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pornographie

  • La séduction pornographique...

     « Comme marchandise massive, signifiante et promotionnelle, la pornographie participe d’un façonnage anthropologique décisif, socialement dangereux, politiquement risqué. »

     

    Les éditions L'échappée viennent de publier un essai de Romain Roszak intitulé La séduction pornographique. Romain Roszak est professeur agrégé de philosophie. 

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    " Si représenter la sexualité a longtemps été un défi à l’ordre établi, ce n’est plus le cas depuis les années 1970, époque où le capitalisme entre dans sa phase consumériste et sensualiste. La transformation des images pornographiques, mais aussi du dispositif dans lequel elles s’insèrent – pratiques, normes, lois, modalités d’accès –, répond à l’émergence des industries du loisir et du plaisir. Ces marchés du désir, chargés de redynamiser un mode de production à la peine, ne peuvent rencontrer leur clientèle qu’à cette condition : la vie heureuse doit être redéfinie comme la poursuite illimitée de la jouissance sexuelle. Manne économique inédite, et mieux servie que jamais par les technologies numériques, la pornographie constitue aujourd’hui le nouveau totem occidental, notamment pour une caste d’intellectuels qui la promeut à coups d’empowerment des femmes et d’alternative porn, et l’élève au rang de pratique culturelle avec les porn studies. Au point de balayer toute approche véritablement critique, d’inspiration marxiste ou féministe radicale. En dévoilant cette collusion inédite de la théorie, du marketing et de la propagande, ce livre se risque à briser le totem. "

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  • L'assassinat du cul joyeux...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Xavier Eman, cueillie sur son blog A moy que chault ! et consacrée à la sexualité... Animateur du site d'information Paris Vox et collaborateur de la revue Éléments, Xavier Eman a récemment publié un recueil de ses chroniques mordantes intitulé Une fin du monde sans importance (Krisis, 2016).

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    L'assassinat du cul joyeux

    Le puritanisme comme la pudibonderie excessive sont souvent les révélateurs de névroses personnelles pour ne pas dire le masque de passions plus ou moins honteusement enfouies ou en tout cas mal acceptées. Ce sont, surtout, de simples négatifs de l'obsession sexuelle et de la frénésie pornographique. Deux approches également faussées et déréglées, à des degrés divers, de la sexualité, du rapport charnel.

    La liberté sexuelle est évidemment une bonne chose, à condition qu'elle ne devienne pas une nouvelle norme impérative, un nouveau carcan obligatoire une nouvelle morale imposée, permissive par décret. Ce qui se passe dans les alcôves entre adultes consentants doit y rester, il ne devrait pas y avoir de « police des braguettes » comme le disait un Jean-Marie inspiré et connaisseur... Les libidos des uns et des autres sont plus ou moins importantes, plus ou moins exacerbées; dans ce domaine comme dans les autres, il n'y a pas d'égalité, pas plus que de norme globale, générale, absolue... On peut aimer le sexe à deux, à trois, à quinze, déguisé en pompier ou en marquis de la cour de Versailles, dans des draps de soie ou à l'arrière d'une camionnette... En dehors des protagonistes concernés, cela n'a aucun intérêt, aucune importance, ce n'est pas un sujet, du moins cela ne devrait pas en être un...

