves. Traduit simplement, cela signifie que Pisa est là pour évaluer les écoles de 65 pays et établir un classement. Autant on peut souhaiter rétablir le classement dans l’école, autant on peut trouver beaucoup plus discutable le classement des écoles. Nous avons déjà, par exemple, exprimé dans ces colonnes le léger agacement que nous inspirait le classement annuel des lycées, publié sans précautions d’usage par les news magazines. On s’appuie pourtant essentiellement sur les résultats au baccalauréat, comme si le réussir dans le 93 signifiait la même chose que le réussir dans le Cinquième arrondissement. Ce qui est absurde, à moins d’admettre qu’un parcours du combattant et une promenade de santé soient du même ordre.

    Pragmatisme à toute épreuve

    Le classement Pisa procède de même, au niveau international. On est très heureux pour la Corée du Sud et la Finlande qui sont régulièrement placées en tête mais on se demande ce que la réalité française a de commun avec celle de cinq millions de finno-ougriens qui construisent des téléphones portables entre lacs et forêts ou celle d’un pays asiatique de tradition bouddhiste où l’industrialisation rapide s’est accommodée jusque dans les années 80 d’une dictature militaire.

    En plus, quand on vous met un thermomètre dans le fondement, il est toujours utile de savoir qui le tient et pourquoi. Pisa est une émanation de l’OCDE. L’OCDE est une de ces organisations supranationales dont les dogmes de la Foi sont la concurrence et le libre échange.
    Avec Pisa, l’OCDE fait d’ailleurs preuve de son pragmatisme à toute épreuve en se limitant à la compréhension de l’écrit, à la culture mathématique et à la culture scientifique. De quel écrit au juste, allez savoir…On peut penser que le classement Pisa, comme finalement n’importe quel penseur pédagogiste bien de chez nous, doit trouver plus utile que l’élève saisisse le sens d’un texte qu’il sera amené à lire assez vite dans son existence (annonces de Pôle Emploi, lettres de licenciement, avis d’expulsion) plutôt que celui de l’Odyssée qui est tout de même au programme de nos classes de sixième dans le cadre d’une approche des textes fondateurs.

    Les résultats de la France à ce Pisa label 2009 sont donc en baisse par rapport au classement précédent. Pas de grand chose, mais en baisse. Bon, en même temps, qui l’eût cru , ces feignasses assistées de Grecs avec leur Etat hydrocéphale que l’UE-FMI réduit à la schlague, ont fait un bond de vingt points sur la même période 2006-2009. Ne dites pas à Strauss-Kahn et Barroso que toutes les dépenses publiques hellènes n’étaient peut-être pas totalement infondées, ils vont nous faire une crise de nerfs…

    Promptitude passionnelle

    Chez nous, quand on sait la promptitude passionnelle dont le Français, et votre serviteur n’échappe pas à la règle, fait preuve dès qu’il s’agit de la question scolaire, on est un peu étonné par la relative modération qui entoure ces résultats. Les gazettes oscillent entre le « En baisse cette année », le « Peut mieux faire », le « Ensemble décevant. Doit réagir au plus vite. », mais elles n’y mettent pas plus de conviction que ça.
    Sans doute parce que, quelle que soit leur obédience partisane, dans la mesure où elles ont décidé sans barguigner d’accepter la légitimité de ce classement d’essence libérale, les résultats sont gênants pour tout le monde.

    Pour le camp pédagogiste, bien sûr, puisque c’est lui qui est encore largement aux commandes dans la définition de plus en plus délirante de programmes qui fixent des objectifs aussi ambitieux sur le papier qu’inapplicables sur le terrain tant que les horaires hebdomadaires de matières aussi secondaires que les maths, le français, l’histoire géo, la philo, les langues vivantes seront en baisse constante, masquant mal la logique comptable derrière le clinquant des intentions.
    Mais la logique comptable, pour le coup, elle n’est pas imputable aux pédagogistes et elle n’a jamais été aussi pesante que depuis 2007, quand l’Education Nationale a vu, au nom de la RGPP et de son sacro-saint principe du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, la disparition de plus de 50 000 postes d’enseignants depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, sans préjuger des 32000 suppressions supplémentaires programmées en 2011-2012.

