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police de la pensée

  • Le libéralisme est à la liberté ce que l’égalitarisme est à l’égalité...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist au magazine Causeur à l'occasion de la sortie de son essai La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020). Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019) et dernièrement Ernst Jünger entre les dieux et les titans (Via Romana, 2020) ainsi que La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    « Le libéralisme est à la liberté ce que l’égalitarisme est à l’égalité »

    FRANÇOISE BONARDEL. Vous êtes l’auteur d’une œuvre considérable, et une des figures les plus controversées de la vie intellectuelle française. Dans votre dernier livre (La Chape de plomb, La Nouvelle Librairie), vous vous livrez à une attaque en règle contre les « nouvelles censures ». Dans quelle intention ?

    ALAIN DE BENOIST : Je ne suis pas le premier à publier un livre sur la disparition de la liberté d’expression. Le mien se distingue des autres par un refus de se cantonner dans la déploration, et par une tentative d’explication théorique visant à expliquer comment nous en sommes arrivés là. Vous connaissez le propos mille fois cité de Bossuet sur ceux qui se plaignent des conséquences et chérissent les causes. Quand on y regarde de près, on s’aperçoit que les causes sont souvent très lointaines. Pour les élucider, il faut remonter loin en amont. L’histoire des idées peut y aider.

    FRANÇOISE BONARDEL. Le fait d’avoir été ostracisé par vos pairs vous a-t-il permis de fourbir vos propres armes intellectuelles ? N’êtes-vous pas parfois tenté par la victimisation que vous dénoncez ?

    ALAIN DE BENOIST : Je mentirais si je disais que je n’ai pas souffert de cet ostracisme. Cela dit, d’autres ont beaucoup plus souffert que moi, et je n’aime pas me poser en victime. Vous connaissez l’adage : never explain, never complain. Le ressentiment est toujours un produit de la haine et de l’envie.

    FRANÇOISE BONARDEL. On parlait dans les années d’après-guerre de « terrorisme intellectuel », puis quelques décennies après de « police de la pensée ». Comment définiriez-vous les censeurs d’aujourd’hui par rapport à ceux d’hier ?

    ALAIN DE BENOIST : La censure est de tous les temps, et ceux qui la dénoncent ne sont que trop souvent désireux d’en imposer une autre à leur tour. Mais il y a deux grandes différences. Autrefois, la censure était essentiellement le fait des pouvoirs publics, tandis que la presse jouait un rôle de contre-pouvoir. Aujourd’hui, les médias sont presque tous gagnés à l’idéologie dominante et ce sont eux qui jouent les chiens de garde en appelant à censurer. Les journalistes dénoncent d’autres journalistes, des écrivains applaudissent à l’épuration d’autres écrivains. L’autre fait nouveau, c’est que les pouvoirs publics ont privatisé la censure en la confiant aux multinationales comme Facebook et Twitter. Cela ne s’était encore jamais vu. S’y ajoute l’apparition de tribunaux d’opinion dont les réseaux sociaux sont les relais. Le principe est celui de la justice expéditive : soupçon vaut condamnation, le tribunal ne comprend que des procureurs et les jugements ne sont jamais susceptibles d’appel. La novlangue orwellienne, qu’on appelle le « politiquement correct », et les délires des milieux néoféministes et LGBT fournissent le carburant. Le résultat est quasi soviétique : en public, on n’ose plus rien dire. L’inculture régnante fait le reste.

    FRANÇOISE BONARDEL. Vous allez jusqu’à parler de « nouvelle Inquisition » à propos du politiquement correct, de la pensée unique et du diktat des minorités. Il y aurait donc là des traits rappelant la mainmise du pouvoir religieux sur les esprits ?

    ALAIN DE BENOIST : Il y a toujours du religieux dans le fanatisme. L’idéologie dominante, qui est toujours l’idéologie de la classe dominante, est ainsi organisée qu’elle a ses grands-prêtres, ses inquisiteurs et ses dévots. Elle appelle à la repentance, elle représente le passé comme n’étant plus qu’un motif de contrition. Elle se désole que l’histoire ne soit pas morale, mais tragique, et elle entend la réécrire selon ses canons en se réclamant d’une morale (Nietzsche aurait parlé de moraline) qui veut que la société soit rendue « plus juste », fût-ce au prix de la disparition du bien commun.

