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modernité

  • Pour en finir avec les mensonges du féminisme...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un court essai d'Anne Trewby et d'Iseul Turan intitulé Femmes , réveillez-vous ! - Pour en finir avec les mensonges du féminisme.

    Anne Trewby et Iseul Turan font partie des co-fondatrices des Antigones.

     

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    " « Depuis que je prends la pilule, mon mari fait ce qu’il veut de mon corps », disait un personnage de Tranches de vie, la BD de Gérard Lauzier. C’est un beau raccourci pour illustrer la pseudo-libération des femmes. Soumission à la technique, disponibilité totale, rythmes effrénés, leur quotidien a vu naître de nouvelles contraintes, d’autant plus lourdes qu’en chassant le mari, les idéologies féministes ont introduit le juge dans la bergerie familiale. À l’heure où le progrès avilit, où le contrôle social s’étend, où les libertés publiques s’amenuisent, que signifie vraiment « être libre » ?

    « Femme, réveille-toi ! » Deux siècles après cet appel d’Olympe de Gouges, Anne Trewby et Iseul Turan tirent les leçons du féminisme et proposent un chemin à rebours de la Modernité et de la course aux « droits à… ». "

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  • Le progressisme et l'ère des lendemains qui chantent sont révolus !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Michel Maffesoli au Figaro Vox dans lequel il évoque la fin du progressisme.

    Penseur de la post-modernité, ancien élève de Julien Freund et de Gilbert Durand, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019), La faillite des élites (Lexio, 2019),  L'ère des soulèvements (Cerf, 2021) ou encore, ces derniers jours, aux éditions du Cerf, Le Temps des peurs et Logique de l'assentiment.

     

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    Michel Maffesoli: «Le progressisme et l'ère des lendemains qui chantent sont révolus»

    LE FIGARO. - La modernité, du XVIIIe au XXe siècle, a été l'âge de l'individualisme et de la critique systématique. Selon vous, nous abordons une nouvelle époque, fondée sur l'assentiment, où l'on s'ajuste tant bien que mal au monde tel qu'il est, sans prétendre le modeler. C'est-à-dire ? Quelles sont les valeurs du nouveau monde qui vient ?

    Michel MAFFESOLI. - On a souvent craint, en France, la fin de ce que l'on appelle couramment «la modernité», c'est-à-dire ce mouvement qui a débuté au XVIIe siècle avec le cartésianisme, et qui décline depuis la moitié du XXe siècle. Aujourd'hui, nous entrons dans une nouvelle époque, que certains nomment la «postmodernité». Contrairement à la conception linéariste de l'histoire, qui imagine l'humanité dans un progrès constant, de la barbarie au triomphe absolu de la science, je considère personnellement qu'il y a des époques. La période moderne a reposé sur un trépied, le premier pied est l'individualisme, avec le «cogito ergo sum» de Descartes, le deuxième est le rationalisme, qui va prédominer avec la philosophie des lumières, et enfin il y a le progressisme, la grande idée marxiste des «lendemains qui chantent». De mon point de vue, ce tripode est en train de s'achever, de vaciller, d'une manière assez difficile. Nous sommes dans une période crépusculaire. Chacun pressent ce qu'on est en train de quitter, mais ne voit pas encore nettement ce qui émerge. Je soutiens l'hypothèse selon laquelle le «je» va être remplacé par le «nous», le rationalisme par le sentimentalisme, et le progressisme, les lendemains qui chantent, par le «il faut vivre l'instant présent».

    Durant mes années de professeur à la Sorbonne j'ai eu l'occasion d'étudier les jeunes générations, qui représentent l'avenir de la société. En regardant attentivement les pratiques juvéniles, on voit bien que c'est la communauté qui prévaut, le «nous». Ce n'est plus une conception purement rationaliste du monde, mais un partage des émotions, des affects, des passions. Il n'y a plus d'engagement politique, une vision de l'avenir, mais le besoin de se raccorder à cet instant éternel qu'est le présent.

    Qu'est ce qui a précipité la chute du modernisme ?