    Il y a pourtant une chose simple à comprendre. Autant, même si ce n’est pas ce qu’il y a de plus agréable, il est possible de faire cours dans un collège ou lycée de centre ville à une trentaine d’élèves, autant cela relève de la mission impossible quand on se retrouve dans un quartier difficile. Il ne faut pas s’étonner que l’expert Pisa pour la France, monsieur Charbonnier, s’indigne d’une école qui fabrique de plus en plus d’inégalités. Là où on aurait besoin de plus de profs, on vous donne surtout plus de sigles qui renvoie à des dispositifs qui sont autant d’usines à gaz servant à gérer la pénurie de personnel.
    Vous avez aimé les ZEP (zones d’éducation prioritaire), les REP (réseaux d’éducation prioritaire), vous avez à peine eu le temps de goûter les RAR (réseau ambition réussite) que voilà déjà les CLAIR (collèges et lycées pour l’ambition, la réussite et l’innovation) en vigueur depuis la rentrée 2010. Evidemment, à chaque fois, cela concerne quelques centaines d’établissements, toujours les mêmes, c’est à dire les plus défavorisés du pays, où l’on s’obstine à ne pas voir que ce qui manque, pour cesser que ne se creusent les inégalités, c’est que l’on mette plus de monde devant moins d’élèves.

    Mais non, on préfère les partenariats avec le privé et pendant que l’élève de troisième du centre ville fait encore du grec et du latin, celui qui en aurait autant besoin, sinon plus, se retrouve à faire des stages en entreprise sous prétexte d’orientation. Comme s’il était condamné d’avance à servir de main d’œuvre précaire, peu ou pas diplômée, à des employeurs qui n’ont plus qu’à se servir dans une population acculturée par un système qui oscille entre le rôle d’idiot utile et de complice objectif. On se retrouve ainsi avec un phénomène proche de celui décrit par Naomi Klein dans No Logo à propos des USA1 où Mc Do et Coca Cola sont devenus les partenaires privilégiés des écoles de pauvres et vont jusqu’à sponsoriser les programmes pour suppléer le manque d’investissements publics.

    On est toujours trahi par les siens

    Quand le classement Pisa insiste sur cette fabrique d’inégalité qu’est devenue l’école française, la droite qui aurait rêvé de remettre en question la compétence des enseignants et leur statut par la même occasion, se retrouve face à ses contradictions. On est toujours trahi par les siens : c’est l’OCDE qui insiste sur l’importance de la « préscolarisation » quand Xavier Darcos a cru bon de moquer les enseignants de maternelle sur l’air de « pas besoin d’être bac plus cinq pour torcher les mômes »
    C’est l’OCDE, encore, qui parle de la nécessité d’une mixité sociale quand le pouvoir rêve d’internats d’excellence.
    C’est l’OCDE, toujours, qui insiste sur les dispositifs précoces d’aide aux enfants en difficulté quand le gouvernement a fait la peau à 3000 postes de Rased, un dispositif d’aide spécifique à l’école primaire qui lui fonctionnait plutôt bien.
    C’est l’OCDE enfin qui remarque que les pays où les professeurs sont les mieux payés ont les meilleurs résultats quand chez nous les augmentations de salaire dans la fonction publique ne sont pas franchement à l’ordre du jour.
    Je répète que je ne suis pas du tout convaincu par la pureté des intentions de l’OCDE, qui a finalement elle aussi un côté pédagogiste et bourdivin, mais je ne peux m’empêcher de goûter avec un certain plaisir le spectacle d’un Luc Chatel un rien désorienté par ce classement Pisa qu’il manipule comme un flacon de nitroglycérine, tout surpris, alors qu’il se croyait dans le sens du vent dérégulateur, de pouvoir être rendu premier responsable en cas d’explosion inopinée.

    Jérôme Leroy (Causeur, 10 décembre 2010)

    1. USA qui sont dans le même peloton que nous…
    2. 
    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Un grand hérétique !

    A l'occasion de la réédition de La révolte des masses, de José Ortega y Gasset, aux éditions des Belles lettres, nous reproduisons un article que David Mata avait consacré à cet auteur dans la revue Eléments, lors de la précédente édition du livre aux Editions du Labyrinthe, en 1986.

