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préférence nationale

  • « Les immigrés font le boulot que les Français ne veulent pas faire » : un slogan mensongé !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Le Gallou cueilli sur Polémia et consacré au démontage d'une allégation fréquemment entendue dans la bouche des représentants du lobby immigrationniste concernant les emplois que viendraient occuper les immigrés.

    Ancien haut-fonctionnaire et homme politique, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016), Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018), Manuel de lutte contre la diabolisation (La Nouvelle Librairie, 2020) et  La société de propagande - Manuel de résistance au goulag mental (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

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    « Les immigrés font le boulot que les Français ne veulent pas faire » : slogan éculé et mensonger

    « Les immigrés font le boulot que les Français ne veulent pas faire. » Tel est le pont aux ânes des immigrationnistes. Une affirmation constamment répétée depuis un demi-siècle (!) qui mérite un sérieux décryptage. Réfutation en 7 points.

    Un mensonge total

    1– Remarquons d’abord que cet argument s’inscrit dans une stricte logique économique. À supposer qu’il soit vrai (nous démontrerons que ce n’est pas le cas), il devrait être mis en balance avec d’autres facteurs et d’abord avec les conséquences nuisibles de l’immigration en termes d’identité, d’éducation, de sécurité ou encore de budget.

    2– Observons ensuite que les étrangers déjà présents en France ont un taux de chômage plus élevé que la moyenne nationale (18 % pour les étrangers venus d’Afrique contre 7 % pour les Français).

    Il en va de même pour les descendants d’immigrés non européens dont le taux de chômage cinq ans après l’entrée dans la vie active est deux fois plus élevé que celui d’un Français de souche (voir Immigration la catastrophe, que faire, page 46).
    Quitte à garder le slogan « Les immigrés font le boulot que les Français ne veulent pas faire », il serait donc plus juste de l’adapter et d’affirmer « les nouveaux immigrés font le travail que les Français et surtout les immigrés plus anciens et les descendants d’immigrés ne veulent pas faire. »

    3– En fait, la réalité est la suivante : l’entrée de nouveaux immigrés, même réguliers et surtout clandestins, fausse le marché du travail.
    L’arrivée d’une main d’œuvre précaire, au départ peu exigeante et souvent clandestine, biaise la concurrence et tire les salaires à la baisse. Ce qui décourage les anciens résidents en France de prendre ces emplois.
    Ceci vaut notamment dans les secteurs de l’hôtellerie/restauration, du bâtiment et des travaux publics, du contrôle et de la sécurité ainsi que des services à la personne.

    4– Nuançons toutefois ce propos. Cette fuite des Français de certains métiers concerne bien davantage les grandes villes que la France périphérique. Cela s’explique par les surcoûts immobiliers dans les grandes métropoles et le fait que les classes populaires de souche ont été refoulées très loin des centres villes. Ainsi le profil du personnel hospitalier et des soignants en EHPAD n’est pas le même en province et dans les grandes métropoles. Et ce alors même que dans les grands ensembles à forte population immigrée l’aide sociale et les trafics assurent souvent des revenus substantiels.

    5– Ceci étant, le recours à une main d’œuvre étrangère – clandestine ou non – n’est pas une fatalité. Bien au contraire il apparaît que les employeurs n’ont pas toujours le libre choix de l’embauche. SOS Racisme a réalisé un test sur les recherches en personnels des entreprises de bâtiment et des travaux publics et déplore que 45 % d’entre elles (45 %, ce n’est pas rien !) auraient aimé pouvoir discriminer à l’embauche selon l’origine en excluant les candidats de type non européen. Preuve s’il en est que l’africanisation de ces métiers n’est pas inéluctable.

    Les particuliers cherchant des aides ménagères ou à domicile se heurtent à la même difficulté d’orientation de leur recrutement. Une difficulté contournée par le personnel offrant ses services et précisant parfois « Français » ou « Dame portugaise ».

    6– L’argument selon lequel « les immigrés font le boulot que les Français ne veulent pas faire » est encore plus faux pour les métiers du contrôle et de la sécurité. Il y a encore 20 à 30 ans, beaucoup de jeunes Français de souche ayant poursuivi des études modestes trouvaient des débouchés comme agents de sécurité. L’idéologie « anti raciste » les a progressivement exclus de ces métiers. Pour une raison simple: en cas de conflit entre un agent de sécurité et une personne contrôlée et refoulée c’est la règle du « deux poids, deux mesures » qui s’applique :

    • l’agent de sécurité européen en conflit avec un Africain ou un Maghrébin sera souvent présumé « raciste » par les médias et les juges.

    • a contrario, c’est le quidam européen en contentieux avec un agent de sécurité africain ou maghrébin qui risquera d’être présumé « raciste ».

    Pour les employeurs, le choix est donc vite fait ! Sans parler du fait que recruter les membres d’une bande de racaille peut servir de police d’assurance…

    Dans ce secteur, il est particulièrement faux de dire qu’on ne trouve pas de Français de souche pour travailler puisqu’ils sont exclus de fait de l’accès à l’emploi !

    7– Ajoutons que les politiques publiques ont pu créer des pénuries artificielles de main d’œuvre : on pense en particulier à la médecine et à la chirurgie dentaire.
    Difficile d’affirmer que personne ne veut être médecin hospitalier ou dentiste, mais le numerus clausus organisé par les gouvernements successifs a créé des pénuries artificielles.

    Recréer une dynamique du travail français

    Voilà qui permet d’affirmer que recréer une dynamique du travail français est possible par un ensemble de mesures :

    • une dissuasion réelle du travail clandestin par un strict contrôle aux frontières et la fermeture administrative des entreprises employant des clandestins ;

    • l’abrogation de la loi Pleven pour rendre aux employeurs le libre choix de leur personnel et recréer un marché d’emploi pour les autochtones ;

    • et ce dans le cadre de la préférence nationale rétablie dans la Constitution ;

    • la révision du code des marchés publics pour y imposer la préférence nationale à l’emploi et la traque des sous-traitants indélicats.

    Cet ensemble des mesures produira mécaniquement une réévaluation de ces métiers (hôtellerie, restauration, sécurité, aides ménagères, aides à la personne, bâtiments/travaux publics) par l’amélioration des conditions et des relations de travail comme par la hausse mécanique des salaires par le jeu de l’offre et de la demande. D’autant que la diminution des coûts sociaux et médicaux du fardeau de l’immigration devrait permettre une baisse des charges sociales.