    Pour décrire ce déclin j'emprunte généralement l'idée de «saturation» au sociologue américain Pitrim Sorokin, qui s'est demandé comment une culture déterminée peut perdre son caractère «évident» et se dégrader petit à petit. En chimie, on parle de saturation lorsque les molécules qui composent un corps, pour diverses raisons, ne peuvent plus rester ensemble. Ce phénomène conduit à la déstructuration du corps, et à l'émergence d'une nouvelle structure. Ce n'est donc un pas une rupture mais une lente dégradation, et à un moment donné, tout ce qui fonctionnait ne marche plus, tout ce qui semblait évident paraît absurde. On voit aujourd'hui une multitude de phénomènes, qui montrent que l'on ne se reconnaît plus dans des valeurs communes. L'élite, qu'elle soit politique, économique, ou médiatique, est restée sur les schémas de l'époque moderne, mais le peuple ne se reconnaît plus dedans. Sorokin donne l'image d'un verre d'eau, qu'on peut saler sans que cela ne soit visible, jusqu'à un moment précis où la saturation devient évidente. Nous sommes actuellement au dernier grain de sel.

    Vous voyez dans cette logique de l'assentiment une forme de sagesse de la vie présente, de la vie de tous les jours, avec ses malheurs et ses joies...

    C'est toute la différence entre le dramatique et le tragique. La modernité était dramatique dans le sens où il y avait une solution. Toute l'analyse de Marx était de montrer qu'il y avait certes des problèmes, mais aussi des solutions, et que l'on allait vers une résolution générale de l'histoire. L'époque actuelle est davantage tragique, il s'agit de faire avec, d'accepter les problèmes. Le drame revient à dire «non» aux problèmes, la tragédie contient une forme d'acceptation. Cette résilience, qui consiste à s'accorder aux petites choses de l'existence, est une sagesse ancestrale qui fait son retour aujourd'hui.

    L'omniprésence des réseaux sociaux et la multiplication de l'offre de loisirs à domicile (Netflix…) ont-ils fabriqué ou amplifié ce phénomène ?

    Effectivement, les réseaux sociaux et autres plateformes confortent cette saturation. Il est intéressant de se pencher sur la période de la décadence romaine au IIIe et IVe siècle de notre ère. Pendant ces deux siècles, le christianisme n'était pas la religion des puissants, mais des soldats et des pauvres. Ce n'est pas ce culte qui était appelé à triompher, mais plutôt Mithra ou Orphée. Cependant, à un moment donné, la petite église de Milan a décrèté le dogme de la Communion des saints. C'est-à-dire que cette église de Milan était spirituellement liée à celle de Lutèce, de Rome, de Narbonne… C'est cette liaison qui va amener au succès incroyable du christianisme. Et aujourd'hui, me semble-t-il, internet est la Communion des saints post-moderne. Les communautés sont en liaison sur ces plateformes, et créent une véritable alternative, une nouvelle société. Le lien social repose aujourd'hui sur internet.

    Le mouvement des «gilets jaunes» ou les manifestations contre la réforme des retraites ne viennent-elles pas contrebalancer cette idée ? Une frange de la population semble continuer à vouloir changer le cours des choses ?

    J'ai écrit, il y a deux ans, le livre L'ère des soulèvements, dans lequel je prenais le contre-pied de l'historien britannique Hobsbawm, auteur de L'ère des révolutions, qui a été abondamment lu dans les années 70. Cet historien montrait que dans la tradition marxiste et avant-gardiste, il y avait l'idée selon laquelle le peuple allait fonder une société parfaite grâce à la révolution. Je pense que ce n'est aujourd'hui plus le cas, il n'y a plus cette tension révolutionnaire du peuple vers une société parfaite. Nous ne faisons plus face à des révolutions, mais à des soulèvements. C'est-à-dire que le peuple ne se lève plus pour établir une société idéale, mais parce qu'il en a marre. Les manifestations contre la réforme des retraites dépassent le simple cadre de la question des retraites, et renvoient à un mouvement social plus large que l'on a aperçu avec les «gilets jaunes». Ce mouvement est né de l'augmentation du prix de l'essence. Mais ce n'était qu'un prétexte qui traduisait, selon moi, le désir d'être à nouveau ensemble, de se retrouver, sortir de l'isolement. Ce mouvement est de plus en plus fort dans nos sociétés.