     

    Ortega.gif

     

    Ortega, un grand hérétique

    Il est d'étranges, d'incompréhensibles dédains. Alors que, généreuse, l'édition espagnole traduit sans attendre nos écrivains du moment, la France s'obstine à bouder ce grand philosophe, ce philosophe de toujours qu'est Ortega y Gasset. Je crois voir à cela trois raisons : Ortega n'était pas un rejeton de Marx ni de Hegel. Il écrivait dans une langue pure, riche en métaphores. Il voyait un fléau dans l'apparition de l'homme-masse. Une autre raison m'apparaît: Ortega appartenait à un pays longtemps resté médiéval, que la France petite-bourgeoise, bien différente de celle du XVIIe siècle, largement ouverte aux vents ibériques, considéra toujours avec quelque stupeur. Et puis, cinquième raison, qui d'ailleurs rejoint la précédente, l'Espagne ne cesse d'être cataloguée comme terre de mystiques, peu apte en tant que telle à la réflexion méthodique.

    Ortega prouve brillamment le contraire, il prouve que la profondeur peut fort bien s'allier à l'aménité, mais qui l'a lu ? En France, la majorité des intellectuels ne le connaissent que par ouï-dire, et pour cause, son œuvre restant à traduire : La révolte des masses, publiée par Stock en 1937, réédité par Gallimard en 1961, mais depuis longtemps introuvable, eût dû mettre l'eau à la bouche des lecteurs, inciter les éditeurs à persévérer. Il n'en a rien été, jusqu'à cette magnifique réédition due au Livre-Club du Labyrinthe. A se demander si ce livre, peu favorable à l'égalitarisme, peu dans la note, n'a pas au contraire suffi à éveiller la méfiance. Car si on excepte Idées et croyances (Stock, 1945), et une anthologie parue chez Plon en 1960, il s'agit là du seul ouvrage d'Ortega qui soit accessible en français. Trente et un ans après sa mort, le «pays des Lumières» reste privé de ces livres capitaux : Au sujet de Galilée, Méditations du Quichotte, La déshumanisation de l'art.

    Étrange incurie, étrange provincialisme de l'édition française. Déplorable chauvinisme, faut-il ajouter: sait-on que Jean Paulhan s'offusqua des influences germaniques subies par Ortega, qu'en conséquence Gallimard lui ferma ses portes? N'étant pas lu, Ortega y Gasset reste victime des plus sots préjugés, de ce préjugé monstrueux qui fait de lui un dilettante, autant dire un philosophe mineur. Sans doute une époque telle que la nôtre, qui, la considérant comme tout le Réel, se claquemure dans l'actualité, ne pouvait-elle que le regarder avec défiance. Sans doute, corollairement, ne pouvait-elle que porter au pinacle Althusser, Sartre, ou Bernard-Henri Lévy, tous penseurs peu suspects d'altitude. Aveuglément voués à de désuètes causes partisanes, eux, c'est évident, n'ont pas d'ailes. Plus proches du rongeur que de l'oiseau de Jupiter, ils s'emploient, opiniâtres, à creuser un étroit tunnel de doctrines où, semble-t-il, leur rêve est d'enfermer la vie. Encline au sectarisme, à un utilitarisme qui, introduit dans la philosophie, en constitue l'absolue négation, l'époque, il n'en faut pas être surpris, se reconnaît parfaitement en eux.

    Non certes qu'Ortega s'isolât dans une tour d'ivoire, non qu'il considérât le monde du point de vue de Sirius. Embarqué, et sachant qu'on ne peut pas ne pas l'être, il prenait seulement ses distances, se posant sur ces hauteurs dont disposèrent toujours les rares philosophes nés, embrassant du regard les tumultes de l'agora, observant l'affrontement des factions, le pullulement des systèmes. Cela lui permettait de n'être point dupe, de résister aux modes intellectuelles, et, bravant audacieusement les tabous, d'écrire: «Ce serait faire preuve d'innocence que de croire qu'à force de démocratie nous échapperons à l'absolutisme. Tout au contraire. Il n'est pas d'autocratie plus féroce que celle, diffuse et irresponsable, de démos.

    Pour cette raison, celui qui est véritablement libéral fera bien de réfréner ses ardeurs démocratiques. »

    Une autre citation montrera que] précurseur il fut : «Le Moyen Age, qu'une stupide historiographie a dépeint comme une époque de ténèbres et d'angoisse, a été la saison des philosophies optimistes, tandis que notre âge moderne n'aura presque fait entendre que des voix désespérées.»