    Enfin les parcours scolaires devraient accompagner ce mouvement en revalorisant les métiers manuels et de force. Par une réhabilitation de l’apprentissage, de l’enseignement professionnel et de l’exercice physique.

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 3 novembre 2022)

     

     

     

     

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  • «L'appel aux valeurs républicaines, ce bouche trou de la pensée»...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Paul-François Paoli  au Figaro Vox et consacré à l'instrumentalisation des "valeurs républicaines" dans le débat public...

    Journaliste, Paul François Paoli est l'auteur de plusieurs essais dont Pour en finir avec l'idéologie antiraciste (Bourin, 2012) et Malaise de l'Occident - Vers une révolution conservatrice (Pierre-Guillaume de Roux, 2014).

     

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    Paul-François Paoli : «L'appel aux valeurs républicaines, ce bouche trou de la pensée»

    Après le premier tour des élections régionales, nous avons assisté à un retour du Front républicain face au FN. Quel est le sens politique de ce front contre front?

    Nous assistons à un chantage plus effréné que jamais concernant ces «valeurs républicaines» qui, bien souvent, servent de mantra à des hommes politiques en mal d'inspiration. Et comme d'habitude c'est la gauche qui demande des comptes à la droite, comme si elle était la dépositaire de la quintessence républicaine. Ce qui est intéressant dans l'affaire est l'incroyable mauvaise foi d'un camp politique que la défaite historique qu'il vient de subir ne rend pas plus modeste. Qui a, ces dernières années, bradé les symboles républicains auxquels les Français sont, dans leur ensemble, attachés, sinon la gauche? Souvenons-nous des sifflets du stade de France lors du fameux match France Algérie, en 2002. La gauche écolo-socialo communiste de l'époque, acquise au thème de la repentance coloniale, y était allée de sa «compréhension». Quelques semaines plus tard, Jean Marie Le Pen accédait au second tour des présidentielles. Souvenons-nous des régulières railleries des Verts concernant les défilés du 14 juillet ou des protestations de Mme Dominique Voynet contre La Marseillaise ce «chant guerrier archaïque». Souvenons-nous des milliers de supporters algériens, notamment à Marseille et à Paris qui, durant le dernière coupe du monde de football, ont brandi leur drapeau en clamant leur identité algérienne alors qu'ils sont, pour beaucoup, Français de droit. Protestation ou étonnement à gauche? Mais vous rêvez. A l'époque, Mme Aurélie Filippeti avait même trouvé sympathique ces débordements. Et elle ne fut pas la seule. De son côté, le philosophe Alain Badiou, icône de la gauche intellectuelle, ne s'est pas gêné, au lendemain de l'attentat contre Charlie hebdo pour exprimer tout le mépris que lui inspirent le drapeau tricolore et l'idée de république française dans une tribune du Monde, parue le 28 janvier 2014. C'est un secret de polichinelle: la gauche- à l'exception de Jean Pierre Chevènement, Le Drian et quelques autres- n'aime pas une République française toujours trop française à son goût.

    Après les attentats du vendredi 13 novembre, la gauche s'est cependant réappropriée certains symboles: le drapeau, la Marseillaise et même l'idée de frontière …

    François Hollande et Manuel Valls ont été habiles sur ce plan là. Hollande est un maître de l'ambivalence et sa culture politique n'est peut être pas très éloignée de celle d'un Jacques Chirac. L'un et l'autre ont en commun cet habillage républicain qui peut toujours servir en état de crise. Du reste on ne voit pas très bien ce qu'il aurait pu faire d'autre. Les symboles républicains, depuis le drapeau jusqu'à la Marseillaise, rassurent les Français. D'un autre côté il est aussi un fossoyeur du principe républicain, notamment quand il revient agiter le thème du droit de vote des étrangers, une sorte de chiffon rouge symbolique qui affaiblit l'idée même de citoyenneté nationale.

    Pour la gauche et même une partie de la droite, l'idée de la préférence nationale défendue par le FN exclut ce parti du champ républicain

    Certains s'insurgent contre toute idée de préférence nationale, laquelle serait par nature anti républicaine. Ils oublient que la République radicale socialiste a, entre les deux guerres, renvoyé des dizaines de milliers d'ouvriers italiens ou polonais dans leurs foyers avec l'accord de la CGT qui souhaitait réserver l'emploi aux travailleurs français. Ils oublient le fameux décret-loi du 2 mai 1938 sur la police des étrangers signé par le président du conseil Edouard Daladier et le garde des sceaux Paul Reynaud, tous deux membres du part radical qui œuvra durant le Front populaire. Le rapport au président de la République française stipulait ceci: «Et tout d'abord la France ne veut plus chez elle d'étrangers «clandestins», d'hôtes irréguliers: ceux-ci devront dans le délai d'un mois fixé par le présent texte, s'être mis en réglé avec la loi, ou s'ils préfèrent, avoir quitté notre sol». Dans le décret lui-même il était écrit ceci: «Pour déceler et identifier les étrangers clandestins et ceux qui ne sont pas en règle, il nous aura paru indispensable d'étendre à tout logeur professionnel ou bénévole l'obligation de déclarer qu'il héberge un étranger. Rien de vexatoire dans une telle obligation, simple mesure d'ordre dont on aperçoit toute la portée pratique, comme toute l'efficacité». La délation n'est plus antirépublicaine quand c'est la gauche républicaine qui l'instaure. De même: la déchéance de la nationalité n'est plus antirépublicaine dès lors que c'est François Hollande qui la propose. Dans ce pays il suffit que la gauche mette en œuvre une disposition proposée par la droite pour qu'elle devienne aussitôt compatible avec les «valeurs républicaines». C'est une chance quand on prétend donner aux autres des leçons de valeurs. Mais n'est-ce pas à la droite, aujourd'hui, de demander des comptes aux socialistes sur ce qu'ils ont fait de la République?

    La gauche de la troisième République se reconnaitrait-elle dans la gauche d'aujourd'hui?

    Je ne crois pas car il y a eu la rupture de Mai 68. La gauche hollandaise est acquise est thèmes sociétaux de la post modernité, notamment la parité des sexes et le mariage pour tous. On imagine mal Pierre Mendès France ou Guy Mollet défiler pour le mariage gay. En réalité la gauche hollandaise a vidé le principe républicain de sa substance. La république chère à Mendès France, pour évoquer celui qui fut une des grandes figures de la gauche française au XX e siècle, était indissociable de la souveraineté nationale et d'une certaine conception de la vertu.