    FRANÇOISE BONARDEL. Vous dites aussi que la « pensée unique » se veut rationnelle et s’interdit tout écart par rapport à un axe qui, étant celui du Vrai, est aussi celui du Bien. Comment cette rationalité technocratique s’accorde-t-elle avec la religiosité dont nous venons de parler ?

    ALAIN DE BENOIST : Les deux ne sont pas incompatibles. Auguste Comte théorisait le positivisme tout en prêchant une « religion de l’humanité ». L’une des sources, trop souvent ignorée, de la pensée unique (expression que je crois avoir été le premier à employer) est l’idée que les problèmes politiques ne sont en dernière analyse que des problèmes techniques. L’homme étant posé comme un individu rationnel qui cherche toujours à maximiser son propre intérêt, on suppose qu’il n’y a pour tout problème qu’une seule solution optimale rationnelle elle aussi (« there is no alternative », disait Margaret Thatcher). Cette conception du monde fondamentalement impolitique ignore complètement que le politique est irréductiblement conflictuel compte tenu de la pluralité des projets et de ce que Max Weber appelait le « polythéisme des valeurs ». C’est un retour à la vision saint-simonienne, selon laquelle il faudrait substituer l’administration des choses (la « gouvernance ») au gouvernement des hommes. À terme, cette vision transforme les rapports entre les hommes en rapports avec des choses. C’est ce que le jeune Georg Lukâcs appelait la « réification » (Verdinglichung) des rapports sociaux.

    FRANÇOISE BONARDEL. Vous voyez dans le rêve de transparence intégrale des sociétés postmodernes un «  idéal fondamentalement nihiliste » et totalitaire. La crise du nihilisme européen annoncée par Nietzsche à la fin du XIXe siècle est-elle en train d’accoucher d’une société à la fois compatissante et dictatoriale ?

    ALAIN DE BENOIST : « Compatissante et dictatoriale » est une bonne formule. La façon dont la sensiblerie a remplacé la sensibilité, dont l’émotionnalisme lacrymal s’est substitué aux argu­ments raisonnés est très parlante à cet égard. Ce n’est plus Big Brother qui gouverne, mais Big Mother. Voyez ce que Christopher Lasch a écrit sur la montée de l’« État thérapeutique». À l’heure de la chasse au coronavirus, on constate que c’était prophétique.

    FRANÇOISE BONARDEL. « Nous vivons désormais sous l’horizon de la fatalité » , écrivez-vous. Iriez-vous jusqu’à penser, comme Maria Zambrano en 1945, qu’il s’agit là d’une « servilité devant les faits » annonçant l’agonie prochaine de l’Europe?

    ALAIN DE BENOIST : Il y a une révérence devant « les faits » qui conduit elle aussi à l’impuissance. C’est l’un des ressorts de l’expertocratie. Or, les faits ne signifient rien par eux-mêmes, ils sont indissociables d’une herméneutique. L’homme est un animal qui interprète ce qu’il connaît en fonction de ses projets et de ses choix. Quand je parle d’un « horizon de la fatalité », je veux dire que le message implicite distillé aujourd’hui par à peu près tous les médias est que nous vivons dans un monde certes imparfait, mais qui reste quand même le meilleur sinon le seul possible. Beaucoup de nos contemporains ont intériorisé cette idée, à laquelle je ne crois pas un instant.

    FRANÇOISE BONARDEL. Vous reprochez aux nouveaux censeurs de faire des Lumières un« socle de légitimité» qui leur permet d’imposer des formes inédites de Terreur. Quel regard portez-vous sur les Lumières ?

    ALAIN DE BENOIST : La philosophie des Lumières s’est voulue émancipationniste, et elle nous a effectivement libérés de certains dogmes religieux. Malheureusement, elle a aussi rendu possible d’autres formes d’aliénation humaine, ainsi que l’avaient bien vu Horkheimer et Adorno : disloca­tion des cultures enracinées et des valeurs partagées, soumission aux diktats de la Technique, esclavage du salariat (le remplacement du métier par l’emploi), obsession de la croissance et hybris de la marchandise, remplacement des inégalités de statut par l’explosion des inégalités économiques, etc. Son épine dorsale, l’idéologie du progrès, qui conviait à regarder toute l’histoire advenue avant nous comme un amas de traditions et de superstitions sans valeurs, est aujourd’hui entrée en crise. La peur de l’avenir a remplacé les « lendemains qui chantent ». Les Lumières ont joué leur rôle, mais elles ont aussi fait leurs temps (aux deux sens du terme).