    Ortega, on l'a compris, n'avait rien de ces spécialistes, inlassablement occupés à décortiquer un thème unique, et ce sous prétexte de rigueur scientifique, dans des matières qui, grâce à Dieu, excluent et excluront toujours ladite rigueur. Pas plus que le domaine pictural (Mondrian regarderait comme un péché de représenter des courbes), les domaines philosophique et littéraire n'échappent, hélas! à cette manie de la spécialisation, à cet émiettement, à cette invasion d'un technicisme aussi vide que prétentieux. Modernité, dit-on, comme si myopie était vertu. Cette modernité, à laquelle l'université n'est pas la dernière à sacrifier, ne joue évidemment pas en faveur d'Ortega, en faveur d'une conception plénière, hauturière, de la philosophie. Mais les modes passent, et un jour viendra où les Français, ceux qui savent lire, découvriront Ortega y Gasset comme le grand philosophe qu'il est, comme un philosophe qu'on limite et trahit, lorsqu'on se contente d'associer son nom au ratio-vitalisme.

    Un bref regard sur ce système, si système il y a. La vie, dit Ortega, n'est ni esprit ni matière, elle est histoire. C'était renvoyer dos à dos le spiritualisme et le matérialisme, non moins arbitraires et unilatéraux l'un que l'autre. Vivre, dit encore Ortega, c'est se sentir naufragé. De ce constat, qui anticipe l'existentialisme (dans ce qu'il a d'essentiel, d'éternel), il tire des conclusions tout autres que celle qu'en tirera le sartrisme. Libre esprit que ne bornaient ni le christianisme ni ses dérivés laïques, il se garde d'une morale de l'engagement où se niche l'impératif catégorique, où le fanatisme avance masqué. Il passe au crible l'utopisme, à un moment où les mythes sociaux continuent à faire illusion: Espagne invertébrée, sur ce thème, contient des pages magistrales. Magistral est le portrait qu'il y brosse du progressiste. Au lieu de chercher à savoir ce qu'est la société, celui-ci décide de ce qu'elle doit être. Mais ce «doit-être» se réduit à un contenu moral, et on ne peut bâtir une société à partir d'un postulat éthique ou juridique.

    Les XVIIIe et XIXe siècles l'ont cru, dans leur aberration. C'était croire à la magie. Avant d'être juste, une société doit exister. Elle ne le peut que si elle possède une certaine structure, que si elle unit une minorité, une élite, à un peuple qui sache l'écouter. Mais aux époques de déclin, les hommes n'acceptent pas cette idée. Toute subordination, à leurs yeux, apparaît comme synonyme d'injustice. Ce préjugé moderne, Ortega le bat en brèche, faisant observer que servir le roi n'avait rien d'humiliant pour un Velasquez, qu'au contraire, dans la société féodale, il y avait profit pour tous à approcher plus grand que soi.

     

    L'obligation au-dessus du droit

     

    Comme il enterre l'idéalisme, Ortega, avec Nietzsche, enterre la déesse Raison, dont, par un jour blême, naquit l'utopie. Non qu'il cautionne l'irrationalisme. Il se rend simplement à cette évidence qu'au terme de quatre siècles de cartésianisme, la ferveur est retombée. Que la Raison s'était convertie en un nouvel absolu, un nouveau despotisme. Elle déchue, l'Europe est en crise. Elle l'est, selon Ortega, pour la troisième fois de son Histoire, la première se situant au soir du paganisme quand meurt le Grand Pan, la deuxième à ce moment charnière, automnal, qu'est le xve siècle. Comme à ces époques alexandrines, saturées de gloses et de gnoses, nous voici «replongés dans le désespoir de la connaissance». L'homme s'est perdu, une nouvelle fois, et de nouveau «les histrions pullulent».

    Le remède? N'allons surtout pas le chercher dans la sacralisation de la culture, laquelle n'est qu'un des symptômes du mal. "La culture ne naît pas de la culture, mais de forces préculturelles. Toute culture trouve sa racine dans un fond de barbarie. Lorsque ce fond s'épuise, elle se dessèche et s'ankylose, elle meurt.» Ce fond était intact au Moyen Age (à son apogée), époque qu'Ortega loue d'avoir placé l'idée d'obligation au-dessus de l'idée de droit, saison de foi en soi-même où fonctionnaient des ressorts vitaux aujourd'hui brisés. Vivre, alors, impliquait le risque, l'héroïsme. Aujourd'hui, la peur règne en maîtresse. Seule compte la prolongation de la vie, et peu importe qu'il s'agisse d'une vie minima, purement chimique. Pour cette conception de l'existence, Ortega ne cache pas son mépris, lui qui ose écrire: «Notre idéal va-t-il être l'organisation de la planète comme un immense hôpital ?»