    Une certaine presse de gauche accuse les intellectuels d'avoir basculé à droite. La gauche conserve-t-elle vraiment l'hégémonie culturelle?

    La gauche est entrain de perdre l'hégémonie culturelle et cela constitue un événement de la plus grande importance. Et ce pour la première fois depuis la Libération! Il ne va plus de soi désormais qu'un intellectuel soit de gauche en France, ce qui constitue un changement inoui. Le lien, quasiment génétique, entre la gauche et l'intelligentsia est entrain de rompre. D'où l'affolement de la gauche institutionnelle. Elle a déjà égaré le monde ouvrier en route et voilà qu'elle se retrouve sans ténors intellectuels! Qui plus est, comme je l'explique dans mon prochain essai , la république des bons sentiments, le dernier grand penseur que la gauche pouvait revendiquer, à savoir Michel Foucault, dont l'œuvre entre dans la Pléiade, fut un des plus grands fossoyeurs de la gauche, aussi bien républicaine que social démocrate ou marxiste. Michel Foucault a déconstruit les fondamentaux du progressisme qui reposent sur la croyance au Progrès et en la Raison. Pour lui la notion de valeur républicaine n'avait aucun sens. Ni celle de nation et encore moins celle d'Etat. Les grands thèmes sociétaux, notamment celui de la théorie du genre ou du mariage pour tous, lui doivent beaucoup. A gauche on se croit intelligent en se référant en même temps à Michel Foucault, qui a ruiné toute idée de morale et aux valeurs républicaines, qui sont très moralisatrices. Si la droite politique était tant soit peu intellectualisée elle enfoncerait le clou et renverrait la gauche politique à son néant philosophique.

    Sur le plan intellectuel les lignes bougent, sur le pan politique c'est plus compliqué …

    Les politiques sont en retard sans doute. La droite politique n'a pas pris la mesure du bouleversement en cours et Eric Zemmour a raison de dire qu'ils sont, pour beaucoup, incapables de penser par eux mêmes, sans l'autorisation normative de la gauche. D'où la surenchère rhétorique sur les «valeurs républicaines», ce bouche trou de la pensée. Alain Juppé va vers la gauche et liquide les fondamentaux du gaullisme quand les Français se radicalisent à droite, c'est étonnant quand on y pense!

    Les élections régionales vont-elles accoucher d'une recomposition ou d'un grand brouillage idéologique?

    Il est possible qu'un bouleversement se produise au niveau des Républicains car je ne vois pas comment faire tenir ensemble une base qui pense majoritairement comme Nadine Morano et des notables qui ont une peur bleue d'être réprouvés par les médias. Churchill plaisantait avec Staline au Kremlin qui est un des plus grands criminels du XX e siècle, mais eux ont peur de discuter avec les responsables du Front national, on croit rêver!

    Paul-François Paoli, propos recueillis par Alexandre Devecchio (Figaro Vox, 11 décembre 2015)

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  • Quand le cinéma français survit grâce au protectionnisme...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 26 mai 2015 et consacrée au cinéma français et à ses contradictions...

     


    Éric Zemmour : "Le cinéma français est un... par rtl-fr

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  • Une petite histoire de la préférence nationale...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un texte de Pierre Milloz, cueilli sur Polémia, dans lequel l'auteur dresse un historique éclairant de l'idée de préférence nationale...

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    La préférence nationale et la République : un regard historique

    On connaît les arguments des adversaires de la préférence nationale : ils s’appuient de manière assez peu convaincante sur les textes constitutionnels et font surtout référence à la philosophie des droits de l'homme et aux Déclarations qui l'expriment. Le présent article n'a pas pour objet de recommencer ce débat devenu classique. Cet article prétend plutôt s'en tenir à la réalité historique et, sans se perdre dans une discussion théorique, il entend montrer que, dans les faits, la préférence nationale a toujours pleinement appartenu à la tradition républicaine.

    Quand René Cassin, père des droits de l’homme, légitimait la préférence nationale

    Afin de ne pas donner le sentiment de vouloir fuir le sujet des droits de l'homme, cet article mettra brièvement en relief le jugement que portait sur la préférence nationale l'un des plus célèbres thuriféraires de ceux-ci. On fait allusion ici à celui qui fut l'auteur principal de la Déclaration universelle de 1948, qui fut le président de la Cour européenne des droits de l'homme, qui fut la figure emblématique honorée du « Prix des droits de l'homme des Nations unies », en un mot celui qui dans le monde moderne est le chevalier des droits de l'homme : René Cassin.

    Car René Cassin s'est intéressé au sujet qui nous occupe ici : la préférence nationale. Dès 1948, il l'évoquait succinctement devant l'Assemblée générale de l'ONU. Et en 1951 il s'exprimait plus longuement à l'occasion de cours donnés à l'Académie de droit international de La Haye. Il écrivait alors : « Une société démocratique peut instaurer des limitations des droits fondamentaux dictées par de justes exigences de l'ordre public et du bien-être, plus rigoureuses pour les étrangers que pour les nationaux. On ne saurait donc considérer que le progrès vers l'universalité dont témoigne la déclaration conduise à l'uniformité du régime de l'étranger et du national ».

    On ne peut être plus clair. Les droits de l'homme et l'idée républicaine qui leur est si étroitement liée n'exigent nullement que soient traités identiquement Français et étrangers sur le territoire national et la France est parfaitement fondée à prendre des dispositions plus rigoureuses pour les étrangers lorsque l'exigent l'ordre public ou le bien-être de ses citoyens : la préférence nationale est légitime. Et d'ailleurs toute l'histoire de la République française est marquée par ce concept. Voyons-en un bref aperçu en nous bornant aux droits fondamentaux évoqués par René Cassin. Préférence nationale et droits politiques

    On passera rapidement sur les droits politiques. Sur ce plan la 1ère République (pour la commodité, on y assimilera la période comprise entre la réunion inaugurale des Etats généraux et la chute de la monarchie) a, dès ses débuts, confirmé les dispositions de l'Ancien Régime. Pour être électeur aux Etats généraux, il fallait être français et dès juillet 1789, l'assemblée constituante, issue de ces derniers, invalidait deux députés « attendu qu'ils sont étrangers ». La Convention confirmera cette attitude le 25 décembre 1793 en refusant aux étrangers le droit de représenter le peuple français. Aucune des cinq républiques qui se sont succédé depuis lors ne s'est (le cas particulier de l'Union européenne mis à part) départie de cette attitude. Jusqu'ici du moins.

