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  • Insécurité, délinquance, criminalité : 50 ans de pensée de gauche en action...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julius Muzart, cueilli sur Polémia et consacré à la responsabilité de la pensée de gauche sur la montée de l'insécurité. Julius Muzart, ancien haut-fonctionnaire enseigne le droit public.

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    Insécurité, délinquance, criminalité : 50 ans de pensée de gauche en action

    Les malheurs qui se sont accumulés sur notre pays, nos compatriotes les connaissent et les subissent. Nous citerons l’explosion de l’insécurité, l’écrasement des familles et des entreprises sous une pression fiscale et sociale démente, la paralysie et la chasse aux pauvres organisées par un « écologisme » délirant et uniquement punitif, une immigration hors de contrôle par des communautés qui se revendiquent réfractaires à notre culture, et aujourd’hui une crise du logement digne d’une après-guerre que les médias font semblant de découvrir. Nos compatriotes savent tout cela. Ce qu’ils savent moins, c’est que tous ces malheurs prennent leur source dans une origine commune : la « pensée de gauche ».
    Tout a été fait pour cacher ou diluer cette réalité. Pourtant, il ne s’agit ni d’un délire paranoïaque, ni d’une invective tenant lieu d’argument : c’est une réalité démontrable.

    C’est ce que nous nous proposons de faire dans ce texte. Après avoir évoqué la crise du logement, intéressons-nous à l’insécurité.

    L’impact de mai 68 sur la culture de l’excuse

    Les sympathisants de gauche n’aiment pas qu’on parle de 1968 : ils disent que la droite radote, qu’elle fait une fixation sur cet épisode. L’habitude de prendre les sophismes pour des démonstrations. Ce qui ne les a jamais empêchés de ramener Pétain à toute occasion.

    Personne ne songe à prétendre que c’est cette année-là exclusivement que ni la pensée ni la situation politiques ont basculé. Mais c’est par sa valeur de symbole et de synthèse que 68 s’est imposée comme date charnière.
    C’est aussi en 68 qu’on voit apparaître en gros titres les thèmes, les slogans, les mots, qui sont venus sur le devant de la scène et qui, bien que vides et usés, servent toujours de « ligne » aux néo-gauchistes d’aujourd’hui.

    C’est d’abord la haine de la police. En 68, la police devient « l’ennemi ». Ce n’est pas parce qu’elle lutte contre la délinquance : c’est parce qu’elle est chargée du maintien de l’ordre, que les agités qui se rêvent « révolutionnaires » appellent « la répression ». Déjà fanatiques du simplisme et de l’outrance, les manifestants professionnels apparus dans le paysage lancent le slogan : « CRS = SS ».
    L’opprobre est lancé. Il va s’incruster.

    Dans la même veine, les thèmes politiques qui sous-tendent le mouvement donnent de la voix : c’est la révolution post-marxiste : les pauvres contre les riches, les prolétaires contre les capitalistes.
    Personne ne semble s’étonner de ce que le statut social des meneurs les situe aux antipodes de ceux qu’ils prétendent représenter.

    Mais si ces fils et filles de bourgeois n’ont pas idée de ce qu’est le peuple, ils ont des idées pour lui. Ce sont eux, les intellectuels, qui détiennent le savoir et qui doivent guider « les masses ». Stratèges innés à 20 ans, ils sont forts d’une idée bien pratique : la défense et le statut de « prolétaire » justifient tout, dans tous les domaines.

    La délinquance, par exemple : c’est le produit de la révolte des pauvres, sa répression est donc forcément illégitime et injuste.
    C’est ainsi que se développe « la culture de l’excuse », qui continue à dominer la « pensée de gauche » aujourd’hui.
    C’est aussi dans cette veine que s’élabore la notion de « délinquance de besoin » (chez des gens qui n’ont pas idée de ce qu’est le besoin).

    Le problème, en 2025, c’est que les sophismes de l’époque ont eu la vie dure et n’ont changé que d’accoutrement : 40 ans plus tard, quand les « jeunes » des zones de non-droit cassent, pillent, incendient, blessent et même tuent, la presse de « bon esprit » vous explique qu’en réalité, ils sont des victimes et qu’ils se révoltent contre les discriminations.
    La pensée de gauche a même mis au point, il y a longtemps, la notion de « récupération individuelle ». C’est plus chic que de dire « le vol ».
    La pensée de gauche en faveur du laxisme

    Mais – c’est un peu moins connu – 1968, c’est aussi une année charnière sur le chemin du désarmement moral et judiciaire de la France.

    En 2025, la classe médiatique s’est enfin avisée que la France avait un sérieux problème avec une partie significative de sa magistrature : depuis quelques années déjà, il ne se passe guère de jour sans qu’on entende parler du « laxisme des tribunaux » comme d’un fléau social.

    Eh bien, c’est en 68 que se trouve l’acte fondateur du laxisme judiciaire : 1968, c’est la création, par un groupe de magistrats et de politiciens ancrés à l’extrême gauche, du Syndicat de la magistrature.
    L’objectif de ce « syndicat » n’était pas la défense de la profession : il s’agissait d’emblée d’un mouvement à objectif politique. Pour une justice politique « à gauche toute ».

