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  • Les snipers de la semaine... (167)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur le site de Causeur, Régis de Castelnau allume Daniel Cohn-Bendit...

    Daniel Cohn-Bendit, 50 ans de tartuferie

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    - sur A moy que chault ! , Xavier Eman dézingue cet "esprit Canal" qui pollue tous les milieux...

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  • Mai 68, la grande désintégration...

    Nous  reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Zemmour cueilli dans le Figaro Vox et consacré à Mai 68 et à ses conséquences politico-sociétales...

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    Mai 68, la grande désintégration

    Maintenant on sait. On sait que Mai 68 n'était qu'une ruse de l'histoire. On sait que le marxisme emphatique des jeunes révolutionnaires n'était qu'une manière détournée de faire le jeu du marché. On a lu Régis Debray, dès 1978, et Luc Ferry, au milieu des années 1980. Avant eux, l'Américain Christopher Lasch, et tous les autres depuis. On sait que la «crise de civilisation» diagnostiquée alors par Georges Pompidou était surtout une mutation du capitalisme, qui passait d'un système fondé sur la production, l'industrie et l'épargne, à une économie basée sur la consommation, les services et la dette.

    On sait que même la «grève générale», rêve séculaire de tous les syndicalistes, a été noyée sous les augmentations de salaires - bientôt dévorées par la dévaluation du franc et l'inflation - et le retour de l'essence dans les stations-service pour les départs du week-end de la Pentecôte.

    On sait que le talent du slogan travaillé dans les ateliers de la Sorbonne s'est reconverti dans les agences de publicité. On sait que la libido des étudiants de Nanterre qui voulaient aller dans le dortoir des filles s'est transmuée en pulsion de consommation. On sait que leur universalisme utopique a fait le lit du marché mondial des capitaux et des marchandises.

    On sait que leur antiracisme généreux a forgé dans l'ouest de l'Europe des sociétés multiculturelles où chacun suit sa coutume, ses racines, sa loi religieuse. On sait que l'austérité virile des militants maoïstes a été subvertie et vaincue par le féminisme hédoniste du MLF et des mouvements «gays».

    On sait que Mai 68 a commencé avant mai 1968. A Vatican II, avec la chute de la pratique du catholicisme. Ou en cette même année 1965, avec la fin du baby-boom démographique. Ou en 1967, avec la légalisation de la pilule. Ou avec les émeutes raciales de Los Angeles ou les manifestations contre la guerre du Vietnam, ou l'émergence du «politically correct», la défense véhémente des minorités.

    On sait que Mai 68 n'a pas été seulement français, mais occidental (Italie, Allemagne, Etats-Unis), et même européen (Prague) et même mondial (Mexique). On sait que Mai 68 a été cependant la voie française pour fermer le ban de l'histoire révolutionnaire du pays en faisant une ultime révolution pour rire. Une dernière révolution mais sans mort ou presque. Une révolution faite au nom du peuple par les fils de la bourgeoisie. Comme 1789 et 1848. Et, comme d'habitude, disait déjà Marx à propos de 1848, l'histoire se répète, la première fois en tragédie, et la seconde en farce.

    Mai 68, ce fut farces et attrapes.

    Le général de Gaulle avait joué le rôle de Richelieu et celui de Louis XIV ; les rebelles de la Sorbonne jouèrent donc aux enragés de 1793. La cible était idéale. De Gaulle, c'était tout à la fois le dernier père avant les papas poussettes, le dernier chef avant les managers, la dernière incarnation de la nation avant la dissolution de la nation, le dernier homme avant les adolescents féminisés.

    La cible était parfaite et peu importe qu'elle ait elle-même préparé le terrain, par de nombreuses mesures «émancipatrices», à ceux qui allaient le renverser. Sa mort, en 1970, était concomitante de la loi qui mettait un terme à la puissance paternelle dans la famille.

    Balzac avait dit que la mort du roi sur la guillotine avait été la mort de tous les pères. L'histoire repassait les plats avec la mort de De Gaulle. Les pères n'étaient plus que des papas, et les papas, que des secondes mères. La famille patriarcale passait sous le règne du matriarcat, dont les hommes s'échappaient, par le corps (explosion du nombre des divorces ou des familles monoparentales) ou par l'esprit. L'égalitarisme révolutionnaire passait partout, entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les parents et les enfants, même entre les différentes sexualités. Il était interdit d'interdire. Tous égaux, tous sujets, tous dotés de droits.

    On n'était plus une famille, avec un père, une mère et des enfants, mais «on faisait famille» avec des individus égaux en droits, aux sexualités diverses. La famille n'est plus le lieu de la transmission, d'un héritage culturel et matériel, mais le lieu de l'épanouissement des individus. C'est là où les nécessités du marché (devenir un consommateur) rejoignent les anciens fantasmes révolutionnaires (détruire la famille bourgeoise). Là où les libéraux s'allient aux libertaires. Là où les mouvements féministes s'allient aux mouvements homosexuels, devenus «gays». Là où les minorités sexuelles s'allient aux minorités ethniques. Avec un ennemi commun: le mâle blanc hétérosexuel occidental.