    Préférence nationale et droits publics

    Dans le domaine des droits publics, la question est plus complexe.

    La première République a rapidement manifesté une vive méfiance envers les étrangers. En juin-juillet 1791, divers décrets s'intéressent à eux : l'un les soumet à la surveillance des municipalités, l'autre subordonne leur droit de quitter le territoire à la délivrance d'un passeport par le ministre des Affaires étrangères, un autre ordonne aux habitants de Paris de déclarer les noms et qualités des étrangers même s'ils sont domiciliés à Paris.

    Avec la Convention leur situation devient plus difficile, même si on considère seulement les étrangers relevant de nations neutres dans le conflit de l'époque. Des textes divers (et surtout la loi sur les étrangers du 23 mars 1793) imposent à tous les étrangers arrivant à Paris de déclarer dans les 24 heures leur habitation et leurs occupations journalières, étendent cette obligation à ceux qui arrivent en un point quelconque du territoire, puis imposent à tous de déclarer leurs moyens d'existence. Dans chaque commune, un comité local composé de 12 citoyens est chargé de les surveiller (quant aux étrangers relevant de pays en guerre avec la France, des mesures particulières s'ajoutent aux précédentes pour aggraver encore leur situation).

    Sous le Directoire la situation des étrangers est moins difficile en raison de l'abrogation de la loi du 23 mars 1793, mais ils restent soumis à des restrictions à leurs libertés : le ministère de la police est habilité à prendre contre eux « des mesures particulières de police en conformité avec la constitution ». Des traités passés notamment avec la République helvétique et les Pays-Bas interdisent aux Etats cocontractants de donner asile aux émigrés et déportés.

    Cette tradition discriminatoire est reprise par la IIe République : une loi du 3 décembre 1849 permet au ministre de l'Intérieur ou à un préfet de prononcer l'expulsion d'un étranger sans avoir à la motiver et sans aucune possibilité de recours contentieux. Une autre loi, en date du 15 mars 1850, subordonne à autorisation ministérielle la possibilité pour un étranger de devenir directeur d'un établissement d'enseignement primaire ou secondaire.

    IIIe République et discrimination systématique au détriment des étrangers

    Mais c'est surtout la IIIe République qui allait pratiquer une discrimination systématique au détriment des étrangers et multiplier les textes les maintenant en une position diminuée à divers points de vue.

    • Exercice des libertés individuelles.

    En 1893 une loi du 9 août, reprenant et renforçant les dispositions d'un décret de 1888, obligeait les étrangers à s'inscrire sur un registre d'immatriculation, ouvert à la mairie de leur domicile. Et toute personne hébergeant un étranger devait en faire la déclaration dans les 24 heures.

    La guerre de 1914 suscitait une mesure complémentaire : la création d'une carte d'identité « étranger » autorisant le séjour en France. Elle cédait la place en 1927 à une carte d'identité, valable deux ans et imposée à tout étranger voulant résider plus de deux mois en France.

    Dans le même ordre d'idées, il faut relever la soumission de la presse étrangère au pouvoir exécutif (le conseil des ministres pouvait interdire de circulation les journaux publiés à l'étranger, et le seul ministre de l'Intérieur pouvait frapper de la même mesure un simple numéro).

    • Exercice de responsabilités sociales

    Dans le dernier quart du XIXe siècle, la République interdit aux étrangers l'accès aux fonctions suivantes : administrateur d'un syndicat, délégué à la sécurité minière, membre du conseil des prud'hommes, représentant des salariés, et enfin (sauf autorisation ministérielle) directeur d'un établissement d'enseignement supérieur.

    De plus, en 1933, la loi Armbruster réservait aux Français l'exercice de la médecine et de la chirurgie dentaire, tandis que les avocats édictaient la mesure équivalente pour l'accès au barreau.

    • Protection de la main-d'œuvre

    Toute une série de textes (1889, 1922, 1926) tendait par des moyens divers à protéger la main-d'œuvre nationale : fixation de pourcentages maximum d'étrangers pour l'exécution de certains travaux publics, délivrance de la carte d'identité liée à l'état du marché du travail, interdiction du débauchage de la main-d'œuvre étrangère, etc. Cette série de textes fut couronnée par la loi du 10 août 1932, qui donnait au gouvernement le droit de fixer, soit par profession, soit par région, soit pour l'ensemble du pays, le pourcentage maximum de main-d'œuvre étrangère employable. Le gouvernement de Front populaire n'abrogea point cette loi.

    Il est vrai que la Ligue des droits de l'homme pratiquait, elle aussi, la préférence nationale : elle admettait, certes, les étrangers en son sein, mais elle leur refusait la possibilité d'accéder aux bureaux de ses sections et de ses fédérations (résolution votée à son congrès des 26/27 décembre 1926)…

    La préférence : une obligation existentielle pour une communauté politique

    La préférence accordée à un compatriote est une attitude naturelle qui de tout temps s'est imposée au sein de toutes les unités politiques constituées.

    Comment, en outre, nier la nécessité pour tout groupe de distinguer entre ses membres et les autres ? Comment nier qu'à confondre les uns et les autres, on compromet nécessairement l'existence du groupe en tant que tel ?

    Les différents régimes français (et pas seulement les républiques) l'ont bien compris qui, jusqu'aux années 1970, n'ont jamais hésité sur ce point. Il aura fallu le triomphe de l'idée cosmopolite et sa traduction dans les lois Pleven (1972) et Gayssot (1990) pour voir cette tradition républicaine et française abandonnée. On en voit bien le résultat quarante ans plus tard.

    Concluons avec ce texte de Rousseau dans l'Encyclopédie : « Voulez-vous que les peuples soient vertueux ? Commençons par leur faire aimer la patrie. Mais comment le pourrions-nous, comment le feraient-ils si elle n'est rien de plus pour eux que pour les étrangers et qu'elle ne leur accorde que ce qu'elle ne peut refuser à personne ? » .