    Cet arrangement continuel, qui consiste à se «dépatouiller avec ce qui présente» n'est-il pas un retour en arrière ? Un peuple qui a renoncé à agir est-il voué à sa perte ?

    Je ne crois pas. J'y vois une forme de sagesse populaire. Nous sommes dans un pays où, souvent, les élites méprisent le peuple et cultivent une défiance à son égard. La philosophie de l'Histoire au XIXe siècle, ce qui s'est constitué ensuite dans le communisme soviétique, c'était cette conception d'une histoire assurée d'elle-même, la flèche du temps.

    Le retour du sacré, l'importance accordée au local et au retour des traditions, traduisent une forme d'enracinement dynamique, qui est à l'opposé d'un retour en arrière. Seules les racines et le retour aux racines permettent une forme de croissance.

    Michel Maffesoli (Figaro Vox, 30 janvier 2023)

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  • La mémoire païenne contre les ravages de la modernité...

    Le 25 juillet 2022, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Pascal Esseyric à l'occasion de la publication du premier numéro hors-série de la revue Éléments consacré à la mémoire païenne...

    Pascal Esseyric est le directeur de la revue Éléments depuis un peu plus de dix ans.

     

                                            

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  • HP Lovecraft, rêveries contre le monde moderne...

    Nous reproduisons ci-dessous un article cueilli sur le site de la revue Rébellion et consacré à l’œuvre de H. P. Lovecraft, notamment sous l'angle de son pessimisme face à une modernité jugée profondément décadente.

    Voilà qui devrait donner envie de se (re)plonger dans l'univers inquiétant de l'auteur alors que la première publication intégrale  de son œuvre de fiction débute aux éditions Mnémos en janvier 2022, dans une nouvelle traduction unifiée, complétée par un appareil critique conséquent, établi avec le concours des meilleurs spécialistes du maître de Providence. Cette intégrale comportera également un tome avec une sélection de lettres.

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    HP Lovecraft, rêveries contre le monde moderne

    « Ce qui est, à mon sens, pure miséricorde en ce monde, c’est l’incapacité de l’esprit humain à mettre en corrélation ce qu’il renferme. Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs océans de l’infini, et nous n’avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu’à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons : alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions dans cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel âge des ténèbres. »

    Cette citation quasi prophétique tirée de « L’Appel de Cthulhu » est un avertissement. Un avertissement d’actualité à un moment de l’Histoire où l’humanité fait face à une fuite en avant techniciste qui tend à repousser ses propres limites : recherches sur le génome humain, clonage, organismes génétiquement modifiés ou doctrines transhumantes (théorie de la confusion des genres) sont autant de menaces qui contrairement au « panthéon occulte » créé par l’auteur, sont belles et bien réelles.

    Panthéon occulte

    Ce « Panthéon occulte » est l’un des piliers majeurs, si ce n’est le pilier majeur de l’œuvre de Lovecraft. Reflet d’une civilisation a priori archaïque demeurant au-delà du temps, Il est une boîte de Pandore qui une fois ouverte engendrera des conséquences le plus souvent funestes. Nyarlathotep, Yog-Sothoth, Azathoth, Dagon et Cthulhu, autant d’entités, de Dieux vénérés par des cultes remontant à des temps immémoriaux ayant su demeurer dans le secret. Une constante des œuvres de l’auteur est la rupture de ce secret, le héros principal et/ou les protagonistes de l’histoire vont entrevoir ou être témoins d’évènements bizarres, à la limite du surnaturel qui vont bien entendu éveiller leur curiosité. Et c’est bel et bien cette faculté qui va causer la perte du héros principal, voire de l’humanité toute entière : « Il y a des horreurs, aux frontières de la vie, que nous ne soupçonnons pas, et de temps à autre, la funeste curiosité d’un homme les met à portée de nous nuit ». La curiosité va donc être l’un des facteurs déterminant de l’histoire car elle va faire basculer un destin dans l’horreur comme pour Françis Weyland Thurston, héros principal de « L’Appel du Cthulhu » et anthropologue, qui va reprendre l’enquête effectuée par son grand-oncle décédé, après avoir découvert un bas-relief représentant une créature hideuse accompagnée de hiéroglyphes inconnus.