    Un des slogans de Mai 68 était: tout est politique. Ils ne parlaient pas en l'air. Tout: famille, école, Eglise, parti, syndicat, sexe, nation, toutes les structures hiérarchiques et verticales seraient subverties et renversées. Mises à bas. Toutes les identités seraient remises en cause. Au nom de la liberté, on n'avait que des droits. Au nom de l'égalité, la société n'avait que des devoirs. Au nom du marché, on était un individu roi à qui il était interdit d'interdire. Mais, au nom de l'ancienne vulgate marxiste, nous sommes tous des «damnés de la terre» qui devront faire rendre gorge à notre ancien maître: le père, le prof, le patron, le prêtre, le ministre et, plus largement, l'homme, le blanc, le Français. La majorité est sommée de s'incliner et de se soumettre aux minorités.

    La redécouverte dans les années 1980 de Tocqueville, considéré comme un horrible aristocrate libéral par les révolutionnaires marxistes des années 1960, permettait de retourner l'antique malédiction des démocraties: puisque Tocqueville avait bien vu que le danger était la dictature des majorités sur les minorités, il fallait empêcher par tous les moyens cette tyrannie majoritaire. Au nom des droits de l'homme, on donna donc aux juges le moyen de contenir la moindre contrainte, la moindre «discrimination» de la moindre minorité. La démocratie n'était plus le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, mais le pouvoir du juge, au nom du droit, pour les minorités. Le résultat ne se fit pas attendre: au nom de la nouvelle religion des droits de l'homme, le principe sacré de «non-discrimination» affirmait la tyrannie du juge et des minorités. On appelait cela avec emphase «l'Etat de droit».

    Les anciens révolutionnaires qui avaient retenu de Marx que le droit en général, et les droits de l'homme en particulier, n'était que l'arme de la bourgeoisie pour affermir son pouvoir et contenir les assauts du prolétariat, retournèrent leur veste avec maestria et devinrent les défenseurs les plus forcenés des droits de l'homme. C'était leur nouvelle religion séculière après le communisme. Après la défense du prolétariat, la défense des minorités. Après la lutte contre le capitalisme, la lutte conte le néocolonialisme. Après le communisme, l'antiracisme. Religion dont ils devinrent les nouveaux prêtres. La religion avait changé, mais les bûchers de l'Inquisition étaient allumés par les mêmes. Les fascistes d'avant étaient seulement devenus les racistes d'aujourd'hui.

    La pensée conservatrice affirme depuis longtemps qu'une nation n'est qu'une famille de familles. Il était inéluctable que la désagrégation de l'une entraînât celle de l'autre. Le constructivisme né dans les cerveaux des théoriciens français - Deleuze, Guattari, Foucault - nous revenait auréolé de son passage dans les campus américains des années 1960. Rien n'était naturel, tout était social. Rien n'était biologique, tout était culturel. C'était la victoire absolue de l'existentialisme de Sartre. On ne naît pas femme, on le devient. Ou pas. On ne naît pas homme, on le devient. Ou pas. On ne naît pas français, on le devient. Ou plus.

    Tous les instruments de l'assimilation - prénoms, vêtements, langue, école, histoire, culture, cuisine -, qui avaient permis l'intégration de générations d'immigrés venus de toute l'Europe, étaient rejetés au nom du respect des cultures et du prestige de la «diversité». Là encore, la conjonction très française de la liberté et de l'égalité, du libéralisme mais aussi de l'ancienne vulgate marxiste, faisait des ravages. Libres de suivre et d'imposer sa culture d'origine, sa tradition, sa religion, même si elle vient en contradiction avec la culture dominante de la France ; mais égaux, au nom du scrupuleux respect du principe de «non-discrimination».

    Cette double injonction est destructrice de la nation, qui n'est plus qu'un territoire sans passé où cohabitent des communautés diverses, au nom d'un «vivre-ensemble» oxymorique. Mais c'est bien l'objectif. Daniel Cohn-Bendit disait, bien des années après ses «exploits» de Mai 68: «Le peuple français n'existe pas ; et la notion même de peuple n'existe pas.» Le véritable héritage de Mai 68 est sans doute là, dans cette destruction voulue, pensée, imposée, des individus, des familles, des peuples, des nations. Ce nihilisme anarchisant s'épanouit au nom d'un universalisme totalitaire hérité du marxisme, marié avec le libéralisme de marché et qui n'a plus comme objectif de sacrifier la bourgeoisie sur l'autel du prolétariat, mais les peuples européens sur l'autel du métissage généralisé.

    Mai 68 a gagné depuis longtemps. Les rebelles sont devenus le pouvoir. Un pouvoir qui se prétend toujours rebelle. Et qui traite toujours ses opposants de conservateurs. Alors que les conservateurs, ce sont eux. Mais la révolte gronde. Elle est disparate, éclatée, divisée. C'est le succès de la Manif pour tous, en 2013, contre le mariage homosexuel. C'est le réveil d'un catholicisme identitaire qui a compris le danger de l'islam. Mais c'est aussi, dans les banlieues, un patriarcat islamique souvent virulent, et parfois violent, porté par les «grands frères», qui se vit en opposition avec le féminisme de leur société d'accueil.