    Propos hérétiques s'il en fut. Ortega, c'est l'évidence, ne fait pas chorus avec les amis de l'homme. Il ne bêle pas avec les moutons. Il fait mieux : sur le chaos des idées et des événements, il répand une intense clarté. Et c'est à lui, plutôt qu'à Valéry, que s'appliquerait l'image d'un «phare tournant». Plein de cette saveur et de cette vigueur que l'Espagne sut toujours donner à ses enfants, «pure flamme celtibère» et à la fois grand Européen, Ortega restera comme le fruit miraculeux d'un XXe siècle disparate. C'est un bonheur que de le lire (le sait Cioran, cet autre hérétique), et je serais tenté de dire à son propos ce que disait Nietzsche, pensant à Montaigne : «On est heureux à la pensée qu'un tel homme a vécu.»

     

    David MATA (Eléments n°61, hiver 1986)

    Lien permanent Catégories : Livres, Textes 0 commentaire Pin it!
  • Les corporatocraties dans la cyberguerre

    Nous reproduisons ici un article de Jean-Paul Baquiast, animateur du site Europe solidaire, ainsi que du remarquable site scientifique Automates intelligents, consacré à une réflexion sur l'affaire Wikileaks et ses implications.

    cyberguerre.jpg

    Les corporatocraties dans la cyber-guerre

    Dans la guerre du faible (les cyber-citoyens) au fort (le Système politico-financier ) il serait très naïf de supposer que le fort ne pourra pas retourner contre le faible les armes utilisées par celui-ci.

    John Naughton, du Guardian est moins naïf. Il écrit le 6 décembre, à propos de ce que certains nomment la cyber-insurrection menaçant le Système politico-financier dans la suite de l 'affaire WikiLeaks  :
    «  Politicians now face an agonising dilemma. The old, mole-whacking approach won't work. WikiLeaks does not depend only on web technology. Thousands of copies of those secret cables – and probably of much else besides – are out there, distributed by peer-to-peer technologies like BitTorrent. Our rulers have a choice to make: either they learn to live in a WikiLeakable world, with all that implies in terms of their future behaviour; or they shut down the internet. Over to them.»

    La phrase importante est la dernière: « Ou bien nos dirigeants apprennent à vivre dans un monde rendu poreux par des fuites du type de celles réalisées par WikiLeaks (WikiLeakable) avec tout ce que ceci implique concernant la modification de leurs futurs comportements, ou bien ils ferment l'Internet »

    Il n'y a que les dirigeants un peu benêts ou attardés du cortex, comme les Chinois ou le gouvernement français, pour envisager encore de fermer ou simplement de réglementer Internet. Cet heureux événement ne surviendrait que dans une guerre faisant un large usage des bombes à neutrons ou dans la perspective peu probable dans l'immédiat (mais pas impossible) d'un flash électromagnétique d'origine solaire.

    Il leur reste donc à s'adapter au cyber-monde, afin de retourner contre les cyber-contestataires ou les cyber-adversaires, les armes dont disposent ces derniers. Il n'y a là rien que de très faisable pour qui dispose de l'argent et de l'influence. Le Corporate Power, ou plus exactement, pour élargir la définition, les Corporatocraties, qui associent la puissance des firmes à celle des Etats, disposent d'assez de moyens pour recruter des milliers de jeunes gens très avertis. Ils auront vite fait de saturer le cyber-espace de messages contradictoires, parlant au nom de n'importe qui et défendant n'importe quelle cause, si bien que les intelligences moyennes comme les nôtres ne sauront plus qui parle, ne feront plus confiance à personne et finiront par retourner à leurs méditations solitaires.