    Cette caractéristique s’exprima officiellement sept ans plus tard, avec la publication d’un document qui s’imposa immédiatement comme « la charte » du syndicat, ou sa feuille de route.
    Elle est connue sous le titre « La harangue de Baudot », du nom du président du syndicat : Oswald Baudot.

    La lecture de ce document a de quoi faire frémir. En prendre connaissance est un devoir pour quiconque souhaite comprendre le désastre actuel de l’institution judiciaire en France.
    Nous avons bien noté que les magistrats marseillais avaient, tout récemment, pris conscience de ce que « la guerre contre le narcotrafic était déjà perdue ».

    On pourrait, une fois encore, leur citer Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».

    « Comment en est-on arrivé là ? », couinent les experts de plateaux télé.
    Un conseil, messieurs : lisez La harangue de Baudot : tout y est.

    Il faut lire l’intégralité, mais en voici déjà des extraits :

    Dans vos fonctions, ne faites pas un cas exagéré de la loi et méprisez généralement les coutumes, les circulaires, les décrets et la jurisprudence. Il vous appartient d’être plus sages que la Cour de cassation, si l’occasion s’en présente. La justice n’est pas une vérité arrêtée en 1810. C’est une création perpétuelle. Elle sera ce que vous la ferez. N’attendez pas le feu vert du ministre ou du législateur ou des réformes, toujours envisagées. Réformez vous-mêmes. Consultez le bon sens, l’équité, l’amour du prochain plutôt que l’autorité ou la tradition.

    La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides « attendus » du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi.

    Ne soyez pas de ceux qui augmentent la somme des souffrances. Soyez  partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté. C’est la tradition capétienne. Examinez toujours où sont le fort et le faible, qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurance de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice.

    Comment voudriez-vous, après cela, que la guerre contre le narcotrafic ne soit pas perdue quand on annonce d’entrée « nous nous rendons ! »

    La gauche et la drogue

    Il y a un instant, nous parlions des magistrats marseillais. Eh bien, la drogue, parlons-en aussi.

    Car, là aussi, « la pensée de gauche » a apporté une contribution décisive aux dégâts.
    Relisez les publications des tenants du « progressisme », comme ils disent, sur les quarante dernières années !
    En résumé : il faut distinguer entre drogue dure et « drogue douce ». « La drogue douce, c’est fun, il faut dépénaliser ». Et pour ce faire, militons.

    C’est ce que défendaient les auteurs de « l’appel du 18 joint », manifeste en faveur du cannabis : « Il faut rompre avec le “tout répressif” » (traduire : zéro répression).
    Tant et si bien qu’aujourd’hui, après avoir obstinément regardé à côté, l’appareil d’État proclame la répression « grande cause nationale ».

    Sauf que… « en même temps », deux députés déposent une proposition de loi (encore une) pour dépénaliser le cannabis. Des esprits malicieux – dont nous ne sommes pas – pourraient être tentés de se demander si c’est pour faciliter la vie de leurs collègues…

    Et à présent ? Eh bien, loin de tirer les leçons de l’expérience, les « nouveaux enragés », enkystés dans leurs certitudes, en rajoutent !

    Les législateurs de gauche créent des règlements pour rendre la procédure pénale impraticable et son aboutissement incertain (interdiction des caméras en garde à vue, présence de l’avocat obligatoire, obstacles multipliés à l’expulsion des délinquants, textes paralysants pour l’action de la police judiciaire, lois obsolètes et hors-sol sur la « justice des mineurs », réductions de peine automatiques…), tout un dispositif pensé pour faciliter l’activité criminelle et délictuelle à l’abri des sanctions.

    On rêverait qu’en France, on s’avise enfin de protéger les victimes aussi bien que les délinquants. Il est vrai que ces derniers ont, eux, les moyens de se payer d’excellents avocats. Ce qui fait qu’aujourd’hui, criminels et délinquants tiennent les « politiques » pour des clowns et s’en moquent ouvertement.
    Et parallèlement, chaque jour, les truands tuent sans limite et sans frein.
    Et tous les jours, si un policier, en état de « légitime défense de soi-même ou d’autrui », fait usage de son arme « de service », il se trouve facilement un juge pour le mettre en prison.

    Et ce n’est pas près de s’arranger : à l’Assemblée, la désignation des forces de l’ordre comme ennemi à abattre (au sens propre, hélas) se poursuit avec les imprécations et appels au meurtre des LFI.
    « La police tue », dit Mélenchon.

    Il est vrai qu’avec trois députés délinquants de droit commun, la dénonciation de la police a des allures de plaidoyer pro domo. Et ce n’est pas près de s’arranger !

    ***

    À la fin de son poème La Lorelei, Heinrich Heine écrit :
    Und das hat mit ihrem Singen die Lorelei getan.
    C’est-à-dire : « Et cela, c’est la Lorelei qui l’a fait avec ses chants. »

    On pourrait en dire autant du désastre sécuritaire en France :
    « Et cela, c’est la pensée de gauche qui l’a fait, avec ses chansons. »

    Julius Muzart (Polémia, 7 avril 2025)

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  • Décors de carton-pâte...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxime Tandonnet, cueilli sur son blog personnel et consacré à l'optimisme de commande répandu par le gouvernement pour masquer la gravité de la situation de notre pays.