    C'est même, sans qu'elles le comprennent elles-mêmes, la montée en puissance d'un néopuritanisme féministe qui, au nom des droits des femmes, remet en cause l'hédonisme libertin des anciens soixante-huitards, qu'ils soient producteurs de cinéma, photographes ou politiques. C'est enfin, à l'est de l'Europe, la coalition de peuples qui entendent bien sauvegarder tout à la fois leur cohérence nationale et leurs racines chrétiennes.

    Toutes ces révoltes ne se valent pas. Elles sont même souvent antinomiques, et même adversaires. Elles sont toutes le produit de la désagrégation des sociétés occidentales depuis Mai 68, de toutes les identités, individuelles, familiales, religieuses, et nationales.

    Sur les ruines de Mai 68, il faudra un jour reconstruire.

    Eric Zemmour (Figaro Vox, 2 mars 2018)

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  • Macron : mettre la France en régie directe par la finance...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Le Vigan, cueilli sur Metamag et consacré au projet politique de Macron. Urbaniste, juriste et écrivain, Pierre le Vigan a publié plusieurs essais, dont dernièrement Soudain la postmodernité (La Barque d'or, 2015).

     

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    Macron : mettre la France en régie directe par la finance

    Macron se prétend promoteur de nouveaux visages. C’est une de ses impostures.

    De nouveaux visages ? À quoi bon ? Pour faire quoi de nouveau ? Si des visages sont nouveaux autour de Macron, c’est que son projet est le suivant : passer à la domination en régie directe de l’oligarchie sur la France. Après un Sarkozy parfois incontrôlable, avec un Hollande trop vite démonétisé, il s’agit de mettre au pouvoir directement les hommes de la caste financière, atlantiste, mondialiste, alignée sur Bruxelles qui dirige en fait réellement le pays depuis 1983. Rien de nouveau, bien au contraire. Le projet Macron ? C’est le projet bobo d’une société toujours plus « cool ». « Il y a une chose pire encore que l’infamie des chaînes, c’est de ne plus en sentir le poids », écrivait Gérard Bauër.

    Emblématique de ces hommes de Macron est Daniel Cohn-Bendit, un vieux de la vieille du libéralisme-libertaire. Un Richard Descoings, si emblématique de l’esprit Macron, n’est malheureusement plus là pour illustrer son idéologie. Parmi les macroniens, on trouve aussi d’anciens gauchistes, ex-trotskistes en général.

    Ce n’est évidemment pas la critique de la marchandise qui les anime, mais leur vieille obsession d’en finir avec les identités de tous les peuples. Entre l’individu et l’humanité, rien ne doit s’interposer, aucune médiation. Pour eux, il y a un peuple en France, au maximum un peuple de France, mais pas un peuple français. En ce sens, ces gauchistes reconvertis sont parfaitement en phase avec les autres libéraux qui soutiennent Macron. Les gauchistes anti-staliniens sont devenus anti-russes : c’est la perspective d’un monde multipolaire qu’ils ne supportent pas.

    À l’élitisme républicain à l’école, ils opposent une école au rabais, dans laquelle, depuis longtemps, la lecture des journaux de la caste médiatique a remplacé les humanités. À l’égalité, ils opposent la diversité, pourvu qu’elle soit réduite à ses signes extérieurs. À la fraternité, ils opposent la lutte contre les discriminations, et même la discrimination positive. Enfin, leur ami, c’est la finance.

    Que Macron soit nul à tant d’égards est une chose, que les macroniens aient un projet précis d’accentuation de la déconstruction de la personnalité même de notre nation, de liquidation de sa souveraineté, de bradage de ses dernières libertés, cela ne fait pas de doute.

    Pierre le Vigan (Metamag, 29 avril 2017)

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  • Zemmour : "Macron, un fils de Madelin et de Cohn-Bendit"...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 21 février 2017 et consacrée à Emmanuel Macron, après ses fracassantes déclarations sur la colonisation de l'Algérie et sur la culture française (ou du moins sur son inexistence !)...

     

                                      

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  • Mais Cohn-Bendit va mourir bientôt...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Yannick Jaffré, cueilli sur Katehon et consacré à Deleuze, Foucault et Derrida, penseurs de la déconstruction et figures de proue de la French Theory, qui a donné une partie de son armature idéologique à la postmodernité. Professeur de philosophie et auteur d'un essai intitulé Vladimir Bonaparte Poutine - Essai sur la naissance des républiques (Perspectives libres, 2014), Yannick Jaffré est responsable du blog, Sévèrement français.