    Que l'on ait la force de l'abstinence et de la fidélité, de la soumission à un serment librement consenti, et cela est certainement très beau et hautement respectable, admirable même. Que l'on soit un libertin conséquent, qui ne ment, ne triche ni ne trahit quiconque, et il n'y a pas non plus à rougir face à l'armée des faussaires et des tartuffes. On peut évidemment choisir la hiérarchie de ses appétences et de ses admirations, c'est un autre débat. Mais le sexe n'est pas un objet public, pas un thème politique, il ne se transforme en sujet de débat sociétal que lorsqu'il devient maladif, morbide. Et c'est sans doute un des innombrables crimes de notre époque que d'avoir arraché la sexualité de la gangue protectrice de l'intime pour en faire un objet d'études, d'analyses, de discours et de spectacle. Le lieu orignellement ultime, paroxystique, du don, de l'abandon, du confidentiel, du fusionnel a été progressivement arraisonné par la logique du marché, placé sous la lumière impitoyablement crue du projecteur médiatique. Le freudisme avait commencé le massacre, le psychologisme journalistique a terminé le boulot. Désormais il n'est plus question de plaisir, de jouissance, de légereté, le sexe n'est plus joyeux, gratuit, solaire, il est le « révélateur de rapports de force socio-économiques », le théâtre d'une « guerre des sexes » toujours plus virulente, le moyen d'une  odieuse « oppression symbolique »...

    D'une explosion dionysiaque, d'une fête partagée, on a fait une pathologie parmi d'autres.

    Dernier avatar de cette insupportable tendance, « l'intellectualisation » du sexe, grotesque et prétentieuse logorrhée, bouillie sémantique qui fait du porno un « acte d'activisme féministe », du gang bang un « moyen de réappropriation d'un corps trop nié », de l'exhibitionnisme une « quête identitaire »... Enième stratégie de détournement et d'enfumage du système pour masquer les véritables problématiques, les luttes réelles, sociales et économiques, les césures idéologiques fondamentales... La sexualité n'est ni une identité, ni une idéologie, ni un manifeste... Le pan-sexualisme et l'hypertrophie pornocratique ne sont que les dernières armes forgées pour tenter d'enrégimenter, de codifier, d'homologuer et de marchandiser les ultimes espaces de liberté et de gratuité restant à l'individu.

    Et si on foutait un peu la paix aux corps et à ce que les gens veulent en faire ou pas ? Si on remettait les histoires de galipettes à leur place, non négligeable peut-être mais toutefois très secondaire ? Et si on laissait à la luxure sa part d'irraisonné, sa dimension inexplicable ?

    Merci pour elle.

    Xavier Eman (A moy que chault ! , 19 février 2018)

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  • Pornographie...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel et dans laquelle il évoque la pornographie de la société du Spectacle...

    Auteur de La confession négative (Gallimard, 2009) et de Tuer (Léo Scheer, 2015), Richard Millet a publié l'automne dernier aux éditions Léo Scheer un roman intitulé Province.

     

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    Pornographie

    Qu’est-ce que l’Occident ? De la pornographie et des attentats : la guerre civile comme évènement pornographique, et la pornographie comme accomplissement extra-moral du narcissisme d’État. L’attentat islamiste de Manchester le montre on ne peut mieux : la presse, une nouvelle fois, ne parle de rien, sauf des faits, sur lesquels elle s’étend à loisir : l’identité du tueur, d’« origine »  libyenne, est, elle, quasiment passée sous silence pour faire place au larmoiement général, bougies, fleurs, nounours, embrassades, on ne se laissera pas abattre, on est fier d’être ce qu’on est, je suis Manchester, on éteint la tour Eiffel, on exhorte l’islam à se « réformer » – bref, tout le bataclan pleurnichard des peuples post-nationaux et des nations déchristianisées qui refusent de désigner l’origine islamo-communautariste du mal. Pornographie du discours : sa pauvreté nominative : « horrible attentat », « épouvantable attaque », « atrocité » ; et ceci : « On se serait cru dans un film de guerre ». On est en guerre, non dans un film, pauvre imbécile ; et vous ne voulez pas le voir ; et on vous fait croire qu’on va régler la question en « dialoguant » avec l’islam « modéré ». Une guerre qui met en présence un spectacle pornographique (l’aliénante sous-musique yankee) et l’hystérie islamiste, non moins aliénée : ils étaient faits pour se rencontrer, tout comme les bobos du Bataclan et leurs assassins, ou encore les journalistes de Charlie Hebdo et leurs tueurs.

