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extrême-droite

  • Connaissez-vous vraiment l’"extrême-droite" ?...

    Sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, Corentin Perrigny et François Bousquet s’entretiennent avec le politologue Frédéric Saint Clair, qui vient de publier L’extrême-droite expliquée à Marie-Chantal (Nouvelle Librairie, 2024), pour analyser l’aveuglement satisfait de la bourgeoisie macroniste, « successful » et cosmopolite, au travers d’un dialogue évoquant les grands thèmes habituellement rattachés à cette terrifique « extrême-droite », du coup d’état à la remigration en passant par la discrimination.

     

                                           

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  • Le Totalitarisme sans le goulag...

    Les éditions des Presses de la Cité viennent de publier le nouvel essai de Mathieu Bock-Côté intitulé Le Totalitarisme sans le goulag. Québécois, Mathieu Bock-Côté est sociologue et chroniqueur et est déjà l'auteur de plusieurs essais comme Le multiculturalisme comme religion politique (Cerf, 2016), Le nouveau régime (Boréal, 2017) ou L'empire du politiquement correct (Cerf, 2019).

     

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    « Les Occidentaux ont voulu se faire croire après la chute du communisme que l'histoire du totalitarisme était derrière eux, qu'elle ne les concernait plus. Au pire redoutaient-ils l'apparition d'un totalitarisme doux, à visage humain, mais ils ne le croyaient pas vraiment, ne le prenaient pas au sérieux. Et pourtant, le totalitarisme revient. Dans l'incrédulité générale, puisqu'il revient sans goulag, car il n'en a plus besoin. Et il revient sous une forme paradoxale.
    Nos sociétés veulent croire que ce qu'elles appellent "l'extrême-droite" les menace existentiellement, comme si elle sortait des enfers pour les y ramener avec elle.
    Cette catégorie politique fantomatique, in définissable, manipulée et instrumentalisée, sert essentiellement à étiqueter tous ceux qui s'opposent au régime diversitaire. Mais pas seulement : toute personnalité de gauche n'adhérant pas à la doxa ambiante est désormais frappée de cette marque de l'infamie.
    La lutte contre la prétendue "extrême-droite" justifie aujourd'hui une suspension progressive des libertés, le retour de mécanismes d'ostracisme et un contrôle social croissant, prétendant éradiquer le mal du cœur de l'homme. En d'autres mots, ce n'est pas "l'extrême-droite" qui nous menace, mais la lutte contre "l'extrême-droite" qui nous conduit au totalitarisme. Je sais cette thèse contre-intuitive. Je me donne la mission ici de la démontrer. »
    Mathieu Bock-Côté

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  • Le guide sulfureux du Paris "réac et facho"...

    Les éditions de Synthèse nationale viennent de publier sous la signature de Patrick Parment un Guide sulfureux du Paris"réac et facho". Tout un programme ! D'autant que depuis l'amusant Paris by right - Guide de l'Homme de Droite à Paris (Trident, 1991), de Francis Bergeron et Philippe Vilgier, le sujet n'avait pas été, à notre connaissance, ré-abordé. Journaliste, Patrick Parment a débuté sa carrière au Figaro Magazine.

     

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    " Voici une histoire des rues de Paris qu’une France en proie aux Droits de l’homme aimerait en grande partie effacer. On est d’abord partie à la recherche des lieux de résidence des écrivains, pas tous forcément "de droite"  que nous aimons et dont certains, pas les moins talentueux d’ailleurs, furent ce que l’on appelle des « collabos » alors qu’ils cherchaient une issue à une France démocratique qui s’enfonçait – et s’enfonce toujours -, dans la décadence. Dans un deuxième temps, on s’est penché sur ces lieux emblématiques occupés par les Allemands durant l’Occupation – et ils ont eu la main lourde -, dont beaucoup sont toujours le témoignage d’une grandeur passée.

     On ne pouvait pas non plus passer à côté des hauts lieux de cette Révolution dont se gargarisent nos intellos de gauche dont une guillotine aveugle est venue alimenter de trop nombreux charniers, transformés dans le meilleur des cas en cimetières. Leur France des Lumières sent passablement le roussi. 

    Enfin Paris est un livre d’architecture passionnant. On a noté quelques ouvrages remarquables. Car il n’est pas sûr que les chapitres d’aujourd’hui et à venir témoignent de la même grandeur que ceux d’hier. 