    Pierre Milloz (Polémia, 31 octobre 2012)
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  • Quand le pouvoir bascule dans la préférence étrangère...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien percutant donné par Malika Sorel au Figaro après la révélation des mesures préparés par le gouvernement pour lutter contre les discriminations. Malika Sorel-Sutter est ancien membre du collège du Haut Conseil à l'Intégration et de sa mission Laïcité. Elle est notamment l'auteur d'Immigration, intégration: le langage de vérité (Mille et une nuits, 2011).

     

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    Malika Sorel : «Le pouvoir bascule dans la préférence étrangère»

    Les 5 rapports sur l'intégration remis au Premier ministre en décembre 2013 avaient suscité un tollé. Itélé a révélé ce mercredi soir la nouvelle feuille de route du gouvernement avec 44 propositions pour lutter contre les discriminations. S'agit-il d'un projet réellement nouveau ou d'un retour aux rapports qui ont fait scandale en décembre 2013?

    Malika Sorel-Sutter: L'habillage est différent, mais la philosophie est la même. Elle consiste à attribuer la responsabilité de l'échec de l'intégration aux Français qui entraveraient la réussite des immigrés et de leurs descendants et c'est à ce titre qu'il convient de lutter contre les discriminations. La feuille de route s'ouvre en rappelant qu'elle vient après le rapport Tuot et les cinq rapports remis au Premier ministre et qu'elle s'inscrit, en quelque sorte, dans la continuité. C'est une manière de rappeler sa filiation. C'est bien la preuve que, contrairement aux dénégations qui avaient été formulées en décembre par le pouvoir politique, la publication des cinq rapports sur le site de Matignon correspondait bien à une intention politique de fond.

    Dans cette feuille de route, on retrouve notamment ce qui avait choqué dans les cinq rapports au sujet de l'enseignement des langues étrangères, alors qu'il faudrait se focaliser sur la transmission de la langue française. Nous savons en effet que c'est l'une des raisons majeures de la sur-représentation des enfants de l'immigration dans l'échec scolaire comme en attestent, une nouvelle fois, les dernières enquêtes Pisa et comme cela est également mentionné dans la feuille de route. La langue participe aussi, par ailleurs, à la transmission de la culture.

    Les précédents rapports prévoyaient de revenir sur l'interdiction du port du voile à l'école. Qu'en est-il de cette mesure?

    L'abrogation de la loi de 2004 sur l'interdiction du voile à l'école n'est plus mentionnée, mais la feuille de route s'aligne sur la décision récente du Conseil d'État qui consiste en quelque sorte à abroger la loi Chatel sur l'accompagnement des mères voilées dans le cadre des sorties scolaires. La décision d'autoriser ou non le voile reposerait désormais sur les épaules des chefs d'établissements. Nous revenons à la case départ, lorsque Lionel Jospin s'était tourné vers le Conseil d'État.

    Quelles sont les éventuelles mesures nouvelles? Prennent-elles le contre-pied des précédents rapports?

    Les mesures qui n'apparaissaient pas dans les précédents rapports ne sont en aucun cas des mesures qui auraient pu prétendre faire partie d'une quelconque politique d'intégration. Ainsi en est-il de la mesure 39 qui consiste à renforcer l'offre publique de médias multilingues, ou encore de la création d'un office franco-maghrébin pour la jeunesse, qui aurait vocation à devenir «un organisme public». De même, la feuille de route mentionne l'«accompagnement individualisé des primo-arrivants par des référents de l'OFII, dans une dynamique d'accès le plus rapide au droit commun (éducation, emploi, logement, droits sociaux…)». Comme chacun sait et comme en atteste le niveau de sa dette, la France est immensément riche!

    La feuille de route prévoit notamment des mesures de «testing». De quoi s'agit-il exactement? Existe-t-il un risque de dérive vers un système de surveillance généralisée?

    Clairement, il y a bien une volonté de surveillance généralisée au travers de plusieurs mesures dont la mesure 17, qui consiste à effectuer du «testing» auprès des milieux médicaux pour traquer les éventuels refus de soins. De même pour la mesure 26, qui stipule que l'État doit s'assurer que la fonction publique incarne bien «la diversité de la société française dans toutes ses composantes et à tous les niveaux de responsabilité.»

    Au sein de l'administration, l'une des pistes développées dans la feuille de route consisterait à «ouvrir et élargir les concours à des populations pour lesquelles la fonction publique reste trop souvent méconnue». Peut-on parler de discrimination positive?

    Oui, le pouvoir bascule vers la préférence étrangère. Cela se lit très bien au travers de plusieurs mesures comme, entre autres, la mesure 29: «Cette démarche conduira le gouvernement à promouvoir l'obtention du Label Diversité par l'ensemble des administrations publiques (...). A retenir en particulier: la mise en place de classes préparatoires intégrées, la formation des membres de jury de concours sur les stéréotypes, le développement des recrutements hors concours (...)» De nombreuses mesures sont destinées à donner la préférence aux personnes d'origine extra-européenne. Ce qui se traduira mécaniquement par le fait que des Français de souche européenne seront mis de côté uniquement parce qu'ils ne sont pas de la bonne ascendance biologique. C'est du racisme anti-Français.

    Le gouvernement est-il tout simplement en train d'enterrer sans le dire le modèle républicain d'intégration au profit d'un modèle de type multiculturaliste?

    Le mot «discrimination» apparaît 73 fois et le mot «droits» 60 fois, tandis que le mot «devoir» apparaît moins de 10 fois. L'axe du rapport est énoncé dans la feuille de route: «il ne doit plus y avoir de confusion entre intégration et immigration». Or, ces deux sujets sont inséparables si l'on souhaite véritablement conduire une politique d'intégration! Nous ne sommes plus du tout dans une approche politique d'égalité des moyens, mais dans une politique d'égalité des droits. C'est la consécration de la déresponsabilisation totale des immigrés et de leurs descendants. Clairement, le modèle français d'intégration, qui prend en compte l'existence d'une identité culturelle française, disparaît. Il convient de permettre à toutes les cultures présentes sur le sol français d'être prises en considération et cela va très loin, puisque la feuille de route veut mettre en route: «le développement d'un dispositif d'observation de la présence des langues des migrants dans les différents secteurs de la vie sociale, économique et culturelle de notre pays».