     

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    Misère de la déconstruction : Deleuze, Foucault, Derrida, « french theorists » au service du nihilo-mondialisme américain

    Si les États-Unis ont été le laboratoire social du post-modernisme, des Européens, Français à l'avant-garde, en furent les théoriciens. Comme souvent, les Américains font d'abord, pensent ensuite et, philosophiquement, presque jamais par eux-mêmes. Ainsi la dissolution du patriarcat, l’individualisme économico-juridique, le règne du consumérisme et le relativisme moral ont-ils été expérimentés aux États-Unis avec plus de spontanéité et de radicalité qu’en Europe. Mais la vague post-moderne a dû ses concepts au travail de philosophes français. Sans l'hégémonie américaine combinant puissance matérielle et mimétisme social, hard et soft power, l'anti-monde des quarante dernières années aurait bien sûr été impossible ; mais sans les élaborations, ou élucubrations, menées en Europe par certains penseurs, il n'aurait pas exercé la même séduction intellectuelle.

    Des deux côtés de l'atlantique, cependant, cette hégémonie n'a jamais été complète. L'histoire n'a pas de fin, aucune époque n'est parfaitement synchronique, et toute domination trouve ses contrepoids. Contre le nihilisme post-moderne, le katekhon a bien opéré. - Par l'inertie des traditions culturelles et des structures familiales, par un patriotisme imprégné de religiosité et un populisme qui viennent de porter Trump au pouvoir en Amérique, par un mouvement de réaction contre la « moraline » droit-de-l'hommiste qui doit encore trouver en Europe sa traduction politique. Je suis de ceux qui considèrent que la configuration nihilo-mondialiste est morte, dans l'ordre de l'esprit comme dans celui de la matière. Mais le cadavre poursuit ses destructions, comme un zombie. Il faut donc encore en disperser les restes.

    Il n'est pas utile en revanche d'entrer dans les subtilités, somme toute bien facultatives, de la déconstruction philosophique. La diversité interne de ses courants, réelle, n'est pas essentielle. Toutes ses variantes sont rassemblées sur la même ligne de front par leurs cibles communes : l'enracinement historique, la substantialité philosophique, la décence morale et, au strict plan politique, les nations dans leur identité et les États dans leur souveraineté. Somme toute, la déconstruction croise les deux principales idéologies soixante-huitardes : le post-marxisme et le libertarisme, qui ont rapidement surmonté leur antagonisme initial. La première peut être représentée par Toni Negri dont les « multitudes mondiales », qui succèdent aux classes nationales, ont pour première passion, plus que la lutte anti-capitaliste, de détruire « cette merde d’État-nation » (sic…). Quant à l'autre coulée répandue par mai 68, libertaire et « alterolatre », cosmopolite et « autophobe », elle débouche sur la « gauche morale » immigrationniste. C'est elle que j'aborde ici à travers ses maîtres à penser Deleuze, Foucault et Derrida.

    Les Américains, qui leur ont offert chaires sur chaires, les ont regroupés avec quelques autres sous le label « French Theory ». Cette faveur renseigne sur leur compte. Si elles touchent par endroits à l’éternité des grandes œuvres d’art, les philosophies majeures restent en effet, pour une part décisive, filles de leur temps. Il n’est pas seulement permis, il est nécessaire de les apprécier d’après leurs patries d'élection. Cette « géolocalisation » devient même indispensable quand une philosophie prétend lutter contre ce qui domine son époque. On pourrait sous ce rapport s’amuser de la popularité intellectuelle dont jouissent les déconstructeurs chez ceux qu’aux États-Unis on appelle liberals : occupant l’aile gauche du parti démocrate, progressistes en matière de mœurs, laissant intacts les piliers du libéralisme économique, ils sont, autrement dit, des libéraux-libertaires. Acteurs majeurs du capitalisme post-moderne dans sa superstructure idéologique, et bénéficiaires de son infrastructure économique, ils ont fait des déconstructeurs français leurs serviteurs érudits - semblables à ces esclaves grecs qui, dans l'antiquité, chapitraient la jeunesse romaine décadente. A cette différence près que ceux-ci entretenaient les fondements de l'histoire européenne que ceux-là veulent terminer. Pour parler « années 1970 », ces philosophes ont été les « valets du capital » post-moderne.

    Lus de Berkeley à Columbia, donc, Deleuze, Foucault et Derrida sont les plus célèbres figures de la French theory. Je vais brièvement entourer le foyer commun de leur pensée. Ayant fait litière de la sentence opportuniste d’Heidegger selon laquelle la biographie des penseurs compterait pour rien, je dirai aussi quelques mots de leurs parcours politiques personnels.

    Deleuze forge des concepts puissants, nietzschéens, animés par les forces de l’art et de la vie. Naturaliste, il croit en suivre les croissances dans le « biotope » politique. Ainsi propose-t-il, dans l’Abécédaire qui a tant contribué à populariser sa pensée, la notion de « devenir révolutionnaire ». Une situation devient à ce point insupportable, dit-il, qu’elle cesse dans une explosion de liberté qui déracine les « arbres » - métaphores de tous les ordres oppressifs. Sur cette terre retournée fourmillent alors des « rhizomes » qui désignent dans la botanique deleuzienne d’imprévisibles ramifications libertaires. Car la liberté pousserait là, dans des « flux », entre les « branches », indisciplinée, anarchique, avant que les arbres liberticides reprennent vite et comme fatalement racine. Deleuze constate avec placidité que les révolutions « tournent mal » sans vraiment dire pourquoi, l’oppression lui paraissant devoir « arriver » à la liberté dans une sorte de balancement cosmique.