    Lovecraft est célèbre pour avoir su créer un univers qui lui est propre : les créatures et les Dieux mentionnés plus haut sont les exemples les plus représentatifs. Mais citons également des lieux importants, comme la répugnante Innsmouth, une ville qui cache un terrible secret ou bien encore Arkham et son université la Miskatonic University. On retrouve également, et ce dans l’œuvre globale de l’auteur, un corpus de livres maudits. « Le Cultes des Goules », « Pnakotiques », « L’Unaussprechtlichen Kulten » ou le fameux « Necronomicon », des livres avec une histoire qui est propre à chacun d’entre eux, et parfois des détails fournis quant à leurs auteurs. Si bien que nombre de débats eurent lieu quant à l’existence de ces livres ! C’est notamment le cas pour le « Necronomicon », un livre emblématique de ce que certains nomment le « mythe de Cthulhu » et qui est très souvent mentionné dans les nouvelles de Lovecraft mais également au-delà (on le retrouve par exemple dans le film « Evil Dead »). Les nouvelles de Lovecraft obéissent donc à un schéma bien particulier qui demeure le plus souvent inchangé, le tout ancré dans un véritable paradigme qui plonge le lecteur dans cet univers qui a rendu son auteur célèbre. Le fond comme la forme sont indissociables et unis dans l’horreur grâce d’une part à l’univers développé ainsi qu’au cheminement de l’histoire, véritable descente en enfer qui se solde presque toujours par la folie ou la mort…

    Une humanité dépassée

    L’image de Lovecraft est en général celle d’un homme replié sur lui-même. Certes c’est un auteur tourmenté mais néanmoins, quand on s’y penche d’un peu plus près, on se rend compte que l’homme en question est bien plus ouvert au monde qu’il n’y paraît. On sait maintenant que Lovecraft était intéressé par les sciences et notamment l’astronomie. Cet aspect de sa personnalité est présent à travers toute son œuvre, cependant il est bien plus que ça. En effet, son œuvre reflète la réalité d’une époque, à savoir un dualisme d’une part entre la Science, qui monte en puissance grâce à de nombreuses avancées (découverte du quantum d’énergie par Max Planck en 1900, théorie de la relativité d’Albert Einstein en 1905, ou encore la découverte de galaxie en dehors de la nôtre par Edwin Hubble en 1924), et de l’autre un pôle conservateur à forte influence religieuse.

    Dans ses histoires, il n’est pas rare que les protagonistes adoptent une démarche scientifique pour élucider les mystères auxquels ils ont confrontés même si elle ne permet pas toujours de comprendre le pourquoi du comment (comme dans « Les couleurs tombées du ciel). Au-delà des considérations sociétales de ce dualisme, la Science a un autre impact dans l’œuvre de H.P Lovecraft, non pas en tant que sujet direct mais plutôt comme le point de départ d’une idée capitale dans l’esprit de l’auteur : l’Homme, au faîte des avancées techniques et scientifiques, notamment dans le domaine de l’astronomie et de l’univers, n’est rien. Ainsi H.P Lovecraft balaye d’un revers de main l’ethnocentrisme absolutiste hérité en grande partie de la philosophie des Lumières, non pas pour imposer un dieu connu des hommes (excepté quelques initiés) ou un dieu bienfaiteur, mais ce « panthéon occulte » qui paraît être une menace pour l’Humanité.

    Nous autres humains que sommes-nous face à des créatures, des dieux qui existent par-delà l’abîme du temps ? Malgré les progrès techniques et scientifiques il semblerait, à en croire Lovecraft, que la réponse est : « rien ». Ce pessimisme quant à notre avenir, l’auteur le doit peut-être à l’influence d’un des pontes de la Révolution Conservatrice Allemande, à savoir Oswald Spengler.