    Le procédé n'aura rien de nouveau. On sait très bien comment dans les dernières décennies, les corporatocraties ont retourné à leur profit, pour la propagande politique ou la publicité commerciale, la presse écrite, la radio et la télévision. Toutes pratiquent le « greenwashing » idéologique. Pour ma part, j'écoute encore la radio et regarde la télévision, à certaines heures et en choisissant certaines émissions. Mais même dans ces cas, je peux mesurer, en faisant le compte des messages communicationnels toxiques ou pourris que j'identifie, le nombre infiniment plus grand de ceux que je n'identifie pas et qui formatent en permanence mon pauvre cerveau. Je suis immergé dans ce que les spécialistes pourraient désigner du terme de Système anthropotechnique de la Communication globale.

    C'est de cette façon que les corporatocraties interpréteront la recommandation que leur fait John Naughton «  learn to live in a WikiLeakable world ». Rien ne leur sera plus facile à faire en ce sens: dépenser des millions en dollars et en intelligence mercenaire pour saturer l'Internet de messages non interprétables. Bien évidemment, elles n'ont d'ailleurs pas attendu. Si bien que moi-même, je l'avoue, je me suis demandé pour qui « roulait », comme l'on dit, Assange.

    Mais le soupçon sera partout. N'a-t-on pas suggéré que le mot d'ordre lancé par le site ayant pris Eric Cantonna pour emblème avait fait le bonheur des spéculateurs sur les métaux précieux. Vu la bulle immédiate qui s'était produite sur le cours de l'or, certains ont du réaliser en une nuit de sympathiques bénéfices. La contestation du Système peut mener à tout.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 9 décembre 2010)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Turquie, le rêve néo-ottoman ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une bonne analyse de Christian Bouchet, publié sur Voxnr, concernant la nouvelle orientation de la politique étrangère turque. La Turquie semble avoir enfin compris qu'elle se fourvoyait en voulant intégrer l'Union européenne. C'est une bonne chose pour l'Europe comme pour le monde multipolaire en train de naître.


     

    bozkurt.jpg

     

     

    Bye-bye l'Europe ! ou le rêve néo-ottoman de la Turquie

    Quatre vingt-dix ans après avoir perdu son empire quatre fois centenaire, il semble que la Turquie ait aujourd’hui renoué avec ses rêves ottomans, et qu’après avoir orienté ses choix géopolitiques vers le pantouranisme (1) puis vers l’Union européenne, elle ait maintenant décidé de construire un bloc régional de nature à peser fortement dans le futur. Cette « vision d’avenir » est l’œuvre d’Ahmet Davutoglu, un professeur de relations internationales à l’université d’Istanbul devenu ministre des Affaires étrangères de son pays, que certains médias présentent comme le « Kyssinger turc ».

    « L’Europe, c’est fini pour nous ! », telle semble bien être l’avis majoritaire sur les bords du Bosphore où, selon un récent sondage, les Turcs ne sont plus que 38 % à désirer rejoindre l’Union européenne alors qu'ils étaient 74 % à le souhaiter en 2004. Ce désintérêt de l’opinion publique, que le gouvernement ne fait pas le moindre geste pour contrer, explique que les diplomates chargés des négociations avec Bruxelles ne fassent rien pour faciliter leur aboutissement. La question chypriote est toujours pendante et sur les trente-cinq chapitres thématiques de négociation, seul un a été bouclé positivement. Quant aux autres, on y discute sans grand espoir de solution à court ou moyen terme.

    A défaut de progresser dans ses rapports avec l’Union européenne, Ankara a décidé de s’inspirer de son fonctionnement pour constituer une union économique et politique au Proche-Orient où elle promeut un Schengen régional et un nouveau pacte de Bagdad (2).

    Ainsi, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a proposé, le 25 novembre dernier, aux pays arabes de créer une zone analogue à celle qui a été formée au sein de l'Union européenne par les États Schengen. Après avoir rappelé qu'Ankara avait déjà aboli les visas avec la Syrie, le Liban, la Libye et la Jordanie, le chef du gouvernement turc, alors en visite à Beyrouth, a déclaré : « L'Union européenne se félicite d'avoir instauré la zone Schengen. Pourquoi ne pas faire la même chose entre nous ? » Dans le même discours, Erdogan a également fait part du projet prévoyant la création d'un conseil de coopération entre la Turquie, la Syrie, le Liban et la Jordanie, en résumant sa pensée d’une phrase : « Peut-il y avoir quelque chose de plus naturel ? ».