    On ne peut à l'évidence concevoir avec lui un éventuel rôle positif de l’État, ni la valeur de la substance, au sens stoïcien de ce qui dure, tandis qu’on est happé par des flux « désirants ». Flux dont le potentiel consommateur-destructeur habite l’angle mort de cette pensée. Et c’est sans injustice flagrante que le vocabulaire deleuzien du « nomadisme », de la « déterritorialisation » et donc des « flux », se retrouve aujourd’hui dans la langue du capitalisme financier apatride. Et c'est aussi sans surprise qu'il sert à dissoudre par l'immigration l'identité des peuples et, avec elle, leur souveraineté politique. Deleuze, rétif aux rigueurs de la dialectique hégelienne, méprise les points d’arrêts, de repos et de contrainte, autrement dit les institutions indispensables à la liberté collective. Il renvoie ainsi les moments négatifs politiquement nécessaires – coercition, institution, autorité - aux « passions tristes » spinozistes, aux « forces faibles » nietzschéennes, autrement dit aux pathologies de la soumission. Et sa pensée offre l'aspect d’une sorte d'anarcho-naturalisme artiste qui, par constitution, supporte très mal l'épreuve historique. Ne comprenant l'histoire européenne qu'à travers ses grandes œuvres culturelles, il l'ignore superbement comme destin civilisationnel. Pour ceux qui font de ce destin leur combat, Deleuze n'offre que des armes piégées.

    Quant à son parcours personnel, on peut y reconnaître une certaine fidélité et une probité stoïcienne. Il a certes cultivé le fétichisme des marges dans le joyeux (?) désordre de l'université de Vincennes, esquivé ensuite les questions embarrassantes sur les conséquences sociales et existentielles du gauchisme, refusé, en somme, de regarder en face le soleil noir de Mai. Mais après avoir embrassé la veine vitaliste de 68, sans jamais y revenir, il n’a jamais personnellement couru après les bénéfices, narcissiques ou matériels, de l’avant-garde.

    On lit chez Foucault une prose théorique parfois étincelante, ainsi dans les inoubliables ouvertures de ses deux œuvres maîtresses, Surveiller et punir et Les mots et les choses. On y apprend aussi beaucoup car un corpus de faits - historiques, scientifiques et esthétiques -, donne à chaque proposition essentielle un appui probatoire. Mais en dépit d’une telle volonté positiviste, le concept foucaldien de pouvoir glisse entre les doigts comme l’eau de Thalès : élément  universel imprégnant toute chose, il serait à ce point répandu dans les institutions, les discours et les pratiques quotidiennes, qu’il en devient impensable. Avec cette conséquence logique qu’on ne peut échapper à un pouvoir partout oppresseur qu’en se projetant le long de lignes de fuite extraordinaires. Cédant comme Deleuze à l’idolâtrie des marges cultivée par son époque, Foucault réserve ainsi l’expérience de la liberté aux déments, aux criminels, aux parricides, aux transsexuels. Dès lors en effet que l’État (et toutes les institutions qui en émanent) ne serait qu’un pur agent d’oppression, n’importe quoi, à la lettre - du maoïsme aux droits de l’homme en passant par la révolution iranienne -, devient contre lui une ressource envisageable. Ayant bien saisi pourtant le passage des sociétés hiérarchisées « verticales » aux sociétés de contrôle « horizontales », Foucault, tout à sa répugnance pour l’État, n’imagine pas de le mobiliser contre les nouvelles dominations. Quant aux « subjectivations » individuelles dont il entreprend l’histoire originale depuis les Grecs, éprouvant chez eux, sans qu’œuvre ici le hasard, une dilection particulière pour les cyniques, elles se logent aujourd’hui à merveille dans le nouveau capitalisme de consommation. Celui-ci absorbe tous les modes de vie alternatifs dès lors qu'ils ne touchent pas, à travers une pensée rigoureuse et substantielle, au cœur de son réacteur. Il accumule les bénéfices de sa propre critique en y employant une armée de serviteurs « impertinents » (dont la « rebellocratie  » du spectacle, selon l'expression de Philippe Murray, occupe au bout de la laisse la tête la plus avancée).