    Comme en témoigne une correspondance avec Clark Ashton Smith datant de 1927 : « C’est ma conviction et se l’était déjà bien avant que Spengler appose le sceau de la preuve académique sur ce point, que notre ère mécanique et industrielle est une ère tout à fait décadente ». La décadence selon Lovecraft s’applique également à l’individu via le prisme de la dégénérescence raciale et ethnique. L’auteur est en effet connu pour son racisme et son antisémitisme et il est indéniable que cet aspect suinte littéralement à travers son œuvre : « Tous les prisonniers avaient démontré leur appartenance à une espèce bâtarde, vile, et mentalement aberrante. Ils étaient pour la plupart marin, une aspersion de nègres et de mulâtres en provenance des Caraïbes ou du Cap-Vert qui offrait une teinte vaudou au culte. Cependant, avant que bien des questions ne soient posées, il devient apparent qu’il y avait quelque chose de plus profond et plus vieux que du fétichisme nègre. Aussi avilie et ignorantes qu’elles étaient, ces créatures s’accrochaient avec une ténacité surprenante à l’idée centrale de leur foi répugnante » (L’Appel de Cthulhu »). De nos jours, une telle description même dans un contexte purement fictif, vaudrait à l’auteur une visite à la 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris ! Ce dégoût du métissage va plus loin par moment en allant de pair avec un atavisme surnaturel et effrayant comme dans « Le cauchemar d’Innsmouth » ou « La peur qui rôde ».

    Enfin, l’un des aspects les plus intéressants de Lovecraft réside dans un affrontement global entre le monde civilisé moderne adepte des méthodes scientifiques et rationalistes, et un ennemi faussement archaïque. Point d’armes avancées tels des pistolets lasers pour annihiler l’espèce humaine (ce qui d’emblée ne caractérise pas l’œuvre de l’auteur dans le domaine de la science-fiction), l’existence même de ces créatures, le fait qu’elles n’ont rien de connu pour l’Homme ainsi que leur déconcertante puissance (magique ? scientifique ?) sont suffisantes pour avoir le dessus sur une humanité dépassée…

    L’horreur qui sommeille au-delà

    Au vu des diverses caractéristiques fondamentales de l’œuvre de Lovecraft, on peut se poser la question de savoir si ce dernier n’est, en fin de compte, qu’un réactionnaire typique de son temps. Le rejet des principes de la philosophie des Lumières, son aversion du métissage et sa position ambigüe envers la modernité laisseraient à penser que oui. Cependant, il faut prendre en compte le pessimisme, la misanthropie et la vie de l’auteur, déclassé social dans une Amérique en pleine mutation. Son rapport à la science reste l’une des clefs de compréhension de son œuvre, une véritable relation amour/haine, une tension capitale qui fait office de clef de voûte. Quel regard aurait-il au sein de l’Amérique d’aujourd’hui, QG de la finance hors sol et société fracturée entre le pire du libéral libertaire (cf. Miley Cyrus) et la bigoterie fanatique de certains ? Tout comme dieu fut tué par l’homme, selon le célèbre philosophe au marteau, H.P Lovecraft souhaiterait peut-être que l’horreur qui sommeille au-delà du temps au fin fond de R’lyeh l’engloutie, sorte de son état de dormition pour mettre un terme à cet âge de ténèbres bien trop humain…

    (Site de la revue Rébellion, 10 décembre 2021)

     

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  • L'expropriation de la santé...

    Les éditions Kontre Kulture viennent de rééditer un essai d'Ivan Illich intitulé Némésis médicale - L'expropriation de la santé. D'origine croate, Ivan Illich (1926-2002), après avoir été prêtre, s'est tourné vers la philosophie et a développé une critique radical du développement et de la société industrielle.

     

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    « Dans les pays développés, l’obsession de la santé parfaite est devenue un facteur pathogène prédominant. Le système médical, dans un monde imprégné de l’idéal instrumental de la science, crée sans cesse de nouveaux besoins de soins. Mais plus grande est l’offre de santé, plus les gens répondent qu’ils ont des problèmes, des besoins, des maladies. Chacun exige que le progrès mette fin aux souffrances du corps, maintienne le plus longtemps possible la fraîcheur de la jeunesse, et prolonge la vie à l’infini. Ni vieillesse, ni douleur, ni mort. Oubliant ainsi qu’un tel dégoût de l’art de souffrir est la négation même de la condition humaine. »