    FRANÇOISE BONARDEL. De manière directe ou indirecte, c’est la modernité que vous attaquez dans la plupart de vos livres. La liberté de pensée que vous revendiquez ne fait pourtant pas de vous un antimoderne fidèle à une tradition spécifique. Est-ce là l’équation personnelle qui est à l’origine de bien des malentendus vous concernant, et qui fait qu’il est si difficile de vous situer sur l’échiquier intellectuel contemporain ?

    ALAIN DE BENOIST : Je suis très allergique aux étiquettes, c’est sans doute pour cela qu’il est difficile de me situer ! Cela dit, les « malentendus » dont vous parlez se dissipent vite si l’on prend la peine de me lire. Je suis en effet un critique d’une modernité essentiellement portée par l’économisme et l’individualisme qui caractérisent l’Homo œconomicus. Mais je n’ignore pas que je suis aussi un enfant de cette modernité. Disons seulement que, tout en étant conscient que beaucoup de choses « étaient mieux avant », je ne suis pas un adepte du restaurationnisme. Je crois plutôt à la possibilité d’un nouveau commencement.

    FRANÇOISE BONARDEL. Face à la tyrannie des minorités, vous affirmez que la véritable majorité « est dans le peuple. Elle est le peuple ». Les débats autour du « populisme » montrent pourtant que la notion de « peuple » est devenue problématique. Les classes populaires ne sont-elles pas les premières atteintes par la pensée unique ?

    ALAIN DE BENOIST : Je n’idéalise pas le peuple, que j’essaie d’envisager dans sa double dimension de l’ethnos et du demos. Vous avez raison de dire que cette notion est problématique, ce que je souligne moi-même dans mon livre sur le populisme (Le Moment populiste, 2017). Mais les élites sont plus subjuguées encore par l’idéologie dominante, parce que celle-ci correspond à leurs intérêts. Je reste sur ce point fidèle à Jean-Claude Michéa : c’est dans le peuple, dans les classes populaires, où les réactions spontanées sont plus saines, qu’il faut rechercher le sujet historique de notre temps.

    FRANÇOISE BONARDEL. Votre dernier livre est une invitation « au rassemblement des esprits libres et des cœurs rebelles »· Un hymne à la liberté en somme, dévoyée par le libéralisme. Pourriez­vous revenir sur cette question qui est présente dans la plupart de vos écrits ?

    ALAIN DE BENOIST : Le libéralisme est à la liberté ce que l’égalitarisme est à l’égalité. Son anthropologie reposant sur un homme hors-sol, dessaisi de ses appartenances et de ses héri­tages, se construisant lui-même à partir de rien, la seule liberté qu’il reconnaisse est la liberté individuelle. Les cultures, les peuples, les pays ne sont à ses yeux que des agrégats hasardeux d’individus. Je pense au contraire que la liberté est indissociable du commun : je ne peux pas être libre si mon pays ne l’est pas.

    FRANÇOISE BONARDEL. Vous invitez à une sorte de fronde civique et intellectuelle, mais la grande question demeure : pourquoi est-il devenu si difficile, et si risqué, d’être courageux aujourd’hui ?

    ALAIN DE BENOIST : Le courage civil est plus rare que le courage militaire. Il comporte des risques que la plupart des riches et des puissants trouvent insupportables : perdre sa carrière, perdre son rang, perdre ses privilèges, perdre son argent. C’est toujours plus facile de rallier les « mutins de Panurge », comme disait notre cher Philippe Muray.

    FRANÇOISE BONARDEL. Parmi les procédés inquisitoriaux, il en est un qui consiste, dites-vous, à fouiller le passé d’un auteur pour y découvrir quelque péché de jeunesse « comme si la vie d’un homme pouvait être ramenée à un épisode de son existence »· Pensez-vous être resté fidèle à vous-même ou avoir évolué ?

    ALAIN DE BENOIST : La formule que vous citez est de Karl Marx. Le fait d’avoir évolué ne m’a jamais empêché d’être fidèle à moi-même. C’est en restant l’esprit en éveil, en gardant intacte sa capacité de curiosité, que l’on est le mieux fidèle à soi-même. Chez moi, cette évolution a, comme toujours, été marquée par des lectures décisives (Hannah Arendt, Günther Anders, Louis Dumont, Karl Polanyi, Charles Péguy, Martin Buber et tant d’autres), mais elle est aussi le reflet du monde extérieur. Je suis de ceux qui ont eu le triste privilège d’avoir vu disparaître en l’espace d’une génération une civilisation (française) et une religion (chrétienne). On peut y ajouter la fin du monde rural, l’arraisonnement du monde, le déchaîne­ment de l’axiomatique de l’intérêt, l’effondrement de la culture, la marchandisation planétaire, le règne de l’argent transformé en capital, la montée de l’indistinc­tion sous les effets de ce que j’ai appelé l’idéologie du Même. En trente ans, nous avons totalement changé de monde. On n’analyse pas ce qui vient en regardant dans le rétroviseur !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Françoise Bonardel (Causeur n°85; décembre 2020)

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  • Un philosophe au service de la liberté d'expression...