    En toute cohérence avec la politique conduite depuis le début de ce quinquennat, un étranger qui foule le sol français est appelé à devenir français quasiment automatiquement. Il n'y a donc plus de processus d'intégration. D'ailleurs, la Direction de l'accueil et de l'intégration a déjà été transformée en Direction Générale des Étrangers en France. Dès l'entrée en matière, la feuille de route rappelle que «La politique de naturalisation a été profondément remaniée» par le biais de «la circulaire d'octobre 2012 et l'instruction de juin 2013 (…) et les décrets d'août 2013 modifiant les conditions d'instruction des dossiers de demandes de naturalisations par les préfectures, en visant une meilleure harmonisation et une plus grande efficacité.» Le Figaro avait récemment fait état dans ses colonnes de l'augmentation des régularisations de clandestins et des naturalisations. Rappelons également que ces circulaires et autres décrets émanent du ministère de l'Intérieur.

    Le modèle républicain est pourtant plébiscité par la majorité des français. Comme expliquez-vous ce renoncement? Quel est le projet idéologique du gouvernement?

    Le projet est clairement affiché. Il s'agit de rééduquer les Français en leur inculquant ce que la bien-pensance identifie comme la pensée juste. En conséquence, «des plans de formation du personnel éducatif en matière de lutte contre les discriminations devront être déployés». De même pour «les professionnels du secteur médico-social» et «les agents de Pôle Emploi». Nous sommes confrontés à une volonté de changer le peuple au travers du changement en profondeur de tout son référentiel culturel. Il n'y a d'ailleurs pas que dans ce domaine de l'intégration que cette idéologie est à l'oeuvre. Nous la voyons également se déployer dans le registre de l'égalité hommes/femmes avec les fameux ABCD de l'égalité qui ne sont pas autre chose, par certains aspects, qu'une entreprise de lavage de cerveau des enfants. Pour avoir travaillé sur cette question de l'égalité hommes/femmes, je peux dire que, là aussi, le gouvernement fait fausse route.

    Face au défi de la mondialisation, notre modèle ne doit-il pas nécessairement s'adapter?

    En réalité, le modèle d'intégration français n'a jamais vraiment été appliqué pour l'immigration extra-européenne. Depuis les années 80, les élites politiques ont versé dans l'accommodement de nos principes républicains. Peu à peu, Ils les ont vidés de leur contenu, et pour faire diversion ont tout de même continué à s'y référer. En outre, il n'y a eu aucune volonté de réduire de manière drastique les flux migratoires. Or ils constituent l'un des vecteurs principaux du ré-enracinement des enfants de l'immigration dans la culture de leurs pays d'origine. La feuille de route n'aborde absolument pas ce point crucial sur lequel il est urgent d'agir. Alors que ces enfants avaient besoin, plus encore que les autres, de la transmission de la culture française, les ministres de l'Éducation successifs ont le plus souvent engagé des réformes qui se sont traduites sur le terrain, donc entre les murs de l'école, par une dépréciation d'exigences. La droite qui a longtemps gouverné durant ces trente dernières années doit faire son examen de conscience et renouer avec la défense des intérêts de la France et de son peuple. Notre modèle d'intégration garantissait la concorde civile. Son abandon engage officiellement la France sur la voie de la libanisation.

    Malika Sorel (Le Figaro, 6 février 2014)

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  • Finkielkraut : « Il n’y a pas de nation sans préférence nationale »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain Finkielkraut à l'hebdomadaire Le nouvel Economiste à l'occasion de la parution de son dernier essai, L'identité malheureuse (Stock, 2013). Il y aborde notamment les questions de la nation, de l'identité, de l'appartenance, de la francophobie ou de la tyrannie de la bien-pensance...


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    Alain Finkielkraut : « Il n’y a pas de nation sans préférence nationale »

    Il est clair que la société française se désagrège petit à petit. Il s’agit, plus encore qu’une “déliaison”, d’une sorte de désaffiliation s’expliquant en partie par le fait qu’on a voulu, en France, neutraliser le sentiment d’appartenance à une nation, à un peuple. Mitterrand avait lui-même résumé cette tendance en affirmant : “Le nationalisme, c’est la guerre.” Cette phrase me paraît injuste à plus d’un titre.

    D’une part parce qu’on ne peut mettre sur le même plan la philosophe Simone Weil écrivant l’enracinement et Charles Maurras, théoricien de la révolution nationale et du pétainisme, tout comme on ne peut comparer le rapport à la nation du général de Gaulle et celui du maréchal Pétain. D’autre part, parce que dès lors que disparaît le sentiment d’appartenance à une nation, c’est l’idée même d’une communauté politique qui entre en crise. Il n’y a pas de citoyen du monde, c’est une évidence. Une nation est un espace qui n’est pas infini mais qui, au contraire, est délimité par des frontières faisant qu’au sein de ces frontières, ce qui arrive à l’autre vous arrive à vous-même : les inondations récentes en Sardaigne ont été une catastrophe nationale et non une catastrophe européenne !

    Si vous vous élevez au-dessus de cette idée de nation, vous pensez avoir vaincu vos préjugés mais en réalité, vous vous êtes libéré de toute obligation à l’égard de votre pays, si bien que vous n’êtes plus, face au monde, qu’un touriste ou qu’un consommateur. Ce qui représente un des périls de notre époque.

    La notion de frontières
    Nous sommes traumatisés par les horreurs du XXe siècle mais celles-ci devraient nous maintenir en alerte sur certaines réalités. Le geste inaugural de la Seconde Guerre mondiale fut, on semble l’avoir oublié, les troupes de la Wehrmacht repoussant dans un grand éclat de rire les barrières séparant l’Allemagne de la Pologne, car cette guerre était une guerre impériale contre les nations européennes, au mépris des frontières et, par-delà des frontières géographiques et historiques, au mépris de toute limite. Hitler, c’est l’hubris totalitaire. La démesure. Je crois donc qu’une mémoire véritablement respectueuse de ce qui s’est passé devrait nous emmener à réhabiliter la notion de frontières, ce que nous avons beaucoup de mal à faire.

    L’affaire Léonarda en est une illustration. L’interpellation et l’expulsion de cette jeune fille ont ému les lycéens lesquels ont reçu, dans leur mouvement de protestation, le soutien de plusieurs politiques et surtout de nombreux artistes qui, justement, militent pour l’ouverture des frontières. Parmi eux, notamment, des cinéastes tels qu’Arnaud Desplechin, qui sont à l’avant-garde du combat pour la régularisation des sans-papiers, que le mot même de frontière hérisse et qui ne méprisent rien tant que l’idée d’enracinement. Ils sont de plain-pied dans le monde global : très bien ! Mais ces personnalités militent, avec la même ardeur, pour l’exception culturelle. Or qu’est-ce que l’exception culturelle sinon la préférence nationale en matière de cinéma ?