    Ainsi parlait Ivan Illich en évoquant son ouvrage. Penseur de l’écologie politique, Illich développe une critique radicale de la société industrielle et de la contre-productivité qu’elle engendre : l’école freine les apprentissages, les transports ralentissent les déplacements et l’hôpital rend malade. Il veut redonner à l’homme autonomie et capacité d’action, et dénonce, à travers ses différents textes, le « monopole radical » de certains outils comme moyens pour une fin définie par la société et enchaînant l’individu. Pour s’en libérer, il prône le retrait de l’école des mains de l’État et préconise l’instauration d’un enseignement mutuel à tout âge ; dans le domaine de la santé, une réappropriation de son corps par le patient. Car la médecine moderne, remplaçant l’écoute par l’auscultation, conduit, sur le plan technique à de nouvelles maladies, sur le plan social au déracinement par le diagnostic qui hante le malade et l’enferme dans une statistique, et sur le plan culturel au refus de l’homme comme être vivant.

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  • Vincenot, l’authentique affabulateur...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Marie Leroy, cueilli sur le site de la revue Rébellion et consacré à Henri Vincenot, l'auteur du Pape des escargots et de La Billebaude.

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    Vincenot, l’authentique affabulateur

    Né en 1912, bourguignon et fier de l’être, Henri Vincenot se fit connaitre sur le tard – en mars 1977 – par le biais de la célèbre émission télévisée Apostrophes, présentée par Bernard Pivot. Si elle fut hautement méritée, et comme le souligna sa fille Claudine Vincenot dans la biographie qu’elle lui consacra, cette mise en lumière l’enferma dans un rôle bien particulier : celui du vieux papi que l’on rêve tous d’avoir. Cependant, Vincenot fut tellement plus que ça… Au fil des lectures de ses romans et de ses autres écrits, se profilèrent une vision du monde et une façon de vivre à défendre ainsi qu’une critique particulièrement caustique des méfaits de la modernité.

    Les années de colère

    Vincenot commençât à écrire très tôt. Dès le collège, il amusa ses petits camarades en faisant circuler – dans le dos du maitre – des petits papiers racontant une histoire, inventée au fur et à mesure des journées. Les quelques privilégiés en redemandèrent ! Mais son talent de raconteur se coupla déjà à un vrai talent d’auteur. A tel point que l’une de ses dissertations racontant ses vacances scolaires – largement romancées – en Bretagne fut plébiscitée par le maitre et publiée dans le bulletin du collège.

    Vincenot développa d’autres talents et l’on peut désormais reconnaitre qu’il excella dans toutes les disciplines artistiques où il s’essaya. Contraste saisissant avec son incapacité réelle à « produire » de l’argent, à avancer dans sa « carrière » d’ingénieur au chemin de fer, le rêve de ses parents.

    En grandissant, confronté au monde moderne, Vincenot utilisa ses talents pour dénoncer ce qu’il perçut comme des injustices ou comme des absurdités. La trilogie publiée et connue sous le nom «  les années de colère », comprenant les yeux en face des trous, a rebrousse-poil et je fus un saint – dont la lecture est hautement recommandée – témoigne de cette partie de sa vie. Elle ne représente évidemment pas l’intégralité de son vécu, car avec l’âge, Henri Vincenot s’apaisât. Néanmoins, elle marque l’un des aspects primordiaux de sa vision du monde et de son œuvre.

    Vincenot ne fut ni technophobe ni réactionnaire. Comme son père et son grand-père, il fit sa carrière dans les chemins de fer et témoigna en bon enfant du rail d’une vraie passion pour les locomotives. Devenu journaliste pour le magazine la vie du rail, il s’impliqua assidûment dans la rédaction et la mise en page de ses articles. Il voyagea partout en France pour couvrir avancées et évènements qui animèrent la vie des cheminots. Cette expérience lui donna l’inspiration pour son futur personnage du Professeur Lorgnon et montra au final que sa critique de la modernité ne s’inscrivit jamais dans une nostalgie vaine mais bien plutôt au sein d’une analyse lucide du monde qui fût le sien.