    Ancien haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, et désormais enseignant, Maxime Tandonnet a été conseiller à l’Élysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il a donné un témoignage lucide et éclairant de cette expérience dans Au cœur du volcan (Flammarion, 2014).

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    Décors de carton-pâte

    Le sentez-vous aussi? l’optimisme est de retour dans l’air du temps. La France est supposée bénéficier d’une belle reprise économique. La crise sanitaire serait pour l’essentiel dernière nous.

    Le « bel hommage » à Belmondo expression d’une France en cours de rassemblement autour de son toujours jeune et brillant président. A quelque sept mois des présidentielles, l’espérance revient dans les éditoriaux et les commentaires.

    Foutaise: un nouvel écran d’illusion et de mensonge est en train de s’étaler sur la France.

    Le pays est plus malade qu’il n’a jamais été depuis au moins 60 ans. La violence et la délinquance se répandent et la quasi suppression du thermomètre statistique n’y change rien. Les flux migratoires atteignent des sommets. La dette publique gigantesque atteignant 120% du PIB écrase l’économie française. Le déficit commercial de 85 milliards € souligne le démantèlement en profondeur de l’industrie française.

    Le chômage et le désœuvrement rongent le pays dans ses profondeurs. Les statistiques de pôle emploi, au plus près de la réalité parlent de 3,5 à 6 millions de personnes en recherche d’un emploi. A cela s’ajoute plus d’un millions de personnes indemnisées au chômage partiel – de fait privées elles aussi de travail. Le pays compte aussi 2 millions de RSA et environ 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. La situation des « territoires perdus de la République » est effroyable et les médias se contorsionnent pour dédramatiser une réalité explosive et son déchaînement de violence.

    Dans la complaisance générale, l’épidémie de covid 19 s’est traduite par l’effondrement des principes de civilisation les plus élémentaires à l’image de cet abominable passe sanitaire dont nul n’a jamais démontré le moindre soupçon d’utilité et qui se traduit par le bannissement d’une partie de la population.

    Le grand sourire de l’optimisme s’étale de nouveau béatement sur les ruines d’un pays en perdition. Le naufrage de la politique dans le culte de la personnalité, de Macron à le Pen, et sa noyade dans la houle quotidienne des sondages et des scandales, paravents de cette débâcle, n’y changeront rien. Une grande vague d’illusions et de mensonges à commencé à déferler sur le pays dans la perspective d’avril/mai 2022, sur le terrain propice d’un abrutissement médiatique général et de la crétinisation due à l’effondrement du niveau scolaire et intellectuel.

    La solution ne tient pas pour l’essentiel aux gesticulations en cours autour du sacre élyséen. Elle passe par une prise de conscience à long terme du pays dans ses profondeurs et un travail de restauration de l’intelligence sur 2 ou 3 décennies, pas moins… Que faire? Au moins (au moins) ne pas être dupe, ne pas être idiot, avoir pleinement conscience de ce qui se passe: tout commence par là.

    Maxime Tandonnet (Blog de Maxime Tandonnet, 10 septembre 2021)

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  • Laurent Obertone chez Livre Noir...

    Le 18 juillet 2021 Livre Noir recevait Laurent Obertone pour évoquer avec lui notamment le passe sanitaire, l’État Big Brother, l'insécurité, l'immigration, la menace de la guerre civile ou la mort sociale des lanceurs d'alerte...

    Journaliste indépendant, Laurent Obertone est l'auteur de trois enquêtes essentielles, La France Orange mécanique (Ring, 2013), La France Big Brother (Ring, 2015) et La France interdite (Rig, 2018), qui ont contribué à ébranler l'édifice du politiquement correct, mais aussi du récit Utøya (Ring, 2013), des romans de politique-fiction Guérilla - Le jour où tout s'embrasa (Ring, 2016) et Guérilla - Le temps des barbares (Ring, 2019) et, dernièrement, de l'essai intitulé  Éloge de la force (Ring, 2020).

     

                                         

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  • Insécurité: les chiffres ne disent pas tout !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre-Marie Sève, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la question de l'insécurité. L'auteur est délégué général de l’Institut pour la Justice.

     

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    Insécurité: les chiffres ne disent pas tout

    Le 1er septembre dernier, au micro d’Europe 1, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a réfuté la notion «d’ensauvagement» en expliquant que celle-ci développait «le sentiment d’insécurité», qui est «pire que l’insécurité». «L’insécurité, il faut la combattre, le sentiment d’insécurité, c’est plus difficile car c’est de l’ordre du fantasme». Il a terminé en expliquant que ce «sentiment» était nourri par «les difficultés économiques», «certains médias» mais aussi «le discours populiste».

    Pour ne pas employer un terme polémique - l’ensauvagement - le garde des Sceaux a utilisé une expression tout aussi polémique - le sentiment d’insécurité - qui n’a d’ailleurs pas manqué de susciter des réactions passionnées.

    La passe d’armes autour de ces termes entre le ministre de l’Intérieur et celui de la Justice n’a rien d’anodine, et le choix des mots est devenu un marqueur politique.