    La pornographie, qui est l’autre nom du Spectacle, règne donc partout, et ne saurait être séparée de la vie quotidienne, où les attentats sont devenus des évènements, comme les catastrophes naturelles, les accidents de la route, les épidémies. Cette incapacité à différencier est hautement pornographique. Pour le reste, tout suit son cours : un magazine en ligne, madmoiZelle.com, publiait, cette semaine, un article (« à destination » d’adolescentes telles que celles qui étaient au spectacle de Manchester) : Comment masturber un pénis. Il est agrémenté de ce délicat chapeau : « Branler une bite n’est pas forcément inné. Alors, si vous vous demandez comment faire pour devenir meilleure à la tâche, suivez le guide. » Si ce sont là les « valeurs » qu’il s’agit de « défendre » contre les djihadistes, on ne pourrait que se réjouir de voir débarquer ces derniers dans les bureaux de l’officine où s’élabore ce magazine. J’exagère ? La guerre est là ; les « valeurs » prônées n’en sont pas plus que celle des djihadistes : la pornographie consiste à faire comme s’il y avait le Bien d’un côté et le Mal de l’autre, alors que les deux parties sont dans la main du Démon. Nous nous battons, nous, pour de tout autres valeurs, à commencer par l’honneur : celui de ne pas nous soumettre au consensus islamo-gaucho-capitaliste. Nous sommes en guerre, et n’avons nul regret de voir mourir des ennemis.

    Pornographique, encore, un certain Hanouna (histrion dont j’ignorais l’existence et sur lequel je crains de ne pas vouloir en savoir davantage) et ses blagues « homophobes », aussi insupportables que la pleurnicherie générale auprès du CSA. Le brame des offensés rejoint la bêtise d’une certaine Caroline de Haas qui prétend régler le « problème » des agressions « sexistes », dans le quartier de la Chapelle envahi d’immigrés musulmans et de Roms, en prônant « l’élargissement des trottoirs » qui deviendraient ainsi un lieu de passage convivial où s’élaborerait un nouveau « vivre ensemble ». Pornographique, aussi, la pétition publiée par le quotidien Libération, dans laquelle deux intouchables représentants du gauchisme culturel le plus obscène : Alain Badiou et Anus Ernie, accompagnés d’obscurs pétitionnaires, réclament la clémence de la justice pour l’ex-terroriste Rouillan, comme ils l’avaient fait pour le terroriste Battista qui, lui, ne connaît pas la crise financière, en son exil brésilien. Compromise dans tous les totalitarismes du XXe siècle, auto-amnistiée, élevée au rang de valeur suprême, l’ultra-gauche a encore de beaux jours devant elle, en Occident. Pornographiques, enfin, le grand prix des lectrices de Elle et le grand prix des lycéennes de Elle, décernés à la Marocaine d’ultra-centre-gauche Leila Slimani, pourtant déjà récompensée par le pornographique prix Goncourt, lequel ne couronne plus que des livres qu’on offre, non qu’on lit : obscène accumulation de prix, qui révèle que plus rien ne se vend, car plus rien ne se lit, plus rien ne s’écrivant qui mérite le nom de littérature, notamment sous le rapport du style. Des livres jetables, comme on dit dans l’édition. Et des auteurs zombies écrivant une « langue fantôme ». L’absence de style est la grande pornographie post-littéraire, tout comme la perfection est, selon Baudrillard, un signe totalitaire – et, pour nous, en ce domaine comme en politique, un signe démoniaque, ainsi que je l’avais suggéré pour les crimes de Breivik. On n’a pas voulu l’entendre. On a pétitionné contre moi : la pétition comme acte porno. Le nihilisme règne, qui a ouvert au fond de chacun le tonneau percé de ses illusions, à commencer par celle que les Européens sont encore vivants.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 24 mai 2017)

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  • La France a froid !...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel et dans laquelle il évoque le climat mortifère qui règne en France ...