    On n’a pas oublié les hauts lieux – mais c’est loin d’être exhaustif -  de tous ces militants dits d’extrême-droite qui s’obstinent à transmettre le flambeau, de génération en génération, d’une France patriote qui plante ses racines en Grèce dans le doux murmure de l’Iliade et l’Odyssée.  "

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  • Enquête sur le populisme européen...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens cueilli sur Eurolibertés et consacré à la question du populisme. Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010).

     

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    Enquête sur le populisme européen

    Dans l’acception imposée par ses adversaires, le populisme est une injure qui a succédé avantageusement à leurs yeux aux épithètes « nazi » ou « fascisme », un peu éculées. Ses ennemis ont tout de même conservé l’adjonction « extrême-droite » toujours vendeuse, à « populisme ».

    « Populisme » est plus moderne, le terme apparaît plus neuf, tout en étant chargé, en arrière-plan, de relents que l’on veut suggérer nauséabonds de manière subliminale. Tout est dans la finesse… Une finesse toutefois hasardeuse.

    Vouloir donner au populisme la version méprisante du mot « peuple » dont il est issu est déjà une première approche de l’esprit de ceux qui l’utilisent ainsi. On y instille le vieux « populo », ou la « populace », écervelée, en proie à ses pulsions primaires, tellement loin de la hauteur intellectuelle de l’élite – démocratique sans conteste – qui gouverne une grande partie de l’Europe.

    Le peuple, quelle horreur ! s’il n’est pas correctement éduqué par ceux qui savent où est son bonheur. De gré ou de force. À l’image du christianisme, qui au nom de la célèbre parole œcuméniste « allez enseigner toutes les nations », alla en effet « convertir » de gré, mais surtout de force, au prix de millions de morts bêtement attachés à leur religion naturelle, les survivants de ses prêches impératifs.

    L’élite démocratique, ou prétendue telle, ne tue plus pour convaincre. Elle assassine seulement socialement. La modernité a de ces nuances subtiles et civilisées…

    Les élites ont bien pris garde de ne pas évoquer le terme « démagogues » ou « démagogie », aux connotations de l’Antiquité grecque, et dont la réception dans l’opinion aurait pu être ambiguë. Ces élites ont bien raison car démagogie n’a rien à voir avec populisme d’une part, et, d’autre part, l’accusation de démagogie est déjà très répandue dans l’opinion à l’endroit des hommes politiques en place ! Le terme aurait prêté à confusion ! En outre, si le démagogue prend des décisions qui flattent le peuple, le populiste, lui, fait sienne, la volonté populaire. Ce n’est pas du tout la même chose. Et c’est bien cela qui exaspère les élites européennes.

    En effet, faire sienne la volonté populaire est normalement le but et la finalité même de la… démocratie. Cette démocratie dont les dirigeants et intellectuels sont censés être les champions à l’exclusion de tout autre. Mettre en avant que nos démocraties postmodernes ne sont pas, ou plus, l’expression de la volonté populaire, est impardonnable et inexpiable. Cela déclenche une avalanche de haine et de mépris contre ce « populisme » qui prétend être la vraie démocratie, contre celle, travestie, d’élites dictatoriales, qui veulent le faire taire à tout prix.

    Système électoral, matraquage médiatique univoque, complaisant et complice, mise au ban de la société des « déviants » écartés de toute fonction sociale, associative, culturelle d’importance reconnue : tout cela concourt à ostraciser le populisme et ceux qu’on lui identifie. Car les « populistes » refusent eux-mêmes ce terme, sauf Andrzej Duda en Pologne. Ce sont des démocrates qui sont en communauté d’idées avec la volonté populaire qui ne peut pas s’exprimer correctement dans des élections et à travers un climat qui en faussent la réalité.

    Qu’y a-t-il « d’extrême-droite » dans le fait de s’accorder avec la volonté populaire ? En Pologne, Hongrie, Slovaquie, Tchéquie, des « populistes » ont accédé au Pouvoir. Ailleurs, où les « démocraties » postmodernes sont plus sophistiquées et beaucoup mieux armées pour faire taire leurs opposants, il faudra plus de temps…

    En réalité, ce qui est insupportable c’est que le populisme marche sur les plates-bandes d’une démocratie devenue virtuelle et accaparée par un petit nombre, financiers, médias, intellectuels, arrivistes et opportunistes de tout poil.

    Démocratie rationnelle-légale telle que Max Weber la dépeignait, faite de la traduction de la raison (comprendre l’intelligence supérieure des élites) par la loi, et réservant la violence « légitime » à un tel État, c‘est-à-dire à ses dirigeants et inspirateurs. Remettre en cause ce schéma, le remplacer par un pays légal représentant un pays réel, c’est là le vrai, et nouveau, danger qui inquiète les dirigeants européens. La peur d’être débordés par… la démocratie elle-même, dont le populisme est le fruit, là où ses adversaires atterrés veulent faire croire qu’il est celui de la « dictature ».