    Honnies par le penseur, les institutions de la république ne furent pas si mauvaises mères pour l’universitaire. Il y menait jusqu’en 68 une belle carrière sans vagues, qu’il poursuivit ensuite au Collège de France. Il devient peu après Mai un « compagnon de route » des maoïstes spécialisé dans la question carcérale, avant d’abonder intellectuellement la Révolution islamique iranienne en même temps que, sans solution de continuité, les « nouveaux philosophes » (Deleuze, lui, avait eut le bon goût de les tenir sur-le-champ dans le mépris qui leur revient). Il achève avec eux sa trajectoire en rejoignant le droit-de-l’hommisme4 qui, envahissant le champ politique à partir de la fin des années 70, va former avec l’hédonisme le couple infernal des deux décennies suivantes. Les choses s’aggravent encore post-mortem puisque le principal légataire éditorial de Foucault, François Ewald, allait conseiller, en plus de la Fédération française des sociétés d’assurance, Denis Kessler l’ex-maoïste dirigeant du Medef. Je crois qu’il n’est plus à craindre qu’un jour contre son ambiance apparente, mais conformément à ses lames de fond, le foucaldisme devienne un libéralisme. C'est fait. De son vivant, Foucault avait adopté les uns après les autres les états de la critique institutionnelle, majoritaire, permise et sans risque. A telle enseigne qu’on peut soupçonner son positivisme revendiqué, qui devrait a priori loger sa déontologie dans le respect des faits, d’avoir abrité une sourde servilité au Fait hégémonique s’insinuant, honteuse ou inconsciente d’elle-même, sous la flamboyance des concepts et des poses. 

    Derrida, enfin. Il livre quelques puissants textes à l’époque de L’écriture et la différence (1967) avant de se fortifier dans l’idée qu’entre le concept et la métaphore, la philosophie et la littérature, les frontières devaient s’effacer au profit de la notion d’« écriture » - qui ne peut chez lui, lecture faite, être confondue avec le style. Se plaçant dans le sillage de Heidegger, Derrida entend « dé(cons)truire » l’équation fondamentale du projet philosophique grec : la saisie de l’être des choses par la pensée rationnelle. S’il n’y a pas lieu de soustraire ce projet à la critique, qui est un de ses gestes essentiels, elle n’en épuise sans doute pas toutes les virtualités. On pourrait au risque de passer pour un humble naïf s’attarder un instant, quels dégoût, mélancolie ou consternation que nous inspire le devenir de l’Occident contemporain, sur les plus hautes réalisations du Logos. Il serait donc pour Derrida à déconstruire d’urgence ou, plus subtilement, il connaîtrait une déconstruction interne que la pensée devrait recueillir. Mais alors que Heidegger entendait pour ce faire une Voix « gréco-allemande » plus ancienne que les calculs de la rationalité technicienne, Derrida reçoit son inspiration là, près de lui-même, dans la lettre hébraïque. Et il fait glisser, après Lévinas et tant d'autres intellectuels juifs, la philosophie d’Athènes à Jérusalem. Elle s'y perd sans retour. Dès lors que le monde est supposé échapper au logos qui s’efforce de l’éclairer, qu’il se renferme désormais dans une écriture indéfiniment déchiffrable, on prend en effet le chemin du désert théologique.

    Derrida, adoptant assez naturellement le ton de l’Ecclésiaste rabaissant les vains édifices humains, renvoie ainsi les grandes philosophies à leurs impensés, leur logique consciente à ce qu’elle refoule, leurs intentions rationnelles à une lettre qui, « disséminante » et « différante », les déborde parce que l’infini travaille en elle6. Il passe au rouleau compresseur kabbalistique les distinctions sur lesquelles repose la pensée occidentale (cause et effet, substance et accident, sujet et objet, etc.) avec un acharnement formel qui exprime une sorte de haine froide. Dans une telle atmosphère de confusion, on marche à rebours de l’esprit du logos avec ses déterminations habitables. Rien ici ne paraît pouvoir subsister, durer, s’établir ou s’affirmer sinon, peut-être, la figure du philosophe prophète qui semble posséder, lui et lui seul, la consistance du particulier et le magistère de l’universel. Il juge en effet sans bienveillance, en brandissant une Loi aussi absolue que retirée du commun, les œuvres politiques, les cultures et les mondes particuliers des peuples (moins Israël...) qui veulent être quelqu’un dans l’histoire. Restent alors, pour tout solde, un empêchement de pensée et une théologie judaïque de contrebande.

    Quand Deleuze s’installe avec ses concepts vivants dans une affirmation sans dialectique, Derrida administre au sens une correction infinie qui, n’affirmant jamais que l’imperfection du monde, porte en chaire un maître de l’obscurité. On passe donc, d’un French theorist à l’autre, du refus libertaire de la dialectique à son engloutissement dans les eaux glacées d’une théocratie négative. Pour un résultat somme toute équivalent : partageant les mêmes hostilités - métaphysique contre la substance, politique contre la nation-, ils ligotent la philosophie au cosmopolitisme des droits de l'homme.

    Derrida s’est montré publiquement plus discret que Foucault. Jouissant dans l’université française d’une marginalité confortable, il empile les chaires américaines, soutient les dissidents tchèques, rentre en 1995 au comité de soutien à Lionel Jospin, duquel il s’éloigne en 2002 parce qu’il juge sa politique d’immigration impitoyable... Il accomplit en définitive le parcours sans faute d’une grande conscience de gauche pétitionnaire – Antigone séfarade d’amphithéâtre contre les méchants Créon d’État - qui ne se risque sur le champ de bataille qu'abrité sous le Paraclet du droit naturel cosmopolitique.