    Pour s’être pris la réalité du monde du travail en pleine face, Vincenot se révéla défenseur acharné d’un travail « qui a du sens ». Peintre, sculpteur, auteur, journaliste, reporter, cheminot… Il eut dans le travail et dans l’effort plusieurs vies. Et lorsqu’il put enfin faire ce qu’il voulait vraiment, et ce notamment grâce au soutien indéfectible de sa femme et unique amour de sa vie, il se révéla très prolifique. Mais sa vision du travail s’ancra toujours dans la réalité, dans la vraie vie. Sans qu’il le dise, Vincenot se voulut défenseur des fameuses 3 x 8 : 8 heures de travail physique, 8 heures de travail intellectuel, 8 heures de repos. Cette vie simple, des honnêtes travailleurs, fut également celle des moines bénédictins lors de la période de la chute de l’empire romain, afin notamment de se préserver de la décadence ambiante…

    Un fier gaulois

    Une comparaison pas si farfelue pour ce celte patenté, très attaché à la fois aux racines chrétiennes et païennes de la France. Fier Gaulois, se voulant descendant de la tribu des éduens, et dont la filiation celte est indéniable, il se révéla dans ses œuvres défenseur de l’homme portant la soutane. Son rapport à l’Eglise en tant qu’entité et doctrine fut néanmoins ambigu. Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, Vincenot se posa comme un homme pétri de contradictions. En somme, il se voulut païen lorsque les grenouilles de bénitier –telles ses grands-mères durant sa jeunesse- le saoulèrent avec la doctrine religieuse et un puritanisme souvent mal placé et catholique quand ses congénères le bassinèrent avec la laïcité, le Progrès et la modernité. Et ce genre de paradoxe, c’est typiquement français !

    A contrario, Jésus fût son gars sûr, son modèle. Les valeurs prônées par Jésus Christ, son message et sa vie : l’amour, le pardon, le partage, une certaine forme d’ascétisme et enfin une quête de la perfection de soi : voilà bien des choses qui définirent la vie d’Henri Vincenot. En effet, il ne fonctionna ni à la recherche de l’argent, ni à celle de la notoriété ni même encore par ambition. Certes, sans jamais jouer les faux modestes, il se montra fier de lui et de ses livres. Mais ses aspirations révélèrent surtout une quête d’un idéal, une quête dont on revient progressivement avec la sagesse de l’âge et de l’expérience.

    Ainsi, un jour où son fils – adulte – lui raconta les misères que lui faisaient vivre ses supérieurs hiérarchiques, Vincenot lui expliqua en bon amoureux de la liberté que l’homme n’est au final qu’un salopard et que pour vivre heureux, il faut se débrouiller pour sortir de l’autorité des gens qui nous cherchent des poux… Ainsi, Vincenot se voulut plus anarchiste de droite que vieux grincheux régionaliste ! Amoureux de la liberté, il se révéla dans la vie méfiant à l’encontre de tout ce qui pouvait brider sa créativité et son bonheur.

    La quête de la Femme

    Sa Quête fut celle « de la solitude, de la pureté et de l’ascétisme » 1 . Enfin, sa Quête, ce fut enfin celle de la jeune Femme, jeune Femme que l’on doit mériter. Tel un preux chevalier des temps modernes, le jeune homme doit se montrer à la hauteur de la gente dame. L’œuvre de Vincenot étant beaucoup romancée, il importe de noter qu’a contrario, cet aspect de son travail est pour le coup totalement autobiographique. Souvent affabulateur, magnifiant les évènements de sa propre vie, Vincenot est dans son roman l’œuvre de chair totalement dans le vrai. Se déroulant en majeure partie dans la belle région de Bretagne, ce roman sonne si juste et si grand. En vérité, aucun livre n’a jamais aussi bien défendu et mis sur un piédestal la fidélité et la virginité que l’œuvre de chair.

    ll y a chez lui à la fois la défense d’une grande chasteté, un immense respect de l’œuvre de chair, de l’acte sexuel, et une profonde truculence de la vie. Dans sa vision des choses, il doit y avoir fidélité avant la rencontre. La jeune femme devient dans l’œuvre de chair une projection de son désir d’amour mêlé au récit d’une vieille conteuse bretonne, celui d’un chevalier qui est à la poursuite de la femme de ses rêves sans jamais réussir à la rattraper. Si son amour pour la Bretagne ne semble pas aussi profond que celui qu’il a pour sa chère Bourgogne, il apparait néanmoins comme authentique. C’est aussi le cas lorsque l’action prend place dans les plaines de l’Atlas.