    N’est-ce pas la démocratie postmoderne qui est devenue une dictature latente et insidieuse qui a fini par anesthésier ses citoyens-consommateurs ?

    Richard Dessens (Eurolibertés, 26 septembre 2017)

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  • Tour d'horizon... (121)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur The Conversation, un regard de l'historien Christian-Georges Schwentzel sur le césarisme du XXIe siècle...

    Trump, Poutine, Erdogan : comment expliquer le succès des Césars du XXIᵉ siècle ?

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    - rions un peu avec Libération, qui avec Guillaume Gendron nous ressert pour la nième fois un article sur la renaissance de l'hydre du fascisme international...

    La culture Alt-Right : de l’extrême droite française à «Fight Club»

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  • Les limites de l'antifascisme carnavalesque...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Mathieu Bock-Côté cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'incapacité dans laquelle se trouvent les représentants du système de comprendre la montée en puissance du FN...

    Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et a déjà publié plusieurs essais.

     

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    Les limites de l'antifascisme carnavalesque

    Les formules sont convenues et un peu creuses, mais elles sont encore utilisées, comme si elles étaient rassurantes, et même réconfortantes: la poussée du Front national aux élections régionales est accueillie par des cris indignés qu'on veut aussi douloureux. Pour les uns, l'intolérance progresse et la percée du FN confirmerait en fait l'avilissement moral des Français. Pour les autres, les années 1930 pointent leur museau. Dans tous les cas, la démocratie serait en danger contre lequel il faudrait se mobiliser. Les éditorialistes, pour l'essentiel, partagent cette grille d'analyse, qui reconduit, pour l'essentiel, les catégories de l'antifascisme des dernières décennies. Et un peu partout, la presse étrangère, avec quelques nuances, reprend ces catégories et annonce une poussée historique de l'extrême-droite en France.

    Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce cri de scandale ne nous aide pas vraiment à comprendre sa progression. Il confirme la vétusté de l'appareil conceptuel utilisé pour penser le populisme européen. Mais quoi qu'on en pense, on ne pourra pas toujours rabattre la vie politique contemporaine sur la Deuxième guerre mondiale. On cherche souvent, pour confirmer la disgrâce démocratique du Front national, à l'associer à différentes figures de la droite antiparlementaire de la première moitié du vingtième siècle. Mais l'opération est moins scientifique que rhétorique: elle vise à confirmer la culpabilité originelle d'un mouvement politique condamné à représenter l'ennemi de la République, même quand il prétend s'y rallier et cherche à y donner des gages.

    Mais dans les faits, la référence à l'extrême-droite est de moins en moins opérante: il faut sans cesse redéfinir cette notion pour y faire entrer ceux qu'on veut y associer à tout prix. Politologues et sociologues en élargissent sans cesse la définition. Mais aujourd'hui, elle sert moins à décrire qu'à décrier. Elle a surtout pour fonction d'assurer l'exclusion politique de ceux à qui on l'accole, à tort ou à raison et en vient presque à relever de la démonologie. De ceux à qui on accolera l'étiquette, on dira qu'ils sentent le soufre, ou encore, qu'ils ont des idées nauséabondes. C'est l'argument olfactif. On renifle l'adversaire, on l'accuse de puer, on le transforme en ennemi, et on le chasse du domaine public. On conviendra qu'il ne suffit plus à détourner massivement les Français du FN. On atteint probablement aujourd'hui les limites d'un antifascisme anachronique.

    On aura aussi cherché, depuis quelques années, à l'étendre à tous ceux qui contestaient d'une manière ou d'une autre l'idéologie multiculturaliste et les vertus du sans-frontiérisme. On a voulu extrême-droitiser la droite lorsqu'elle ne cherchait plus à respecter les critères de respectabilité édictés par la gauche. On a réservé le même sort aux intellectuels qui s'inquiétaient de la dénationalisation de la société française et qui ne célébraient pas systématiquement la diversité à la manière d'une richesse. On les accusera de «faire le jeu du Front national». Il fallait les censurer et maintenir en vie le fantasme médiatique d'une France à la diversité heureuse. Notre époque serait merveilleuse: qui en doutera sera accusé de complaisance réactionnaire.