    Auteur de La confession négative (Gallimard, 2009) et de Tuer (Léo Scheer, 2015), Richard Millet vient de publier aux éditions Léo Scheer un roman intitulé Province.

     

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    La France a froid !

    « La France a froid », grelotte la domesticité journalistique, et avec elle des millions de brebis urbaines qui semblent découvrir qu’en hiver il fait froid et que ce froid peut être glacial, ainsi qu’en Estonie ou en Bouriatie. Ainsi dépêche-t-on en province des « envoyés spéciaux » pour parler du « front du froid » comme s’il s’agissait de conflits locaux récurrents qui ont lieu entre le Haut-Karabagh et l’Azerbaïdjan. Ces « reporters » s’adressent aux Français sous trois flocons de neige, tandis qu’on redessine, quasi militaire, la carte de France en des couleurs vertes, jaunes, oranges, rouges, pour l’opération baptisée par la météorologie d’État « vigilance » ― vocable qu’on croyait réservé aux dévots de la pureté gauchiste, qui ont fini par s’asseoir et font maintenant l’histoire de leur printanière station debout : quand on est définitivement sorti de l’Histoire et qu’on œuvre pour la falsification générale, le plus petit pet estudiantin, le moindre rot bourdieusio-foucaldien devient une épopée pour campagnols, et il faut donc « écrire » Nuit debout – à quoi s’attachent sociologues et romanciers post-littéraires, las d’écrire sur Détroit, Che Guevara ou leur bi-sexualité.

    La France a froid de la même façon qu’elle avait eu peur, il y a quarante ans, comme l’avait déclaré un domestique télévisuel à propos du meurtre d’un enfant par un psychopathe qui avait échappé à la guillotine, à une époque où ce châtiment métaphysique existait encore. Parole restée célèbre, et qui fait songer que la France n’a pas cessé d’avoir peur, à commencer d’elle-même : d’être elle-même, veux dire, et aussi de son ombre, c’est-à-dire de son héritage millénaire. Qu’elle ait froid ou qu’elle souffre de la canicule, elle ne cesse de se lamenter sur son sort, lequel est pourtant assez confortable, puisqu’elle meurt, doucement, déprimée, indifférente, négligente, étranglée d’idéologie, de droits et d’«avantages sociaux », et consentant, en fin de compte, à sa propre disparition. Une étude récente ne montre-t-elle d’ailleurs pas que la fécondité des Françaises (pour peu qu’on n’y compte que les Françaises de souche) n’est plus que de 1,91 enfant par femme ― 1 enfant 91 étant un humanoïde bien singulier, peut-être un prototype trans-humaniste, un avorton qui a trop lu Le Clézio, ou encore un produit de la PMA pour tous ; en tout cas un enfant pas tout à fait achevé, et voué à souffrir de ce froid contre lequel beaucoup s’insurgent, et pour lequel ils en veulent à la Nature de ses rigueurs hivernales, sans considérer qu’il y a une autre glaciation en cours : celle de la langue française, le pédagogisme socialiste, qui avait un peu reculé sur la « simplification » de l’orthographe, ayant trouvé le moyen d’ajouter à la suppression du latin et du grec celle du complément d’objet, jugeant peu intelligents les petits Français, naguère « chères têtes blondes », et rebaptisés (métissage post-colonial oblige) 1,95,  ou 2,01 et bientôt 1,91…

    Le même froid touche la France littéraire : Leïla Slimani, dont la syntaxe est plus poudreuse que le sable du Sahara, pose en couverture du magazine para-pornographique Elle, tandis que Houellebecq était, à l’occasion du numéro des Cahiers de L’Herne qui lui est consacré, l’invité du journal télévisé de France 2, dont le présentateur, plus conciliant encore que ses confères de Télé Pyong Yang, faisait mine d’accueillir un « provocateur », mot destiné à contourner celui de « rebelle » ― qui eût révélé le pot-aux-roses, même aux imbéciles qui le regardaient la « télé » entre la poire et le fromage. Houellebecq n’a rien dit ; il s’est contenté d’être là ― ne rien dire étant suffisant pour le Spectacle devenu tout entier pornographique, tels l’hiver, la presse officielle, Thomas Pesquet dans l’espace, les adieux d’Obama, ce Hollande américain…