    D’un côté, la notion de «sentiment d’insécurité» est utilisée pour minimiser, voire discréditer, les préoccupations du public au sujet de la montée de la délinquance. Les Français auraient le «sentiment» que leur sécurité se dégrade, mais ce «sentiment» ne serait pas corroboré par les statistiques de la délinquance, les sacro-saints chiffres! Ce sentiment serait donc de l’ordre du «fantasme», comme le dit Éric Dupond-Moretti, et le travail des pouvoirs publics serait alors d’expliquer aux Français en quoi cette peur est infondée.

    De l’autre côté, ceux qui pensent que l’insécurité augmente rejettent l’expression de «sentiment d’insécurité» et scrutent les statistiques, les contorsionnant parfois au passage, pour qu’ils confirment la réalité de l’ensauvagement.

    Dans les deux camps, tout le monde considère donc, implicitement ou explicitement, que les statistiques de la délinquance sont l’arbitre ultime en matière de sécurité. Or, et nous allons le démontrer, les chiffres ont des limites, qui, en matière d’insécurité peuvent réellement changer la donne. En effet, certains des aspects les plus importants du phénomène de l’insécurité ne se laissent pas appréhender par les chiffres.

    Nous ne devons ni négliger les statistiques ni nous arrêter à elles si nous voulons avoir une image fidèle de la réalité. Commençons donc par examiner très rapidement ce que nous disent les statistiques de la délinquance, avant d’expliquer en quoi elles sont insuffisantes.

    Il est incontestable que le nombre de crimes et délits, rapporté à la population, a très fortement augmenté entre la deuxième moitié des années 1960 et le milieu des années 1980. Entre 1964 et 1984, le taux de criminalité passe en effet de 13,54 pour mille à 67,14 pour mille. Depuis, ce taux fluctue tout en restant à un niveau très élevé, aux alentours de 60 à 70 pour mille. Si ces grands agrégats statistiques restent des ordres de grandeur, la hausse est néanmoins trop forte, trop longue et trop durable pour ne pas être considérée comme un changement majeur. Cette augmentation spectaculaire de la délinquance à partir des années 1960 a de plus été constatée dans un grand nombre de pays occidentaux, ce qui corrobore cette analyse.

    En constatant la stabilité relative des chiffres depuis 1980, on pourrait relativiser la notion d’ensauvagement récent. Mais le fait que le taux global de criminalité paraisse relativement stable depuis la fin des années 1980 signifie-t-il que la situation a cessé de se dégrader? Ce serait une grave erreur que de tirer une telle conclusion.

    Tout d’abord, il y a des évolutions structurelles de la délinquance. On constate notamment une diminution de la part des vols dans la criminalité globale, et une augmentation de la part des atteintes aux personnes, notamment chez les mineurs délinquants. Cette augmentation a été particulièrement marquée ces dernières années, tant en ce qui concerne les homicides et tentatives d’homicides que les coups et blessures volontaires. En considérant que l’ensauvagement concerne les actes les plus traumatisants, l’augmentation des violences par les mineurs y participerait certainement.

    D’autre part, il faut lire, dans la stagnation du nombre d’actes enregistrés, la baisse de la confiance de la population dans l’appareil judiciaire et ainsi subséquemment, les précautions prises par celle-ci dans sa vie quotidienne. Une hausse forte et durable de la délinquance, comme celle qui a eu lieu depuis les années 1960, a logiquement eu pour résultat une détérioration de cette confiance.

    Première conséquence: le taux de plainte a diminué, puisque de plus en plus de gens parviennent à la conclusion que «ça ne sert à rien». Les effectifs et les moyens de la police ne s’étant pas multipliés au même rythme que la délinquance (le ministère de l’Intérieur n’a pas multiplié par 5 la taille de ses bureaux en 20 ans), le nombre de plaintes pouvant être géré est resté lui aussi limité.

    Seconde conséquence: la population s’est adaptée à la nouvelle réalité. C’est cette conséquence qui explique que la culture ambiante des années 1960 voulait qu’on ne ferme pas sa voiture à clé, qu’on laisse les clés sur le contact en allant acheter du pain, que personne n’ait de système d’alarme chez soi, alors qu’aujourd’hui, les voitures sont des forteresses roulantes, chacun a intériorisé le fait de surveiller son sac à main, on se méfie des gens dans le métro qui ont les mains baladeuses, etc...

    Autrement dit, une hausse forte et durable de la délinquance est normalement suivie d’une phase en plateau, la cause de cette stabilité est l’adaptation de la population à une situation dégradée et non pas une stabilisation réelle.

    Enfin, Il faut admettre que le niveau absolu de la délinquance n’est pas le cœur du problème dans le débat sur l’insécurité. Le cœur du débat se situe sur le terrain moral.

    Plus précisément, la plainte au sujet de la montée de l’insécurité trouve sa source principale dans la perception que la délinquance est hors de contrôle ou est en train d’échapper à tout contrôle. Cette perception se fonde sur trois constats: la montée des incivilités, la croissance des «violences urbaines» et enfin, la justice, et plus largement les autorités publiques, ne traitent plus le crime comme elles le devraient.

    Chacun de ces points mériterait de longs développements. Penchons-nous simplement sur le dernier.

    En réalité, le grand public n’attend pas uniquement une réponse de diminution effective et réelle de la criminalité, mais également une réponse morale.