    Le 21 septembre 2017, Martial Bild recevait, sur TV libertés, André Perrin, professeur de philosophie et auteur d'un essai intitulé Scènes de la vie intellectuelle en France (Toucan, 2017). Il y dénonce, exemples à l'appui, la police de la pensée qui sévit dans le monde universitaire et intellectuel français et qui interdit toute possibilité de débat.

     

                                  

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  • Quand on sonne les cloches à Richard Millet...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Brighelli, cueilli sur son blog Bonnet d'âne et consacré au dernier épisode en date de la chasse à l'homme lancée par la bien-pensance contre l'écrivain Richard Millet...

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    Quand on sonne les cloches à Richard Millet, ce n’est pas l’angélus !

    De Richard Millet, je ne sais pas grand-chose. Nous fîmes une émission ensemble chez Ardisson en 2005, je venais de sortir la Fabrique du crétin, et lui le Goût des femmes laides — un joli roman fort bien écrit sur un sujet somme toute assez peu labouré, sinon par Brassens dans une chanson moins connue que d’autres.
    Puis il a disparu de mon radar jusqu’en 2012. Cette année-là, il publiait Langue fantôme, un pamphlet sur l’état assez peu littéraire de la langue littéraire actuellement en usage en France, suivi d’un (très court) Eloge d’Anders Breivik, éloge paradoxal qui lui servait de prétexte à fustiger cette Europe ouverte à toutes les migrations. Et non, comme ont voulu le croire tous ceux qui ne l’avaient pas lu, à célébrer le tueur norvégien.
    Emoi dans Boboland ! Annie Ernaux se fendit aussitôt dans le Monde d’une tribune-pétition, co-signée par une foule d’écrivains connus (Le Clézio, dont Millet cultive une sainte horreur depuis vilaine lurette) et inconnus (tous les autres) réclamant la tête de l’imprécateur de ce vivre-ensemble que la rue de Grenelle, à la même époque, érigeait opportunément en totem de l’Education. Millet, qui vivait essentiellement d’un poste de lecteur chez Gallimard (à qui il a tout de même permis d’obtenir le Goncourt au moins en deux occasions, pour les Bienveillantes et pour l’Art français de la guerre) se trouva fragilisé, marginalisé, et confiné dans une léproserie. En attendant le prochain faux-pas qui permettrait de lui coller douze balles dans la peau et la tête dans la lunette de la Veuve.
    Du coup, je m’étais intéressé aux écrits polémiques de ce garçon un peu trop chrétien pour moi, qui se la joue « hanté pénultième » selon le joli mot d’un critique, mais qui dit des choses justes sur l’état actuel de la littérature française (pas très loin de ce qu’avaient asséné en leur temps Pierre Jourde dans la Littérature sans estomac et Jourde & Naulleau dans leur Précis de littérature du XXIème siècle) et l’apocalypse molle dans laquelle on engloutit la langue, littéraire ou non — dans une déconstruction dont j’ai moi-même analysé la chronologie, les intentions et les effets dans Voltaire ou le jihad.
    Sur ce, Millet, briguant manifestement la palme du martyre, a accumulé aux éditions Pierre-Guillaume de Roux ou Fata Morgana les petits essais assassins. Evidemment, la Bien-pensance Unique ne l’avait pas lâché, et il ne l’a pas lâchée. Ainsi, quand notre homme, dans un article publié dans la Revue littéraire et intitulé « Pourquoi la littérature française est nulle », a récemment tiré à vue le dernier livre de Maylis de Kerangal (qui ça ?), ex-signataire de la pétition Ernaud — une dame très bien du tout-Paris qui compte —, le petit peuple des écrivains en cour a supplié Antoine Gallimard de se débarrasser enfin du trublion… Tous (BHL en tête, qui ne s’en serait douté ?) ou presque tous — Sollers par exemple a intelligemment continué à dialoguer avec Millet, expliquant que « Richard Millet a eu un tort, celui de mêler à ses considérations sur la littérature des idées politiques, et des idées politiquement incorrectes. Elles ont permis à l’opinion, surtout l’opinion militante, se voulant extrêmement engagée, de l’accuser, avec des mots injurieux, d’être révisionniste et d’avoir écrit une immondice ; allant jusqu’à s’en prendre aux éditions Gallimard en s’exclamant : « Comment avez-vous pu publier une chose pareille ?! » Cette immédiateté de la réaction inquisitoriale, et je dirais même stalinienne, m’amène à dire que désormais, n’importe quelle interprétation peut avoir lieu sur des motifs « politiques » – je mets des guillemets – où on accuse d’emblée l’autre de racisme, d’ antisémitisme, etc., et je trouve que ça commence à bien faire. Pas vraiment parce que ça m’indigne « personne ne ment davantage qu’un homme indigné », a dit Nietzsche – mais parce qu’il y a une volonté d’éviter le débat de fond, c’est-à-dire ce que Richard Millet voit comme un désenchantement, un effondrement, une dévastation de la littérature, et sur quoi je suis en partie d’accord.»Pour avoir écrit ces lignes, il sera beaucoup pardonné à Sollers.
    Comme nous l’avons vu avec Kamel Daoud, la pétition-indignée-fatwa est l’actuel substitut du couteau de boucher dans le Nouveau Totalitarisme de l’Impensée-Unique. Antoine Gallimard, qui a un côté anarchiste bourgeois, avait longtemps fait le gros dos devant les hurlements des pintades. Mais bon, Mme de Kerangal est un auteur-maison, il y avait comme une déloyauté à pointer sa vacuité tout en travaillant pour la rue Sébastien-Bottin — désormais rue Gaston Gallimard…
    Aux dernières nouvelles, rapportées par Jérôme Béglé dans le Point, Millet prend la porte. Pas content, le bougre.