    La Nature, elle, si souvent violentée par l’homme, qui croit l’avoir maîtrisée comme il le fait des ventres et des esprits, fait payer de plus en plus cher le Spectacle, et se rappelle à nous par des accès de fureur dignes d’être châtiés par la Cour européenne des droits de l’homme ou le Tribunal international de La Haye : ainsi une avalanche a-t-elle emporté, non pas quelque crétin qui s’est cru trop rebelle en faisant du ski hors-piste, mais tout un hôtel, en Italie, causant une trentaine de morts. Il ne se trouve parmi eux, me signale un ami italien, nul signataire de la liste Otto-Ernaux.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 21 janvier 2017)

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  • Sauvons le Beau !...

    Les éditions Actes Sud viennent de publier un essai Byung-Chul Han intitulé Sauvons le Beau - L'esthétique à l'ère numérique. Originaire de Corée, admirateur de l’œuvre de Heidegger, Byung-Chul Han est professeur de philosophie à l'Université des arts de Berlin. Plusieurs de ses ouvrages ont déjà été traduits en français dont Dans la nuée - Réflexions sur le numérique (Acte sud, 2015), Le parfum du temps (Circé, 2016) et Psychopolitique (Circé, 2016).

     

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    " Jeff Koons, l’iPhone, l’épilation brésilienne : pourquoi sommes-nous obsédés à ce point par ce qui est lisse ? La beauté aujourd’hui est paradoxale : d’un côté elle s’étend de manière exponentielle – le culte de la beauté est partout ; de l’autre elle perd toute transcendance et se soumet à l’immanence du consumérisme – elle est l’aspect esthétique du capital. Nos sentiments forts, voire dérangeants, face à la beauté – être submergé, stupéfait, bouleversé – sont remplacés par l’expression timide digne d’une préférence culinaire, par un “like”. Ainsi, nous avons rendu le Beau pornographique.
    Cet essai rappelle que certaines manifestations du Beau peuvent nous apparaître sous la forme d’une vérité, d’un désastre, d’une séduction. Han montre aussi qu’il existe des dimensions du Beau sur lesquelles on pourrait fonder une éthique ou une politique. Une œuvre dont le style épouse son sujet : un texte aussi dérangeant que… beau."

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  • Matières littéraires...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel et consacrée à l'enseignement des matières littéraires au collège, aujourd'hui...

     

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    Matières littéraires

    Une femme, que je ne compte pas au rang de mes amies – celles-ci  devenues rares, depuis septembre 2012, peut-être moins audacieuses que les hommes dont la réputation de lâcheté n’est pourtant pas à faire, selon les femmes, lesquelles sont autrement atteintes par la presse féminine et culturelle, et par ailleurs nombreuses à avoir signé la pétition me réputant infâme –, cette femme, donc, s’en remet à moi pour que je fasse savoir, avec d’autres mots que les siens, son désarroi devant ce qu’est devenu l’enseignement des matières dites littéraires, non pas dans un établissement situé dans une zone prétendue défavorisée, mais dans un paisible collège catholique sous contrat avec l’Etat, c’est-à-dire soumis à la propagande républicaine.