    Autrement dit, il attend que les autorités enlèvent les criminels des rues, mais aussi qu’elles donnent sa juste place au crime: au ban de la société. Qu’elles marquent nettement la différence qui existe entre le criminel et l’honnête homme, l’agresseur et la victime. Le crime doit valoir à son auteur un châtiment proportionné à sa gravité et le châtiment doit être prononcé et administré avec solennité. Le système doit également être prévisible: son fonctionnement doit être compréhensible par l’homme du commun, et ce que disent les autorités doit être fait.

    Or, le système pénal français ne répond plus à cette demande depuis des décennies. Aujourd’hui, dans la justice française, tout est fait pour envoyer les délinquants en prison le plus tard possible et le moins longtemps possible. Les peines exécutées n’ont plus qu’un lointain rapport avec les peines prononcées.

    Tous les Français constatent, année après année, que les magistrats font preuve de grande clémence à l’égard de délinquants endurcis. Ils constatent, année après année, qu’une partie des intellectuels, des universitaires, des hommes politiques tiennent un discours contestant la montée de la délinquance pourtant ressentie par tous, et discréditant même parfois ceux qui tentent de tirer la sonnette d’alarme - souvenons-nous du «mur des cons» sur lequel était notamment épinglé mon prédécesseur à l’IPJ, Xavier Bébin, aux côtés de parents de victimes ...

    Ils constatent que ceux qui ne manquent pas de verve pour critiquer les forces de l’ordre, la justice ou la prison, paraissent en revanche trouver beaucoup d’excuses aux délinquants forcément dominés, opprimés, victimes du racisme de l’État ou de la société française. Ils constatent, car il est impossible de ne pas le constater, que «la culture de l’excuse» est très présente non seulement dans les médias mais aussi au sein de l’État, parmi ceux dont la mission est de combattre le crime. Et inévitablement, ces constatations engendrent une inquiétude légitime.

    Éric Dupond-Moretti se trompe donc doublement: le sentiment d’insécurité n’est pas un fantasme, il est la conséquence d’une correcte perception de la réalité. Et ce qui alimente en priorité ce sentiment, ce n’est pas le «discours populiste» mais des déclarations comme les siennes.

    Pierre-Marie Sève (Figaro Vox, 15 septembre 2020)

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  • Vers l'autodéfense ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Eric Werner au syndicat étudiant La Cocarde étudiante à l'occasion de la publication récente de son essai Légitimité de l'autodéfense (Xénia, 2019). Philosophe politique suisse, adepte d'une pensée claire et rigoureuse, Eric Werner est l'auteur de plusieurs essais essentiels comme L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015) ou De l'extermination (Thaël, 1993 puis Xénia, 2013). Il vient de publier dernièrement Un air de guerre (Xénia, 2017). Contributeur régulier d'Antipresse, il publie également de courtes chroniques sur l'Avant-blog.

     

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    Vers l'autodéfense ?

    La Cocarde étudiante : Dans votre ouvrage, vous analysez l’effacement, dans nos sociétés occidentales, de la frontière entre la guerre et la paix, et le mélange des deux états. L’actualité française est marquée par une succession dramatique d’agressions et d’homicides ultra-violents, aux motifs dérisoires et dont les auteurs sont quasi-systématiquement étrangers, « migrants » ou d’origine étrangère. Le concept d’ « ensauvagement » vous semble-t-il opérant pour analyser et comprendre ce phénomène ?

    Eric Werner : Effectivement, la frontière entre la guerre et la paix tend à s’effacer, ce qui fait qu’on ne sait plus trop aujourd’hui par où elle passe. C’est très flou. Mais il faut aller plus loin encore. C’est la question même de savoir si l’on est en paix ou en guerre qui apparaît aujourd’hui dépassée. Elle l’est pour une raison simple, c’est que tout, aujourd’hui, est guerre. La guerre est devenue « hors limites » (pour reprendre le titre du livre de Qiao Liang et Wang Xiangsui). Il n’y a plus dès lors à se demander si l’on est en paix ou en guerre. Car a priori l’on est en guerre. C’est le cas en particulier au plan interne. Il y a différentes manières de qualifier l’état de choses actuel en France, mais on pourrait se demander si la référence à la paix civile est bien encore la plus appropriée.