    Un authentique identitaire

    Vincenot fut donc un authentique identitaire. Il se voulut ardent défenseur de la diversité culturelle, anti-impérialiste et critique de la colonisation, le tout non sans humour. Son amour pour sa Bourgogne natale ne se fit jamais contre les autres cultures. Il connut pendant sa jeunesse l’attrait pour la ville, en particulier pour Dijon. Et déchanta très vite. Plus tard, il dut partir vivre à Paris avec sa petite tribu, pour soigner l’un de ses fils, gravement malade. Le moins que l’on puisse dire est que ses années parisiennes ne firent que conforter ce qu’il ressentait pour la vie citadine et les méfaits qu’elle engendre. C’est ainsi que le véritable projet de sa vie ne fut finalement pas d’ordre artistique. Il s’agit de la construction de la peurrie (prononcé pourri), un petit hameau découvert par hasard pendant une battue au sanglier avec le grand-père… Cela lui prit des années, et engagea au final toute la famille, jusqu’aux arrières petits enfants, mais Vincenot réussit à se construire un véritable havre de paix au sein de sa Bourgogne natale. Il y est d’ailleurs enterré, sous une croix celtique, tout comme sa femme.

    Bourguignon enraciné, il verrait sûrement d’un œil avisé et curieux le phénomène actuel d’exode urbain. Qu’il soit volontaire ou non, ce retour à la terre que connaissent actuellement les jeunes générations est le bon chemin. En tout cas, si on en croit les écrits de Vincenot, et tant qu’il se fait sérieusement et en partenariat avec les locaux.

    Dans ses écrits, Vincenot montra à quel point la vie moderne créée plus de problèmes qu’elle n’en solutionne. Ainsi, la femme moderne prend cher avec lui. Mais loin d’être misogyne, il ne la blâme pas, mais la plaint. La Femme avec un grand F est a contrario encensée par Vincenot, tant qu’elle ne se corrompt pas, tant qu’elle ne nie pas sa féminité. Les rapports entre hommes et femmes ne sont pas hiérarchiques mais chacun est à sa place, pour le bonheur de tous et le règne de l’ordre. On retrouve cet anarchisme de droite qui lui colle décidément à la peau. Sa vision de la Femme agacera sûrement les féministes d’aujourd’hui, et il est certain qu’elle lui causerait aujourd’hui bien des soucis mais en vérité sa vision des choses semble plus saine et conforme à l’épanouissement de la Femme.

    Les chemins de la vie

    Défenseur de la Tradition, pourfendeur de la modernité, précurseur de l’écologie, anarchiste de droite… Voici quelques étiquettes que l’on pourrait coller à cet écrivain hors norme. Au final, ce qui marque le plus dans ses écrits lorsqu’on y cherche une vision politique, c’est la capacité dont fait preuve Vincenot à décrire l’absurdité de la modernité : l’aliénation de la Femme, l’école publique, les grands magasins, le malthusianisme, le tout-travail, le productivisme, l’exode rural, le marché de l’art, l’immigration de masse… Tout y est ! De surcroit, il le fait avec humour et sans jamais se révéler passéiste, technophobe ou aigri. C’est pourquoi un militant, en particulier un militant recherchant une critique globale des méfaits du monde moderne doit lire Henri Vincenot. Par ses personnages sympathiques et présentés comme hors du temps, tels que la Gazette ou Marc’harit, il nous montre qu’un autre monde est possible. Il remet au goût du jour l’importance de la lenteur dans la vie quotidienne, de billebauder (partir à l’aventure) et promeut de travailler sérieusement mais de vivre en dilettante : « Vivez en dilettante, faites les choses en aimant ce que vous faites ».

    Marie Leroy (Rébellion, 21 novembre 2019)

     

    Note :

    1 : Voir Henri Vincenot, La vie toute crue de Claudine Vincenot, éditions Anne Carrière, page 66

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