    La préférence nationale
    C’est une réalité : il n’y a pas de nation sans préférence nationale. Si cette préférence nationale conduit à rejeter l’étranger, elle doit bien entendu être combattue ; mais si elle conduit à faire la différence entre le citoyen avec ses droits et ses devoirs et, précisément, l’étranger, elle est absolument légitime. Car la France est un pays et tout le monde ne peut être français de même que tout le monde ne peut être américain, cela n’aurait pas de sens. Prenez l’Italie. Le pays évoque une civilisation raffinée, une culture cinématographique, une langue, des villes extraordinaires.

    On comprend bien, dès lors, que l’Italie n’est pas un droit de l’homme mais une civilisation particulière dont le trésor doit être préservé. Voilà ce qu’il faudrait être en mesure de penser en France. Même ceux qui font profession de transgresser les frontières, dans la mesure même où ils restent des êtres incarnés dotés d’intérêts propres, retrouvent le sens de la nation et de la préférence nationale à l’instant où ces intérêts sont menacés. A ceux-là je demande simplement d’être cohérents. Un intellectuel aujourd’hui n’a pas besoin d’être courageux, c’est la chance de notre génération alors que les précédentes vivaient dans un climat de mort violente ; mais au moins, soyons cohérents !

    La crise
    Je pense que l’élément identitaire dans la crise que nous vivons actuellement est extrêmement important et qu’il est donc illusoire de penser que cette crise sera résolue le jour où s’inversera la courbe du chômage. La crise économique l’alimente, bien sûr, mais notre principale difficulté se situe ailleurs. Nous sommes tiraillés entre deux anthropologies contradictoires : l’homo oeconomicus et l’homo culturalis. Ceux qui raisonnent en termes purement économiques sont très radicaux.

    Je pense notamment à l’économiste Olivier Pastré qui nous expliquait dans une tribune récente qu’il manquerait bientôt 41 millions de travailleurs en Europe et qu’il fallait, par conséquent, encore plus d’immigration. Ouvrir les frontières et non pas contrôler les flux migratoires. Dans l’optique ultra-libérale, chacun cherchant à maximiser ses intérêts, nous sommes absolument interchangeables. Ainsi, s’il n’y a pas assez d’Espagnols en Espagne, il suffira d’y faire venir des Marocains. Ce qui revient à négliger la découverte par l’ethnologie de la diversité humaine.

    La diversité
    Nous savons qu’il existe des identités et que la culture façonne les individus. Mais si la culture a ce rôle cela signifie qu’il existe des cultures et qu’elles ne sont pas toutes nécessairement compatibles ; qu’elles peuvent se heurter. Ce qui est précisément en train de se produire en Europe où, sous le drapeau du métissage, nous voyons notre société se communautariser toujours davantage. Il faut comprendre que nous ne sommes pas interchangeables et en tirer les conséquences. Cela ne veut pas dire que les différences culturelles sont impossibles à surmonter. Mais cela signifie – et Lévi-Strauss le savait – que tout est une question de dosage.

    Le mode de vie majoritaire
    Si nous voulons vivre dans une société relativement harmonieuse, il faut que cette société ait une personnalité visible. Autrement dit, il faut que le mode de vie majoritaire puisse s’imposer, ce qu’il ne pourra faire qu’à la condition, précisément, de demeurer majoritaire. Or aujourd’hui, il y a de plus en plus de lieux, de quartiers, voire de villes où les nouveaux arrivants sont majoritaires.

    L’affaire de la crèche Baby-Loup en est un exemple criant. Lors du procès en appel, l’avocat de la jeune femme voilée qui protestait contre son licenciement expliquait benoîtement au magistrat de la cour d’appel que, par son intransigeance, la directrice de la crèche avait mis le feu aux poudres dans la ville de Chanteloup puisqu’elle y avait heurté de plein fouet le sentiment majoritaire. Devant ce type d’argument, on se dit que l’intégration va échouer et que la loi républicaine sera, un jour ou l’autre, contrainte d’abdiquer devant la force du nombre…

    Schizophrénie
    Nous sommes dans une situation tout à fait étrange. D’un côté nous célébrons les différences, de l’autre nous les désactivons. Les sociologues notamment nous ont appris qu’il n’y a pas d’humanité qui n’appartienne à une culture mais ce sont les sciences sociales aujourd’hui qui réfutent toute interprétation culturelle des comportements humains et qui nous répètent que le problème est de nature économique, sociale ou politique. Et le sexisme dans les banlieues ? Et l’antisémitisme ? Et la francophobie? Ils répondent : tout cela vient du chômage, d’une injustice sociale fondamentale. Le paradoxe est donc saisissant : nous sommes mis en demeure de célébrer la diversité d’un côté et de l’autre, sommés de la nier ; de faire comme si elle n’existait pas. Cette schizophrénie est évidemment au cœur de notre crise.

    Etre français aujourd’hui
    Il est évidemment très difficile de répondre à la question : qu’est-ce qu’être français aujourd’hui ? L’identité n’est pas une propriété, c’est une question ; quelque chose d’ouvert et d’évolutif. Mais comme l’a dit Régis Debray, ce sont ceux qui maîtrisent le mieux un legs culturel qui sont capables de le dépasser. Plutôt que de parler de roman national je dirais donc que nous sommes, nous autres Français – Français de souche, car cela existe, ou Français de fraîche date, comme moi – dépositaires d’un grand héritage culturel. La France est une civilisation, ce qui est une chance. Certains peuples, au XIXe siècle, ont dû aller chercher leur identité dans leur folklore mais la France n’en a pas eu besoin : elle a une culture, une littérature, une langue… Je voudrais qu’on ait un peu plus conscience de la richesse de cette civilisation, qu’on ait un peu plus de gratitude pour la beauté de cet héritage.

    Surtout, la société française ne peut évidemment pas se résumer à une juxtaposition de particularismes vivant côte à côte, ce doit être une communauté de destin. J’aime beaucoup cette phrase de Raymond Aron qui dit que “renier la nation moderne c’est rejeter le transfert à la politique de la revendication éternelle d’égalité”. Car c’est aussi cela la nation : une communauté dont tous les citoyens sont coresponsables et dont ils déterminent ensemble les aspects essentiels. Dès lors que disparaît ce sentiment de coresponsabilité, le citoyen s’efface.