    A moins de croire à la stratégie du cheval de Troie, douteuse en général, il faut bien se rendre à l’évidence : ces pensées sont à tel point aspirées par les pôles du monde capitaliste « post-moderne », qui mêle hédonisme et juridisme, qu’elles sont impropres à en combattre les toxines. Pire, elles les répandent. Émasculant intellectuellement la capacité politique des peuples, la déconstruction méprise l’État et la Nation - l’acteur du pouvoir et sa source légitime – au profit de résistances introuvables. Par la Nature chez Deleuze, par les Faits avec Foucault, par la Loi aux termes de Derrida, on finit par perdre la mesure dans les choses, l’autorité des faits vacille et l’esprit des lois devient impensable. En pourchassant avec les gauchistes sa configuration patriarcale, nationale et industrielle, ils ont prêté leurs amples pensées à l’ennemi capitaliste qui, disais-je, passait avec eux au stade puéril, mondial et consumériste. A travers leurs cas particuliers le magistère de 68 est en cause, avec son « héritage impossible ».

    Les French theorists déconstruisent, critiquent ou subvertissent les catégories de la tradition philosophique occidentale. Mais le poids des choses contrarie sans cesse leur prétention avant-gardiste de dépasser par la pensée ce qui, dans cette tradition, abrite les conditions d’un monde habitable. Même quand ils l’abordent plus humblement, la logique même de leur pensée leur fait maltraiter l’histoire. « Post-modernes », ils ne cherchent dans leur époque, et donc n’y trouvent, que des dates de péremption, frissonnant de plaisir à chaque acte de décès qu’ils croient pouvoir prononcer. En réalité, complaisamment postés partout où le « vieux monde » est déjà mort, ils ne conjurent que des menaces révolues en s'aveuglant avec métier sur les dangers présents.

    Qu’on me comprenne bien : je ne pointe pas ici le retard sur le Temps des intellectuels en question. Non, je suis tout au contraire frappé par leur collusion avec le capitalisme dont ils semblent instruire la critique. S’ils étaient « inactuels » ou « intempestifs », ils joueraient du marteau nietzschéen. S’ils surmontaient leur époque, ils suivraient le totem des philosophes selon Hegel, « chouettes de Minerve prenant leur envol au crépuscule ». Bref, s’ils pensaient leur époque en s’écartant d’elle, pour la subvertir, la surmonter ou la dépasser, ils rempliraient le rôle moderne auquel ils prétendent. Mais, épousant la trajectoire du 68 des élites, ils sont passés d’une révolution libertaire parlant marxiste au « droit de l’hommisme » antiraciste millésimé « années 80 ». Via, donc, les universités américaines. Mais ils subissent aujourd'hui, le temps de leur splendeur passé, le retour d'une logique implacable : à force d’ignorer les permanences au fond des choses pour se précipiter à l’avant-garde de la critique de la domination, on est irrémédiablement condamné à épouser les formes que la domination prescrit à sa critique.

    C'est au fond le vieux Jacques Duclos qui avait raison. Dans un opuscule paru dès l'été 19688, le dirigeant stalinien mettait en garde contre les descendants de Bakounine jetant des pierres au quartier latin. Ces gauchistes, avertissait-il, propagent un désastreux « amorphisme » révolutionnaire : leur haine des formes, des mœurs et des institutions, les condamne à définir la liberté comme une pure négation ou, ce qui revient au même, comme un pur plastique. « Détruire c’est créer » disait ainsi Bakounine, l’éternel adolescent.

    Aux aurores de la modernité, Descartes avait pressenti les audaces terribles qui s’ouvraient devant la volonté infinie, illimitée et prométhéenne à laquelle la science nouvelle faisait découvrir sa puissance. Puissance qui pourrait s’exercer non seulement contre une tradition intellectuelle imparfaite mais aussi, et c’était la crainte de Descartes, contre tous les ordres moraux et politiques. Ainsi ne cesse-t-il dans le Discours de la méthode de mettre en garde contre une extension « démocratique » du doute radical qu’il pratique dans le domaine de la connaissance pure. De la grandeur inquiète de ces commencements, nous sommes passés au gauchisme de consommation « post-soixante-huitard ». S’il recule dans le passé, il continue d’irradier notre présent comme une strate géologique recouverte mais encore active.
    Depuis quarante ans, la liberté moderne échoue ainsi sur une plage artificielle qui, après 68, a recouvert les durs, les vertueux pavés « gaullo-communistes ».

    Un haïssable petit « moi » s'y agite, formant des pâtés capricieux, qui exige, revenu à la maison, de consommer sans ranger sa chambre. Bientôt père en rollers chantonnant Vincent Delerm, il n’hésite pas à porter des dreads-locks qui, bien acceptées dans son « job », aggravent son cas devant l’Éternel juge de tous les styles. Il prend avec l’âge l'aspect d’un vieux poupon arrogant et vagissant, réclamant l'air méchant de jouir encore et encore, et qui, gênant, tout le monde, ressemble trait pour trait à Dany Cohn-Bendit... Mais Cohn-Bendit va mourir bientôt, son monde est en phase terminale, et la déconstruction restera dans l'histoire de la pensée européenne comme le symptôme d'une dépression passagère. Le réalisme politique, la décence éthique et la consistance philosophique ont commencé leur insurrection. Mais c'est une autre histoire. Elle s'ouvre devant nous.