    Entrons un peu maintenant dans les détails. Vous parlez d’ « agressions et d’homicides ultra-violents, aux motifs dérisoires ». Plus ils sont dérisoires, plus évidemment on est amené à se demander si la véritable motivation ne serait pas d’ordre politique. Sauf que cette motivation ne s’affiche pas toujours ouvertement. On peut en revanche se référer au contexte : djihad, indigénisme, surenchères post- ou décoloniales, iconoclasme, culture Woke, etc. Rappelons également la formule de Clausewitz : la guerre, poursuite de la politique par d’autres moyens. La criminalité en elle-même n’est pas la guerre. Elle ne le devient que lorsqu’elle devient un moyen de la politique. Mais alors, très clairement, le devient. On pourrait se demander si ce n’est pas aujourd’hui le cas.
    Autre point à considérer : on est en présence d’un phénomène évolutif. Pour l’instant encore, les agressions et les meurtres dont vous parlez (auxquels il faudrait ajouter les viols collectifs, les profanations d’églises et de cimetières, d’innombrables actes de vandalisme, probablement aussi un certain nombre d’incendies, etc.) relèvent de la micro-criminalité (ou encore d’une criminalité « moléculaire »). Autrement dit, ils restent dispersés dans le temps et dans l’espace, ne constituent donc pas encore un ensemble d’un seul tenant. Mais il est tout à fait concevable qu’ils le deviennent un jour, ne serait-ce qu’au travers de la contagion mimétique. Vous-même le relevez d’ailleurs, ils tendent aujourd’hui à se multiplier. C’est le cas en particulier dans les centre-villes, jusqu’ici relativement épargnés. Relevons au passage l’inexistence, ou quasi-inexistence, de la réponse policière, avec pour conséquence le développement d’un  sentiment d’impunité poussant les voyous et les criminels à se montrer toujours plus agressifs et entreprenants. Bref, on a de bonnes raisons de penser qu’à un moment donné, une « coagulation », se fera,  la micro-criminalité en question se transmuant alors en émeute (à l’échelle d’un quartier, d’abord, puis d’une ville). L’événement n’est pas complètement inédit. Rappelons pour mémoire les émeutes raciales de 2005 en région parisienne (avec des débordements jusqu’au cœur de la capitale). C’est une deuxième étape de l’évolution. Mais il peut y en avoir encore une troisième. Du niveau de l’émeute on peut ensuite passer à celui de l’insurrection. L’émeute s’étend dès lors à l’ensemble du territoire. C’est ce qui s’était passé, par exemple, en 1789. Rien ne dit que le processus actuel ira jusqu’à son terme, mais on ne saurait a priori en exclure la possibilité. Tout dépend de ce que décideront ou non de faire les victimes potentielles : se défendront-elles ou non ? En 1789, elles s’attendaient si peu à ce qui leur arriva qu’elles n’eurent pas le temps seulement de se poser la question. Et donc ne se défendirent pas. C’est bien montré par Taine dans Les Origines de la France contemporaine.

    Je réponds par là même à votre question sur l’ensauvagement. Cette terminologie est évidemment inadéquate. Les voyous et les criminels qui agressant aujourd’hui les personnes dans la rue et souvent les tuent, ne le font pas parce qu’ils seraient soi-disant retournés à l’état sauvage. Ils font la guerre, c’est tout. La guerre, que je sache, ne s’est jamais signalée par son caractère particulièrement humain ou civilisé.

    L’État ne semble pas prendre la mesure de la gravité de la situation, ne serait-ce que dans le choix des mots de ses responsables (« incivilités ») ou dans l’absence de traitement des causes profondes de cette ultraviolence et de l’insécurité permanente. Peut-on dire qu’en France, le pacte social entre l’Etat et ses citoyens est rompu ? 

    L’Etat ne semble pas prendre la mesure de la gravité de la situation, dites-vous. Il en a au contraire tout a fait pris la mesure, puisqu’il est lui-même à l’origine de cet état de choses, ne serait-ce qu’en l’ayant laissé se développer comme il l’a fait. Mais on pourrait aussi le soupçonner de l’avoir lui-même mis en place. En tout cas, il n’a rien fait pour en empêcher ou seulement même freiner la mise en place (par un meilleur contrôle des frontières, par exemple, ou encore en veillant à ce que les voyous et les criminels se voient appliquer les peines prévues par la loi : ce qui, on le sait, n’est jamais le cas). Sauf qu’il ne le qualifierait pas, quant à lui, de « grave ». Comme il lui est à tous égards hautement profitable, au moins le pense-t-il (c’est pour cette raison même qu’il l’a laissée se mettre en place), il le qualifierait plutôt de réjouissant.

    En revanche une question se pose : dans quelle mesure entend-t-il aller plus loin encore dans cette direction ? Dans mon Avant-guerre civile, je défendais l’idée suivant laquelle les dirigeants étaient prêts à aller jusqu’à l’extrême limite séparant l’avant-guerre civile de la guerre civile, mais pas au-delà. Ils ne voulaient pas basculer dans la guerre civile. C’est une thèse qu’on pouvait encore défendre en 1999 (date de la publication de la première édition de l’ouvrage), peut-être encore en 2015 (date de la deuxième édition). J’hésiterais peut-être à le faire en 2020. On a parfois le sentiment que les dirigeants actuels seraient désormais prêts à franchir la ligne de démarcation. Ce thème est développé avec brio par Laurent Obertone dans son roman d’anticipation, Guérilla. Obertone décrit une guerre civile hypothétique, avec en arrière-plan l’Etat qui tire les ficelles, et en fin de compte empoche la mise. Il s’agit là d’une œuvre de fiction, mais le décryptage qu’elle suggère de la stratégie actuelle de l’Etat, plus exactement encore des personnels qui, tout au sommet de l’Etat (ou dans ses profondeurs, comme on voudra), prennent les décisions dans un certain nombre de domaines retient l’attention. – Quant au pacte social entre l’Etat et ses citoyens, il n’y a, bien entendu, plus de pacte depuis longtemps, puisque depuis longtemps également l’Etat ne protège plus ses citoyens. Mais ce n’est pas seulement le cas en France : c’est le cas également  en nombre d’autres pays européens.