    Il ne fallait donc pas prendre au sérieux les raisons profondes qui poussaient un nombre croissant d'électeurs vers ce parti. On connaît la formule longtemps ânonnée: par exemple, il n'y aurait pas vraiment d'insécurité en France, mais un sentiment d'insécurité. Il fallait conséquemment dénoncer ceux qui l'entretenaient. De la même manière, on fustigera ceux pour qui la crise de l'école n'était pas simplement le fruit d'une nostalgie réactionnaire, mais une réalité de mille manières documentée. La simple référence à l'identité nationale, d'ailleurs, sera progressivement disqualifiée: on n'y verra qu'une crispation identitaire symptomatique d'une fragilité psychologique malheureuse. Il n'y aurait pas de déclin français, seulement un déclinisme délirant alimenté par des idéologues qu'on désignera à la vindicte publique.

    Depuis une quinzaine d'années, on le sait, on a assisté à la multiplication des phobies. Elles contribuent à la psychiatrisation de la vie politique. La dissidence est associée à une forme de dérèglement psychique, et on assistera à la multiplication des interdits moraux et idéologiques. L'inquiétude devant l'immigration massive ou le multiculturalisme sera assimilée à la xénophobie. Celle par rapport à la difficile intégration de grandes populations musulmanes en France sera quant à elle assimilée à l'islamophobie. La critique de l'intégration européenne relèvera de l'europhobie. À ce catalogue des phobies, il faudrait aussi ajouter l'homophobie et la transphobie, dont on a beaucoup parlé ces dernières années. Le nouveau régime issu de mai 68 exige qu'on s'enthousiasme devant sa promesse d'un avenir diversitaire radieux ou qu'on passe pour fou. Devant le déni de réel des élites médiatiques, certains cherchent la protestation la plus vigoureuse, même si elle est excessive.

    L'idéologie soixante-huitarde, qui prend forme aujourd'hui à travers la sacralisation de la diversité, a besoin du mythe du fascisme pour poursuivre son implantation. Il lui permet d'associer ainsi aux pires horreurs du vingtième siècle la simple défense des valeurs traditionnelles et des institutions qui les pérennisaient. Dès lors, le progressisme dominant propose son alternative funeste: multiculturalisme ou barbarie. Le désaccord populaire est toujours rabattu sur le fascisme, comme s'il représentait la dernière étape avant la conversion décomplexée à l'extrême-droite. En fait, il s'agit de désarmer mentalement le commun des mortels devant ce qui est quand même une entreprise sans précédent d'ingénierie sociale et identitaire visant à modifier en profondeur l'identité du peuple français et de la civilisation européenne.

    Encore aujourd'hui, on peine à traduire politiquement les clivages nés dans la dynamique des radical sixties. Qu'on le veuille ou non, la distinction entre la gauche et la droite structure encore la vie politique, surtout en France qui, à sa manière l'a inventé. Elle n'est pas sans profondeur anthropologique non plus: la gauche et la droite ne sont pas des notions complètement insensées. Mais il faut bien convenir que ce clivage n'est pas parvenu à donner une véritable forme politique aux enjeux qui touchent à la nature même de la communauté politique. Ils ne s'expriment vraiment clairement qu'avec les référendums européens, pour ensuite se dissiper une fois que le système partisan reprend ses droits. Une frange importante du peuple, dans les circonstances, semble privilégier une politique tribunicienne pour se faire entendre, même si, paradoxalement, elle l'isole politique dans les marges.

    On s'est demandé cet automne pourquoi les intellectuels avaient aujourd'hui plus d'influence que les politiques dans la vie publique. Naturellement, leur parole est plus libre. Ils ne sont pas en position de responsabilité. On les suspecte moins, conséquemment, de dissimuler une part de réalité et d'être lié par une attache partisane. Mais l'essentiel était ailleurs: ne cherchant pas à s'inscrire dans un clivage politique usé, ils parviennent plus aisément à réaliser les synthèses nécessaires et à formuler une vision de l'époque et de ses enjeux délivrée de l'écartèlement habituel et exagéré entre ce que la gauche et la droite de gouvernement croient devoir être. Plus souvent qu'autrement, ils expriment une forme de conservatisme qui est peut-être d'abord et avant tout un patriotisme de civilisation. Ce créneau est aujourd'hui idéologiquement majoritaire en France, même s'il demeure vitupéré médiatiquement.