    Yannick Jaffré (Katehon, 24 janvier 2017)

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    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel et dans laquelle il évoque l'annonce par François Hollande de sa renonciation à une candidature à l'élection présidentielle ...

    Auteur de La confession négative (Gallimard, 2009) et de Tuer (Léo Scheer, 2015), Richard Millet vient de publier aux éditions Léo Scheer un roman intitulé Province.

     

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    Pendant que Hollande annonçait qu’il ne se présenterait pas à la prochaine élection présidentielle, avec la mine d’un concierge venu expliquer que la fête ne pouvait continuer à cause d’une panne générale d’électricité, non sans vanter toutefois le bilan globalement positif de la fête, regrettant même d’avoir proposé la déchéance de nationalité (la seule loi qui n’eût pas été indigne de la notion même de nationalité), me dirait une amie comme moi convaincue que la démocratie est un supermarché de farces et attrapes à l’usage de peuples aliénés, j’écoutais, sur un banc de la station de RER, à Vincennes, deux femmes se prendre le bec à propos de ce qui venait d’arriver à l’une d’elles, récemment attaquée, un soir, dans une rue de la ville.

    « Ouais, tu as payé trois jeunes Blacks pour faire genre que tu as été agressée et obtenir un arrêt-maladie d’une semaine », ironisait la première, à l’allure de bobo sur le retour. « C’étaient bien des Noirs, pourtant. J’ai deviné que je serais attaquée quand j’ai aperçu deux mecs encapuchonnés, debout près de l’immeuble. Le troisième, je ne l’ai pas entendu surgir dans mon dos. Il m’a plaquée par terre, pendant que les autres me frappaient pour me faire lâcher mon sac ». « Comment tu sais que c’étaient des Blacks ? » « J’ai senti cette odeur de sueur ». « T’es dingue ! Comment tu parles, là ! Comme une raciste… ». « Je te dis juste ce qui s’est passé, pauvre conne ! et pas ce que tu voudrais qui ne se soit pas passé », a encore dit la victime dont le visage portait en effet ces traces de coups si particulières aux femmes battues. Pour un peu, elle l’eût giflée, et elle eût bien fait. Elle s’est contentée de se lever et de gagner l’autre extrémité du quai, laissant la boboïque indignée à d’évidents problèmes de constipation et de frustration idéologico-sexuelle.

    Je ne m’en suis bien sûr pas mêlé ; mais cet échange en dit long sur l’état de la France, ravagée par quatre années de pouvoir socialiste et des lustres de renoncement à nommer le mal tel qu’il est. C’est pourtant le devoir du pouvoir politique que de le désigner et de le combattre. Hollande, comme ses prédécesseurs, a fait tout le contraire, quoique davantage : nul n’est allé plus loin dans le déni, le mensonge, l’inversion, et, bien entendu, dans la parodie.

    J’ai fini par voir son intervention télévisée. Cohn-Bendit a cru indispensable de faire savoir que le président est entré dans l’Histoire par cet acte d’humilité. Pour un peu il l’eût comparé à Benoît XVI renonçant au trône de saint Pierre… Je dirai plutôt que la décision de Hollande était le premier acte authentique de son règne, bien qu’il eût l’air de n’être déjà plus là, ou même de n’avoir jamais été là. Quant à la presse française, en prostituée chevronnée, elle a fait semblant d’avoir un de ces orgasmes par lesquels elle abuse les gogos, seuls les imbéciles pouvant s’étonner de la décision présidentielle.

    Le lendemain, Hollande s’est envolé pour Abou Dhabi, ce paradis démocratique où Jean Nouvel (dont la tête de gourou est remarquable) achève la construction d’une succursale du Louvre, qui complètera la « Paris-Sorbonne Abou Dhabi » ― des produits dérivés, des simulacres, la marque comptant plus que la fonction originale : le Culturel, et non plus la Culture. Car qui peut penser que les Arabes du Golfe s’intéressent à la culture française, et qu’il soit possible d’enseigner librement dans cette Sorbonne franchisée comme d’exposer ce que l’on veut dans cette déclinaison du Louvre ?

    Pour moi qui suis hanté par la concomitance des signes, je crois surtout que Hollande attendait que Castro mourût pour se mettre enfin en survêtement : le costume lui va si mal... Il avait rendu visite à Castro tout en clamant qu’il fallait qu’Assad quitte le pouvoir ; nul ne s’en est indigné, tant la castromania est encore vivace, chez les bobos… Ce sera donc en survêtement, qu’il assistera, bientôt, espérons-le, à la victoire des troupes légitimes d’Assad sur les islamo-rebelles de Syrie.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 4 décembre 2016)

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