    Le 21 novembre, sur le site internet du Figaro, Georges Malbrunot a, quant à lui, longuement analysé « la reconstitution du pacte de Bagdad » qui s’effectue, trente ans après la volatilisation de ce bloc anti-soviétique, mais aujourd’hui sans les Etats-Unis et le Pakistan. Et d’expliquer comment la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran « dessinent à vive allure la matrice de leurs institutions communes, à l’instar, il y a cinquante ans, de l’Europe des Six » : les visas entre ces quatre pays sont désormais supprimés, un consortium vient d’être créé pour rendre compatibles les réseaux des oléoducs et des gazoducs existants et à venir, les ressources d’eau y sont administrées de concert, etc. Ce futur bloc territorial de 250 millions d’habitants - qui contrôle à lui seul le Bosphore, le détroit d’Ormuz et la plus grande part des routes du gaz et du pétrole - possède 35% des réserves d’hydrocarbures de la planète. A terme, c’est, aux yeux de Georges Malbrunot, une hyper puissance qui émergera.

    Cela étant, la Syrie et l’Iran, sont en même temps des alliés de la Turquie mais aussi des rivaux dans la lutte pour le leadership du Proche-Orient et l’Iran joue sa propre partition tout particulièrement au Liban et à Gaza, par ses rapports privilégiés avec le Hezbollah et le Hamas, mais aussi sur sa frontière septentrionale.

    Ainsi, Téhéran entretient les meilleures relations avec l’Arménie qui est historiquement « en délicatesse » avec la Turquie, même si le gouvernement Erdogan tente de rapprocher les deux pays au grand déplaisir du très droitiste Parti nationaliste turc. Fait nouveau, l’Iran vient de signer des accords de coopération très importants avec deux de ses voisins du Nord : le Turkménistan et l’Ouzbékistan, qui vont permettre à ces deux pays enclavés, soucieux l’un et l’autre de ne pas dépendre de la seule Russie pour l’acheminement de leur commerce extérieur, d’utiliser le territoire iranien pour accéder à l’Océan Indien. Pour le Turkménistan en particulier, pays très peu peuplé mais qui dispose de réserves de gaz naturel parmi les plus importantes du monde, cette ouverture vers le Sud est un moyen d’échapper aux contraintes léonines que pouvait lui imposer Gazprom pour exporter son gaz. L’Iran, le Turkménistan et l’Ouzbékistan partagent de surcroît un souci commun de sécurité : celui de combattre la déstabilisation et les multiples influences souterraines qu’engendre l’immense trafic d’héroïne d’origine afghane. Par ailleurs, les diplomates iraniens viennent de connaître un autre succès en signant; en août dernier, un accord de coopération militaire avec le sultanat d’Oman. A eux deux, Oman et Iran contrôlent maintenant les deux rives du détroit d’Ormuz, l’un des détroits les plus stratégiques et les plus surveillés du monde en raison du flux pétrolier intense qui l’emprunte.

    Renonçant à ses illusions européennes pour l’une et affirmant sa fermeté à la face de tous pour l’autre, la Turquie et l’Iran, même si le "grand jeux" continue, sont en voie d’organiser un voisinage régional confiant et coopératif appelé à devenir un nouveau pôle du monde multipolaire en gestation sous nos yeux. Nous ne pouvons que nous en réjouir et dans le même temps nous en inquiéter. En effet, par les prises de position hystériques de Nicolas Sarkozy en matière de politique étrangère notre pays est sans influence dans cette région alors que, paradoxalement, comme le remarque Georges Malbrunot les yankees, moins naïfs, sont déjà à la manoeuvre pour prendre leur part du futur consortium pétrolier régional (3).

    Christian Bouchet (Voxnr, 9 décembre 2010)

    1 – Désir d’unir les peuples turcs dispersés de la Chine à la Roumanie.
    2 - Le Traité d'organisation du Moyen-Orient, plus communément appelé pacte de Bagdad, a été signé le 24 février 1955 par l'Irak, la Turquie, le Pakistan, l'Iran, les États-Unis et le Royaume-Uni. C’était le pendant régional de l’OTAN.
    3 - Cela malgré les manoeuvres des néo-cons qui désignent la Turquie comme un ennemi potentiel des USA encore plus dangereux que l'Iran (voir D. Pipes http://fr.danielpipes.org/9134/turquie-islamiste-iran-laique)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!