    Avec la vague d’attaques djihadistes que la France a subie depuis 2015, souvent conduites de manière tout à fait « artisanale » (attaques au couteau), l’idée d’une reprise en main de sa défense par le citoyen lui-même a gagné du terrain dans les esprits. Le citoyen, ou un regroupement de citoyens, est-il l’échelon le plus efficace aujourd’hui pour assurer la protection du peuple français ?

    Le plus efficace, je ne sais pas. De toutes les manières, il n’y en a pas d’autre. A partir du moment où l’Etat n’assure plus la protection du citoyen, ce dernier récupère ipso facto son droit naturel à l’autodéfense. Il n’y a pas de décision particulière à prendre à ce sujet, cela se fait automatiquement. Soit l’Etat fait ce qu’il lui revient de faire (c’est le pacte social qui le lui impose), et donc protège le citoyen, soit il ne le fait pas, en quel cas le citoyen récupère son droit à l’autodéfense. Maintenant, il peut aussi ne pas l’utiliser. Mais ce n’est pas parce qu’il ne l’utilise pas qu’il ne l’a pas récupéré. La question que vous posez doit donc être reformulée. On peut ne pas vouloir se défendre, c’est tout à fait possible. Mais qu’est-il préférable : se défendre ou ne pas se défendre ? Personnellement je réponds : se défendre, et cela pour au moins deux raisons : 1) L’agresseur préférerait le contraire, que je ne me défende pas. Je ferai donc ce qu’il n’a pas envie que je fasse : je me défendrai. 2) L’expérience historique montre qu’on a bien davantage de chances de rester entier et vivant en se défendant qu’en ne se défendant pas. On le voit en particulier durant les périodes de révolution et de guerre civile. Les gens qui ne se défendent pas sont à peu près sûrs de mourir. Ceux, en revanche, qui se défendent ont une petite chance au moins de s’en tirer.

    Après, il y a manière et manière de se défendre. On décide en fonction de chaque situation. Dans mon livre sur l’autodéfense, j’insiste en particulier sur le fait qu’en choisissant de se défendre plutôt que de ne pas le faire, on ne se confronte pas seulement à l’agresseur mais à l’Etat, qui directement ou non protège l’agresseur. Théoriquement l’Etat reconnaît le droit à la légitime défense, mais cette reconnaissance, justement, n’est que théorique : en fait, il ne le reconnaît pas. Il ne laisse même rien passer dans ce domaine. Il faut donc faire très attention à ce qu’on fait (et dit). Je n’affirme pas qu’il ne faut rien faire. Mais il faut être prudent, discret, plutôt en retrait (je pense en particulier ici à l’Internet). Le problème a souvent été abordé dans le cinéma américain. Je pense en particulier au film de Peter Hyams, La nuit des juges, sorti dans les années 80.  – Un mot enfin sur la « protection du peuple français ». Je crois que si vous réussissez à vous protéger vous-mêmes (vous-même en tant qu’individu, éventuellement groupe d’individus), c’est déjà beaucoup.

    La notion de citoyen-soldat, ou l’idée de confier à l’individu les moyens de sa défense, restent néanmoins particulièrement mal perçues en Europe, très vite associées à l’image de « milices » sans foi ni loi ou conduisant nécessairement à des « carnages » de tireurs fous à la sauce états-unienne. Comment expliquez-vous cette diabolisation de l’autodéfense et du port d’arme ?

    Qu’y a-t-il là de si surprenant ? Vous attendriez-vous peut-être à ce que l’Etat et les médias à sa solde les enjolivent ou en fassent l’apologie ? Si l’Etat leur était favorable, cela se saurait. Il leur est en réalité totalement hostile. C’est peut-être même la chose du monde à laquelle il est le plus hostile. Cela étant, puisque vous évoquez les Etats-Unis, il faut aussi rappeler que la situation en la matière est profondément différente des deux côtés de l’Atlantique. Aux Etats-Unis le droit de porter des armes est considéré comme un droit fondamental (2ème amendement de la constitution), en certains Etats, même, comme un devoir. Les citoyens ont le devoir d’être armés et de se défendre quand ils sont attaqués. C’est l’inverse exactement en Europe. On vous recommande avec la plus grande fermeté de ne pas vous défendre. C’est un très lourd handicap pour les Européens. Les Européens partent de beaucoup plus bas dans ce domaine que les Américains.

    Sous les effets conjugués de la mondialisation libérale, de la perte de souveraineté au bénéfice d’instances supranationales, et de l’immigration massive, la cité « France » est de plus en plus une chimère, et le beau mot de « citoyen » a été dépossédé de son sens. Vous expliquez dans votre essai que la sentence « je réplique donc je suis » peut redonner à la citoyenneté et à la loi (nomos) leurs lettres de noblesse, comment ?