    Si on laisse de côté le grand récit antifasciste maintenu artificiellement en vie par le système médiatique, on découvre une autre histoire de l'émergence du populisme européen. Sa vitalité politique repose sur un double abandon dont se sont rendus coupables les partis de gouvernement. La droite a sacrifié le patriotisme conservateur qui était la marque distinctive du RPR des bonnes années pour se convertir à un libéralisme moderniste qui n'a jamais suscité l'enthousiasme au-delà du cercle étroit des élus de la mondialisation heureuse. La gauche a renoncé à la défense du peuple pour se convertir à la cause de la diversité et à la sacralisation des minorités, en leur prêtant la vertu rédemptrice autrefois réservée au prolétariat. Le Front national a récupéré ces deux créneaux.

    En un mot, les élites françaises ont sacrifié la fonction protectrice du politique, ou sa part conservatrice, si on préfère. Elles ont ainsi renoncé à certaines aspirations fondamentales au cœur de la cité. Elles ont négligé le besoin d'enracinement au cœur de l'âme humaine. Les enjeux sociétaux ont émergé ces dernières années. Ils rappellent que la politique ne saurait être victime de réductionnisme économique sans s'appauvrir existentiellement. Les hommes, quoi qu'on en pense, ne se représentent pas la société comme une simple association contractuelle d'individus sans liens véritables entre eux. Ils veulent habiter un monde commun, noué dans l'histoire et la culture. Mais on a assisté, à bien des égards, à sa dissolution dans la seule logique des droits.

    Plus encore, les grandes réformes sociétales ont été présentées comme relevant de la fatalité historique. Ce sentiment d'impuissance entretenu par le mythe de la fatalité historique revalorise, par effet de contraste, ceux qui croient que la politique n'est pas sans lien et qui misent sur cette dernière pour infléchir autrement le cours de l'histoire, et reconstruire ce qui n'aurait pas dû être déconstruit. Les partis politiques qui prétendent, d'une manière ou d'une autre, sortir la politique de la seule logique de l'extension des droits et du traitement gestionnaire des problèmes sociaux risquent retrouvent aisément un écho populaire. Ils laissent croire, en quelque sorte, que l'homme a une maîtrise sur son destin, même s'ils font preuve souvent de démagogie en laissant croire que cette volonté est toute-puissante et peut s'affranchir des pesanteurs de l'époque.

    On s'est émerveillé, ces dernières semaines, de la réhabilitation de la Marseillaise et du Tricolore, suite aux carnages du 13 novembre. Personne ne s'en désolera, naturellement. Il y avait là une forme de sursaut patriotique absolument admirable, à mille lieux du réflexe pénitentiel dans lequel le système médiatique se complaît spontanément. Mais une certaine autocritique aurait été la bienvenue: pourquoi les élites, et les élites de gauche, en particulier, avaient-elles abandonné les symboles nationaux? Car le Front national avait moins confisqué la nation qu'on ne lui avait concédée. C'est moins sur son programme spécifique qu'il est parvenu à croître, au fil des ans - d'autant que ce programme est assez changeant et ne se caractérise pas exactement par un souci de rigueur - que sur un désir de nation auquel il était à peu près le seul à répondre explicitement, aussi déformée sa réponse soit-elle.

    Il faut voir plus large. C'est à une crise de légitimité qu'on assiste, en fait. Une crise de régime, si on veut, qui touche toutes les sociétés occidentales même si encore une fois, même si c'est en France qu'elle prend une portée civilisationnelle. La France devient le théâtre des grandes contradictions qui traversent le monde occidental. Le pouvoir semble impuissant à affronter une crise de civilisation à peu près sans précédent et se contente de disqualifier ceux qui le rappellent à ses devoirs et l'invitent à ne pas se contenter d'incantations humanitaires devant des problèmes comme la crise des migrants. Il se permet même de persécuter ceux qui dénoncent son impuissance. Ainsi, ils sont de plus en en plus nombreux à défiler régulièrement devant les tribunaux pour avoir nommé la part de réel qui heurte l'idéologie dominante. C'est, à certains égards, le seul ressort qui lui reste.

    Il y a certainement d'excellentes raisons de s'opposer au Front national, mais la réduction de sa progression à la renaissance d'une forme de fascisme intemporel, qui serait la tentation diabolique de la civilisation européenne, n'en est pas vraiment une. Elle rassure certainement une frange significative des élites politiques et intellectuelles, qui peuvent dès lors prendre la pose avantageuse de la résistance contre la bête immonde, mais elle rend à peu près incompréhensible et inintelligible le pourrissement de la situation qui a pourtant propulsé le Front national au rang de premier parti de France. Et pour tout dire, la meilleure manière de lui faire barrage ne consiste certainement pas à pousser encore plus loin la politique qui a contribué à sa croissance.

    Mathieu Bock-Côté (Figaro Vox, 8 décembre 2015)

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