    Lorsqu’il y a eu l’affaire des premières lycéennes voilées, à Creil, j’ai vu la fragilité de la République et je l’ai aimée à partir de là. De même avec la France : c’est la montée de la francophobie, en France même et le sentiment que peut-être nous entrions dans une société multiculturelle et post-nationale, qui m’ont fait mesurer la réalité de mon attachement à cette nation et surtout l’ampleur de ma dette à son égard.

    Car j’ai une dette : c’est la langue que je parle, c’est la culture dans laquelle j’ai baigné… Je ne suis pas mon propre créateur, je ne me suis pas inventé, je viens de quelque part et je défends cet enracinement. Les citoyens modernes de France et d’Europe voudraient pouvoir penser le monde à travers les seuls prismes de l’économie, du droit et des droits de l’homme. Autrement dit, ne pas prendre en compte la durée de l’enracinement sur le territoire. Mais en France il y a des citoyens. Un immigré tout juste naturalisé a évidemment autant de droits qu’un Français ayant des ancêtres français, il n’est absolument pas question de contester cette égalité juridique ; mais de l’égalité on veut aujourd’hui aller jusqu’à l’équivalence : “puisqu’ils ont les mêmes droits, ils sont aussi français…”.

    Cela n’a pas de sens car, qu’on le veuille ou non, il y a aussi une connaissance par le temps. Lorsqu’on immigre en France, c’est bien pour rencontrer cette civilisation, cette culture. Pour en faire l’apprentissage parce qu’elle n’est pas vous, qu’elle a un ancrage historique, une profondeur de temps. Or un certain nombre d’immigrés aujourd’hui refusent de faire ce mouvement vers la France. Et beaucoup d’intellectuels leur donnent raison parce que, pour eux, seule compte l’égalité juridique.

    Etre soi-même un étranger
    Il est vrai que si vous vous retrouvez dans un quartier ou dans une ville où les musulmans venus d’Afrique ou du Maghreb sont majoritaires, et s’ils choisissent la voie du fondamentalisme, alors vous vous sentez perdus, plus tout à fait chez vous. Ceux qui raisonnent en termes analogiques concluent à une peur de l’étranger, à un refus de l’autre, mais ce n’est absolument pas cela. C’est le sentiment d’être soi-même un étranger. D’être soi-même, en France, regardé avec curiosité, parfois avec hostilité ; comme un autre. Or on ne peut pas être un autre chez soi, c’est impossible !
    Beaucoup voient aujourd’hui dans l’idée même de “chez soi” une première manifestation de fascisme et de racisme, alors que c’est une condition de l’existence humaine. Au nom de l’antifascisme, on doit donc en arriver à nier les besoins de la vie humaine ? A réfuter un certain nombre de conditions requises par l’individu pour s’épanouir ? C’est extrêmement grave.

    Crise d’intégration et désaffiliation
    Je dirais qu’à l’heure actuelle, un double problème menace la société française : d’un côté une crise d’intégration et, de l’autre, un mouvement accéléré de désaffiliation des individus. Il s’agit d’un problème interne aux démocraties il est vrai, et c’est la conjonction de ces deux mouvements simultanés qui caractérise notre époque. Le résultat en est bien connu : ceux qui pourraient bénéficier de l’héritage culturel national le rejettent, car ils ne veulent pas s’encombrer de ces vieilles lunes, futiles et dépassées. Or pour une société, quelle qu’elle soit, le refus de la transmission constitue un véritable risque d’appauvrissement.

    Ce ressentiment contre le “donné” sous toutes ses formes est une des caractéristiques des “modernes” qui ont la volonté d’être entièrement libres pour, au bout du compte, pouvoir s’inventer eux-mêmes. Ce qui explique qu’aujourd’hui, avec le succès de la théorie du genre, même celui-ci est récusé, considéré comme un stéréotype, comme un facteur d’enfermement hérité de l’Histoire. Pour moi, il y a là une forme d’ultra-subjectivisme qui nous vide.

    La francophobie
    La francophobie est un phénomène très répandu en France que beaucoup ont du mal à reconnaître pour ce qu’il est : un racisme anti-Français. A la faveur de l’affaire Taubira, on a prétendu qu’il n’existait pas. Que seul existait le racisme, effectivement ignoble, dont Christiane Taubira était l’objet, ce qui est absurde et s’apparente tout simplement à un déni de réalité : non seulement cette francophobie existe mais, ce qui est plus grave, elle est relayée en France par ceux-là mêmes qui ont rejeté non seulement le débat sur l’identité nationale – ce qui pouvait se concevoir car il était opportuniste – mais aussi le mot même d’identité nationale en le qualifiant de fasciste. Mais si le concept même d’identité française est fasciste, si l’identité française elle-même est criminelle, il ne reste plus à la France comme solution que de sortir d’elle-même, de renoncer à tout ce qui la constitue, ce qui est une forme de folie.

    La tyrannie de la bien-pensance
    Dans ce contexte, la notion de courage est essentielle. Pas celle de courage physique qui obsédait ma génération, celle des gens nés après la guerre et qui, des années durant, se sont demandé comment ils auraient su résister face à la torture – question qui m’habite encore. Le courage qui est requis aujourd’hui est d’un autre ordre : il consiste à se montrer capable de soustraire la pensée à la tyrannie de la bien-pensance pour regarder la réalité en face et, ainsi, affronter l’inconnu. Malgré les oukases, les amalgames et les injures dont on peut faire l’objet. C’est cette force et cette volonté qui sont réclamées actuellement, aussi bien de l’homme d’action que de l’homme de réflexion et en tout premier lieu, bien évidemment, du politique.

    Je ne suis pas sûr que celui-ci soit à l’heure actuelle en mesure de répondre à cette attente, lui-même étant atteint du syndrome du politiquement correct. Et lorsque je pense à la gauche au pouvoir, je lui accorde des circonstances atténuantes car ses intellectuels ne l’aident vraiment pas à affronter le réel. Au contraire : ils interposent un écran de fumée, fondé sur les traumatismes du siècle passé, entre la réalité et la vision politique. Il faudra pourtant finir par affronter cette réalité. Autrement dit, oser la voir et la dire.

    Alain Finkielkraut, propos recueillis par Caroline Castets (Le nouvel Economiste, 4 décembre 2013)

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