    D’une manière générale, la guerre civile a pour effet de redistribuer les cartes, de remettre les compteurs à  zéro. Elle offre ainsi l’occasion d’une refondation. C’est ce qu’explique Giorgio Agamben dans son essai sur la stasis, autrement dit la guerre civile (La guerre civile : Pour une théorie politique de la stasis, Editions Points, 2015). La stasis, écrit-il, « est un paradigme politique coessentiel à la cité ». On est dans un cycle mort-résurrection. La cité meurt avec la stasis, mais la stasis est en même temps ce qui la fait renaître de ses cendres. Elle renaît évidemment autre. Ce n’est plus la même cité qu’auparavant. Mais renaît. Concrètement, on sort de l’état de nature pour en revenir à l’état civil. Un nouveau pacte social est conclu entre de nouveaux citoyens (en l’espèce, citoyens-soldats). On pourrait aussi se référer à Machiavel. Dans Un air de guerre (Xenia, 2016), j’explique que, pour Machiavel, c’est la guerre elle-même qui rend apte à la guerre. On n’a donc pas besoin d’être apte à la guerre pour la faire. La guerre elle-même nous y éduque. Or l’aptitude à la guerre n’est pas sans lien avec un certain nombre de vertus proprement civiques: courage, empathie, dévouement au bien commun, etc. Il est vrai qu’au point de départ, il y a une décision personnelle : se défendre et donc répliquer, plutôt que rester passif et ne pas répliquer. Le choix de se défendre précède la guerre qui rend apte à la guerre.

    Diriez-vous qu’aujourd’hui l’Etat, tel qu’il est et agit, représente le principal obstacle à la bonne vie et la protection du citoyen ?

    On peut le dire comme ça. On pourrait aussi dire que l’Etat est aujourd’hui l’ennemi prioritaire. Ce n’est bien entendu pas le seul ennemi : il y en quantité d’autres. Mais c’est l’ennemi prioritaire. Si on ne l’écarte pas en priorité, on n’écartera pas non plus les autres, ne serait-ce que parce qu’il est leur allié et les protège. Ce n’est pas être anarchiste que de le dire. Personnellement je ne suis pas anarchiste. Je reconnais tout à fait l’utilité de l’Etat, et à certains égards, même, sa nécessité. On a tout à fait besoin de lui, par exemple, pour résister à une invasion étrangère. Mais je ne suis pas non plus un inconditionnel de l’Etat. L’Etat n’est pas a priori mon ami. Il ne l’est que s’il se conduit en conformité avec le pacte social, qui lui fait obligation de protéger le citoyen. Autrement non, il ne l’est pas. Il l’est encore moins quand il m’agresse, comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui. Il est alors mon ennemi, et que cela lui plaise ou non je prends toutes les mesures que j’estime utiles et nécessaires pour me protéger contre lui.

    Eric Werner (La Cocarde étudiante, septembre 2020)

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  • Confinez-vous avec : ... Le Bouclage, de Vladimir Volkoff !

    Avec la crise du coronavirus, les maisons d'édition reportent la publication de leurs nouveautés à des jours meilleurs. Cette période sera donc l'occasion de vous signaler, au gré de l'inspiration du moment, des ouvrages, disponibles sur les sites de librairie en ligne (ceux dont l'activité se poursuit...), qui méritent d'être découverts ou "redécouverts".

    On peut trouver aux éditions Le Livre de Poche, un roman de Vladimir Volkoff intitulé Le Bouclage. Écrivain et traducteur, spécialiste des questions de désinformation, Vladimir Volkoff (1932-2005) est l'auteur d'une œuvre marquante aussi bien dans le domaine de la littérature générale, avec sa tétralogie intitulée Les Humeurs de la mer (1980), que dans celui de la littérature d'espionnage, avec Le Retournement (1979) ou Le Montage (1982), ou dans celui du roman historique, avec sa trilogie du Temps des troubles (1989-1995).

     

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    " Au coeur d'une cité méditerranéenne - dans un pays qui n'est pas nommé, mais qui pourrait être l'Espagne - un de ces quartiers qu'on appelait jadis un « quartier chaud ». En quelques années, le quartier chaud s'est transformé en une véritable cour des miracles. La délinquance est ici chez elle. La drogue se vend au grand jour. Le terrorisme international y trouve refuge. Les voleurs volent, les détrousseurs détroussent, les racketteurs rackettent. La police est impuissante à protéger les habitants, et ceux-ci, apeurés et résignés, ne songent plus à réagir. Une image en somme, à peine grossie, de l'insécurité ordinaire dans nos grandes villes modernes.

    Tout cela n'inquiète guère Julian Dandolo, le jeune et séduisant Administrateur qui vient de prendre ses fonctions. Jusqu'au jour où il est amené; à ses dépens, à apprendre que « le Mal est contagieux ». Il découvre alors ses responsabilités à l'égard de la paix civile.

    Acceptant les conséquences possibles de l'initiative qu'il va prendre, il décide de boucler le centre ville et de passer le quartier au peigne fin.

    Mais il arrive souvent malheur à ceux qui veulent sortir des sentiers battus: L'opinion publique, la presse; le gouvernement seront-ils après coup favorables à des mesures d'exception qu'on leur a soigneusement cachées ? Le succès de l'opération menée par Julian sera-t.-il une victoire à la Pyrrhus ?

    Vladimir Volkoff est un romancier très singulier qui ose parler de ce dont on ne parle pas. Le Bouclage grouillant de personnages aux personnalités fortes, fertile en péripéties; en « montages » et en retournements », est un roman d'aventure et d'action, au rythme dur, tendu, brutal même, qui a la puissance des grands films américains. Mais on peut y trouver aussi une réflexion sur les problèmes de la violence quotidienne. Et plus profondément, une méditation sur la Justice et le jugement Dernier. "

     

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