    Qu’on me comprenne bien.
    Comme Pierre Jourde qui a écrit sur le sujet des choses sensibles et définitives, je suis très loin de co-signer toutes les déclarations de Millet. Mais qu’un quarteron de littérateurs s’arroge le droit de demander sa tête me révulse. Que le trio infernal Louis / Lagasnerie / Eribon pense avoir le droit de dire qui doit vivre (les homos de gauche ?) et qui doit mourir (les hétéros de droite ?) me paraît symptomatique d’une époque qui faute de savoir se colleter au réel s’en remet encore une fois à l’idéologie : c’est vrai en littérature, en Education et en Economie, sans parler des Affaires étrangères. La question n’est même pas de savoir si Millet a raison de dénoncer comme il le fait l’emprise de l’Islam et le métissage — il y a dix mille manières de le dire. Le problème est qu’on lui interdise de parler — quoi qu’il dise. Qu’on lui interdise de vivre — quoi qu’il fasse. Que les petits marquis de la Gauche (je reviendrai quelque jour sur ce que le Point, il y a peu, appelait finement « la gauche Finkielkraut ») profitent bien des micro-particules de pouvoir qu’ils pensent aujourd’hui posséder. Le retour de bâton pourrait être terrible, et je ne lèverai pas le petit doigt pour leur épargner la géhenne — comme dirait Millet qui pense Bible en main, Belzébuth m’en préserve !

    Jean-Paul Brighelli (Bonnet d'âne, 4 mars 2016)

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  • Feu sur la désinformation... (63)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Hervé en présence de Michel Geoffroy.

    Au sommaire :

    • 3 : Tweets d’I-Média.
    • 4 : Le bobard de la semaine.

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  • Feu sur la désinformation... (45)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours d'Hervé.

    Au sommaire :

    • 1 : Zyed et Bouna, le bobard d’Europe 1.
    • 2 : Le zapping d’I-Média.

    • 3 : Le lobby LGBT impose sa ligne éditoriale.
    • 4 : Tweets d’I-Média.
    • 5 : Monde médiatique, les copains d’abord.
    • 6 : Le bobard de la semaine.

     

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  • Les snipers de la semaine... (96)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Les Observateurs, Thierry Ferjeux Michaud-Nérard flingue la gauche morale et son goût pour l'inquisition

    La police de la pensée : le nouveau djihad de la gauche morale

     

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    - sur Investig'action, John Pilger flingue la propagande médiatique et ses serviteurs zelés, les journalistes...

    La guerre par les médias et le triomphe de la propagande

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