                Sa fille est en classe de troisième et elle a subi, en matière de lecture suivie, un roman de Philippe Claudel dont, me dit sa mère, exigeante lectrice, on n’imaginait pas que l’école pût rien proposer de tel à de jeunes esprits. « C’est de la littérature moyen de gamme, ou plus exactement, de la littérature pour lecteurs de Télérama, c’est-à-dire des gens qui s’imaginent savoir ce qu’est la littérature et qui se contentent d’un ersatz. » murmure-t-elle, en ajoutant qu’au 2ème trimestre, le livre à lire est Effroyables jardins, d’un certain Michel Quint, qui relève, lui, de la sous-littérature. Effroyable pour effroyable, la mère redoute, pour le 3ème trimestre, de voir entre les mains de sa fille, un roman d’Olivier Adam, de Tahar Ben Jelloun, ou d’Amélie Nothomb, soit, dit-elle, ce chiendent romanesque dont on prétend que, parce que de gauche, issu de la diversité ou écrit féminin, il témoigne de la « vitalité » de la littérature française, laquelle, chacun le sait intimement, est morte avec des romanciers de cet acabit. Sa fille avait déjà eu droit, l’an dernier, pour le centenaire-spectacle de la Grande Guerre,  à La Chambre des officiers, d’un nommé Dugain, me dit-elle encore, en précisant que ce livre-là n’est pas écrit. Je ne me prononce par sur cette littérature à l’usage des aveugles culturels et des ilotes post-chrétiens ; je me contente de déplorer qu’on ne fasse pas lire à ces collégiens des romans de Colette, de Camus, de Green, voire de Modiano, notamment Dora Bruder, sans doute son meilleur livre.

                Il y a longtemps que les professeurs de français, devenus profs puis enseignants, non contents de savoir à peine la langue qu’ils enseignent, ignorent la littérature, en cela semblables à leurs élèves, les livres proposés cette année révélant le degré d’inculture où sont tombés les petits soldats de la propagande culturelle, tout comme leurs collègues d’histoire-géographie et d’anglais, lesquels conseillent à leurs élèves de s’abonner, par exemple, à un magazine des éditions Bayard : I love English, particulièrement obscène, comme tout ce qui provient de la secte des catholiques de gauche. J’y cherche en vain quelque chose qui relève de ce que l’on appelait naguère la culture : la littérature en est absente. En revanche, il est largement question de Disneyland, de l’ice cream, du Super Bowl, de l’effrayante Serena Williams, des smileys, des Oscars, d’acteurs, de chanteurs pop, de DJ, de films et de séries TV, tous insignifiants, la seule occurrence « culturelle »  étant un « dossier » consacré à Ellis Island et à l’immigration aux Etats-Unis, bref à la propagande immigrationniste, clé de voûte « éthique » de la pédagogie consumériste pratiquée par les éditions Bayard, comme par le reste de la presse culturelle.

                Cette pornographie consiste à ruiner, chez l’élève, non seulement toute possibilité de se cultiver (verbe à présent désuet) mais aussi l’idée de grandeur, d’élite, de hauteur, de rigueur, d’héritage, à commencer par celui, décidément haïssable, de Jérusalem, d’Athènes et de Rome. On peut même dire que, dans ces conditions, l’enseignement du français et de l’anglais (et l’on imagine ce que doivent être les cours d’histoire, soumis à la pornographie mondialiste de l’idéal bruxellois) est un crime contre l’esprit - je ne dirai pas contre l’humanité, pour ne pas parler la langue de bois onusienne, par ailleurs peu persuadé, moi, que l’humanité ne soit pas, en son essence, criminelle.

        Que faire, alors ? me demandait cette mère. Le Système est extraordinairement puissant, lui répondais-je, et la crise de l’enseignement devenue une manière de gouverner, avec ses appels réguliers, illusoires et mensongers, à la refondation de l’école, des apprentissages « fondamentaux », de l’« autorité », de la « morale civique »… On ne peut l’attaquer de front sans être récupéré. Refusons l’inversion des valeurs. Continuons d’œuvrer en silence, de déconstruire l’œuvre de 1789 et celle de Mai 68.  Rendons sans cesse sensible cette culture devenue parallèle mais qui est une des incarnations de la vérité.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 12 février 2015)

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